I think it might be fear Enfant roi des Delacroix, enfant chéri de la charmante Ophélie.
Jolie petite poupée aux traits si doux, aux sourires sucrés distribués sans retenue à quiconque croise son chemin.
Willow, c’est la fierté de Maman, le bijou favori, l’accessoire idéal pour se pavaner sur le tapis rouge et les plateaux de tournage.
Willow, c’est le gamin qui ne dérange personne, celui que les collègues de Maman n’hésitent pas à ébouriffer affectueusement les cheveux en clamant qu’Ophélie a bien de la chance d’avoir un enfant modèle tel que lui.
Il va en briser des cœurs, qu’ils disent, les grandes personnes. Comment pourrait-il en être autrement? il ressemble tellement à sa mère, qu’ils répètent, avec ses longues loques blondes, ses cils fournis et ses lèvres en cœur.
Mais quand le dos de Maman se tourne, c’est une autre chanson qu’on joue.
Il a tout pour lui, cet enfant.
Il n’a rien de son père pourtant.
Qu’ils sont charmants, ces yeux gris. Ce ne sont pas ceux d’Auguste Delacroix, si?
Willow, il a pas le regard couleur émeraude comme Papa.
Willow, il a les iris d’une nuance rappelant l’orage.
Comme le Monsieur qui embrasse parfois Maman lorsqu’ils croient que personne ne les voit.
Willow le sait, il les a vus.
Papa n’a pas vu, mais il le sait, lui aussi.
Pas besoin de savoir lire pour déchiffrer cette expression de dédain chaque fois que le vert et l’argent se croisent.
Of the world and the way it makes you feel afraid Ça crie, ça hurle. Comme tous les soirs, Papa est en colère.
Maman presse un baiser sur sa tempe. Willow se demande si elle n’est pas sourde pour ignorer les bruits dans la pièce d’à côté ou si c’est sa conscience qui s’efforce de se taire.
Willow, il aimerait qu’on lui raconte des belles histoires avant de dormir, mais seule la berceuse des pleurs subsiste dans son esprit. Un jour, il aimerait bien que les cris finissent par lui vriller les tympans pour de bon.
Pour ne plus avoir à écouter. Pour ne plus savoir.
La nuit tombée, les pupilles fendues à la verticale, sur la pointe des pieds et à pas feutrés, le chaton se risque à franchir la porte maudite.
Car Aube ne fait plus le moindre son maintenant, que le silence est moins jouissif qu’il ne l’aurait cru.
Qu’il a besoin de voir si la poitrine se gonfle toujours d’air, si le cœur bat encore.
Chaton se glisse à ses côtés, sans lui faire face davantage.
Mais même quand il ferme les yeux, sous ses paupières est brûlée la vision d’une dizaine de constellations d’ecchymoses tracées dans la chair.
I think I might be scaredLes poings se heurtent à la porte verrouillée à double tour, les supplications tombent dans l’oreille d’un sourd.
C’est pas grave si Aube ne crie plus, ne pleure pas, a cessé de se battre.
Willow, il hurle pour deux. Chiale pour deux. Lutte pour deux.
Willow, c’est la damnation de Papa, un énième stratagème de la part de sa détestable femme pour le rendre dingue.
Ophélie paiera, chaque fois qu’elle n’est pas là pour défendre celui qui ne partage pas le même sang que lui.
Là où ça fait vraiment mal, c’est dans la tête que ça se passe. Et le mieux, c’est que ça ne laisse pas de preuves concrètes.
Maman a une poupée.
Papa a un jouet cassé.
Willow, il est faible pour un prédateur. Willow, il est allergique à la souffrance d’autrui. Willow, sa faiblesse, c’est sa sœur et Auguste, il le sait, l’utilise à son avantage.
À chaque fois qu’il crie, c’est un coup qui résonne dans ses oreilles de l’autre côté de la porte.
À chaque fois qu’il exige qu’on le laisse sortir, c’est une claque qui retentit sur la joue de sa sœur.
Willow, il s’excuse à en perdre la voix, à en perdre la tête.
Willow, il a les mains abîmées et teintées de rouge à force de taper pendant des heures contre la barrière de sa chambre.
Willow, il étouffe, suffoque dans ses propres pleurs.
Impuissant face aux quatres murs qui se referment toujours un peu plus sur lui.
Impuissant face à sa propre faiblesse.
Impuissant impuissant impuissant.
Of the world and the way it makes you feel afraidWillow, il a jamais compris pourquoi
La joie qui pend aux lèvres de sa famille, celle ancrée dans la mémoire des caméras et dans l'œil du public, ne tarde jamais à disparaître dès qu’ils sont à l’ombre des regards.
Les yeux d’Auguste étaient empreints d’une telle fureur ce jour-là, c’est ce qui l’a trahi.
Aube, elle est partie.
Aube, elle a juré fidélité à la Maison de la Lune et du Sang.
(Aube, elle m’a laissé tout seul)
Auguste, il lui a dit d’ouvrir grand ses oreilles.
Auguste, il l’a soulevé par le col.
Auguste, il a vociféré des paroles qu’il n’a jamais oubliées du haut de ses dix ans.
((Si tu m’fais honte quand viendra ton tour, gamin, j’te jure que j’te tue.))
Ophélie lui a hurlé de ne pas le toucher.
Ophélie, elle a eu peur de son mari cette fois-là, s’est tue pour la première fois en entourant l’enfant de ses bras.
Willow, lui, il s’en est juste voulu de ne pas avoir su aidé suffisamment Aube, assez pour la convaincre de rester.
Les couloirs du manoir familial n’ont jamais été aussi froids depuis son départ pour l’Académie.
And I, well I found what's best for meWillow, c’est l’enfant parfait à l’école, celui qui sait tout faire, celui qui veut se faire aimer un peu trop.
Avec ses notes, il est au sommet de sa classe.
Avec ses sourires, il s’assure une place dans le cœur de ses camarades.
Willow, un peu bonne poire, avec l’absence de sa sœur, il a pris l’habitude de traîner avec les mauvaises personnes, des adolescents plus vieux que lui.
Il dit oui à toutes leurs demandes, vole le portefeuille de Papa, pique les beaux bijoux de Maman.
Ses nouveaux amis le félicitent, rient avec lui, tolèrent la présence du petit bourgeois pas si insupportable que ça.
Oui, l’amitié, c’est sans doute à ça que ça ressemble. On s’entraide, on sort l’autre des ennuis quand un truc arrive sans demander pourquoi, ce qui est arrivé. Entre amis, on pose pas de questions, on se laisse marcher un peu dessus, c’est pas bien grave.
Willow, il aime les jolies choses, les beaux vêtements, la danse, le maquillage.
Mais on lui dit que ce ne sont pas des intérêts dignes d’un prédateur.
On lui fout une clope entre les doigts, on le prend par la main et on le guide dans un chemin plus sombre.
La réticence se lit sur son visage au début, lorsqu’on lui apprend à se battre, à se défendre.
C’est pour une bonne cause, qu’ils disent.
Si tu fais pas ça, on sera plus amis, qu’ils répètent.
Et ça dure un temps.
Mais Willow n’est pas idiot, il a seulement le coeur un brin trop naif et la rancune, c’est aussi dans sa nature.
Alors quand le directeur lui demande pourquoi il a cassé la gueule de son supposé ami, celui-ci aurait juré l’avoir entendu ronronner tout sourire.
(L'pif en sang, ça lui va bien. Un joli nez de clown pour le bouffon que voilà.)
((Expulsé))
And now I see no tragedyWillow, il est étrange, Willow, il se cherche.
Observe avec fascination ses propres bleus qui tapissent ses bras, ses jambes.
En comprenant la douleur, sans doute arrivera-t-il à mieux panser les plaies du passé, à mieux protéger ceux qui lui sont chers.
En attendant, lui enterre sa souffrance sous un sourire, camoufle ses blessures sous de jolis vêtements avant de prendre la pose pour les caméras.
Il enfile tant de masques à la fois, peut-être qu’il finira par trouver véritablement qui il est un jour.