lost memoriesRubans roses et mèches de bronze, splendide est la poupée Maxine du haut de ses quelques années, bambin rose aux sourires immuables, rires de bonheur. S’envole une seconde dans les bras du père, baiser d’une mère. Le trésor d’une vie, l’enfant trop aimé, trop choyé ; et ça lui allait.
Maxine a les souvenirs bien ancrés, à jamais gravés. Se souvient des tendres caresses sur le front, des histoires pour l’endormir quand elle, princesse du palais quémandait une autre poupée. Grande pièce dorée aux tissus tout brodés.
Et Maxine tire la langue au mur sale du présent, au plafond qui tombe en lambeau et aux rideaux qui n’ont jamais croisé une couturière de leur triste vie. La lumière filtre, triste et morbide dans l’appartement d’une pièce. Un regard pour la poupée imaginaire qu’elle rêverait voir encore au coin de la pièce. Sur l’étagère qui n’est plus une étagère ; la douce couette de plume remplacée par une couverture trop rêche.
Plus rien de doré, plus rien de rose ; plus de jolis rubans à faire voler au vent. Pas même une gemme déposer au creux du cou ; elle a déjà tout vendu et s’en ait maudit la nuit venue.
Mais sans argent, pas de logement.
Alors elle ferme les yeux Maxine, ferme les yeux et s’imagine 5 ans en arrière,
avant qu’on ne lui prenne sa vie.
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Elle ne se souvient pas de sa voix, Maxine ; pense le pouvoir dans ses cauchemars les plus nets. Un timbre froid, rocailleux ; la langue sournoise d’un serpent et les cornes du diable. Elle s’imagine mille hommes, mille visages. Déformés par la noirceur, l’âme grouillante d’asticots. S’imagine un spectre sans sourire, aux yeux noirs enfoncés pour mieux scruter ; un démon venu tout droit du fond de ses pensées.
Maxine a un monstre sous son lit, Maxine n’en connait ni le nom, ni la forme.
Mais Maxine le maudit de tout son être.
Elle n’a que les flous souvenirs de ses parents en parlant avec ravissement.
Le sauveur, le meurtrier.
Elle rêve Maxine, rêve de sombres nuits où lame à la main elle frapperait encore et encore
Encore encore encore
Le cœur de celui qui remplit ses nuits.
Un jour apparu comme un éclat de lune, beau et souriant (c’est ce qu’on dit ses parents), charmant et compétent (ce qu’on dit ses parents).
Un peu d’argent promis il en fera bon usage, un conseil pour eux, AH les Dupuy feraient mieux de l’écouter car Monsieur sait y faire et Monsieur brille comme un soleil d’été leur accordant sa bonté. Et l’entreprise s’en portera mieux c’est une promesse croix de bois croix de fer si je mens,
j’irai en enfer.
Mais Maxine ne croit pas à l’enfer, Maxine croit en la vengeance.
En sa propre existence.
Car elle n’a pas de beaux rêves chevaleresques, pas d’amour à chercher. Elle veut reprendre ce qu’on lui a pris, rafistoler cet héritage écroulé et remettre les éléments à leur place ;
la couronne sur sa tête et le glaive à sa main.
Une tête à ses pieds, celui qui a cru régner.
Elle se demande souvent Maxine, de quoi sera faite la suite ;
Après l’orage, le carnage.
Après avoir égorger ses ennemis et écraser ses peines. Sécher ses larmes et dormir en paix, loin des cauchemars récurant des corps pendus au plafond ; murmurant au vent leur propre chanson.
Et après ? Maxine n’est pas sûre d’exister encore sans vengeance, Maxine ne se sent pas capable de rester Maxine quand tout sera finit.
Mais ça tombe bien,
elle ne fait que commencer.
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Maxine dans sa combinaison de travail grisâtre à peine confortable se demande où sont passées ses belles robes, ses jolis collants. Enfile des gros gants tachés, bien loin de la douceur satinée du bal d’été. Soupir résigné quand l’usine ouvre ses portes, quand il faut travailler pour payer le loyer.
Economiser,
et leur faire payer.
Bientôt chante son cœur,
bientôt scandent ses os.
Elle a une liste Maxine, répétée maintes fois la nuit tombée, quand le sommeil la fuit en pensant aux morts et que les voisins hurlent si fort qu’elle se demande si les murs de l’appartement ne sont pas le fruit de son imagination.
Une liste, des numéros. Attendant leur tour avec patience et colère. Se frayant violement un chemin dans les pensées de la jeune fille lorsque parfois, elle se demande bien ce qu’elle attend encore.
1- Racheter le manoir familial.
Car elle s’en va les voir parfois, le beau jardin parfaitement taillé, les allées et les blancs pavés ; une autre petite fille joue sur la balançoire. Sur
sa balançoire. Sont lit, ses cachettes secrètes.
Ses rires, sa vie.
Le manoir qu’elle connait dans les moindres recoins ; moindre odeur, moindre défaut. Les yeux fermés elle l’imagine encore ; les dérapages devant le bureau de son père, dévorer le chocolat quand sa mère ne regarde pas.
Bientôt, bientôt.
2- Retrouver les plus grands bijoux Dupuy.
Maxine s’arracherait les cheveux pour avoir naïvement vendu les dernières créations. Avoir pensé s’en sortir avec quelques billets de plus. Maudit ses parents pour avoir pensé régler leurs dettes en se séparant de leur héritage. Les plus belles parures de tout Haklyone ; des colliers de perles aux boucles corail.
Un gâchis que Maxine est prête à réparer.
Mais encore faut-il les retrouver.
Comme cette belle parure aperçue au cou d’une vielle dame au détour d’un chemin. Perdu de vu quelques secondes plus tard.
Mais Maxine sait, Maxine reconnaitrait la patte de son père au premier coup d’œil. Tant d’heures passées à l’observer, questionner comme un enfant questionnerait. Pourquoi pourquoi pourquoi.
Parce que parce que parce que.
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Vielle photo pressée contre le cœur, Maxine prie, prie prie sans jamais s’arrêter. Par pour les âmes (ah qu’elles aillent se faire foutre !) mais pour ses parents, où qu’ils soient. Prie pour les souvenirs, prie pour elle-même. Genoux à terre au creux de la crypte Aragonite. Deux nouveaux baisers sur le papier glacé, un pour sa mère, un pour son père.
Elle se souvient, car elle se souvient toujours. Les pleurs face aux dizaines de lettres, le montant des dettes ; le père qui rassure car les Dupuy s’en sortent toujours.
Toujours.Le regard vide quand finalement il n’y a plus rien à faire, l’entreprise n’existe plus, il n’y a plus rien à recoller, plus rien à reconstruire.
Juste dépérir.
La perquisition du manoir familial. Adieu jolie chambre, adieu belle vie.
Les incessantes quintes de toux et les yeux ternes, un peu de désespoir pour achever le tout ; Madame Dupuy ne s’en sortira pas, Monsieur Dupuy ne le supporta pas ; pieds ballotant au vent tel un mort-vivant.
Quelques marguerites sur le caveau familial, Maxine n’a pas l’argent pour faire plus. Mais Maxine leur promet silencieusement que plus tard, elle les couvrira d’inscription dorées, d’un jardin à admirer.
Bientôt, bientôt.
Et quand le soir arrive, quand elle rentre dans son appartement miteux, Maxine n’est jamais seule.
A répéter sa liste comme un mantra, une formule magique.
Car elle a quelqu’un dans ses rêves, quelqu’un dans ses plus splendides cauchemars.
Bientôt, bientôt.
Il n’a pas de nom, pas de visage. Pas de voix, pas de sourire.
Mais quand elle l’imagine,
c’est pour le retrouver écraser sous ses pieds.
3- Le faire souffrir autant qu’elle a souffert.
Résumé :- Parents (Eddy et Selma) propriétaires de la plus grande bijouterie de luxe de l’île, ils sont sur le marché depuis bien des générations (côté père) avec les « Bijouteries Dupuy ».
- Suit la Maison de son père à 14 ans et choisi la Maison du Souffle et des Cendres.
- Les Dupuy se sont fait arnaquer par un homme à qui ils faisaient confiance et ont perdu une grande partie de leur fortune ainsi que leur réputation. Criblés de dettes pour essayer de maintenir l’entreprise familiale, ils finissent par perdre leur luxueuse maison, leur vie s’écroule et ils ne s’en remettront jamais. (Maxine a alors 15 ans)
- Un an plus tard, la mère de Maxine tombe grièvement malade et ne s’en sort pas (en grande partie parce qu’elle n’a plus la motivation pour vivre). Quelques jours plus tard, son père la rejoint en se pendant dans sa chambre.
- Pour payer le reste des dettes, toutes les possessions des Dupuy sont vendues et Maxine se retrouve en logement social sous la tutelle de sa Maison jusqu’à sa majorité.
- A ses 18 ans, elle arrête définitivement les études (elle a d'ailleurs abandonné l'idée depuis longtemps) et prend un appartement miteux en périphérie d’Itlhoreas, ayant pour rêve de récupérer la demeure familiale.
- Depuis elle travaille à l’usine de traitement des eaux pour payer son loyer et fait l’aller-retour tous les jours jusqu’à Arc-en-terre.
- Rêve de redorer le nom Dupuy que tous semblent avoir vite oublié. Trouver l’homme qui a détruit sa famille et se venger.
- Apprend récemment l'existence d'une demi-sœur en se rendant sur la tombe de sa mère. Maman Selma si parfaite avait donc eu une autre vie avant.