Si on ne sait pas où regarder, on verrait à peine la marque laissée par le coin de la table qu’il a renversée sur le parquet lors du vernissage.
Le cadre éclaté de la seule toile qui en porte un ? C’est devenu une particularité de l’oeuvre.
Elle s’est vendue 500 lenss de plus grâce à cette cicatrice.
Ils ne veulent pas l’admettre, jouent les effarouchés lorsqu’il leur donne exactement ce dont ils ont envie, mais un Qaderi, on se le paie pas simplement pour le prestige, mais aussi pour le scandale. Pour faire parler dans le salon. Pour jaser sur les derniers déboires de son créateur. On a beau lui reprocher ses caprices, on se les arrache autant que ses toiles.
Cette expo à Ithloreas, malgré sa petite démonstration le premier soir, elle a bien cartonné; mais avec sa facture d’hôpital et son atelier ravagé, Micheletto ne peut pas vraiment se réjouir du nombre de petites gommettes rouges collées à côté de ses œuvres. Il peut presque faire le calcul de ce qui lui restera après avoir tout remplacé et c'est loin d'être glorieux.
(de toute manière, l’argent est fait pour être dépensé)
Le doc lui a défendu de soulever quoi que ce soit avec sa main gauche pendant un moment, alors vraiment, il ne fait que prendre soin de ses outils de travail en se contentant de regarder les murs recouvrer leur virginité et en critiquant la façon dont les autres emballent les toiles vendues dans le papier bulle. Il a fait le con, à s'entêter à essayer de peindre avant que sa fracture ne se soit remise, alors s'il doit être puni par une convalescence prolongée, autant écouter les conseils et ne rien porter de plus lourd que les cacahuètes salée qu'il boulotte paresseusement en déambulant mollement dans la galerie dénudée.
Ça, et les verres qu'il a descendu la veille.
(ça compte comme de la rééducation de lever le coude, non ?)
La seule toile encore au mur, au centre de la pièce du fond, est Cassiopée, la pièce maîtresse de l’exposition, qui attend toujours sa propriétaire telle une enfant oubliée par ses parents à la sortie de l’école.
Elle aurait dû aller chez un énième vieux péteux, avec son beau prix à six chiffres, mais il a fait une promesse le soir où il a mis à sac cet endroit, alors il a laissé Drauss se démerder avec l’ancien acheteur.
“Ha non, pas encore elle-”
Ça râle à l’entrée, mais le peintre n’y prête qu’à moitié attention. Non, il est trop occupé à tenter une fois encore de recoller les morceaux de cette tumultueuse soirée de mai: s’il se concentre sur les flots dépeint, peut-être pourra-t-il retrouver les traits de la mystérieuse sirène ayant intercepté son radeau durant la tempête. Mais il a beau s’entêter, elle ne lui a laissé que des impressions floue, une gueule de bois phénoménale et ce petit mot froissé dans sa poche.
Si c’était pas pour le citrate de bétaïne prescrit, il ne serait pas en train de manger en ce moment.
“Combien de fois il faut vous le dire: ça ne sert à rien d’insister !”
Si c’était pas pour Tatiana Van Heeckeren. La sirène aux yeux bruns.
"Allez ouste, débarrassez-moi le plancher !”
Si seulement il arrivait à se souvenir de son visage.
“Nous avons du travail-” “Ferme ta gueule Drauss.”
Sa voix commande le silence sur la galerie bien avant que sa silhouette ne gracie l'entrée. C’est un de ces jours où il fait acte de présence, les cheveux encore hirsute et une tenue flirtant avec la limite de ce qui est portable hors de la chambre, le visage émacié par les ravages de ces dernières semaines. Vu la noce de la veille, le vieux con devrait être content qu’il se soit actuellement déplacé. “J’sais pas pourquoi tu t’excites mais tu m’les casses-”
Ses yeux bleus tombent dans deux iris terre de sienne en jetant un œil par-dessus l’épaule du galeriste.
Il devrait le savoir, c’est le pigment qu’il a utilisé pour les yeux de la sirène.
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Aux aurores pastel qui dégoulinent en larmes le long des roses trémières, il y a l’agenda de cuir noir aux coutures reprises trois fois, et la calligraphie scolaire de Tatiana (en cloque) écrasée sur midi et cerclé au feutre vermillon. Expo Qaderi - la toile (dernière chance !). Midi ce n’est pas par hasard. Les salariés sont toujours plus prompts à céder quand Pavlov s’en mêle. Depuis douze semaines, elle a intercalé son rendez-vous rituel le plus artistique dans le samedi de son emploi du temps. Drauss (le gardien) est un rencard désagréable où elle se rend invariablement habillé du même sourire framboise et réclamations assidues. La toile de Monsieur Qaderi. Il me l’a promise. Les circonstances ne vous regardent pas. A la semaine prochaine alors. Tatiana a tenté toutes les corruptions : les cols échancrés et bordés de dentelles, les meringues roses encore tièdes et l’humidité factice des oculaires. Dans la démultiplication des tentatives, il y a la constance redoutable de Tatiana sans jamais hausser le ton. Le chapeau de paille vissé juste au-dessus des yeux camoufle l’épuisement qu’aucun fard n’a pu sauver. Le zéphir enfle la voile d’un robe lila aux bretelles minces le long des ruelles grouillantes des inconnus de la saison. Les petits corps qui gesticulent dans le poussettes entraînent sa paume sur l’abdomen encore vierge des stigmates de la maternité. Sur le seuil de le galerie, une volée de marches en pierre, leur confrontation épuise les derniers ressorts du comique de répétition. Tatiana s’entête. J’insiste. C’est une promesse. La toile n’a pas été vendue. C’est bien la preuve. Ne soyez pas impoli. Ca vous rattrapera. Les heures pourraient s’en mêler que l’orque parviendrait à coincer sa sandale bleue dans l’entrebâillement de la porte avant la fermeture. La galerie investiguée cent fois depuis, se découpe derrière le gardien (Drauss). L’ordre de lecture des œuvres fut sa première interrogation. L’identité de Michelleto Qaderi (l’épave), la seconde. Le souvenir de leur rencontre ne rentre pas dans les colonnes d’une presse acerbe. La voix grave d’un troisième protagoniste coupe court à l’altercation. Le sang s’enfuit de ses joues à faire pâlir de jalousie les poupées de porcelaine. Tatiana, les yeux arrondis de stupeur, échappe. Vous … ? Les doigts presse anxieusement les rebord du chapeau de paille. Ses lèvres se pincent sur l’éventualité de tourner les talons. L’embarras émousse sévèrement sa volonté d’accaparer l’œuvre promise. Dans le thorax, où vibre désormais deux cœurs, il y a niché la volonté de nier qui contredit son besoin urgent de ne prolonger aucun malaise supplémentaire. Le visage en losange dodeline sur l’épaule droite et ses phalanges s’écrasent sur les épaules du gardien (Drauss) avec fermeté pour se frayer un passage. Micheletto. Quelle bonne surprise. Le sincérité n’a de toute façon rien à voir avec l’humiliation publique que la brune veut éviter. Je peux vous rejoindre ? Drauss, bien que charmant, a beaucoup de travail. Je ne voudrais pas lui faire prendre plus de retard. Les iris noisettes escaladent les échoppes bleues et blanches du bords de mers aux odeurs de crustacé et dont les terrasses débordent déjà. La perspective d’un déjeuner l’effraie et finalement, avec leurs antécédents, celle d’un verre encore plus. Résolue, Tatiana demande. Une balade le long du port ? Ca vous dit ?
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Micheletto C. Qaderi
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Mer 27 Juil - 15:17
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Peu de gens peuvent se targuer d’enlever les mots de la bouche de Micheletto.
Rien, vous dira-t-on, ne peut lui faire fermer sa grande gueule. Ni le bon sens, ni la violence.
Mais là, il reste coi, les lèvres entre-ouvertes. Et même si les yeux noisettes ont vite fait de se dérober aux siens, il continue de fixer avec insistance le visage subitement clair de son souvenir alcoolisé.
La sirène aux yeux bruns.
Putain.
Les plaintes de Drauss ne l'atteignent même pas, rien de plus que du bruit parasite à l’autre bout de la ligne. La couleur de sa voix, le soin dans le choix de ses mots se superposent parfaitement aux reflux qui hantaient sa mémoire. S’il n’était pas -terriblement- sobre, il croirait qu’elle a été ramenée par son dernier excès.
(mais si c’était le cas, leurs chemins se seraient recroisés plus tôt)
“Drauss.” Le sursaut du galeriste en dit long sur la nature de leur relation, et il ne peut pas dire que cela ne l’amuse pas d’à son tour mettre sa main sur son épaule. Il laisse tomber le reste des cacahuètes dans sa paume ouverte, resserre légèrement sa poigne pour se faire comprendre. “Va emballer Cassiopée pour mademoiselle Van Heeckeren.” Pas le temps de protester, il a déjà glissé son bras sous celui de la sirène et pose un pied hors de la galerie. “Elle la récupèrera en revenant.”
C’est compris ? C’est compris.
La réalité, c’est qu’il fait bien trop clair dehors pour quelqu’un qui s’est pris une telle murgée la veille. A peine le soleil a-t-il frappé ses yeux qu’il les plisse et cherche à s’en protéger de sa main libre. “Bordel…” marmonne-t-il entre ses dents. Il préférerait aller se cacher sous le parasol d’une des nombreuses terrasses, mais avant tout, ils doivent s'éloigner de la galerie avant que la voix criarde de Drauss ne le fasse sortir de ses gongs.
Si seulement c'était la nuit, comme dans son souvenir.
Il a beau ne pas connaître les rues d’Ithloréas, il continue de mener cette danse, flâne vaguement en direction du port comme peuvent le faire seuls ceux qui ne s’encombre pas d’un emploi du temps. “Avant toute chose, j’ai besoin de savoir…” La question lui brûle l’esprit depuis trop longtemps, et malgré sa nature, il n’a aucune honte à se tourner vers la jeune femme pour la poser. “Est-ce qu’on a couché ensemble ?”
C’est très important, voyez-vous. Ce n’est pas parce qu’il s’est réveillé seul le lendemain que la chose reste hors de propos; des amants qui s’éclipsent avant l’aurore, il y est habitué. Sans rancœur, aucune, même s’il ne pourrait jamais le faire. Non, lui il aime trop traîner au lit pour ça.
Il veut juste savoir sur quel pied il danse, retracer le fil des évènements. Tout ce dont il se souvient, c’est qu’elle était là pour le récupérer quand son radeau s’est brisé sur les rochers. Qu’elle a pansé les plaies de son cœur le temps d’une soirée.
Ce qu’il a dit, ce qu’ils ont fait, aucune idée.
Derrière elle, elle n’a laissé que ses prunelles, une tendresse nostalgique, et l’odeur de la réglisse sur ses mains.
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Au zénith mortel des étés toujours fiévreux d’Ithloreas, le paysage de la ville carte postale s’anime des piaillements de mouettes, les résidents font de l’esbroufe au sujet de la marée touristique et le glas de l’exposition Qaderi sonne. Encore abasourdie, Tatiana déconfite appréhende les prémisses de justifications qu’elle croyait verrouillées dans le brouillard aviné de l’épave (Micheletto).
A la table imbibée du rouge des écueils, au-dessus de laquelle est suspendue la mousseline et où repose un sorbet d’agrume, il y a le rendez-vous absurde de deux inconnus. Les rancœurs. Les absences. Les frustrations. Les balbutiements. Les tripes. Les confessions. Tatiana, dont les mains dansent pour effacer toutes les taches, en a écouté les doléances par le menu. L'insouciance d’être le reflet évanescent d’un ballon de trop.
Sur le perron, dont l’existence de Drauss (le gardien) est momentanément éclipsée, Micheletto (l’épave), dans un drôle de peignoir, a dit. Mademoiselle Van Heeckeren. Dans le délavé du tissu lavande, il y a l’épiderme surpiqué des frissons du passé et le cœur fondu comme le sorbet aux agrumes de cette soirée-là. Le bras enroulé sous le sien forme le ressac de la pagaille des images sobrement enfouies dans la ronde de ses secrets précieux. Tatiana (en cloque) fait l’effort de ne laisser vaciller ni les gambettes ivoire, ni le sourire poli. Les mirettes avelines scrutent à la dérobée les traits abîmés des excès sous la lumière criante du jour. L’assurance, ça n’a pas besoin d’être habillée de la jolie mousseline dont elle prendrait volontiers des nouvelles. La dignité, c’est encore marché comme de bons amis de toujours en tournant le dos aux jérémiades du gardien (Drauss). Les mèches brunes se soulèvent à la guise de la brise pailletée d’embruns. Dans l’observation scrupuleuse des issues, aux coins des ruelles dissimulées ou peut-être sur le bout de sa langue, Tatiana murmure à elle-même. Quelle… coïncidence. De se trouver ici. D’être désarçonnée au point d’en perdre un peu de flegme. D’avoir dans le crâne une autre préoccupation que le souci pour ce qui grandit dans ses entrailles. A son rythme, où il n’est plus nécessaire de le ménager, le duo absurde (Michelana) bat le pavé clair du bord de mer. Tatiana s'esquive du regard inquisiteur et des mots qui suivent. J’ai besoin de savoir. On a couché ensemble. L’incrédulité fleurit sur le minois de la brune. Les cils battent une mesure sceptique. Les lippes pincées laissent planer un silence qui suggère. Ca ne se demande pas. Vraiment pas. Tatiana gagne du temps pour élucider si sa réponse sera une interférence avec la toile (Cassiopée) qu’elle n’a jamais abandonné. Sur la pointe des commissures étirées par une espièglerie énigmatique, il y a encore une once de tendresse pour l’homme du bar. Vous auriez oublié ça ? Ce n’est pas de la prétention pourtant. Une lueur joueuse brille une seconde au fond des iris avant de s’éteindre dans la contemplation des navires au loin. Je veux dire. Vous vous rappelez m’avoir offert une toile. Mais vous ne vous rappelleriez pas ça ? Les priorités d’un artiste doivent être un drôle de capharnaüm à l'image de leur palette. Ca n’a certainement rien de compatible avec la vie en ménage, celle où Tatiana s’imagine vieillir. L’amusement éprouvé pour les inquiétudes adolescentes de Micheletto (l’épave) amenuise ses réticences à poursuivre l’entrevue et la tension de la nuque. Tatiana (en cloque) jette à la volée les premiers filets d’une compassion qui la démange. Vous avez bien pris les médicaments que j’ai recommandé n’est-ce pas ? Et la chemise, elle est toujours intacte ? Il ne vous est pas arrivé d’autres bricoles depuis j’espère ? Dans les trivialités empreintes d'intérêts, il y a tous les points de suspensions qui se comptent en mois, le désir sincère d’en avoir le cœur net et les inflexions bienveillantes de la voix un peu basse. Tatiana tire le bras en relançant la marche. L’immobilisme la dérange et sa condition ne change rien au nœud du problème. C’est toujours plus simple de prétendre au naturel lorsqu’elle est en mouvement.
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Micheletto C. Qaderi
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Mar 2 Aoû - 0:34
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La réponse, la vraie, c’est dans l’expérience qu’il la trouve; dans l’expression qui se peint sur les traits délicats de la sirène. Oh il a souvent posé cette question et les réactions étaient multiples: de la colère de ceux qui se croyait trop mémorables pour être oubliés à la silencieuse tristesse d’un coeur qui vient d’être percé de la pointe de ses mots brusques en passant par les regards et les petits sourires libidineux qui en dise bien plus que les mots. Il ne trouve rien de tout cela sur le visage de la sirène, alors en dépit d'une réponse définitive, il se satisfait de sa certitude.
De toute manière, il n’a jamais tort.
L’innocence de la question fait remonter un ricanement étouffé, souligne à quel point ils demeurent des inconnus. Et pourtant, il a le sentiment d’avoir exhibé les tréfonds de son être à cette femme, qu’elle a jeté un coup d’oeil là où personne ne devrait regarder en tombant par hasard sur sa carcasse éventrée au bord de la route.
Elle lui a laissé une impression assez forte pour qu’il lui cède sa toile, c’est vrai.
Et il a réussi à en laisser une assez bonne sur elle pour qu’elle veuille toujours la récupérer.
“L’un est plus rare que l’autre, ça marque.” Une défense lâchée avec désinvolture, mais un soupçon de gêne se fraie quand même un chemin entre ses grands airs. Le complexe de celui qui s’aventure dans le noir. Qui ne se souvient pas pourquoi son visage l’a tant obsédé. Qui ne se souvient pas de ce qu’il lui a dit. Qui ne se souvient pas de qui il était exactement, ce soir-là.
Et peut-être redoute-t-il de ne pas être à la hauteur.
Alors qu’au fond, il se fiche bien de cette nana, non ? Des sirènes, il en trouvera d'autres s' il le faut.
Puni pour son arrogance, Micheletto se prend une vague froide dans le dos qui fait un choc thermique avec la chaleur de l’attention qui fleurit dans sa poitrine, le déstabilise et lui enlève de nouveau les mots de la bouche. La sirène, en quelques-uns, est venue repêcher les bribes de cette soirée pour les remonter à la surface et les observer à la lueur du soleil. Ses yeux tombent, instinctivement, sur l'attelle à son poignet lorsque la dernière question tombe.
Comme un gosse qui ne veut pas dire qu’il est coupable.
“Ha oui, la petite note.” Il redresse la tête et la garde haute, décidé à ne pas se laisser déstabiliser. “Oui. Foutrement efficace d’ailleurs.” Mais ça, c’est la partie la plus facile à s’en souvenir. La chemise, il l’avait complètement zappée avant qu’elle la ramène sur la table de la même façon qu'elle l’avait posée pour frotter la tâche ce soir-là.
(il faut dire qu’elle n’a pas laissé une seule trace derrière)
La vérité, c’est qu’elle doit être froissée quelque part au fin fond de sa malle. Il ne sait plus trop, ça fait un moment qu’il ne l’a pas mise, il l’a oubliée aussi vite qu’il l’avait retirée en rentrant d’Ithloreas il y a trois mois.
(Peut-être qu’il l’aurait rangée avec plus de soin s’il s’en était souvenu.)
Il ignore la question damnante pour reprendre la main. “Ça vous arrive souvent de laisser des listes de courses à des inconnus ?” Ouais, ouais ça lui revient doucement mais sûrement. Elle était bizarre, la sirène de ses souvenirs, d’une façon qui commence seulement à faire sens maintenant qu’elle se révèle à lui.
D’ailleurs, s’il n’a jamais fini dans son pieu, alors c’est probablement qu’ils ne sont jamais allés chez elle.
Du coup, comment elle a lavé la tâche sur sa manche ?
“Vous aviez pas… Un sac avec plein de trucs dedans ?” Il se masse la tempe de sa main libre, la douleur vive de la gueule de bois n’appréciant pas la réflexion intense par-dessus les rayons impitoyables du soleil. Mais ça lui revient. L’énorme sac. Le contenu aligné au milieu des cadavres des ballons de vin.
Apparue de nulle part avec toutes les solutions du monde.
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Sous la brise de l’océan, le tissu ciel sans nuage qui ondule et les bras docilement enlacés, il y a l’esquisse de l'arête des vagues et celle restée coincée en travers de la gorge. Les chocs du rire écrasé dans le torse brasse les mêmes sourires qu'alors. La frivolité de l’ordinaire d’une balade aère les appréhensions de ces retrouvailles. Tatiana (en cloque) n’a jamais souhaité confronté les buveurs et les collections d’histoires tristes concédées pour la grâce d’une sincérité ébréchée d’ébriété. Tatiana (en cloque) retient dans les talons des envies de disparition qui ne conviennent pas aux femmes raisonnables. Le sarcasme allume les mirettes d’une espièglerie condensée entre des lèvres pincées. Si c’est rare, c’est d’autant plus précieux. Le pastel enfantin des aux revoirs maladroits sous le lampadaire a laissé un goût de bonbon acidulé dans le fadasse de la vie. Le ressac leur mord l’échine à les précipite plus loin dans les pontons là où on entend les marins qui rangent la criée à renfort de crachats. Les yeux glissent sur le bras tuméfié bien raide dans la coque en mousse. Le brin de chagrin se dessine sur l’accent des arcades pour l’artiste un peu cassé (l’épave émergée des flaques de rouge). Tatiana (en cloque) défait l’étreinte des coudes pour examiner la blessure songeuse en soulevant l’articulation du bout des doigts. Ca me fait plaisir si ça a servi. Ca par contre, c’est plus sévère qu’une gueule de bois. Vous, les hommes… Le soupir las vient franchir la barrière des lippes et ébrouer la tête d’un irritation contredit par la douceur avec laquelle elle bouge l’avant-bras. Vous devez être bien embêté maintenant pour peindre. Je pourrais parier que ça n’en valait pas la peine la raison pour laquelle vous vous êtes mis dans cet état. Pourtant un lenss est un lenss et les jeux d’argent sont de loin ceux qu’elle déteste le plus. L’examen se relâche sans que la brune n'ait pu se défaire de la frustration d’être parfaitement inutile face aux os contrariés. La question la renvoie à l’embarras puéril d’avoir un peu naïvement imaginé que ça n’aurait jamais de répercussions de jouer les infirmières bénévoles auprès de types ronds comme des queues de pelle. Non. Jamais. C’était la première fois. Dans le cabas en osier, il y a pourtant un calepin à cet effet, les mensonges innocents de la milicienne et une réputation à protéger. Sur les tempes massées, toutes les difficultés du monde à se rappeler, Micheletto (l’évape) se souvient mieux qu’il ne devrait, mieux que Tatiana (en cloque) le voudrait. Oui, sûrement, après tout c’est pour ça qu’on a des sacs. Vous voulez de l’eau d’ailleurs ? Sans se donner la peine d’attendre la réponse, elle défait la hanse, tire le zip d’une glacière réduite et extirpe trente-trois centilitres d’eau fraîche. La parade pour détourner son attention de leurs souvenirs communs est un peu maigre. Les mains se nouent en bas du dos. Vous saviez qu’à Beauregard aussi ils ont un de vos tableaux ? Ils l’ont mis dans la casino et c’est vraiment dommage parce que quelqu’un pourrait l’abîmer. Depuis que je sais qu’il est de vous, ça me fend le coeur. J’ai demandé à ce qu’on le change de place bien sûr mais ça prend du temps… Sans doute parce que London (Peter Pan) a d’autres chat à fouetter que les revendications de la psychologue qui a établi son cabinet chez lui. Tatiana (en cloque) délit les doigts pour ramener une mèche derrière l’oreille. Les prunelles attentives scrutent la réussite de sa distraction.
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Ven 5 Aoû - 21:21
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L'attelle sur son poignet, comme une grosse tâche au milieu d’une toile, ne peut s’empêcher d’attirer l’attention. Au fond de lui les prémices de l’agacement commencent doucement à remonter lorsque la sirène se met à l’examiner, pas aidées par les lancées sourdes engourdissant son bras. Sans la torpeur de l'alcool pour le bercer, le rat peine à digérer cette compassion.
Alors forcément, les reproches.
“Vous direz ça à mon client, c’est lui le taré.” Pas besoin de lui préciser que bien avant qu’il en vienne aux griffes, Mortimer Chanteloup était tout à fait patient et, même si faussement, aimable -les six premiers mois, en tout cas. Le simple souvenir de cette altercation lui arrache un soupir qui se transforme en râle à force de le ressasser . “Si ça tenait qu’à moi, je lui aurais fait bouffer ses crocs… Mais le business, c’est le business.”
En un sens elle n’a pas tort; à trop avoir fait le con, maintenant, il a l’air bien malin, privé de peinture dans son coin. Heureusement encore que l’expo n’ait pas été tout bonnement annulé après sa petite performance, sans quoi il n’aurait vraiment plus un rond.
Il aurait peut-être même dû vendre les croûtes qui ne sont encore jamais sorties de son atelier.
Il ne fait qu’à peine attention à la réponse suspecte de la noiraude ; la perspective de se désaltérer, même si deux doigts de liqueur lui conviendrait mieux, réveille la sécheresse de sa gorge et balaie toute curiosité à ce propos. C’est sans hésitation qu’il saisit la bouteille généreusement offerte.
Ce serait si facile, de l’empoisonner. (faut dire qu’il le fait déjà assez tout seul)
Il l’écoute, goulot aux lèvres. La fraîcheur de l’eau calme les ardeurs, calme les excès de la nuit passée. Un calme familier, nostalgique. Partout où elle passe, le calme suit. Comme une mère qui a trouvé la formule pour apaiser tous les maux du monde.
Elle le fait souffler du nez, presque avaler de travers. Il referme la bouteille et la pose contre sa nuque, un petit sourire amer aux lèvres. “Elles sont même pas à l'abri dans mon propre atelier.” Ni de lui-même, ni de la furie des autres apparemment. “De toute façon, c’qu’un signe de vanité. C’est gens-là se foutent de l’art.” Les vrais amateurs qui achètent ses tableaux se font de plus en plus rare ou ne peuvent plus se permettre de se les payer depuis longtemps. Maintenant, ce ne sont que les vieux patriarches qui en deviennent propriétaires, tout ça pour le prestige.
Y’a un temps, il se souvient, où les gens qui se rendaient à ses vernissages semblaient avoir des étoiles dans les yeux en les posant sur ses toiles. Des interprétations intelligentes, une vraie sensibilité à ses non-dits.
Maintenant, il a l’impression que ça ne regarde que les prix en se demandant si ce sera assez pour faire mieux que leur voisin.
Le doux roulement des vagues fait pâle figure face aux remous qui se lèvent aux creux de sa poitrine. La gueule de bois le rend détestable et ni les embruns maritimes, ni tous les remèdes du monde suffisent pour y pallier. “D’ailleurs, libre à vous de faire ce que vous voulez de la toile, hein.” C’est une coquette petite somme dont elle est maintenant propriétaire, qui pourrait la blâmer de la faire mettre aux enchères ? Elle ne serait pas la première à vouloir se débarrasser de son Qaderi.
(il a beau se dire ça, continuer de prétendre se foutre de cette inconnue, l’idée lui déchire le coeur.
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La première fois que Tatiana Cimerêve a rencontré Micheletto, elle l’a trouvé triste, pas incommodant ou désagréable, juste triste. Dans cette flaque de rouge, cette marée de ballons cristal, le décousu d’un ressac de mots, il y avait quelque chose de l’ordre du chagrin, et c’est ce qu’elle était venue chercher. Les deux souliers plantés dans le pavé, savamment apprêtés pour ne pas souffrir les coups de soleil, Tatiana est venue chercher une toile. Les intentions fondamentalement différentes font acquiescer le menton sans grande conviction. L’audace presque enfantine des mots étire une risette invisible pourtant. Tant qu’il y aura des hommes comme Micheletto sur cette île, Tatiana ne connaîtra jamais le désoeuvrement. C’est certain. Les gloussements étouffés dans la bouteille haussent les sourcils de perplexité. Les doigts fripent autour de la bandoulière pour se protéger des moqueries faciles. Dans le regard jeté par terre avec pudeur, il y a l’embarras de ne rien y comprendre à l’art, de ne pas bénéficier de l’indulgence du verre de trop et de devoir chercher des mots qui le cachent. Peu importe non ? Si vous êtes payé à la fin et que toute la clientèle peut en profiter ? Peu importe qui l'achète. Le prix d’un jeton de casino pour admirer une œuvre au prix du jackpot. C'est un deal raisonnable assurément. Au bout du chenal, il y a un phare rouge et blanc éteint, la grande bleu et le duo en ligne de mire. La démarche paresseuse, Tatiana jette des regards en biais aux expressions assombries de Micheletto. La perspective d’une vente l’interrompt net. Aussi droite que les mâts qui découpent le port, l’orque confronte. Je ne vais pas la vendre. Si c'est ce que vous pensez. J’ai bien l’intention que ma fille puisse en profiter. Ca fait déjà quelques semaines que les mots de Valeryane l’ont convaincue, sa fille (Suzanne), et pas un garçon. Elle sera sensible à l’art, elle. Elle aura tout le temps et toutes les fournitures pour ça. Et puis. Surtout. Elle verra un vrai Qaderi avant d’être en âge de nommer les couleurs. Ses phalanges viennent timidement recaler une mèche invisible. Au creux du plexus, il y a l’organe qui s’agite en dédoublé, l'inexplicable des sursauts d’humeur et cette vanité inavouable que la milicienne éprouve déjà pour sa fille (Suzanne). La gêne farde un peu les pommettes. La langue tourne dans le palais avec un temps de retard (manifestement). Tatiana (en cloque) racle la gorge avant de se détourner pour se remettre en marche pressée. Excusez-moi. C’est tout frais. J’ai plus de mal que ce que je pensais à m’habituer à être... un peu à fleur de peau ? Dans le creux du poing fermé se tasse un rire naïf. Je vous suis surtout extrêmement reconnaissante Micheletto. C’est vraiment beaucoup de chance de vous avoir rencontré. C’est vrai. La roue de la fortune tourne en la faveur de la brune. Dans cette gratitude lâchée par-dessus son épaule se faufile l’euphorie candide de sa grossesse.
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Dim 14 Aoû - 14:49
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Peu importe ? Oui, c’est ce qu’il se dit bien souvent. Peu importe, tant que l’argent suit. Peu importe, tant qu’à la fin de l’expo, tous les tableaux ont une petite gommette à côté de leur écriteau. Peu importe, tant qu’il a encore de la valeur aux yeux du monde artistique.
Et pourtant, son regard se perd dans les vagues, comme s’il pourrait y trouver ces souvenirs ramenés à la surface. De la nostalgie pour une époque qui ne devrait pas en mériter, pour les amis perdus, les instants insaisissables de complicités engloutis par l'océan du temps et de la rancœur.
Peut-être même, enfouie comme un trésor au creux d’une huître, une pointe de regret. Un grain de sable qui, avec le temps, prend de plus en plus de place contre son coeur.
Quand la sirène s’arrête, son bras glisse hors du sien.
Aussi facilement que cela. Mais la noiraude ne donne pas raison à sa morosité. Elle semble… Vexée, presque, par son sous-entendu. Comme s’ils n’étaient pas de parfaits inconnus. Comme si son tableau avait une valeur bien au-delà de son prix à ses yeux.
Et puis, elle se révèle, petite sirène qui cache bien plus sous la surface, la raison de son éclat particulier.
Le laisse sans voix, aucune.
(une fois de plus)
Elle a beau se mettre en marche, ses pieds restent fermement plantés sur la promenade. Quand les derniers mots sont prononcés, le peintre reprend enfin vie. L’éclat de rire qui explose hors de lui vrille ses propres tympans, fort et joyeux. Elle a déjà tout prévu, tout calculé sur les dix, non, vingt prochaines années. Aussi méticuleusement que lorsqu’elle lui a rédigé son petit mot, aussi préparée qu’avec son grand sac.
Et dans ce futur, elle a prévu une petite place pour son œuvre. Pour lui.
“Vous êtes bien la seule personne à penser ça !” Les paroles sont d’une amertume banale mais elles n’arrivent pas à éclipser la torpeur qui danse dans sa poitrine. Qu’elle attende et elle aussi le verra comme rien d’autre qu’un mauvais augure; mais pour le moment, il veut lui aussi se complaire dans sa candeur. Il lui ré-emboîte le pas, les mains enfoncées dans les poches de son peignoir, la démarche bien plus guillerette. Même le soleil ne semble plus tant le déranger, et pourtant pas un nuage n’est là pour l’éclipser. “Alors comme ça, vous attendez un enfant.” L’idée lui semble si alien, si loufoque, alors même que ses propres sensibilités ont été titillées en présence d’Hamza, le seul môme qu’il ait fréquenté assez longtemps pour changer son opinion sur la marmaille. “Oubliez l’idée de la sensibiliser à l’art, vous savez pas dans quoi vous allez l’embarquer.” Les mots sont durs, mais le sourire n’a rien de mesquin. Si l’art finit par l'appeler, il n’y a rien qu’elle ne pourra faire pour l’empêcher de prendre son dû. Mais aucune mère ne souhaite voir son enfant souffrir, n’est-ce pas ? Alors autant ne pas tenter le diable.
Et pourtant, il y a de la beauté dans l’art, dans la capacité à s’émerveiller et à ressentir, à comprendre ce langage si différent de celui des mots. A ne pas juste y voir de la couleur sur un châssis mais d’y percevoir ses propres émotions à travers le prisme de l’artiste.
Il en vient à se demander ce que voit la sirène, dans sa toile ?
“Et même si vous vous entêtez, vous vous y connaissez en art ? Vous pensez y arriver ?” S’il demande, c’est qu’il n’en a vraiment aucune idée. Elle qui semble connaître tant de choses sur lui demeure une énigme, l’esquisse d’une idée qui ne se précise qu’au compte goutte.
Standing on the beach I dream about the ways that I could reach the sun upon your facevivenda
the art of eye contact
Par les chemins passants, moins irréguliers que les pilotis où s’amarrent les marin, il y a le panorama qui s’ouvre sur la grande bleue, l’inconnu des terres de leurs ancêtres et les petons chevauchent dans les pierres émergées. Sans précipitation, les mains s’enlacent sur les bretelles du sac lourd des mille choses indispensables. L'allure presse comme pour s’enfuir du remous des émois étrangers agrippés dans le bassin. Suzanne (sa fille) a déjà beaucoup de caractère. Quand ceux ne sont pas les petits poings tenus qui toquent au nombril, c’est les lubies de lait à la figue ou la frivolité des nerfs. Tatiana (en cloque) étire une risette navrée. Ça doit être pesant d’avoir une image de soi aussi basse. En rire, c’est plus amère que de ne rien dire. Allons. Je suis sûre que vous exagérez. C’est bien ce que les artistes font. Ils tirent le fil d’un souvenir ou d’un sentiment. Ils le réinventent jusqu’à ce que n’est plus grand chose de commun avec le concret. Comme si maladivement, il fallait tout mâcher et déformer pour que ça porte le nom pompeux d’art. Tatiana (en cloque) les arpions solidement enferrés dans le réel ça lui rappelle les cerf-volants. Les ciels gris fragmentés de couleurs criardes où la tête se renverse sans savoir si c’est le fil ou la magie à l'origine du tableau. La silhouette vient frotter à sa hauteur avec des prémonitions plus avisées que celles de la brune. Une première lorsqu’on connaît le décousu du premier échange. Le sourire tendre, elle dit. Oui. C’est un secret. J’espère que vous savez en garder. Mi espiègle mi sérieuse, les étalages des confessions, Tatiana (en cloque) préfère en être la plume que l’auteur. La brise flanque dans le dos des élans vers l’avant à devoir jeter les épaules en arrière pour ne pas se laisser emporter. Les mises en garde lui glissent dans les oreilles sans qu’elle fasse mine de s’en soucier. Micheletto (un ami ?) doit mieux savoir. Il a dû se le répéter souvent depuis le début de sa carrière. Dans quoi me suis-je embarqué ? Et dans ces moments, est-ce qu’il y avait le chevalet vierge d’esquisses ? Est-ce que l’odeur de la peinture à l’huile était écoeurante à en avoir la nausée ? Est-ce que les doigts s'enfermaient sur le goulot d’un alcool bon à brûler ? Des questions qui ne se posent pas évidemment. La politesse scelle la curiosité, à peine un soupir déçu jeté en travers de la pulpe framboise. Je veux juste lui donner le choix. Vous l’avez eu vous ? Le choix ? De faire autre chose ou de vivre différemment ? L’innocence ne saurait défaire l’intuition que non. C’est une déformation professionnelle de vouloir mettre les doigts dans le cambouis des autres. Les phalanges viennent plier les bords du chapeau pour l’ajuster et échapper aux rayons incendiaires. Un rire mutin échappe le contour des lèvres. C’est son tour d’avoir l’amertume qui rampe le long des cordes. Il faudrait répondre. Bien sûr. Je préfère le romantisme. Quand les chairs ont des couleurs d’ivoire et les boucles d’or enlacent des primevères. Il faudrait répéter la voix sage. Le pointillisme m’a toujours émue. Les feuilles bleues et les ciels rouges où il faut coller l’oeil pour savoir que la réalité c’est un patchwork d’absurde. Seulement. Ceux ne sont pas des mots qui lui appartiennent. Les apparences demande de la sincérité sinon ça sonne plus faux que les coupes en verre qui ne tintent jamais comme le cristal. Les mirettes lovées dans le décor des charpentes de bois émergées, elle dit. Non. Je pense que c’est trop tard. Ca ne se rattrape pas comme une sauce, une sensibilité artistique Si c’était le cas, elle serait galeriste les week end, pour arrondir les fins de mois et chercher des noises à Drauss. La timidité racle une grimace fardée de rouge jusqu'aux pommettes et elle murmure à la manière des enfants pris sur le fait. ...Vous pourriez le faire. Apprendre à ma fille ce que c’est que l’art. Pas à plein temps, juste parfois, pour qu’elle puisse s’émouvoir comme dans les romans et les films. C’est tellement jolie les filles émues.