« Mamaaan ! 'Garde, je t'ai fait un dessin ! »
« Arrête de traîner dans mes pattes et retourne jouer dans ta chambre. »
La chaleur maternelle n'a jamais été son fort. Ou plutôt, pas avec toi. Lily, ta sœur aînée de quelques minutes n'avait pas été ignorée de la sorte. Son dessin avait même été accroché sur le mur. Tu obéis et fais demi-tour, quelques larmes venant couler silencieuse sur ton dessin tout juste terminé mais tu ne dis rien. Tu ne sais plus vraiment ce qu'il faut faire pour attirer son attention. Tu as déjà tout fait correctement : de bonnes notes, un comportement irréprochable à l'école, tu restes sagement à la maison sans jamais faire de caprices bien que tu meurs d'envie d'aller toi aussi sauter dehors dans les flaques d'eau et tâcher tes vêtements avec de la boue. Tu ne comprends pas que ce n'est pas de ta faute. Tu aurais pu lui apporter la lune qu'elle aurait agit de la même manière. Tu es Alysse, portrait craché de ton père absent jusqu'à l'âme, tu as hérité des gênes de Dragon de Komodo. Ces deux éléments réunit suffisent à être la source de l'indifférence de ta mère. Cette même indifférence qui a détruit ton enfance et la relation avec ta sœur que tu ne considérais plus qu'avec jalousie. Parfois, quand tu ne le supporte plus, tu te caches dans le grenier pour pleurer et donner des coups de pied dans les vieilles poutres de bois des combles. Sous l'émotion, il t'arrive de te transformer partiellement laissant place à une fillette ayant une queue reptilienne s'agitant sur le vieux parquet poussiéreux, une peau écailleuse sur certaines parties du corps et des yeux orangés. Puis, épuisée, tout disparaît. Tu sais que c'est le seul endroit où tu peux te transformer sans que ta mère fasse une crise. Alors tu te défoules ici de temps en temps et tu continues à dessiner sans ne plus rien montrer à personne.
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Tu as fêté tes quatorze ans. Tu commences à développer ton caractère et commence à te faire remarquer par ta mère. Tu n'as plus vraiment peur de ses réactions comme lorsque tu étais une enfant. Tu jalouses toujours ta sœur sans voir la pression énorme qu'elle mets sur elle. Lily a déjà un destin tout tracé, qu'elle le veuille ou non, ses vœux seront fait à la Maison de la Lune et du Sang afin d'intégrer l'Académie et entrer dans les rangs de la Milice. La cérémonie des vœux avait commencé en petit comité, quelques membres de la famille était présents pour l'évènement. Eux aussi attendaient la même chose que ta mère. Une cérémonie rapide et discrète avec comme seule fin possible : Jurer fidélité à la Maison de la Lune et du Sang. Lily fut la première à faire ses vœux. Bien que stressée, les yeux rivés dans celle de sa mère, les mots sortirent finalement de sa bouche sans une hésitation.
« La Maison de la Lune et du Sang. »
Un soupire franchit tes lèvres, de brefs applaudissements suivirent son passage alors que tu prenais à l'exact même endroit où ta sœur était. Le même discours barbant fut récité à nouveau au point que plus personne n'écoutait vraiment. Puis la question fatidique arriva.
« Alysse, à qui jurez-vous fidélité ? »
« La Maison du Chant et des Os. »
Un petit sourire narquois étirait tes lèvres alors que ton regard se portait droit dans ceux de ta génitrice. Quelques souffles ébahis se firent entendre mais tu te fichais bien des conséquences. Tu te souviens simplement qu'elle te regardait vraiment, droit dans les yeux, pour la première fois. Même lorsque tu y repenses maintenant, tu revois les veines de ses yeux presque éclater et son visage devenir rouge tomate. De honte, de colère, de déception ? Tu ne le seras jamais vraiment. En tout cas, elle avait prit ta sœur par le bras, si fort que celle-ci avait fait une grimace de douleur puis ta mère l'avait tirée hors du temple suivit de près par les membres de la famille. Ce soir là, tu es rentrée seule à pied.
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« J'ai réussis à la convaincre de ne pas te virer de la maison... »
« Dommage, je n'attends que ça. Qu'elle vire sa fille mineure pour qu'elle démontre à tout le monde la mère indigne qu'elle est. Mais elle le fera pas, elle tient trop à son statut de mère parfaite pour ça. »
Du haut de tes seize ans, en pleine crise d'adolescence, tu sortais régulièrement de jour comme de nuit pour aller "traîner dehors". Pour toi, il ne s'agissait que de faire le tour des shop de tatouages en quête d'un apprentissage. Etonnement, ce n'était pas pour déclencher la colère de ta génitrice mais bien parce que tu voulais faire de ta passion du dessin un métier. Tu arrivais à t'imposer dans les salons de tatouage mais ton sale caractère et ton jeune âge n'étaient pas très appréciés. Puis tu as rencontré Mike, ton book de dessin l'a intéressé et il avait travaillé avec bien plus coriace que toi. Il t'a toutefois fait vite savoir que ce n'était pas "une blondinette sans tatouages comme toi" qui allait pouvoir tatouer des habitués de son shop. Sauf que tu as prit cette remarque bien trop à cœur et tu es revenue quelques semaines plus tard avec les cheveux teins en vert et un tatouage complètement raté sur la cuisse. Mike a bien faillit s'étouffer de rire en te voyant mais il a aimé ton culot. Tu as gagné ton apprentissage ainsi et le tatoueur a put rattraper l'atrocité sur ta cuisse en faisant un cover sur la petite araignée difforme d'une grosse mygale.
C'est en découvrant ce même tatouage que ta génitrice a commencé à se montrer violente. Outre le fait de ne plus faire partis de la Maison de la Lune et du Sang qui était la Maison familiale par défaut des Seth, tu traînais encore plus le nom de ta famille dans la boue en cherchant à faire ce qui te plaisait de ta vie. Tes disputes avec elle avaient toujours été très violentes mais que verbalement jusqu'à cette première gifle qui t'avais coupé le souffle. Puis les secondes, plus douloureuses, avaient laissées des bleus sur tes joues. Après ça, tous tes écarts ont été punis par la même violence physique. Tu aurais aimé partir à cette époque mais étant mineure, tu craignais qu'on te ramène chez toi, tu ne savais pas vraiment où aller.
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La cigarette. Tu ne te souviens pas vraiment comment tu as commencé cette mauvaise habitude mais, sans un doute, les bouffées de nicotine te permettaient de te sentir mieux l'espace de quelques secondes. La fenêtre de la chambre était ouverte en grand, assise sur le rebord tu recrachais la fumée en regardant le ciel. Tu t'imaginais être déjà dans une semaine précisément, le jour de ta majorité. Tellement perdue dans tes rêves que tu n'avais pas entendu la porte s'ouvrir derrière toi. C'était encore elle et comme à son habitude, elle était entrée dans une colère noire en te voyant la cigarette aux lèvres. Tu n'avais pas eu le temps de répliquer quoi que ce soit que la cigarette était déjà au sol, tout comme toi. Les insultes avaient fusées à ton égard. Selon elle, tu t'amusais à détruire la réputation de "leur" famille. Elle avait attrapé fermement ta main, si bien que tu pouvais sentir ton rythme cardiaque pulser directement dans le bout de tes doigts. Bouche bée, tu n'as pas su réagir tout de suite lorsqu'elle a saisit le briquet sur le rebord de la fenêtre pour l'allumer directement sur la peau de ta main. La douleur n'est arrivée que quelques secondes plus tard, tu as essayé de récupérer ta main en tirant dessus en échappant un cri mais sa poigne était trop forte. Quelques secondes supplémentaires ont été nécessaires pour que tu uses de la force à ton tour, venant lacérer des ongles de ta main libre celle qui te tenais fermement. Ta main était enfin libre, tout comme toi. Tu n'étais pas resté une minute de plus dans la maison. Tu avais eu le temps de ramasser un sac d'affaires que tu avais déjà préparé dans l'éventualité où tu partirais avant de courir en dehors de la maison. Mike t'avait ouvert la porte de son shop, surpris d'y trouver une Alysse dans un état second, brûlée au second degré.
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Tu ne t'es plus jamais laissé faire. Tu t'es battue pour finir ton apprentissage qui n'avait pas été aussi régulier que tu l'aurais souhaité auprès de Mike avant de devenir tatoueuse à part entière dans son shop puis tu as eu envie de voir d'autres choses, de sortir de ta zone de confort cherchant à intégrer d'autres salons. Parfois, ton style ne convenait pas et puis d'autres fois, c'est ton caractère qui posait soucis. Tu t'es baladé quelques années comme ça, à faire le tour des salons en tant que guest, réussissant à te faire une clientèle fidèle au fur et à mesure du temps. Il n'a pas été simple de te faire beaucoup de revenus tout de suite, tu es passée par des moments de misère financière, surtout après la mort de Mike qui était ton plus grand soutient. Tu t'es malgré tout mise en tête d'ouvrir ton propre shop, quitte à dormir dans le salon de tatouage où tu tatouais, sauter des repas... Tout était bon pour économiser de l'argent. Ce n'est qu'à tes vingt-trois ans que ce projet pu voir le jour en louant un vieux commerce dont l'étage était une habitation. Une année entière a été nécessaire pour retaper le rez-de-chaussée dont l'enseigne affiche à présent fièrement "Sorry Mom". C'était à ton tour à présent d'accueillir des guest ou apprentis dans ton salon, du moins, ceux qui avaient la patience de te supporter plus d'une demi-journée.