Tout autour du petit pot, ça aspire la gelée, mâche les graines avec enthousiasme. Marek mange comme le bruit d'une ruche, bruyante et satisfaisante. Alors Fleur sourit un peu sous la fourrure pâle, elle préfère ça aux babines plissées de tristesse, aux oreilles qui s'affaissent. Les membres ursidés prennent toute la place dans le salon, Fleur a peut-être renversé une petite plante, elle n'en sait rien elle ne fait plus attention et peut-être bien que son cousin non plus.
Juste se remplir le ventre à l'unisson.

"J'aurai un bide à bière plus rapidement que toi je pense." Ce n'est pas un concours, c'est un fait, Fleur à tendance à dériver. A se laisser porter. A ne jamais se rattraper.
Elle aussi, entre ses grosses pattes la confiture, tâche comme du sang sur la fourrure, comme la poiscaille pêchée qui s'étale sur le bout des doigts, vient glisser sur les paumes.
C'est dégoûtant, le poisson. Pourtant elle a l'estomac qui gronde Fleur, la gelée ce n'est pas trop pour elle.
La langue vient s'enrouler autour des griffes empêtrées de fruits. Elle mangera quand même. "T'as pas la force de te lever, tu pourras même pas me porter."  Elle ne le dit pas mais pour ça il faudrait sortir du canapé, accepter de s'en éloigner.  

Encore un peu de confiture entre les pattes, l'ours renifle en voyant une grosse masse de gelée s'écraser sur le parquet. "Oups."  
C'est compliqué sans couverts, c'est compliqué de manier les grosses pattes aussi bien que des doigts fins.
Elle veut reprendre sa bière là où elle l'a laissé sans se soucier qu'il n'en reste que quelques gouttes. Les grosses pattes glissent sur le verre, ça se renverse sur la petite table. "Oups." Le museau s'agite, Fleur n'est pas bien plus dégourdie sous sa forme animale que revêtue de chair rosée.
Mais c'est pas grave, elle se laisse aller contre le dossier du canapé, tapote le ventre d'une griffe acérée. "On va faire la sieste ?"  C'est probablement ce qu'il y a de mieux à faire de toute façon.

Fleur se moque un peu d'un air désinvolte, de la famille ils sont vilains petits ours, ceux au pelage terne, à la chance en berne. Ceux qui ne valent rien et qui s'en contentent bien. Fleur pire qu'une mauvaise faucheuse, tend les clopes avant conseils, les bières avant les étreintes. Fleur aussi tenace qu'une mauvaise herbe, les idées convergent sous les caboches comme un mauvais coup du sort. Marek en fait peut-être les frais, aujourd'hui ça les fait un peu marrer.
Les pensées embrouillées par les plantes magiques, l'ours polaire donne un petit coup de coude à son comparse de déception. "C'est bien d'être nul à deux." C'est triste et sincère mais Fleur, elle en grogne de contentement sous la fourrire ursidée.

Elle pense à l'usine Fleur, à l'eau chimique, aux containers, au dos en vrac qui tous les jours crac. Marek, il pourrait peut-être faire plus, mais peut-être pas. Il n'a pas demandé d'aide, elle n'en a pas proposé quand bien même elle n'aurait rien à donner.
Elle pense à l'usine Fleur, et puis elle n'y pense plus.

"Pousse toi un peu." Pour faire la sieste c'est compliqué sur le canapé, mais ils y arriveront car ils y arrivent toujours. Les griffes pleines de gelée, les babines toutes entachées. La fourrure glisse contre le cuir, trouve sa place et ne bouge plus. Fleur et Marek un peu entremêlés dans une parade bon marché, l'humeur poreuse à souhait.
Un renflement animal, un grognement apaisé là tout contre son cousin.
Ils ont bien mangé,
C'est l'heure de se reposer.