Il en fait trop peut-être, il le sait ; les cents pas, le regard dur, les envies de tout balancer par la fenêtre. Exploser un peu mais un regard pour Alexis suffit à apaiser (un peu) la tension dans ses muscles, désenfler la boule dans l’estomac, souffler la pression entre les côtes. Soupir un peu fébrile, il finit par s’arrêter, secouer la tête. Cette journée, c’est beaucoup trop. Pour lui, pour elle. C’est finalement les yeux résolument plantés dans les siens qu’il s’avoue assez vaincu pour écouter sans interrompre. Il n’y a pas à dire, la future avocate sait parler comme il se doit, présenter les bons arguments et tirer la corde sensible. Il hésite, finit par acquiescer. « Je me doute que tu n’as pas agis sur un coup de tête et que tout ça était très réfléchi. Je te connais assez pour savoir que tu ne prends pas tes décisions à la légère et que tu tenteras toujours de choisir la meilleure option pour tout le monde. » Parce qu’elle est un peu comme lui en un sens : trop gentille.
« Mais ça m’angoisse de me dire qu’encore une fois il se passe des choses que je ne sais pas. » Il baisse la tête, quelques mèches viennent lui balayer le front. Il comprend ce qu’elle dit, le gamin, son père. Evidemment qu’Alexis s’est reconnue dans ces paroles. Lui aussi, et elle le sait.
« Je ne sais pas trop quoi dire Alexis. Si ça avait été moi je pense que je n’aurais pas hésité à le livrer, gamin ou pas. Peut-être que je l’aurai regretté plus tard, mais je l’aurais fait. » Il relève la tête, étincelle de colère dans le regard. « On ne sait pas de quoi ils sont capables. » En fier milicien, Caspian défendra toujours les siens, les placera au-dessus de tout quand bien même ils ne le mériteraient pas.
« Et même si effectivement il est dans cette secte contre son grès, on ne peut rien y faire Alexis… » La voix redevient douce, note bienveillante alors qu’il l’accepte entre ses bras, la serre une seconde contre son torse. Il regrette tout d’un coup les mots placés trop haut ; Alexis, elle a agit comme elle le pouvait. Encore un coup de culpabilité comme une lame en plein cœur. « Non c’est moi qui suis désolé… » Il lui caresse quelques secondes le dos avant de la relâcher, la mine triste comme un chiot battu.
Doucement, il la guide à nouveau sous la couette. La tête en vrac, le cœur en miette. Mais ça passera. « Je comprend pourquoi tu as agi comme ça, c’est juste… beaucoup. Pour toi aussi j’imagine. » La tête se pose contre l’oreiller, il s’autorise finalement une blague, le sourire un peu crispé malgré tout. « Mais j’avoue… tu parles comme une vraie avocate. J’ai hâte de te voir argumenter un jour devant une cour. » Oui, il est un peu fier malgré les évènements.
oublier les drames (vendredi 24 octobre 2098 x coloc)
elle acquiesce, un peu soulagée qu’il le reconnaisse. soulagée aussi parce qu’en disant cela, en soulignant qu’elle prend toujours la meilleure décision pour tout le monde, le compromis et l’équilibre. et mine de rien, ça la conforte dans son choix, ça la rassure de se dire qu’elle n’a pas totalement fait n’importe quoi.
“je sais. je suis surtout désolée de ne t’avoir rien dit… vraiment.” elle relève la tête, plonge ses yeux noisettes dans ceux de son colocataire. c’est sincère. “mais plus le temps passait, plus c’était difficile et moins j’osais… et puis, quand on s’est revu au camping avec alysse pour la première fois depuis la crypte… on en a discuté. ça m’a fait du bien de ne plus être toute seule à ruminer tout ça… et puis, on s’est dit qu’il fallait qu’on te le dise. mais…” elle a baissé la tête à nouveau. “on avait peur. peur pour toi. peur que tu tentes le diable.”
sa main vient se glisser dans celle du fennec, et elle lui serre les doigts comme un nouveau-née, se remémorant la promesse d’il y a quelque instant.
“j’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose… j’ai pas envie que tu disparaisses…”
elle répète les mêmes mots inlassablement, parce que la peur est trop grande, parce qu’elle ne pense plus qu’à ça. quand on fait face au danger, quand on frôle la mort, quand on se retrouve dans un attentat… on se rend vite compte d’à quel point la vie ne tient qu’à un fil et qu’il peut vite se briser. et ce soir, alexis, elle a peur. elle ne se sent plus en sécurité.
mais caspian a promis. alors elle se ressaisit.
“je me doute...” elle soupire. “mais bon, c’est fait… et voilà, tu sais tout.”
la réaction n’a pas été trop violente et alexis se sent tout de même soulagée. elle a enfin la sensation de pouvoir passer à autre chose, de pouvoir avancer.
“oui, merci.” sourire maigre, mais sourire doux. “et t’en fais pas non plus, je comprends ta réaction.”
elle le sait pertinemment. caspian ne reste pas fâché longtemps.
“merci, t’es doux…”
ça lui réchauffe le cœur, le compliment, même si elle a du mal à l'assimiler. elle a déjà du mal avec toute cette journée. les yeux se ferment petit à petit, elle sent la fatigue l’envahir. alors elle se laisse glisser dans le lit, toujours contre caspian, mais la tête contre l’oreiller, les bras autour de sa taille parce qu’elle ne veut pas le lâcher.
“j’ai sommeil… je veux dormir… tu veux bien rester ?”
juste pour cette nuit. juste pour cette fois. pour la protéger des cauchemars.