Les discussions vont de bon train, et toi, tu te faufiles à travers tout ce beau monde, sourire accroché aux lèvres, regards lancés à certains de tes invités, rires échappés entre quelques mots échangés. Soirée relativement tranquille si on compare avec les fêtes précédentes, tu ignores si c’est une bonne chose. C’est ce genre d’ambiance qui te rappelle que la Maison des Roses et de l’Ombre n’est pas seulement synonyme de fêtes absolument déjantées, qu’il est également question de bien paraître, d’être civilisé, avec toutes les bonnes manières qui vont avec. Ah, ce qu’il peut être chiant, le jeu des apparences. Vivement que cette fête dégénère, que les masques tombent, qu’on te donne raison parce qu’au final, tous ces gens atteints d’un complexe de supériorité ne valent pas mieux que n’importe qui, de simples bêtes sauvages en beaux habits.

Entre dans une nouvelle pièce, plusieurs te saluent d’un geste de tête, avant de détourner le regard ailleurs. On accepte volontiers de venir à tes fêtes, mais dès qu’il s’agit de passer du temps avec l’hôte, soudainement, il n’y a plus de volontaires. Ton existence dérange. Ta vulgarité, ton manque d’éloquence, ton refus d’entrer dans le jeu des flatteries, mais surtout, ô surtout, ta personne au grand complet,  c’est ce qui fait de toi un être insupportable aux yeux de plusieurs. Tu ne cherches pas à plaire.

Ah! Parlant de gens insupportables! Si c’est pas la famille Ross que voilà! Mais pourquoi diable est-ce qu’Alastair insiste pour toujours leur envoyer une invitation?! Every. F*cking. Time.

Non mais, regardez-là! Cette chère Madame Ross! Ne s’arrête-t-elle donc jamais de piailler celle-là? T’es presque certain que le manoir en entier est capable de l’entendre au volume de sa voix. Elle parle dans un micro ou bien?  Et quand est-il de ce pauvre type qui lui sert d’époux? C’est ça, qu’il continue de sourire face aux inepties de sa chère et tendre. C’est pas comme s’il avait mieux à faire, mieux à dire. Pauvre fou. Pauvre con.

Tu t’apprêtes à faire demi-tour, tant que tu ne les vois pas, tu peux faire comme si vous n’étiez pas sous le même toit, à cet instant précis. Quelque chose te retient au dernier moment. Des éclats de rire. Des reproches. Tu te retournes lentement et ton regard croise celui d’une jeune fille. Ses yeux semblent crier à l’aide, tu crains presque qu’elle se fasse avaler par sa chaise tellement elle semble vouloir s’enfoncer dedans. Tes sourcils se froncent, ton sourire quitte tes lèvres. Tu n’entends pas, ne comprends pas tout de ce qu’ils racontent, mais quoi qu’il se passe à cette table, tu as la certitude que ça ne va pas te plaire. Pousse ton dédain de cette famille au plus profond de ton être, fais un pas dans leur direction, puis un autre.

- L’éloquence, l’éloquence… Personnellement, je suis un fervent croyant que l’éloquence n’est utile qu’à ceux qui veulent camoufler leur incompétence sous de belles paroles insignifiantes! C’est quoi le dicton déjà? Grand parleur, petit faiseur? Permettez que je me joigne à vous, que je vous montre toute l’étendue de ma grande et foutue éloquence!

Tu poses ta main sur l’épaule d’un homme, celui situé en face de la jeune fille.

- Si tu ne te pousses pas maintenant, c’est sur tes genoux que je vais m’asseoir. Je suis pas très difficile, tu vois.

Observe l’homme se lever avec tant d’empressement, joues empourprées. Un tel refus, c’en est presque vexant. Si tu avais ta propre personne en face de toi, tu ne te dirais certainement pas non.

Le silence semble s’être abattu sur la table, tu en profites pour jeter un coup d’oeil rapide aux gens t’entourant, avant de t’arrêter de nouveau sur le visage de la fille repliée sur elle-même. Maintenant que tu la vois de plus près, tu peux affirmer que ce n’est nulle autre que la fille de ces chers Ross. Celle qui a provoqué un scandale au sein de sa propre famille, celle qui a attisé la fureur de ces géniteurs en changeant de Maison, il y a  de ça quelques années. Oh, comme l’égo de ses parents ont dû en prendre un coup. Tu lui fais un léger signe de tête avant de rediriger ton attention vers sa mère. C’est bien elle la grande gueule de la famille, non?

- Allons, allons, soyez pas timides. Vous aviez l’air de bien vous marrer à l’instant. J’exige d’être de la partie, moi aussi. Racontez-moi tous les détails.

Pas la moindre trace de chaleur dans ta voix, c’est pratiquement un ordre que tu aboies. Croise les jambes, prend tes aises. Tes mains s’emparent de la coupe de vin devant toi, celle ayant précédemment appartenu à l’homme à qui tu viens de voler le siège. Tu en prends une grande gorgée, convaincu que tu ne tiendras jamais le coup en étant sobre en compagnie de ces ignobles personnages.

L’impatience, elle se lit dans ton regard, se traduit dans tes mouvements. Ongles pianotant sur la table, l’étau de tes doigts qui se referme de plus en plus sur la malheureuse coupe de vin. Un peu plus, un peu plus et elle se brisera entre tes mains. L’impatience, la colère qui monte lentement. Tu as horreur qu’on te prenne pour un con. Et cette tentative de flatterie, cette pique envers ton ancienne Maison? Elle te fait tiquer de l'œil, te touche en plein coeur, assez pour te déstabiliser un moment. Deuxième erreur en un court laps de temps, parce que ça te blesse plus qu’autre chose. Pour toi qui n’a jamais visé assez haut. Non. Même que toi, à défaut de savoir voler assez haut, t’arrêtes pas de te heurter à des murs. Murs après murs après murs après murs. Jamais à la hauteur de rien, qui détruit tout ce qu’il touche et entreprend, c’est ce que maman t’a toujours dit, toujours répéter. Alors reprocher à quelqu’un d’avoir un objectif dans la vie? T’es sidéré d’entendre ça.

- Tiens, c’est.. la première fois qu’on me la fait, celle-là. Reprocher quelqu’un de vouloir viser haut. Huh… Woah, tu parles d’une logique de merde.

Faible rictus, tu regardes la matriarche de la famille Ross avec un dédain à peine dissimulé. Et quand son mari en rajoute une couche, tu roules l'œil en l’air. Oh, pitié. Le moment est mal choisi pour qu’on te dise ce que tu sais déjà. Du coin de l’oeil, tu remarques la jeune fille t’observer en silence. Va-t-elle oser prendre la parole ou va-t-elle disparaître dans sa chaise avant? Les paris sont ouverts.

Oh! Savoir qu’elle sait parler t’arrache un énorme sourire, te suffit à te faire oublier la présence de ses parents. Tu te tournes de nouveau vers elle, pose la coupe devant toi d’un geste brusque, place ton coude sur la table, menton dans le creux de ta paume. Soudainement, seule et unique destinataire de toute ton attention. C’était quoi son nom déjà? Alexandra?

- Voyez-vous ça! Future avocate! C’est très bien ça, d’avoir un but dans la vie! Contrairement à certains.

Tu pointes rapidement les gens autour de vous en prononçant la dernière phrase. Tu l’aurais applaudi, en temps normal, mais ton interlocutrice vient à peine de lever les yeux. T’as pas envie qu’elle s’enfonce davantage dans la chaise, déjà que les regards affluent en direction de votre table. Ce serait contre-productif.

- Mais ça ne répond pas à ma question. J’avoue ne toujours pas comprendre la blague. Faut m’expliquer. J’ai jamais su.. visé assez haut.. Du coup, faut croire que je suis un peu lent.

Regard noir lancé à Madame Ross, avant de te retourner tout sourire vers la future avocate.

- Comme t’as l’air d’être la personne la plus sensée de tout ce joli petit groupe, future avocate, hein, c’est pas rien! Tu veux pas me dire ce qui les fait tant rire? Leur sens de l’humour est complètement à chier ou bien..?

Tu lèves le doigt, siffle un chhht entre les dents, intimant le silence au reste de la table. C’est elle que tu veux entendre, pas ses parents, pas les autres idiots, non, ELLE. Seule personne ici présente qui a eu le culot de te regarder droit dans les yeux pour te parler. Tu veux entendre la vérité de ses lèvres, pas la version déformée de ses parents, suivie d’une excuse à deux lenss.

Qu'elle jure de dire la vérité et rien que la vérité et toi, tu agiras en conséquence.

C’est une vision bien étrange que voilà. Toi, assis à cette table, grande gueule fermée, oreilles grandes ouvertes. La colère, l’indignation qui continue de monter tranquillement, lentement en toi à mesure que ton interlocutrice se vide le cœur, crache ses émotions à la vue de tous.

Tu la comprends, oh, comme tu la comprends. Elle n’a pas idée à quel point ses mots résonnent en toi, te ramènent dix ans en arrière, à des temps pas si simples de ta vie. Toi aussi, tu l’as cherché longtemps, ton chemin, l’approbation de ta mère, ou de n’importe qui susceptible de bien vouloir t’écouter, sans jamais que personne ne t’entende réellement. Parce que c’était déjà clair à l’époque que tu serais incapable d’accomplir quoi que ce soit de tes propres mains. T’ignores si c’est toujours le cas. As-tu seulement déjà eu un objectif dans ta vie ou est-ce le manque de volonté qui guide pour toujours et à jamais tes pas? Alors, ses mots? Et bien, ils te font trembler, toi aussi, la faute à la rancœur, le fait de comprendre cette tristesse dans le timbre de sa voix.

Tu la laisses finir, t’apprêtes à te lever d’un bond, hurler aux Ross, leur demander, comment ils ont osé, mais surtout, pourquoi? Dans quel but, peut-on vouloir infliger un tel mal-être à quelqu’un, à leur propre fille qui plus est? Pourquoi? Tu veux comprendre, désespérément. Pourquoi existe-t-il en ce monde des parents incapables d’aimer leurs enfants tels qu’ils sont? Pourquoi? Juste pourquoi? Tu exiges de savoir.

Un premier son de raclement de chaise, puis un deuxième, suivi du bruit de pas précipités quittant la pièce. Un soupir franchit tes lèvres. T’es pas un expert du ménage, mais tu ignorais que les ordures étaient capables de se sortir toutes seules. Et c’est une bonne chose, ça t’évite d’avoir une réaction peut-être exagérée. Tu te forces à ne pas leur gueuler dessus, envenimer la situation plus qu’elle ne l’est déjà. Là, maintenant, il n’est pas question de toi, mais bien d’elle. Alors, tu prends une grande respiration, te perd dans la contemplation du verre de vin posé sur la table, laisse le silence, la tension retomber lentement.

- Avocate… Huh..

Murmure doucement, réfléchis à voix haute.

- Je crois que c’est un métier difficile. Tes parents ont raison sur une chose, ce n’est pas à la portée de tous. Il ne faut surtout pas céder à la pression et prendre des décisions qui ne plairont pas forcément à tout le monde. Il y aura toujours des personnes mécontentes du verdict final, un peu comme ce soir... Pour être honnête, j’appréhendais ta réaction. J’ai.. douté.

Oui, t’as douté, c’est vrai. Mais qui ne l’aurait pas fait en voyant cette fille ne faire qu’une avec sa chaise, recroquevillée, prenant sur elle tous ces rires sans que le moindre son ne quitte sa bouche? T’avais peur que ce soit elle, qui se lève, fuit la scène. Et puis, elle t’a regardé. Elle a osé. Droit. Dans. L’oeil. Sans flancher, pas une seule fois. Cette première impression d’elle? Elle a volé en éclats, s’est envolée en fracassant les fenêtres.

- Mais je me suis trompé, je dois l’avouer. Je t’ai sans doute prise au dépourvu, mais tu as su garder relativement ton calme. Et pour ça, je reconnais être impressionné. C’est jamais facile de devoir confronter sa famille et de devoir expliquer ses choix, encore moins devant un public. Alors, juste pour ça et pour ce que ça vaut, moi je crois que t’as tout ce qu’il faut pour atteindre ton objectif.

Cette douceur dans ta voix, elle a quelque chose d’étrange, d’extra-terrestre. Ce ne sont pas des mots auxquels on a l’habitude d’entendre de la bouche d’un rustre tel que toi. Mais l’émotion, dans sa voix à elle, tu l’as entendue et tu ne peux pas te contenter de l’ignorer.

- Ne laisse personne te dire ce que tu es capable de faire ou non. Ce n’est pas aux autres de définir ta propre valeur, surtout pas ces sales cons.

Regards indiscrets. Regards vexés qui se tournent timidement vers toi. Tu leur tires la langue. T’avais presque oublié qu’il y avait encore des gens.

- J’aurais sans doute dû te le demander plus tôt. Est-ce que tu vas bien? M’enfin, j’suis pas con au point de ne pas voir que c’est pas le cas, mais bon. Si t’as besoin d’en parler, suffit de demander. On peut toujours aller dans un coin plus tranquille si tu préfères. Je ne te force à rien.

Merci merci merci. N’est-ce pas étrange que ces mots te soient destinés à toi? N’est-ce pas étrange, toute cette sincérité, cette gratitude dans la voix de la fille des Ross? T’es pas un héros pourtant, tu as juste fait ce que tu sais faire de mieux: provoquer un scandale, encore un. Qu’est-ce que t’es supposé dire dans un cas pareil? T’as plus l’habitude qu’on te dise merci pour quoi que ce soit. T’es l’organisateur de fête, on te paie pour faire des fêtes et faire ton travail, mais jamais en remerciements sincères, parce que l’égo de la haute-société en prendrait un coup s’ils devaient féliciter un pauvre plouc tel que toi. N’est-ce pas rafraîchissant, un peu d’authenticité dans ce nid de vipères, là où pullulent faux-semblants et léchage de bottes? Hochement de tête en guise de réponse à la jeune fille, sourire qui fleurit sur le bout des lèvres. Parce que tu ne sais pas si tu le mérites vraiment. Le mérite ne lui revient-il pas à elle, au final? À elle qui t’a tenu tête, à toi, à ses parents, à tous et chacun? Tu lui as tendu une perche, elle l’a saisie et s’en est sortie toute seule comme une grande. Point.

Tu te lèves, t’étires, pousse la chaise brusquement sous la table dans un horrible crissement. Le verre de vin abandonné sur le meuble, pas besoin, pas ce soir. Ta langue est déjà bien assez déliée ainsi, même que tu as presque peur de lui faire peur à elle, timide et encore un peu sonnée selon ses propres mots. Tu la guides jusqu’à l’extérieur, piaillant au passage à un bonhomme un peu pompette de faire attention là où il met les pieds.

Et la question qui tue arrive, une qui te fait réfléchir, qui te fait figer sur place. Pourquoi es-tu intervenu, Celian? Tu tournes la tête vers elle, un peu surpris, sans rien dire. Elle reprend la parole après ce qui semble être un moment de doute. Et tu réalises qu’elle… ne sait pas. Pour ce que tu as fait à tes quatorze ans, pour avoir pris une décision semblable à la sienne, celle de changer de maison et de susciter l’incompréhension de tous.

- Aah.. T’es pas au courant.. Je vois, je vois…

Marque un temps de pause à ton tour, réfléchis à une manière de le dire.

- Pour être honnête, je crois que tu ne réalises pas à quel point on a des choses en commun, toi et moi. On a comme qui dirait… Échangé nos Maisons? Celle du Souffle et des Cendres… Ce n’était pas pour moi.

Après réflexion, ça ne te surprend pas plus que ça, qu’elle ne soit pas au courant. Contrairement à sa famille à elle, la tienne n’était pas très reconnue. Ta décision a fait hausser quelques sourcils, a réussi à arracher quelques rires aux petites commères, a exaspéré ta mère une fois de plus (et l’a peut-être délivrée d’un fardeau, qui sait). Et tu savais ce qu’ils pensaient, du haut de tes quatorze ans. Que tu ne ferais pas long feu dans la Maison des Roses et de l’Ombre, qu’on potinerait pendant un moment sur ton existence avant que tu ne sombres dans l’oubli pour de bon. Et vivre dans l’ombre, tu connais. Tu as causé du remue-ménage quelques fois, mais pas assez pour qu’on retienne ton nom. Jusqu’à temps qu’Alastair entre dans le tableau, avec son offre d’emploi entre les crocs. Il y a maintenant deux ans, ton nom est sorti de l’ombre et de nulle part. Grâce à Alastair.

- Parfois.. Parfois, il suffit qu’une seule personne croit en soi pour changer le cours de l’histoire. À force de se faire répéter la même chose toute sa vie, on finit un peu par le croire... J’ai jamais été un enfant modèle. J’ai jamais su comment l’être. Mais j’ai appris à m’affirmer, à être ma propre personne, ce que bien des gens ne seront jamais. Tant pis pour eux s'ils préfèrent suivre la masse sans réfléchir par eux-mêmes.

Petit reniflement de rire. Aah. Qu’est-ce que tu racontes là? Qu’est-ce que Maman en penserait? Elle dirait que la cervelle d’oiseau ne devrait pas s’improviser philosophe.

- Célian: 1! Les sales cons? un gros ZÉ-RO!

Les questions et les pourquoi pleuvent. Toute cette curiosité à ton égard, ça t’amuse un peu, à vrai dire. Personne n’a jamais vraiment compris ta décision, pas même toi, surtout pas à l’époque. Tu avais choisi la Maison rose sur un coup de tête, parce que tu aimais les jolies choses et que les grandes fêtes t’impressionnaient, te vendaient du rêve du haut de tes quatorze ans. Jamais tu n’aurais imaginé qu’une dizaine d’années plus tard, tu serais celui chargé de les organiser. Tu n'étais qu'un enfant, tu voulais t’amuser avec les grandes personnes en beaux habits. N’est-ce pas amusant que tous ceux t’ayant craché dessus autrefois sont devenus ceux qui te lèchent les bottes aujourd’hui? N’est-ce pas écoeurant? Oui. Tout à fait. Ta relation avec ta propre Maison est quelque chose des plus étranges. Pas étonnant que ça suscite autant de questions de la part de la jeune Ross. Ta Maison… Tu l’aimes. Tu adores Alastair. Mais tu la détestes aussi. Tu méprises bon nombre des gens s’y trouvant, autant qu’ils te méprisent toi, malgré leurs sourires, malgré leurs compliments.

- Pourquoi pas?

Tu ris, parce qu’elle ne te vexe pas du tout, parce que tu comprends l’étrangeté de ton choix.

- C’était hors de question de rejoindre celle de la lune et du sang et concernant celle du chant et des os… Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je ne suis pas exactement ce qu’on attend d’un saint.

Tu pouffes de rire. Pauvres religieux. Tu préfères leur éviter de se taper une crise cardiaque à chaque fois qu’ils posent le regard sur toi.

- La maison du souffle et des cendres a ses défauts, elle aussi. J’arrivais pas à tenir le rythme, ça ne rentrait pas là-dedans. Je supportais plus qu’on me regarde comme si j’étais complètement débile.

Tes doigts cognent ton front. Là-dedans. T’aimes apprendre, mais t’apprends pas assez vite. Toujours en retard sur les autres enfants. Aujourd’hui, tu préfères en rire plutôt que d’en pleurer, en grand maître de l'autodérision. Pourtant, ton regard se voile de tristesse et tu te demandes… Si papa était encore là, serais-tu resté dans ta Maison d’origine? Alors si t’es heureux? Tu lui offres un petit sourire en guise de réponse. Tu n’aimes pas mentir, tu préfères rediriger la conversation vers autre chose, dans un excès d’enthousiasme.

- De toute façon! Quatre maisons pour un nombre incalculable de personnalités, c’est trop peu! Si t’arrives pas à trouver ta place, crée-là toi-même! Il n’y aura jamais de changements s’il n’y a personne pour oser faire bouger les choses!

Et quand elle éclate finalement de rire, t’es un peu soulagé. Ainsi, elle est capable de se détendre, finalement.

- Aah, mais la répartie, ça s’apprend, ma chère Alexandra! Je vais t’apprendre les bases! Répète après moi. Mes pa-rents sont de sa-les cons.

Tout sourire, tu prononces ces mots tout doucement, en prenant soin de détacher toutes les syllabes. Tu restes Celian Dresdell, après tout.