“On peut dire ça comme ça.”

C'est ce qu'elle dit quand quelqu'un a au moins un bout de vrai dans sa supposition et qu'elle a la flemme ou que ce serait mauvais de corriger. On dirait qu'il n'a pas l'occasion d'être vraiment en vacances, où qu'il aille. Il a juste l'air fatigué globalement, pas juste parce qu'il est tard.

Kayla leva les yeux sur l'homme avec intérêt quant au fait qu'il avait tenté de grimper le mont Hurleur tant que c'était amusant. Elle adore grimper sur des trucs, car elle préfère sa forme humaine à sa forme animale, mais elle veut pouvoir accéder aux mêmes endroits. Il est évident qu'il est bien plus facile de se balader quand on peut voler que quand on ne peut pas, mais on ne peut pas prendre de photo ou écrire avec des ailes.

"Le mont Hurleur... Je n'y avais pas pensé, ce serait une bonne raison d'aller à la ville. Ce serait un défi amusant."
La fougue de la jeunesse qui a une vie calme et sans plus d'embrouilles que ça pour se permettre de mettre sa vie en danger sans trop y réfléchir sur des broutilles d'égo. Enfin, fougue, elle reste une personne calme et réfléchie qui n'agit pas sous l'impulsion de son instinct sans y être forcée, ce n'était pas comme si elle allait y aller le lendemain, la jeune femme s'y préparerait en conséquence.

“J’aime bien la photographie aussi, mais je n’ai jamais utilisé autre chose que mon téléphone. Tu prends quoi comme genre de photo ?”
Il est vrai que les téléphones sont très évolués pour prendre des photos tout ce qu'il y a de plus correctes. Néanmoins, l'appareil dédié reste supérieur pour pas mal de raisons pour un photographe et un détective. Avant de répondre, Kayla prit le temps de la réflexion, cette question n'étant pas prévue mais ne la mettant pas mal à l'aise non plus.

"Ça dépend. Quand je vois quelque chose qui m'inspire, je prends une photo. Mais c'est difficile de décrire ce qui m'inspire... Un paysage prit du haut d'un arbre ou autre. Ou bien une scène singulière. Par exemple, si ce n'était pas si peu discret, J'aurai pris une photo de la pièce avec vous au centre, travaillant seul ici."
Elle ne prend jamais de photo de gens sous leur meilleur profil ou de groupe. Ça implique de demander la permission. Et c'est exactement pourquoi elle n'enchainait pas en lui proposant de le prendre en photo. Ce n'est pas le genre de choses qu'elle capture.

"Les téléphones font des images de bonnes qualités, mais ça dépend du but. De nuit, ça a du mal, d'autant que les téléphones se comportent comme des mini-ordinateurs et compensent la qualité de l'image inférieures avec des retouches automatiques. Les téléphones ne sont pas exactement capable de zoomer non plus, c'est le processeur qui imite en gros. Mais c'est amplement suffisant, surtout qu'un bon appareil photo coûte plus cher qu'un téléphone, et l'appareil photo ne permet pas d'appeler ou consulter des sites ou regarder des vidéos."
Et c'était Kayla qui se sentait d'expliquer en très résumé les différences entre appareil photo et smartphone.
"Ah, mes excuses, je me met à monologuer sur des sujets techniques parfois..."

La vibe de ce bar est particulière, l’éclairage tamisé qui se reflète dans les verres, les leds colorés sous le comptoir. On y sert des alcools forts mais les gens y vont plutôt pour se retrouver entre amis, discuter et danser. On y trouve des Animas de tous genres bien que les classes sociales restent relativement homogènes.

On reste tout de même à Regalia.

Je l’écoute attentivement la tête posée sur une main tandis que l’autre s’amuse avec quelques engrenages.  

J’aime beaucoup les discussions techniques d’autant plus lorsqu’il s'agit d’un sujet que je ne maîtrise pas ou peu.  

“T’inquiète pas. J’aime bien quand les passionnés me parlent de leurs passions. - ça me change des discussions insipides liées aux négoces et à la politique - Tu aurais dû prendre la photo. Tu peux toujours demander la permission de la garder après coup. Et sinon tu l’efface. J’aurais bien aimé voir le résultat.”

Je fini par ranger les dernières pièces qui trainent sur le comptoir ainsi que mon squelette de scarabée. Je ne compte plus travailler ce soir, j’ai juste envie de poser mon cerveau un moment et peut-être m’amuser un peu.

La musique se termine et le temps d’une seconde le bar tombe dans un silence qui me fait presque sursauter. Je jette un coup d'œil aux tables puis à la piste de danse et très vite le brouhaha des voix recouvre cette instant de calme impromptu.

Une nouvelle musique se lance. Ses premières notes caractéristiques tirent un “aaaaaaaaaaaah” d'approbation de la foule ainsi que quelques cris de joie. Les danseurs anticipent le drop, je partage leur enthousiasme.


“Oh !!! J’adore cette chanson!!! Ça te dit de danser??”

J’ai le temps de me lever mais pas d’entrainer la jeune femme avec moi. La chanteuse entame les premières paroles, je les chante avec elle et accompagne les mots de pas de danse dignes d’un papi de 80 ans. Une main tendue vers la demoiselle, je l’invite à quitter son tabouret et à me suivre sur la piste de danse.

C’est à ce moment que je me rends compte que je n’ai aucune idée de son prénom.

…

Bah, je pourrai toujours le lui demander plus tard.

Avant de parler à cet homme travaillant sur sa création, Kayla ne s'amusait pas. Elle n'avait pas spécifiquement choisi ce bar, n'importe lequel aurait fait l'affaire, c'était plus une question de chance sur le moment. Le design du bar ne l'intéressait pas. Elle y était entrée dans le cadre de son travail, sinon la jeune femme ne rentre pas dans ce genre d'établissement sans être invitée par quelqu'un, et plus qu'invitée, elle y est généralement plutôt forcée, socialement parlant.

Ainsi, l'ambiance du bar ne la touchait pas. Suivre le rythme de la musique, pourquoi pas mais c'est comme en boîte de nuit. Il y a du bruit incommandant, les autres gens. Ce n'est pas le genre de musique qu'elle écouterait seule, mais elle l'apprécierait plus avec un casque à réduction de bruit.

Le silence qui arriva à la fin de la précédente musique fit du bien à son cerveau devant se concentrer sur son interlocuteur et ignorer le reste des lieux. Cette pause, plus longue que prévue, était vraiment agréable et la détective appréciait la discussion avec cet inconnu. Et la chanson suivante fut lancée. Il allait danser, et il l'invita. Elle se figea.

Kayla ne sait pas danser, pour la simple raison qu'elle ne l'a jamais fait. Faire ça autour de gens est gênant, et bouger la tête ou la main en rythme n'a rien à voir avec bouger tout son corps consciemment et trouver ça amusant. Mais elle s'est fait inviter, chose déjà rare, et par quelqu'un qui a l'air sympathique et dont elle apprécie discuter avec. Elle ne voulait pas que ça s'arrête tout de suite. Qu'est-ce qu'on est censé faire dans ces cas-là ?

"Je-je suis désolée... Euh... Je ne, er, ne sais pas danser..."
A peine audible, rouge, incapable de maintenir le regard, réfléchissant tellement vite que c'était comme si elle avait 4 voix lui disant chacune une solution différente pour s'en sortir toutes plus mauvaise les unes que les autres. Ou dit autrement, elle était en panique. En soi, c'était surtout qu'ils ne se connaissaient pas, concrétement, et l'inviter à quelque chose ? C'était trop tôt pour qu'elle ait imaginé cette possibilité et y ait réfléchi AVANT de recevoir l'invitation.

Pensant avoir tout gâché, et dans sa panique, la meilleure idée qu'elle eut fut de fermer son sac pour partir.
"Désolé, je... Vais y aller !..."
Hésistante néanmoins.

Je n’ai jamais vu quelqu’un se décomposer aussi vite de ma vie. J’ai presque l’impression de lui avoir proposé de faire un discours face à mille deux cents animas en colère.

Pourtant non.

Je l’ai juste invité à m’accompagner dans mes ridicules pas de danses dans la pénombre d’un bar entouré par des gens trop concentrés sur eux même pour en avoir quelque chose à faire des autres.

J’ai envie de rire de la situation mais je n’ai pas envie de la mettre plus mal à l’aise qu’elle ne l'ait déjà.

“Tu peux juste dire non tu sais, pas besoin de te justifier et pas besoin de t’enfuir non plus, je ne vais pas te forcer.”

Par contre moi j’aime vraiment cette musique et après une journée entière à rester le cul sur une chaise, bah c’est plutôt sympa de se dandiner un peu. Aussi je m’éloigne en marche arrière au rythme de la chanson.

Arrivé sur le dance floor je me met à chanter en playback tout en réalisant les pires moves de mon répertoire. Je sais danser, mais personne ne se prend au sérieux ici et tant qu’à faire je trouve bien plus amusant de faire le clown.

Puis vient le refrain entonné à cœur joie par les autres danseurs. Un groupe se forme naturellement, on se retrouve à répéter les pas les uns des autres avec autant de synchronisation que ce que nous permet notre talent respectif ainsi que la quantité d’alcool ingérée.

Un bras se pose sur mon épaule, j’en fais de même et me voilà bras dessus bras dessous avec un anima au parfum de pêche. On lève le genoux droit, puis le gauche, pas sur le côté, on n’est plus en rythme, on trébuche, on se rattrape, c’est n’importe quoi mais c’est amusant. Et voilà qu'un inconnu nous rejoint, puis un autre.

La chanson se termine, les danseurs font une révérence vers le vide puis le groupe se sépare dans un éclat de rire.

Je resterai bien pour la prochaine musique mais je me souviens tout à coup que j’ai laissé la pochette contenant mon travail sur le comptoir. Ce n’est pas vraiment le genre de trucs que je veux laisser sans surveillance. Aussi je quitte la piste de danse et me faufile jusqu’à ma place.

“Tu peux juste dire non tu sais, pas besoin de te justifier et pas besoin de t’enfuir non plus, je ne vais pas te forcer.”

Elle se stoppa dans la position où elle se trouvait. Toutes les voix dans sa tête se turent quelques secondes, avant de toute faire "Ah". Oui, juste refuser sans s'en soucier, c'était un bon plan. Sa réponse l'avait calmée d'un coup. Commençant à se détendre, elle se replaça correctement sur sa chaise et remis son sac où il était avant. Longue expiration.

Il n'en fallait pas beaucoup pour la mettre dans tous ses états et qu'elle prenne des décisions débiles. Choses qui arrivent régulièrement avec les gens en pleine panique, il ne faut pas les laisser prendre de décisions si leur état ne leur permet pas. Bien sûr, elle avait réagi stupidement et elle le savait parfaitement. De pâle comme un fantôme, elle était maintenant plutôt rouge comme une tomate. Mais l'homme roux n'était pas là pour le voir.

Il avait laissé ses affaires là, et même si la détective avait dit dans la panique qu'elle allait partir, elle n'allait pas le faire sans au moins le remercier pour la soirée maintenant qu'elle était calmée. Clairement, elle avait besoin de se désaltérer, alors elle commanda une bière cette fois. C'était pas sa deuxième boisson contenant de l'alcool de la soirée qui allait la mettre à terre. Sa couleur eut le temps de revenir à la normale d'ici la fin du morceau et la jeune femme se retourna pour observer la piste de danse en souriant. En effet, pas besoin de se justifier, Kayla pouvait simplement refuser car elle n'aime pas danser.

A la fin de la chanson, son voisin de table revint et n'enchaîna pas avec la suivante. Elle aurait attendu, mais quand même.
"Mes excuses, j'ai réagi excessivement à une simple invitation... Il semblerait que je ne sois toujours pas à l'aise en grand comité. Merci pour la soirée, j'ai apprécié notre discussion."
Au moins elle ne laissait pas ses affaires sans surveillance, et c'était mieux que de s'enfuir comme une voleuse.

"Je ne sais pas ce qui vous tracasse, mais si vous avez besoin d'aide, n'hésitez pas à m'appeler, même à cette heure, j'ai tendance à rester tard."
La jeune détective posa sur le comptoir une carte de visite sobre ayant simplement son nom, son métier, son numéro, son adresse mail et son adresse physique. Le design n'est pas son fort.
"Amusez-vous bien et bonne nuit."
A moins qu'il ne la retienne, elle allait quitter le bar. Elle trouvera des informations sur sa cible le lendemain, elle n'aurait qu'à faire du repérage sous forme de chouette.

Et elle avait complètement oublié de lui demander son nom.