on vit et puis on oublie
avec sasha, ça va vite.
avec sasha, tout va vite.
comme une braise sur un tas de cendre, à la moindre mèche qui traîne, tout s’enflamme.
les muscles tendus, le corps qui se repli sur lui-même.
prête à bondir.
l'énergie qui parcourt le corps, l’électricité qui fusent entre ses nerfs, l’adrénaline qui achève la tête.
sasha sasha.
elle vit à deux cents à l’heure parce que s’arrêter,
même penser,
c’est mourir.

les émotions sont trop fortes, trop violentes. comme un coup de pied dans les côtes ou un coup de poing dans la mâchoire. sasha, elle ne connaît pas la demi-mesure. c’est tout ou rien. c’est agressif, bruyant, mordant. si elle pouvait hurler jusqu’au ciel, plonger ses crocs dans la chair, déchirer ses artères, alors elle le ferait.
sans jamais hésiter.
la colère, la joie, la tristesse, qu’importe le panel, qu’importe la couleur, qu’importe la douceur; ça lui arrache la gorge comme de l’aérosol. ça s'agrippe aux tripes et ça remue tout le bazar, des pieds jusqu’au cerveau. dans le chaos des émotions, pas le temps de réfléchir ou de s’entendre penser:
il faut agir avant de crever.

pas beaucoup de qualités pour beaucoup de défauts. peut-être que c’est la description qui lui convient le mieux. invivable et imbuvable, le don de taper sur les nerfs ou de s’énerver la première, sasha c’est le cœur de la tempête ou le foyer de l’incendie. tout va trop vite, sans réfléchir, sans attendre ou prendre le temps. impatiente, intenable, il faut que ça bouge et que ça remue.
tout est franc. l’art des paroles qui sont jetées, crachées, balancées souvent pour faire mal ou pour blesser. elle a la provocation facile, sasha. les mots qui glissent, acides, du bout de ses lèvres jusqu’en plein cœur de la cible. les tronches de ceux qui ne peuvent pas lui revenir, elle les encastre avec plaisir.

peut-être que c’est la fosse qui l’a rendue comme ça, violente, perdue, paumée, brisée.
ou peut-être que c’était là avant, à la disparition d’un père.
ou une nuit d’été, le corps vissé sur une nacelle au goût de fer.
ou peut-être simplement que sasha.
elle était déjà fêlée bien avant tout ça.

peut-être qu’elle est juste comme ça.
une rose aux pétales fanées et aux épines en acier.
qui a poussé de travers sur le trottoir.
destinée à n’être qu’une mauvaise herbe.
à se faire arracher.
à se faire jeter.

elle a oublié comment réfléchir, sasha. elle préfère fuir que affronter ses pensées. il paraît que cela rend vulnérable, que cela rend hésitant, et sasha, elle n’a pas le temps. elle a depuis longtemps laissé les jolis mots et les beaux sourires à celleux qui savent faire. elle, elle n’est que la morsure brute de quelques émotions effarouchées.
et de toute façon ? qui voudrait l’écouter.

la défaite lui colle à la peau comme des puces ou des tics et ça gratte et on s’arrache chaque parcelle de chair en espérant que demain soit un jour meilleur. en même temps, la vie ça trimballe à droite puis à gauche et on finit toujours par se bouffer le mur.
pessimiste, sasha, l’espoir est mort un jour de pluie. elle a compris que la vie, c’était un peu fun de temps en temps, un verre en trop ou un rail de coke, un joli combat dans la fosse et les applaudissements d’une foule en délire. mais après c’est la routine. odeur de clope froide, coup de pieds dans une canette qui traîne, orage sur la capitale.
toute seule.
toujours toute seule.
et même quand elle ne l’est pas.
elle sait qu’elle le finira.
toute seule.

pourtant elle a des choses à donner, sasha. pas que des coups ou des insultes. fidèle et loyale, à la mort comme à la vie; elle est dévouée, capable d’excès de zèle tant qu’elle à l’impression que ça en vaut la chandelle. elle a trop de fois donné sa confiance, trop de fois scellé des promesses. mais celle qui finissait toujours par se faire avoir, que ce soit papa, une amie ou hazgar… c’était bel et bien.
sasha.

l’amertume de la rancune dans la gueule, son égo passé à tabac et sa susceptibilité piqué à vif, sasha, elle finit toujours par se dire que.
finalement.
c’est pas si grave.
parce que, même après avoir mordue la poussière, même après avoir dégueulé l’eau croupi, même après avoir pleuré sous la pluie…
sasha sasha,
elle se relève toujours.

elle dit que l’espoir est mort mais elle ment. elle ne le pense pas vraiment. la hargne est trop forte, elle est pas capable de desserrer la mâchoire et de se laisser couler. c'est dans son sang: sasha, jamais, elle n'abandonnera.
elle ment d'ailleurs comme elle respire. le mensonge, c’est l'ultime masque, l'ultime bouclier après les poings. on frappe d’abord mais si ça résiste, on ment et on se désiste. elle a commencé petite, pour se protéger du venin des vipères. elle a continué après le drame, pour ne jamais plus retourner à la fête foraine. peut-être que c’était là, son point de non-retour. depuis ce jour, sasha, elle a du mal à démêler le vrai du faux, entre ce qu’elle vit et ce qu’elle s’invente.
mais est-ce que c’est grave ?
qui ira vérifier ce qu’elle clame haut et fort ?
personne.
parce qu’elle est juste là pour amuser la galerie.
épater les gradins de parieurs quand dans la fosse, elle sort vainqueur.

mais sasha peut-être.
qu’au fond tout ce qu’elle veut.
c’est le confort d’un foyer.
et la chaleur d’un baiser.

émotive ⚊ hargneuse ⚊ intrépide ⚊ intenable ⚊ malpolie ⚊ imbuvable ⚊ impatiente ⚊ nerveuse ⚊ vive ⚊ provocatrice ⚊ franche ⚊ fêlée ⚊ têtue ⚊ honnête ⚊ susceptible ⚊ pessimiste ⚊ seule ⚊ loyale ⚊ fidèle ⚊ envieuse ⚊ zélée ⚊ mythomane ⚊ rancunière ⚊ égocentrique ⚊ affectueuse ⚊ imaginative ⚊ créative ⚊ bavarde ⚊ tenace ⚊ déterminée ⚊ chaotique ⚊ tactile ⚊ obéissante ⚊ manipulable ⚊ débrouillarde

car tout est gore
la tignasse blonde aux reflets de la couleur du blés, les grands yeux en amandes au mélange de bleus et de gris; sur le papier, sasha a tout pour plaire. le joli visage en forme de cœur, les pommettes hautes et les lèvres fines.
mais plutôt que les jolis sourires et les yeux révolvers, plutôt que battre des cils et se faire belle, sasha préfère les grimaces, sortir les crocs, et asséner des regards cinglants.

pas bien grande, si sasha était, à l'école, la plus grande de tous les enfants. elle est malheureusement la première à avoir arrêté de grandir: un mètre cinquante-quatre, ne dépassant pas le mètre cinquante-cinq et encore moins le mètre cinquante.

le gabarit assez trapus, le corps tout en muscle, sasha n’a pas la taille fine et le corps svelte des grands mannequins: soixante kilos de muscle et d’alimentation douteuse. elle est légèrement en surpoids, mais elle s’en fou: c’est toujours ça de pris pour écraser ses adversaires.

le style vestimentaire est pratique et débraillé. sasha aime les pantalons aux coupes garçonnes, un peu trop grands, dans lesquels on peut flotter dedans. les t-shirt et les sweat oversize pour mieux se sentir vivre, sasha porte souvent des pulls à capuche à moitié posés sur ses épaules parce qu’elle n’a de toute façon pas le temps de s'habiller correctement.

aucun bijoux si ce n’est quelques épaisses bagues en acier pour que le poing soit un peu plus violent, pour frapper un peu plus fort. le maquillage ? elle n’a pas le temps lorsqu’elle combat. la sueur et le sang prennent toujours trop vite le dessus sur son visage ou dans ses cheveux. mais il lui arrive, à de rare occasion, de tenter de prendre soin d’elle, devant un miroir à la vitre brisée.

j'ai raison, tu as tort
née le 1er avril 2074 ⚊ estp & chaotic evil ⚊ ses couleurs préférées sont le rose, le rouge et le noir ⚊ mais surtout le rose ⚊ contre toute attente, elle cuisine plutôt bien ⚊ l’habitude de devoir se débrouiller sans papa quand elle était petite ⚊ très débrouillarde malgré les apparences ⚊ plus manuelle qu’intellectuelle ⚊ soufre d’un trouble de la mythomanie qui s’est déclaré lors du drame survenu à la fête foraine quand elle avait huit ans ⚊ et s’est définitivement intensifié lors de la perte de son père ⚊ non diagnostiquée enfant et désormais seule depuis neufs ans, elle n’a jamais pu être suivie par un.e psychologue ⚊ elle s’est persuadée que son père n'est pas mort, mais les mensonges sur son absence changent selon les périodes ⚊ les mensonges sont de plus en plus difficiles à dissocier ⚊ mais de toute façon personne ne va jamais vérifier ⚊ ça lui fait du bien de modifier sa réalité ⚊ partisane des théories du complot ⚊ elle clame depuis trois ans que les humains vont venir les envahir ⚊ pour elle la terre est plate et les maîtres de maisons espionnent les animas grâce à l’intranet ⚊ pro-prédateurs et probablement extrémiste ⚊ c’est comme ça: les forts bouffent les faibles ⚊ elle ne s’est cependant jamais vraiment investie dans la politique de l’île ⚊ ne croit pas en la réincarnation des âmes mais en les croyances du culte de la mort ⚊ elle a eu des informations sur eux de part une connaissance et adhère totalement à leur cause ⚊ elle rêve d’en rencontrer un pour faire définitivement partie du culte ⚊ superpose tous les vices: clope, alcool et drogue ⚊ ne se calme que dans la musique ⚊ aime la pop, le hip-hop, le rock et le punk ⚊ mais écoute beaucoup de folk et d’acoustique, héritage de son père ⚊ elle aime se vanter de ses cicatrices ⚊ exagère toujours leur histoire ⚊ très bonne combattante malgré son gabarit, ses adversaires tendent à la sous-estimer ⚊ elle se bat comme une furie ⚊ adore avoir les yeux des spectateurs rivés sur elle et la sensation d’extase devant une foule en délire ⚊ s’arrange pour combattre quand la nuit bat son plein et que l’ambiance et à son maximum ⚊ enchaîne les petite défaites de vie: tatouages ratés, rupture amoureuse précipitée, poignet cassé, portefeuille dérobé ⚊ tout s’effondre toujours beaucoup trop vite ⚊ fait souvent des conneries quand elle est déchirée et ne s’en rappelle pas après ⚊ a essayé de se tatouer elle-même “rage de vivre” sur la cuisse ⚊ c’est raté et en plus elle a écrit "raje de vivre" ⚊ elle a pleuré le lendemain en s'en rendant compte ⚊ elle tente depuis de négocier avec irina pour qu'elle lui paye le cover ⚊ appétit d’ogre ⚊ très tactile et affectueuse, elle adore les contacts physiques ⚊ toujours trop enthousiaste avec celleux qu'elle aime ⚊ fini chacun de ses messages et appels téléphoniques par "bisous" ⚊ elle est fière quand elle utilise des mots de plus de trois syllabes

tw: mention de mort & de violence

C'en est fini, tu joues sur le feu

maman est partie de la maison tôt. les souvenirs sont flous, mais le mariage aussi. dysfonctionnel, sans doute. ça aurait fini par éclater. couple que la naissance d'une gamine n'a pas réussit à sauver.

entre ses deux parents, elle a choisit papa. parce que papa, il est chouette; papa, il est moins sévère que maman; papa, il la laisse faire tout ce qu'elle veut; papa, il est milicien. et dans les yeux d'enfant de sasha, il n'y a rien de plus classe que le bel uniforme et le badge.

elle sera milicienne elle aussi. elle l'a clamé très tôt, après être passée par comédienne, stars à la télévision et maîtresse de maison. papa a rit, a passer sa main dans ses cheveux, et a déclarer que pour ça, il fallait qu'elle décroche fièrement son diplôme à l'académie. alors sasha avait tendu le petit doigts et avait promis.

papa n'était pas souvent là. souvent en patrouille, souvent en mission. c'était étrange pour une si petite ville comme régalia, mais ces questions-là, sasha ne se les posait pas. il rentrait tard le soir, ou parfois pas du tout, mais ce n'était pas grave. sasha était grande, sasha était brave. elle n'avait pas besoin d'adulte pour s'en sortir. un crédo, son crédo, elle en a fait son style de vie. indépendante et fière, sasha n'a besoin de personne. même à l'école, pas où peu d'amis. de toute façon ils passent leur temps des sales rumeurs, comme quoi la milice est corrompu et papa aussi. et sasha, elle ne croit pas en ces inepties.

parce que papa est parfait. parce que la milice aussi. hazgar matkovic est le meilleur des maîtres de maison et lui seul devrait être gouverneur. sasha n'y comprends rien en politique, mais c'est ce qu'elle clame haut et fort du haut de ses huit ans. d'ailleurs, dans six ans, elle fera ses vœux chez les lune et sang.

c'est peut être comme ça que ça a commencé. Pour faire face aux rumeurs et au on-dit qui flottent et mordent dans la cours de récrée. elle s'est mise à tisser de jolies mensonges parce qu'il n'y a pas de mal à vouloir se défendre. les autres enfants disent bien n'importe quoi sur son père, sur les johnson, sur elle; alors qu'est-ce qui l'en empêche ? la fin justifie les moyens, toujours.

mais sasha n'est pas très bonne cantatrice. sasha n'a pas beaucoup de charisme. alors bien vite, les mots ne suffisent plus et sasha passent aux poings. bagarreuse et teigneuse, elle a les nerfs à fleur de peau et tout est prétexte à sortir les crocs.

Je n'suis méchante que dans tes beaux yeux

ce qui faisait vraiment rêver sasha, ce qui ferait rêver n'importe quel enfant, c'était les grands manèges et les cracheurs de feu. tous les samedis, depuis quatre ans, papa l'emmenait à la fête foraine. ce n'était pas loin de la maison, pas loin de regalia. comme une bonne surprise qu'on n'attends plus, la promesse d'une crêpe pour le goûter ou d'un fast-food pour le dîner.

sasha, à l'école, elle n'avait pas beaucoup d'amis. mais là-bas, c'était différent. fausse gamine de ville, fausse gosse de riche, elle attirait l'attention et la curiosité des gamins de la troupe, des enfants paumés, coincés dans leur petite caravane, sous le chapiteau rouge et blanc. et ça, sasha, ça lui plaisait.

papa la laissait toujours avec eux, parce qu'il était occupé ailleurs. sasha ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait sous ses yeux, elle qui n'avait jamais appelé personne maman. mais elle s'en fichait. il lui donnait de l'argent, et elle, elle partait s'amuser, se gaver de barbapapa et de bonbons trop sucrés.

parmi tous les bambins, il y en avait une qu'elle aimait bien, le même âge qu'elle, un peu plus petite, un peu plus faible. cheveux noirs et cheveux blonds, courts contre longs.
fidji cruz.
amitié sur les briques d'une rivalité, sasha s'amusait à lui rappeler qu'elle était plus grande, plus lourde, plus forte. mais si sasha était la force, elle, elle était l'esprit. des mots et paroles déjà matures pour un si petit âge, les premiers rôles dans les spectacles pour enfant, des talents de comédienne déjà bien disposés... ah, fidji, même si sasha n'osait l'avouer, ce qu'elle l'impressionnait.
et à la fin des fausses batailles, à chaque fois, les deux enfants riaient.

leur endroit préféré, c'était une des nacelles de la grande roue, où elles se racontaient leurs histoires et leurs rêves. mais un soir, il y eut une autre gamine. de deux ans plus âgée. sasha, elle ne l'aimait pas. trop prétentieuse, trop peste, trop jalouse.
un peu comme elle.
un peu comme elles ?
ce jour est flou parce que sasha, qui se gavait de churros au chocolat, bien installé sur la banquette en cuire de la nacelle, regardait l'horizon, les étoiles dans la nuit et les faibles lueur de la ville. et puis il y eu un cri, un coup, et soudain, le vent.

polly n'était plus là.
tombée tout droit jusqu'au sol.
marionnette disloquée.
petit corps sans vie.
et la coupable devant sasha.
l'index sur les lèvres.
comme pour sceller le secret.

depuis cette nuit-là, sasha n'a jamais voulu remettre les pieds à la fête-foraine.

On n'a pas changé c'est toi

sasha sasha,
entre les rêves et les cauchemars,
s'est inventé de beaux mensonges,
pour oublier le drame.

adieu regalia, adieu la fête foraine, adieu l'école primaire. papa est muté à la capitale, il paraît que c'est là-bas qu'il y a le plus de travail. sasha, contente du voyage, regrette tout de même la grande maison à la campagne. l'appartement est petit et même à deux, on se marche un peu dessus.

l'adolescence frappe et sasha s'embrase chaque jour un peu plus. encore plus terrible, encore plus vive. mais ce qui l'a vraiment changé, ce n'est ni les hormones ni l'arrivée dans l'âge ingrat. c'est ce qu'il s'est passé cette nuit d'été. ce que sasha ne pourra jamais oublié. la boîte de pandore bien ancrée dans le noir de son esprit, qu'elle essaye à tout prix de déguiser, pour elle-même se feinter. les mensonges, c'est comme les marches d'un escalier, le plus difficile, c'est le premier, et une fois qu'on en murmure un, on ne peut plus s'arrêter.

papa change aussi un peu. plus triste, plus fatiguée, moins joyeux. il boit un peu, les cernes sous les yeux. il à l'air de crouler sous un poids invisible. ou peut-être qu'il est juste un peu plus vieux ?  ce n'est plus fusionnel comme avant, avec sasha. un peu plus sévère, un peu plus prise de tête. gamine pas facile trop habituée à ce qu'on ne lui dise jamais non, papa s'en mord un peu les doigts, bataille durement à la maison, gagne quelques fois.
à quatorze ans tout de même, c'est jour de fête. sasha n'a pas oublié ses rêves. elle fait ses voeux dans la maison de la lune et du sang. bientôt, elle intégrera la milice, parce qu'elle veut tout de même le rendre fier.

mais l'année de ses seizes ans, papa ne rentre pas le soir. sasha ne s'affole pas, ca à toujours été comme ça. il sera là demain au petit matin, des croissants dans une main, le bulletin dans l'autre à ronchonner des mauvaises notes qu'elle a ramené. sauf que le lendemain non plus, papa n'est pas là. et les jours suivant, toujours rien.
finalement, un vendredi pluvieux, il y a deux hommes qui sonnent à la porte, en uniformes de miliciens. sasha ne comprend pas trop ce qu'ils disent, un peu sonnée, un peu choquée. il n'y a que des bribes, des mots-clefs: coffré, dettes, corruption, disparition, héritage, cachet, académie, prise en charge. et puis c'est tout. ils lui remettent une grosse enveloppe de billets, le peu d'économie qu'il restait à son père, et claque la porte en la laissant planté là, un peu désolés.

sasha n'a pas tout compris, sasha a préfère oublier. se mentir encore un peu, se dire que son père n'a pas disparu, qu'il l'a juste abandonné. peut-être qu'il ne l'aimait pas vraiment, finalement. qu'il a fondée une famille avec sa maîtresse de la fête foraine, ou qu'il est parti par delà la barrière.  parce que pour sasha, c'est plus facile de s'inventer de belles histoires pour maquiller la réalité.

les économies partent en fumée. l'aide proposée à condition de rejoindre la milice, elle a préféré tout envoyé valser, se laisser sombrer. le loyer incapable d'être payé, foutu dehors par le propriétaire mal léché, sasha devient du jour au lendemain une pauvre gamine sans nulle part où aller, sans personne sur qui compter.

toi tu dis pas c'que tu veux

c'était peut-être le destin que de finir là-bas. la galère de ne plus rien avoir, de ne plus rien posséder; pas de potes, pas de famille, pas de toit, même pas deux ou trois billets. sasha, elle a volé, des échoppes ou des magasins, des gens parfois. s'est fait choppée par la milice quelques fois, mais relâcher le lendemain: on n'enferme pas les gamins.
c'est comme ça qu'elle a commencé à détester la milice, à détester sa maison. le rêve d'enfant, l'uniforme porté fièrement, c'était bien loin maintenant. ils avaient pris papa, ils avaient pris ses rêves, et maintenant à leurs yeux, aux yeux des miliciens qu'elle admirait tant... elle n'était plus qu'une pauvre gosse errante, une crasseuse des bas quartiers.

alors sans trop réfléchir, comme le poids terrible de la fatalité qui malgré tout la forçait à toujours avancer, toujours se relever, sasha a fini par prendre ces escaliers. elle est descendue dans les sous-sols, les galeries malfamées de brise-cœur. elle s'est engouffrée dans en enfer.
au début dans la fosse elle se prenait des raclées. parce qu'ici-bas, ce n'est pas comme dans la cours de récrée. on ne se tabasse plus avec des gamins mais contre des types qui savent frapper.
c'était dur mais au moins, elle avait un endroit où aller, un endroit où manger, et parfois même, il lui arrivait de gagner. mais surtout, avant tout : elle avait quelque chose à faire de ses journées.

au bout de trois ans, la vingtaine bien entamée, sasha a bien changée. les poings se sont précisés, les crocs se sont aiguisés et les griffes affûtées. sasha a prit goût à l'ivresse du combat, les coups chirurgicaux, l'ovation d'une foule en délire, l'alcool en récompense et la folie de l'arène.
dans le fond, elle est incapable de dire si cette vie-là lui convient. quand elle sort des souterrains, la jalousie lui plombe le bide devant la ribambelle de gamines de son âge bien roulées prête à se perdre au bar ou en boîte de nuit.
tout ce qu'elle sait , c'est que c'est ça, sa vie désormais.
les rêves d'enfants à l'abandon et l'âme coincée dans une arène de plomb.

et puis un jour, dans la fosse, elle l'a vu
lui, le chef de sa maison.
hazgar matkovic.
tout lui est revenue à la gueule: se rêves d'enfants, le nom de son père, les accusations de corruption et l'annonce brutale de sa disparition.
oh sasha, elle s'est dit à ce moment là : "c'est de sa faute si j'en suis là".
alors elle s'est jetée sur lui, dans un élan de folie. mais hélas, on n'abat pas un lion comme ça. elle s'est prit la raclée de sa vie et à mordu la poussière comme jamais auparavant.
mais hazgar, au lieu de l'achever, lui a proposé un marché. il l'avait déjà repéré, c'est sur elle qu'il aimé miser. et le nom de johnson invoqué, ça lui a donné une idée.
si sasha devenait la meilleure des combattantes, si sasha remportait tous ses combats, alors alors.
il l'intégrerait dans la milice.
promis juré craché.
et elle, elle s'y est raccrochée de toute ses forces.
le rêve d'enfant de nouveau éveillé.

mais quand manon solvienne est devenue cheffe de maison, et que encore plus tard, hazgar matkovic, au bout de trois ans, n'a fait que la faire miroiter, c'est avec violence que sasha a réalisé:
elle s'est encore bien faite roulée.

alors elle a picolé pour essayer de tout digérer. de faire passer la rage, la colère et la tristesse.  elle a fini à brise-coeur dans un bar miteux. à une table, une femme et deux hommes discutaient. elle a reconnu un des deux hommes: il n'avait fais que l'emmerder le mois dernier.
alors sasha elle s'est levée.
il fallait qu'elle agisse.
il fallait qu'elle sorte toute sa rage.
alors elle a asséné son poing vers son visage balafré et l'a fracassé sur la table.

putain.
qu'est-ce que ça fait du bien.

son pote aussi, elle l'a défoncé juste après. il ne restait que la femme aux cheveux rouges. elle l'a reconnu de vue: une parieuse de la fosse.
sûrement encore une ordure.
ils méritent tous de crever de toute façon.
tous tous tous.

mais finalement.
au lieu de finir par se battre contre le monde entier et de finir dans le caniveau.
la femme lui a proposé un marché.
irina alekseeva.
"devient ma championne et je t'offre une vie et un toit".

ah, sasha.
après tout.
est-ce qu'elle a encore quelque chose à perdre ?