Make me behave like an animal[petit cw pour harcèlement scolaire]Il y a des instincts qui ne devraient pas être suivi,
les pulsions belliqueuses et le goût pour le sang,
la tentation innée de briser
et celle de procréer.
Le bébé n’est pas arrivé tout seul, suivi de près par le spectre du désenchantement. Et on a beau lui dire, cela passera,
ça ne passe pas.
Andréa doit attendre d’avoir cinq ans pour que l’ombre de la chambre sorte de sa chrysalide,
ses longs cheveux emmêlés soigneusement coiffés en un chignon serré, sa bouche pâle laquée du plus joli carmin et sa forme débarrassée de sa parure fantomatique, tenue plus droite qu’il ne l’a jamais vue par les fronces de son tailleur.
Sous suggestion du psychologue, elle retourne au travail,
essuie l’échec de la maternité et recommence à sourire.
Mais son expression tourne systématiquement,
en le voyant sur le pas de la porte.
—
Le parcours est simple,
boulot, grand-parents, et quand papa ne veut pas s’éterniser chez eux, resto,
où il mange assis sur ses genoux, dans la même assiette,
une bouchée pour papa, une pour Andréa,
avant de retourner à la maison,
et ce jusqu'à ce que ses premières plumes commencent à sortir de son duvet, juste assez grand pour qu’à l’aide des instructions diligemment notée par sa grand-mère, il puisse faire en sorte que son pauvre père n’ait qu’à s’asseoir à table en rentrant de la station d’épuration.
—
Elle ne le regarde pas, mais ce n’est pas grave,
du coin de l’œil, il l’observe,
l’imite dans le miroir,
gravant le modèle de la réussite dans sa petite tête.
—
C’est stupide, il s’y attendait,
mais à la cérémonie d’entrée, son absence se fait sentir.
Son père ne sourit pas, mais hoche imperceptiblement du menton en rencontrant son regard, les mains croisées dans le dos,
même de là où il se tient, il voit ses yeux s’embuer,
et pas juste à cause du retour de l’arrêt resto.
Il ne sait pas, des deux,
lequel le force à se mordre l’intérieur de la joue pour empêcher le raz-de-marée.
—
La table est mise pour trois
(l’assiette de maman finira emballée
pour quand elle décidera d’arrêter de dormir au travail)
le silence est brisé par devoir paternel, remplir un quota, parce qu’il n’a jamais été doué avec ça,
une charade qu’ils répètent depuis son admission à l’académie.
Son père demandera comment se passe les cours,
et il lui assurera que tout va pour le mieux,
comme s’il ne pouvait pas l’entendre chaque dimanche soir, agenouillé devant les toilettes,
l’anxiété tordant son estomac à l’idée d’y retourner.
Mais ils n’en diront rien.
—
Il tire tire tire
et ose avoir l’air étonné lorsque la corde
romptle long cou se tord en volte-face et le bec acéré transperce l’épiderme à son plus tendre.
Dans le bureau du directeur, la sentence se balance trop près de sa nuque exposée en offrande,
adolescence à fleur de peau ou non, s’abandonner à ses bas instincts n’est pas digne d’un milicien,
(car arracher ses camarades de leur lit en pleine nuit,
les menacer,
les humilier,
ça n’a rien d’instinctif,
alors tout est pardonné)
La mort fait pâle figure à côté de la menace de l’expulsion,
mais ses résultats sont bons, excellents même,
il serait dommage de jeter une si jolie pierre avant d’avoir fini de la polir
surtout pas pour quelques points de suture.
Alors il n’a qu’à dire les mots magiques, sans courber l’échine,
yeux dans les yeux du loup pelotonné dans sa peau d’agneau,
pansement épais là où le bec a fait saigner.
Je
(c’est lui)
te
(qui)
demande
(devrait)
pardon.
(s’excuser)
Quelque part au fond de lui, au-delà de l’injustice qui bouillonne furieusement,
une pensée effrayante naît
Un jour je me repaîtrais de tes viscères.—
La réussite porte un beau tailleur naturellement chic
et des hauts talons qui remplacent discrètement les trainers misent pour se rendre au bureau.
Alors, quand il se regarde dans le miroir, dans son bel uniforme de Milicien,
la dissonance l’empêche de savourer pleinement le fruit de ses efforts.
—
En une question, toutes ses relations futures seront sabotées.
Vexée et excédée, elle sort toute seule,
charrie des souvenirs encore trop frais, diplôme tout juste empoché,
le loup à ses côtés, cicatrice blanche devenue presque invisible cachée sous le col de son uniforme.
Heureusement que l’on t’a bien endurcis,
car Matkovic n’aurait jamais accepté une
lopette dans ses rangs.
(tu es sûr de ne pas en être une,
Andréa ?)
—
Tu la fermes, c’est comme ça et pas autrement,
respecte tes aînés et baisse les yeux.
Encore et encore la même rengaine, Andréa et ses beaux résultats incapable de réussir ce test-là.
Ça aussi, c’est censé renforcer l’esprit d’équipe ?
Se couvrir mutuellement,
se rendre complice,
et faire semblant de s’étonner quand les fuyards vont récidiver ?
Funeste présage dans ses vêtements noirs,
il n’en peut plus de dessiner des cercles au-dessus de la mort.
Pour ne pas sombrer comme sa mère il y a des années,
face aux victimes des ces crimes qui auraient dû être évité,
il pousse la porte du cabinet.
—
Sa droiture le force à couper court à la conversation,
la fait rire aux éclats, serre son cœur,
(quand est-ce que le rire a commencé à lui faire peur ?)
il n’a pas changé d’un poil,
C’est bien le même Andréa, même sous ce nouveau plumage,
qui n'est pas sans lui plaire.
—
Elle l’embrasse un peu de travers,
pas besoin de plus pour lui faire oublier le fiasco de ses dernières relations,
et le cocktail à demi renversé sur ses genoux.
(le mot ne flotte pourtant pas si loin)
—
Les crocs s’enfoncent dans l’épais tissus de son uniforme,
percent la barrière de la peau,
s'enfoncent profondément dans sa chaire
jusqu’à toucher l’os.
Et pourtant, il ne flanche pas, Andréa,
son emprise plus vicieuse qu’un anaconda.
Pas d’échappatoire,
pas cette fois.
On l’en félicite,
mais les reproches de la douleur lancinante sonnent plus fort,
même lorsqu’elle s’en ira, la maladresse de sa clé-de-bras restera imprimée là.
—
Plutôt que de s’endurcir, son cœur ne fait que s’attendrir,
s’entiche toujours trop vite, mauvais remède au mal qui le ronge,
en carence d’amour, il lui demande du bout des lèvres,
si elle avait déjà songé à se marier.
Pourquoi ne pas essayer ?
Il n’est pas son père,
ni sa mère
(quoi qu’il fasse)
—
Il faut que toutes ses affaires aient disparues
(car elle attend patiemment qu’il soit à la tour Gémeau pour emporter, un à un, ce qui lui appartient,
ses vêtements,
sa brosse à dent,
ses petites tasses à cappuccino colorées,
le fauteuil flambant neuf,
même si c’est avec son argent qu’elle se l’est payé)
(comme un cambrioleur ayant le culot de revenir sur les lieux du crimes)
pour que l’information soit entièrement digérée, le percutant en observant distraitement la façon dont la lumière se reflète dans le tube de rouge à lèvre qu’elle a oublié
(abandonné)—
C’est annoncé à un repas de famille
comme l’entrée à l’académie, le diplôme et le mariage,
factuellement en passant le poisson à sa cousine.
Elle
s’ennuyait avec lui, alors c’est terminé.
(du Andréa tout craché)
Son rapport omet la déception dans sa voix,
annonçant que le détective qu’elle avait embauché n’avait rien trouvé à se mettre sous la dent pour l’aider à se justifier,
à ne pas endosser le rôle de la méchante,
pas de tromperie, pas même un petit pot-de-vin,
c’est pourtant pas ce qui manque chez ses collègues, avait-t-elle vicieusement souligné,
et il ne pouvait même pas la blâmer.
(sa réponse, pathétique couinement prétendant être son nom,
est elle aussi mise sous silence)
—
Quelque chose doit changer,
dedans, dehors,
il est fatigué de tout accepter, de se plier,
de ravaler.
Cette claque doit le changer,
sinon, elle ne sera qu'un énième échec à
essuyer.
Sous conseil du psychologue,
il redouble d’effort.
—
Son père lui tend un sac en papier sur le pas de la porte.
(le message codé derrière l’invitation à venir manger compris sans être soulevé)(les chats ne font pas de chiens)
De ta mère, est la réponse à la question silencieuse soulevée par son coup d'œil fugace au cabas.
Vraiment ?
Vraiment.
Le vieil homme passe sa main libérée dans le peu de cheveux qui lui reste, pourtant encore bien sombre. Ça ne lui réussit pas de jouer au pigeon voyageur et il ne sait pas où poser son regard pendant que son fils entrouvre le cabas; finit par s’intéresser à l’areca dans l’entrée dont il inspecte les feuilles verdoyantes.
Le chiffonnement du papier couvre le grésillement de l’aiguille sur la platine, l’album terminé un instant avant son arrivée.
Même quand Andréa soulève précautionneusement le couvercle du carton, ses yeux ne quittent pas la plante, par pudeur,
par respect.
Pour ta promotion, c’est ce qu’elle a dit.
(un message, mais pas de carte)
La pulpe de ses doigts effleurent le velours noir,
lui rappelle celui des siens, qu’il se contentait d’observer dans l’armoire à l’entrée, trop sage pour jouer avec ses affaires,
avec une infinie délicatesse, il en extirpe un, le tourne pour vérifier le numéro estampillé à l’intérieur.
Sa pointure.
- tl;dr / chrono:
2059: Naissance. Sa mère tombe en dépression post-partum et n’en ressort qu’en se focalisant sur sa carrière de bureaucrate. Son père, employé à la station d’épuration des eaux, n’est pas mauvais, mais émotionnellement constipé.
2073: Entrée à l’académie où il sera harcelé par une poignée de ses camarades à cause de sa carrure et de ses manières. Poussé à bout, il blesse un de ses camarades et n’évitera l’expulsion que grâce à ses résultats prometteurs.
2079: Obtention de son diplôme. Il entre aussitôt dans la Milice en tant que soldat et consacre la plupart de son temps à sa carrière qui le fait désenchanter de jour en jour. Ses rares aventures amoureuses se soldent systématiquement en échec.
2091: Rencontre de sa future femme, ancienne étudiante de l’académie ayant été recalée. Ils se marient et emménagent ensemble à Lunapolis dans l’année.
2096: Séparation subite avec sa compagne. Le choc combiné au passage du flambeau d’Hazgar à Manon le pousse hors de l’inertie.
2097: Promotion au rang de capitaine.