Ils ont encore l'odeur de la rosée sur la peau quand père et fils se présentent devant la petite maison à l'entrée recouverte de fleurs. Chaque fois qu'il vient, Nizam s'étonne toujours de trouver des plantes nouvelles dans les parterres qui jonchent l'allée de graviers sur laquelle sautille joyeusement Hamza, heureux comme son géniteur de retrouver sa mère. Quand bien même le week-end était court, rien ne remplace la douceur d'un foyer bien entretenu après plusieurs jours passés sous les étoiles et tout deux sont pressés à leur façon de retrouver la maitresse de maison. Laissant son gamin prendre les devants, Nizam réajuste le lourd sac à dos qu'il a sur ses épaules et relève un peu la sangle de la tente autour de sa poitrine pour mieux se redresser avant de passer une main dans ses cheveux. Il regarde son fils, le coeur battant, maltraiter la sonnette sans le réprimander car lui aussi à hâte que la porte s'ouvre dans un cliquetis de bracelets et que de l'intérieur se fasse entendre les railleries de son (ex) amante. Mais il ne reconnait pas le claquement habituel de talons derrière la porte, pas plus que le parfum caractéristique de son ancienne conjointe lorsque le verrou s'ouvre et qu'Hamza se précipite à l'intérieur en braillant et répandant de la terre sur le paillasson :
— Oh Monsieur Miche ! Le visage de Nizam se décompose. Le début de sourire qui avait germé sur ses lèvres alors qu'il pensait au visage de sa passée chère et tendre s'est mué en une moue crispée entre horreur et stupéfaction. Déjà Hamza a tendu les bras vers le rat, réclamant une embrassade tout en continuant : Vous ici, quelle surprise !
En effet quelle surprise. Crocodile reste planté devant le palier, raide comme jamais, remplissant presque toute l'ouverture de la porte de sa stature immense quand il lui semble pourtant que le sol se dérobe sous ses pieds et l'avale tout entier. Il sent son coeur tomber si haut, si haut jusqu'à ses rangers, jusqu'aux tréfonds de la terre et il a peur de se pencher pour en rattraper un morceau. Il lui vient comme une sorte de vertige qui le fait se tenir encore plus tendu que d'ordinaire. Il se doute que son (ex) épouse voit quelqu'un d'autre. Il se doute que ce week-end au camping n'était qu'une excuse pour qu'elle puisse prendre un peu de temps pour elle, pour elle et un autre homme (que lui). C'est son droit après tout. De voir un autre homme (que lui). Mais de tous les animas sur l'île il a fallu que ce soit. Lui.
— Ah vous ici. Répète-t-il mécaniquement sans s'en rendre compte. À court de mots, à court de souffle. Quelle surprise.
Le visage de Nizam est redevenu lisse. C'est le visage du crocodile, du gardien. De celui qui n'éprouve rien. Que rien ne peut ébranler. Il prend une longue inspiration et demande sur un ton faussement tranquille :
— Où est madame ?
Madame (ex) Aslan. Qu'il entend.
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Micheletto C. Qaderi
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Sam 18 Juin - 2:30
The cage is open. You can walk out anytime you want. Why are you still in there ?
La vengeance, Micheletto l’a toujours préférée brûlante.
Dévorée le plus vite possible, quitte à s’en brûler la gorge. Réagir au quart de tour pour ne pas laisser la satisfaction s'installer.
La gratification doit être instantanée.
Mais il doit admettre qu’il pourrait apprendre à apprécier d’attendre qu’elle refroidisse.
Cette vengeance-là, elle lui a été servie sur un plateau d’argent; un délicieux carpaccio accompagnant une triste nouvelle qui avait vite fait d'arriver jusqu’à son cercle.
Oh non, les Aslan viennent de divorcer ?
Madame aura bien besoin de se changer les idées.
(en bon omnivore, il n’allait pas se priver)
Toujours proche de son orbite mais ne la croisant jamais, le départ de Monsieur est venu bouleverser le centre de gravité et lui a permis d’approcher au détour d’une galerie. Elle a la fibre artistique, contrairement à son (ex) mari; lui, suffisamment de culot pour aborder ce qui lui plaît sans honte, aucune. Un peu d’impertinence, un peu de charme trouvé dans son imprévisibilité. Beaucoup d'efforts pour réprimer ses pires instincts.
Ça rit, ça boit, ça se recroise dans une autre soirée, un autre vernissage, une terrasse, ça décide de s’y rendre ensemble la prochaine fois, et de fil en aiguille, la relation se tisse, casuelle, naturelle.
(il faut croire qu’elle aussi est omnivore)
Des fois, Micheletto en oublie que c’est la vengeance qui a poussé ses pas il y a trois ans de cela.
Des fois comme ce week-end. Bonne bouffe, bonne gnôle, bonne compagnie,
le petit avec son papa, ils redeviennent deux gosses qui ont la maison pour eux tout seul.
Et si c'est la petitesse qui le pousse à jouer aux amants rêvés -même s'il en est loin-, on ne peut dire qu'il l'a passé à lécher de vieilles plaies. Non, en fait, il n’y a qu’à peine pensé, et le temps, lui, à complètement filé.
Déjà, la sonnette stridente retentit.
Les braillards, ça n’a jamais été son fort; l’instinct paternel n’est pas très motivé à s’éveiller chez lui, et si les décibels ne font pas bon ménage avec les cocktails de la veille, il s’efforce de faire miroir au sourire qui l’attend en ouvrant la porte.
Il devient on ne peut plus sincère lorsque ses yeux remontent jusqu’à l’ombre derrière l’enfant, s’élargissant d’oreille en oreille.
(il n’aurait pas pu se douter que ce week-end puisse devenir encore meilleur)
“Hé voilà la terreur !” Sans manquer un battement, il soulève le petit garçon qui s’élance vers lui pour le faire tourner en l’air avec une aisance déconcertante. Il joue bien son rôle, ravale l’agacement qui monte lorsque les semelles pleines de terre viennent inéluctablement se frotter contre le velours de son pantalon, et lâche même les yeux du crocodile incrédule pour tourner toute son attention vers lui. “Ben alors, tu avais hâte comme ça de rentrer à la maison ?”
Bon, il ne peut résister à l’envie de laisser son regard glisser vers celui auquel ce commentaire est destiné.
Après avoir reposé le petit faon et lancé un “Enlève tes chaussures, sinon ta mère va gueuler.” à sa suite, il peut enfin venir s’accouder à l’encadrement de la porte pour savourer son dû.
Nizam, ici, alors qu’il se tient en tenue d’intérieur chez lui ?
Il n’aurait pas rêvé meilleur dessert.
(il a envie de l’humilier) (lui faire goûter à ce qu’il lui a fait)
Le sourire sympa devient un sourire narquois. “Oh, moi je m’attendais à te croiser un de ces jours.”
(avec impatience)
La question le fait souffler du nez. Il jette un coup d'œil derrière lui dans la maison, retardant délibérément sa réponse. “Sous la douche.” Sa nonchalance n’a d’égale qu’à la jubilation que ces quelques mots lui procurent, et il a beau se délecter tout autant de faire barrage à Nizam, l’idée de l’inviter à l’intérieur est bien plus délicieuse. “Mais entre seulement, elle sera pas longue.”
Lui, il a déjà tourné les talons pour se mettre à la recherche du mioche, sa voix retentissant entre les murs qu’il ne connaît que trop bien à présent. Jouer les hôtes, ce n’est pas son job, surtout pas pour lui. Non, il préfère bien plus continuer de jouer les papa sous les yeux du crocodile.
(il s’est si bien entraîné sous ceux de son ex, après tout)
S'il se fout bien de savoir comment s’est passée leur petite escapade, lorsqu’il met enfin la main sur le petit monstre, il va directement aux nouvelles. “Alors, t’as vu des constellations ?” Le temps était magnifique ce week-end, pas un nuage dans le ciel de jour comme de nuit, l’idéal pour observer le ciel nocturne. Si la présence d’Hamza ne l’avait pas emballé au début de cette relation, au final, il n’a pas manqué de faire comme sa mère et son grand-père avant lui: étaler son savoir pour faire briller les yeux d’un gamin et ainsi perpétuer le cycle.
(au fond de ce lac de rancœur, la candeur sincère d’un morveux a peut-être réussi à se faire un petit radeau)
(mais pour le moment, ce sont les eaux sombres qui prennent le dessus, ravivée par la présence d’un reptile en leur sein)
Oh le coeur du crocodile bien caché sous ses écailles se fend d'une brèche au moins aussi grande que le sourire qui se dessine sur les lèvres de l'autre. C'est un coup bas, un coup qui fait mal, capable de traverser les centimètres de cuir épais et de muscles qui d'ordinaire le protègent. Manoeuvre de traître. Cela le lui va bien. Il n'y a qu'un rat, une vermine comme lui pour frapper aussi sale. Mais ce qui lui semble être le coup de grâce ne vient pas de l'autre : il est porté par sa propre chair. Hamza rit, soulevé par l'invité opportun comme si de rien n'était. Comme s'il était sincèrement heureux de retrouver ce moins que rien. Ce rire, ne devrait-il pas le garder rien que pour ses bras à lui ? Ah les cons ça ose tout, voler sa femme ne lui suffit pas, il faut qu'il prenne le fils avec ! Nizam saigne sous sa poitrine (coups de couteaux sous son t-shirt) alors que ses poings se ferment et qu'il déglutit péniblement un relent de rancoeur qui remonte pourtant aussitôt que l'autre intime à Hamza de se déchausser. Comme s'il était chez lui. Comme s'il était Lui.
Le sang de Crocodile ne fait qu'un tour dans ses veines, bouillonnant comme jamais. L'homme en lui, l'humain qu'il déteste, qu'il voudrait faire disparaitre, lui dit de rester sage. L'anima, en revanche, siffle de colère, lui rappelle qu'il pourrait s'en débarrasser d'un simple coup de mâchoires. CLAP. Un grand coup de crocs comme un coup de tonnerre et plus de Micheletto. Ce serait si simple. Mais ça risque de salir le parquet aussi. Et la mère va gueuler. Souffle l'humain en lui. Ce maudit humain. S'il n'existait pas, il n'aurait pas d'émotions. Il ne se tiendrait pas là, interdit, blessé, humilié, défait dans ce salon qui ne lui appartient plus devant ce rat qui a pris le dessus en lui prenant ce qu'il a de plus précieux.
— Oui on a vu plein d'étoiles ! La Grande Ourse, Orion et Cassiopée ! Mais entre nous, je trouve que la Grande Ourse aurait du s'appeler la Grande Casserole et - Tournant la tête vers son géniteur : Ça va papa ?
La voix inquiète d'Hamza le fait baisser le regard. Ses mains se relâchent. À nouveau, il inspire, expire, inspire lentement, difficilement, sentant comme des bouts de verre s'infiltrer dans ses poumons. Non ça ne va pas. Ça ne va pas du tout. Nizam articule lentement :
— Hamza pourquoi tu n'irais pas dans ta chambre ranger tes affaires ?Avant que claque le tonnerre. Et si la formulation se veut aimable, le ton ne laisse pas de place au doute : c'est un ordre. Déjà il place le sac à dos du petit entre ses bras et l'invite d'une légère tape dans le dos à disparaître dans les escaliers, à l'abri des regards. À l'abri du carnage. Le gamin file non sans un regard mi-interrogateur, mi-soucieux, l'instinct d'herbivore lui soufflant certainement que la fuite vaut mieux qu'être pris entre deux feux.
Depuis la salle de bain se fait entendre le bruit de l'eau qui coule. Effectivement, elle est sur la douche. Nizam n'a aucune peine à imaginer pourquoi et l'image qui lui vient en tête lui fait autant de mal qu'elle le met hors de lui. Le corps nu de son ex, allongé à côté de ce gars. Qui la dévore des yeux, avec son sourire carnassier. Son sourire cruel. Le rat sait parfaitement ce qu'il fait. Ne devrait-elle pas avoir compris qu'il n'est là que pour se venger ? Tu devrais lui faire ravaler ses dents. Une par une. Montrer qui ici est le mâle alpha.
Nizam n'a jamais eu des mains d'artistes. Il a des mains de travailleur, de milicien : des mains énormes, ciselées par la rigueur de l'entrainement avec des phalanges grossières, des paumes rugueuses marquées de traits enfoncés avec des bosses épaisses et pointues comme des cailloux quand il ferme les poings. Ce sont des mains qui sont faites pour prendre et pas pour créer et les voilà qu'elles prennent à deux, de chaque côté, le col de Micheletto dans un mouvement aussi rapide que brusque, comme s'il venait d'exploser à peine le petit sorti de la pièce.
— Espèce de sombre connard. Grince le gardien en rapprochant l'intrus de lui, de son visage. Il suffirait d'un coup. Nizam, si calme d'habitude, a la fureur sur le visage. Il regarde toise ce rongeur sans cacher son envie de repeindre chaque mur du salon avec la couleur de son sang. Espèce de... Répète-t-il presque à court de souffle. À court de mots. Qu'a-t-il à lui dire à part qu'il le maudit de tout son être ? Pourquoi gaspille-t-il sa salive à lui parler ? Il suffirait juste de l'éclater au sol. De prouver que c'est lui le plus fort.
— Nizam ! Une voix féminine claque dans les airs avec assez d'autorité qu'elle suffit à séparer les deux mâles. Nizam relâche aussitôt Micheletto et ses épaules s'affaissent pitoyablement devant son ex qui, encore dégoulinante, s'avance vers lui le menton relevé comme pour le mettre au défi. Qu'est-ce que tu fais ? — Rien. Qu'il répond à voix basse en baissant les yeux à la façon d'un môme qui vient de se faire prendre la main dans le sac en train de faire une bêtise. Non il ne peut rien faire. — J'espère bien. Enchaine-t-elle aussitôt avant de jeter un coup d'oeil vers Micheletto et de hocher la tête. Hamza est en haut ? Hochement de tête. Il a été sage ? Hochement de tête. Tu lui as fait faire ses devoirs ? Hochement de tête. Et mangé ses légumes ? Pas d'hochement de tête. La madame soupire et tourne les talons. Je vais m'habiller et lui faire prendre son bain avant le dîner. Ne faîtes rien de stupide tous les deux.
Mais elle ne le fout pas à la porte. C'est peut-être pire quelque part. Elle sait ce qu'elle fait. Elle se venge aussi. Elle aussi veut l'humilier. Tout le monde veut l'humilier. La grosse voix de Crocodile s'est tue. Elle a rendu les armes. Il sait qu'il ne peut pas caillasser l'autre, que ni elle, ni son fils ne lui pardonnera. Qu'il a sa réputation de gardien à tenir, son honneur d'homme respectable à garder. Il ne peut pas retourner au prison.
Alors Crocodile se contente de lâcher un grognement las et de se laisser tomber les fesses sur le canapé, sa tête entre ses grandes mains. S'il le regarde, il aura à nouveau envie de le tuer. Et il se souviendra qu'une relation ça se fait à deux. Que son ex le préfère à lui. C'est la vie.
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Micheletto C. Qaderi
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Mer 20 Juil - 20:44
The cage is open. You can walk out anytime you want. Why are you still in there ?
Plus encore que le repas, c’est un menu gastronomique que le karma lui sert: il y a tant sur la table qu’il ne sait presque plus où donner de la tête et par quel mets commencer.
Le cœur croquant qu’il entend se briser de là où il se tient ?
La fierté embrochée de part en part ?
Ou le sang sucré qui fuit le visage du reptile pour tantôt revenir pulser de plus belle dans ses tempes ?
Sans même s’en rendre compte, Micheletto se lèche les babines, délecté par le spectacle simple de ces douces saveurs à peine le prédateur les a-t-il rejoint dans le salon. Il savoure le ton de sa voix, la normalité feinte de ses mots dont l’arrière-goût inexplicable d’autorité ne laisse aucun doute sur la nature des émotions cachées derrière. Il ne peut s’en empêcher, il se sent obligé de lâcher un “Tu me raconteras après.” au petit faon puni par les états d’âmes de son paternel, des notes désolées qui n’ont rien à faire dans sa bouche enjolivant la promesse.
Oui, il aura tout le temps de lui raconter, le reste de son enfance qu’il ne passera pas avec son odieux papa.
A peine le petit disparaît-il en haut des escaliers que la nature carnassière de son sourire ne cherche plus à se cacher. Lui qui a déjà le poignet dans le plâtre pour avoir cherché des noises à un autre reptile ne flanche pas plus lorsque Nizam l’empoigne par le col: au contraire, sa jubilation est on ne peut plus palpable.
Il n’a rien besoin de dire, aucun mot ne pourrait frapper plus bas que ce que ce dont il a été témoin.
Et voir le prêtre exploser ainsi ?
Quel délice, clairement la pièce de résistance de ce repas.
Mais il reste encore le dessert.
Micheletto ne peut même pas feindre la surprise à l’intervention de Madame, mais il fait quand même l’effort d’effacer son sourire au moment de tourner le visage vers elle, et ce même si la pitoyable réponse du crocodile lui chatouille les zygomatiques. Non, il sait mieux que de laisser transparaître ce plaisir pervers devant elle: il se contente de continuer de glisser dans son rôle de bon petit amant et de laisser ce petit moment de gêne se passer en restant sagement à sa place.
C’est le grognement et le grincement du canapé qui lui font doucement pivoter vers le crocodile lorsque les bruits de pas s'évanouissent à l'étage.
Et voilà le sourire de mange-merde qui revient s’agrafer sur son visage.
“Quelle femme.” lance-t-il nonchalamment en laissant courir le bout de ses doigts sur le dossier du canapé qu’il contourne d’un pas léger. “Difficile à croire que quelqu’un comme toi puisse avoir si bon goût.”
Le rat est malin: il se tient à bonne distance du prédateur, et ce malgré l’assurance de ne pas avoir à craindre de se faire croquer. S’il ne peut rien rapporter de leur affreuse rencontre à la femme de Chanteloup, ici, tout est différent, et ils savent tout deux qu’il n’aurait aucune vergogne à cafter la moindre maltraitance à madame.
(et après cette petite démonstration, nul doute qu’elle se rangera de son côté. Après tout, que lui a-t-il fait, à part être un méprisable rongeur ?)
“Heureusement qu’elle ne partage pas tes dispositions.” La fin de sa phrase s’évanouit dans un long bâillement réveillé par son étirement, comme s’il se fichait éperdument du passé, qu’il ne s’agissait que d’un fait simple. Une petite discrimination. Un délit de naissance malencontreux. Un simple biais de milicien.
Mais l’illusion vole vite en éclat.
“Ça doit te faire bien chier, hein ?”
Son visage s’est tourné vers le crocodile pour planter son regard mauvais dans le sien. Il y brille une rage intense qui ne peut être éclipsée par l’allégresse de l’instant.
Le festin a beau être copieux, l’amertume de la vengeance teinte tous les mets. Ils ont tous le goût du mépris de sa famille, du dédain de ce type qui ne le connaissait que de ce nom qui devient poisseux à son contacte, comme une putain de malédiction dont il s’est dépêtré à grande peine.
Ça laisse ses marques sur un homme, ça, alors maintenant, c’est à son tour de graver la sienne en lui.
Un rire d'enfant étouffé par la moquette et le plafond qui les séparent de la chambre de Hamza résonne au-dessus de leurs têtes. Il n'y pas d'ange qui passe, il n'y a que l'écho d'une conversation légère et indéchiffrable désormais pour les séparer. Rat ne cache pas sa jubilation, Crocodile a encore les yeux baissés. Il fixe d'un air absent le tapis avec cette envie de vomir et de crier en même temps. Qui eut crû qu'il suffirait d'une femme, d'une seule pour dépouiller le gardien de tous ses moyens. Et ce n'est même pas Soledad, même Sa prêtresse Trois-Yeux qui le tient dans la paume dans sa main c'est une simple mortelle, rien de divin, rien d'impressionnant. C'est d'une humiliation. N'est-ce pas le signe qu'il devrait juste se lever et partir ? Il lui semble qu'il n'y a, après tout, plus rien ici pour lui. Pas même des miettes de sa fierté. Elle les lui a volées et jetées sur le parquet avant de soigneusement passer l'aspirateur et de proprement le remplacer par la plus vile des vermines.
Alors tu parles que ça le fait bien chier. Ça l'anéantit tout entier.
Il pose ses coudes sur ses genoux, relève lentement la tête, les mains toujours tremblantes et les dents serrées. Il faut qu'il parte. Il doit partir. Mais c'est chez lui merde. Non c'était chez lui. Elle a décroché toutes les photos de lui. Ses chemises, elle ne les utilise même plus comme vieux chiffons : elle a tout donné ou jeté ou brûlé. Ses livres, tous les recueils de poèmes et la saga de Dune qu'ils adoraient, elle les a mis dans des cartons scellés à grands renforts de scotch avec les quelques bibelots et les trophées de chasse qu'il lui a offert. Cette maison ce n'est plus la sienne, cette femme ce n'est plus la sienne. Il devrait partir.
Mais comment pourrait-il partir en sachant que c'est un rat qui s'est installé à sa place dans son lit ?
Il ne peut même pas le regarder dans les yeux. S'il le fait, il sait qu'il va rentrer dans son jeu. Il sait qu'il va vriller. Il pense déjà à combien ce serait facile de l'attendre un soir à la sortie d'un bar et crac lui briser la nuque entre ses grandes mains et shlac la lame dans la gorge, un grand trait rouge sur le cou, au moins aussi grand que le sourire qu'il arbore fièrement.
— Ne m'adresse pas la parole. Claque-t-il sèchement en seule guise de réponse. Qu'on lui accorde au moins un instant de silence, une minute en mémoire de son coeur qui vient d'exploser.
L'ex-milicien se lève, ses genoux craquent ou serait-ce les restes de son ego qui s'entrechoquent ? Il ramasse son sac, il réajuste le col de son manteau. Et enfin tourne la tête, toise l'autre de haut en bas un long instant. À étincelles d'allégresse répondent des flammes de détestation.
— Toi. Moi. Dehors. Viens. C'est qu'on étouffe ici. C'est qu'il voudrait l'étouffer à l'abri des regards indiscrets. Il croise les bras, attend une réponse. Alors ?
Qu'il ose accepter le défi si c'est un mâle un vrai. Ou qu'il se taise à jamais. S'il faut faire les choses salement, s'il faut mourir et tuer par et pour la fierté, autant épargner le parquet. De toutes façons il va pas rester là à attendre qu'on l'invite à dîner.
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Micheletto C. Qaderi
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Mer 27 Juil - 14:07
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Leurs émotions s’alignent enfin ; après tout ce temps à n’avoir le droit qu’à son dédain froid, il a finalement réussi à mettre ses pattes dans les entrailles du crocodile, à glisser ses avant-bras jusqu’aux coudes pour aller agripper son cœur. Et maintenant qu’il l’a choppé, il va le serrer, le serrer jusqu’à ce qu’il éclate dans ses mains comme une grenade trop mûre; il se repaîtra de son sang froid, lèchera jusqu’à la dernière goutte restante avant de dévorer le reste.
Plus décadent que les plus fins mets.
(mais est-ce que ça guérira vraiment ses vieilles plaies ?)
Micheletto se fiche de le savoir, à l’instant où le défi est lancé, il n’y pas une seconde d’hésitation. "Ça ne la ramènera pas, tu sais.” De la provocation gratuite, inutile. il cherche à peine à feindre être trop bon pour ça: il lui emboîte déjà le pas en ricanant, léger sur ses pieds.
C’est grisant, trop grisant même pour que le petit rat en lui ne réussisse à couiner de peur. Non, non, il n’a pas peur du grand croco, n’a pas peur de récolter ce qu’il est en train de semer. Parce qu’il a gagné.
Quoi qu’il arrive, il a gagné.
Il pourrait crever, Il a gagné.
Il ne prend même pas le temps d’enfiler ses chaussures; sous ses pieds, le gravier frais arriverait presque à calmer ses ardeurs. Le monde ne se doute pas de la tempête qui gronde. Il prend une profonde inspiration, étendant ses bras de part et d’autre. Son sourire éclate sur son visage.
“J’ai jamais compris c’que c’était ton problème, Nizam.”
Il ne lui fait même pas face, s’avançant de quelques pas dans l’allée. Ce serait si dommage d’écraser les fleurs dans un excès de furie. “On l’a compris, t’es trop bien pour nous tous, t’es au-dessus de tout.” De la chaîne alimentaire, de la Milice, de sa Maison, de sa femme… Il s’arrête, secoue la tête, et daigne enfin de tourner les talons, doucement, désignant d’un grand geste l’adorable petite maison, putain de décor de carte postale. “T’avais tout et t’as quand même décidé de le jeter.” Un ricanement. “J’peux respecter ça.” Assez pour l’avouer. Un tel culot, un tel égoïsme, faut croire qu’il s’y retrouve, pire, qu’il le comprend. Qui sait, ils se seraient peut-être entendu, trouvés plus de points communs inattendus en creusant sous la surface ou pire, de la camaraderie si Nizam lui avait pas craché à la gueule comme une vulgaire ordure.
Ouais, ouais, faut pas oublier, c’est un pourri. Un putain de pourri.
“Alors pourquoi tu pleurniches d’un coup ?”
C’est parce qu’il veut pas que ce soit lui qui joue avec ses vieux jouets. N’importe qui mais pas lui.
Mais qu’est-ce que j’t’ai fait bordel.
Ça lui brûle la gorge, mais il se fout de la réponse maintenant.
Il veut que lui donner une bonne raison de le détester.
— Oui. C'est tout ce qu'il dit. Il s'est déjà tourné. On ne ramène pas une femme comme ça. On ne la ramène d'ailleurs pas du tout, pas comme un chat qui se serait égaré trop loin de son foyer ou un chien désobéissant à qui on repasse le collier. Tout viril qu'il est, Nizam reconnait qu'il ne la ramènera pas. A contrario, c'est lui qui se ramène. À chaque fois. À genoux prêt à lui supplier de le reprendre, à genoux comme pour prier devant les autels qu'il est supposé garder. Mais ça ne change rien. Le mal est fait. Son choix a été fait. Et il ne peut pas le regretter, il ne peut pas revenir en arrière, lui dire qu'il a eu tort. Ce serait admettre que sa sainte quête, son seul espoir de rétribution est faussé.
C'est elle ou moi qu'elle lui a jeté un jour. Ce n'est pas son ex qu'il a choisi.
Et il repense à tout ça, à l'ultimatum, aux disputes, aux silences et aux absences de plus en plus répétées. À ce point de rupture entre eux qu'il n'a jamais su bien identifier.
À l'extérieur, la brise lui caresse la joue. On est mieux dehors pas vrai ? La poitrine du gardien se soulève alors que ses poumons se remplissent d'un air plus frais. Ici plus de murs pour le retenir, plus de moquette à salir. Les rires d'Hamza et les admonestations de sa mère sont déjà loin. Ici c'est juste lui et l'autre. L'autre qui parle le premier. Il faut toujours qu'il cause celui-là. Ton problème... Nizam joint les mains devant lui, embrassant la fraicheur du soir, réarrangeant chacune de ses pensées. Crocodile retrouve un peu de son sang froid, il écoute, toujours avec cette envie de lui écraser la trachée. Mais elle est plus comme une petite voix, un bruit de fond plutôt qu'un ordre, un grondement qui éclate entre ses deux oreilles comme dans le salon.
En terrain neutre, loin de son ex, le rat redevient presque rien. Il couine, il s'agite, il brasse de l'air pour se donner un style. Paraitre plus gros qu'il ne l'est vraiment. Ça l'apaise. En terrain neutre, Nizam se sent reprendre le contrôle. Plus besoin de rouler les muscles et de gonfler le torse pour prouver qu'il est... qu'il est... Au-dessus de tout.
— AH ! Un cri s'échappe de sa gorge, suivi aussitôt de ses camarades : AHAHAHAHAHAHAHAHA ! La tête presque jetée en arrière, le gardien rit à pleines dents. Lui qu'on voit si peu sourire et encore moins plaisanter. C'est un rire comme une suite de longs craquements, un rire qui grince. Un rire d'animal blessé. Mais c'est un rire tout de même.
— Alors c'est ainsi que tu me vois. Qu'il grince après avoir repris son souffle, une larme au coin de l'oeil. Cela confirme tout. Oh petit rat vient récupérer les miettes, vient grignoter plus bas que terre dans l'espoir d'entamer le cuir du Crocodile. Gueguerre d'ego. Il fait ça uniquement pour se sentir plus grand. Pathétique. Pa-thé-ti-que.
Oui, Nizam est au-dessus de tout ça. Il s'assoit sur le perron.
Il n'a jamais eu besoin. De prouver quoi que ce soit. À qui que ce soit. De prendre, d'humilier, de frapper. Pour être au-dessus.
Alors il n'a même pas besoin de répondre à la provocation. Il a juste besoin de répliquer.
— Oui tu ne sais définitivement pas quel est mon problème, Micheletto. Il est à des kilomètres de la vérité. Ses mains se posent sur ses genoux, ouvertes, les poings se sont desserrés, sa gueule à lui s'étend aussi dans un long sourire tranchant comme un rasoir. Mais moi je crois que je sais quel est le tien. Ce n'est pas qu'une question de savoir qui est le plus gros, qui frappe le plus fort. C'est une question de voir qui des deux peut le plus saigner en restant debout.
— Je crois que tu es né sans amour Micheletto. Dans une famille qui te déteste, d'un père qui n'a jamais daigné te reconnaitre et d'une mère qui n'a jamais su quoi faire de toi. En fait, je crois que toute ta vie personne n'a jamais voulu de toi. Alors depuis que tu es petit tu cherches, tu cherches. Tu cherches les emmerdes, tu cherches un sens à ta pitoyable existence quitte à te frotter à plus fort que toi. Son doigt tapote son propre poignet, désignant le plâtre de son interlocuteur et il continue, calmement : Et je crois qu'à force de remuer la merde tu es incapable de faire autre chose. Autre chose que de la merde. Tout ça. Il pointe la maison, la femme, le gamin, le jardin. Tout ça quoi. Tout ça tu es incapable de le construire par toi-même. Mais tu veux être aimé Micheletto pas vrai ? Toi aussi tu veux montrer que tu es quelqu'un, que tu peux avoir tout ça. Alors qu'est-ce que tu fais ? Tu te faufiles là où tu peux, hop à peine la porte est-elle entrouverte que tu viens ramasser les restes. Et tu fais semblant. Tu fais le beau, tu fais l'acteur. Le bon aimant, le bon père de substitution. Mais toi et moi on sait très bien que ce petit jeu ne va pas durer longtemps. Parce que ce n'est pas ce que tu es vraiment. Il y a des mots qui tranchent plus profonds que les crocs. Ce que tu es vraiment c'est quelqu'un qui ne pourra jamais aimer ou être aimé. C'est ça un vrai moins que rien.
L'amour (ou l'absence d'amour) c'est une arme à double tranchant. Il n'y a pas que le pseudo artiste qui peut user des sentiments. Et Nizam veut le crever. Le crever avec les poings ou le crever avec l'amour. Pourvu que ça lui fasse mal.
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Micheletto C. Qaderi
Maison des Roses et de l'Ombre
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Âme : Rat brun
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Date d'inscription : 01/05/2022
Mar 2 Aoû - 1:57
The cage is open. You can walk out anytime you want. Why are you still in there ?
L’éclat de rire est presque contagieux.
Tout désarticulé, si alien, si loin de la placidité habituelle du prêtre, c’est un spectacle qui ne peut que soulever les commissures de ses lèvres. Quel spectacle, voilà donc ce à quoi il ressemble en bas de son piédestal.
Rire ou pleurer, il n’y a qu’un pas.
Qu’un pas.
Trop obnubilé par la jubilation, Micheletto ne sent pas le vent tourner. Accepte de l’écouter en espérant pouvoir se délecter de quelques derniers amuses-bouches, de trouver dans ses grands discours de quoi creuser plus profond dans ses entrailles. Il n’a pas réalisé que pour attraper son cœur, il s’est faufilé dans ses mâchoires acérées.
Il s’attend à pouvoir faire le fier, lui aussi; pouvoir rire d’à quel point il se trompe sur toute la ligne, de comprendre les préjugés idiots qui apparemment justifient la façon dont il l’a traité.
Mais à peine le crocodile arrive-t-il à la seconde phrase que son sang ne fait qu’un tour et déjà les mots s’échappent de ses mâchoires serrées.
“Ta gueule.”
Fini les sourires, fini les ricanements. Mais le reptile se fout de ses protestations.
Maintenant qu’il a refermé ses mâchoires, il ne va pas le lâcher. Et ses crocs déchirent. Ses crocs broient. Ses crocs s’enfoncent.
“Ta gueule.”
C’est que des conneries, que des conneries.
“Ta gueule.”
Si c’était vrai, il ne serait pas là où il se trouve aujourd’hui.
Après tout, on admire son travail sur toute l’île.
(du moment qu’on ne connaît pas le peintre)
“Ta gueule.”
On le veut dans l’intendance
(voulait)
“Ta gueule.”
Il ne manque pas d’amis.
(tant ils changent vite)
“TA GUEULE !”
La création, c’est son domaine d’expertise. S’il le voulait, il pourrait très bien construire tout ce que Nizam avait et bien plus encore. Il pourrait faire la même chose, mais en MIEUX. C’est juste incompatible avec son style de vie.
Ça n’a rien à voir avec lui.
Ça n’a rien à voir avec lui.
(si ça n’a rien à voir, pourquoi est-ce ses ongles transpercent l’intérieur de ses poings serrés ?)
(si ça n’a rien à voir, pourquoi est-ce que les mots du reptile lui laissent un goût de déjà-vu ?)
(si c’est vrai Pourquoi est-ce qu’il l’a quand même traité comme ça pendant toutes ces années?)
Y’a un truc qui a craqué à l’intérieur, qui a fait un son creux en tombant au fin fond de sa carcasse. Un truc qui gardait ses pieds plantés fermement dans le gravier.
Un truc qui l’empêchait de se foutre de la douleur qu’il va réveiller en levant son poing gauche dans l’air.
Il s’en fout il s’en fout il s’en fout
La maison, le gosse, la femme.
Du moment qu’il lui fait bouffer ses putains de mots.
Plus que la chaleur moite de la chair contre ses phalanges, il y a quelque chose d'intrinsèquement jouissif dans la manière de voir son vis-à-vis souffrir au simple écho de son venin. Pour régner sur la jungle, il ne suffit pas d'être le plus gros. Simplement d'être le plus vicieux. Savoir comment tourner les mots, les rendre aussi tranchants que des griffes, les enfoncer loin dans le crâne, plus profonds qu'une rangée de crocs. C'est tout un art de frapper bas. Nizam aussi peut jouer à ce petit jeu. Et lui aussi peut y prendre du plaisir.
Sa gueule. Ouais sa gueule de crocodile s'étend. Encore et encore. Elle clappe à chaque phrase, chaque fois que les vérités sont crachées, méticuleusement broyées comme dans un étau d'acier. Encore et encore. La gueule du crocodile ne s'arrête pas de parler malgré les plaintes du rongeur. Ce n'est que lorsque le dernier hurle que la gueule se tait. Et s'étend encore plus dans un sourire entièrement satisfait. Crocodile sait qu'il a visé juste. Sait qu'il a fait du mal. Rien qu'avec sa gueule. Sans même se salir les crocs. N'est-ce pas une forme d'art ça aussi Monsieur le rat qui croit pouvoir prendre sa place ? Indubitablement une preuve de sa supériorité.
Car oui Nizam est au-dessus de lui. Et quand bien même il est le gardien du temple et des anciens, il a la poigne assez ferme, le coeur assez fermé pour piétiner ceux qui se dressent sur son chemin. Quelque part Micheletto peut être fier : ce n'est pas une facette de lui qu'il montre très souvent. Sa cruauté, Nizam préfère jalousement se la garder. Comme une arme précieuse, un dernier recours. Il n'est pourtant pas difficile d'imaginer que le reptile est mauvais. Beaucoup le désignent déjà comme un sombre personnage. Mais Nizam prend soin de ne pas souvent leur donner raison. Tout le monde sait que le crocodile veille. Pourtant peu de gens le voient jamais frapper.
— Oh Micheletto. Qu'il ronronne presque en levant le bras lui aussi. Sa main se pose sur le poing fermé de l'artiste. Elle est plus grosse que la sienne. Plus calleuse. Comme le cuir râpeux du crocodile. Elle le recouvre presque délicatement, les ongles frôlant à peine le derme du peintre. Si tu veux me cogner je te conseille de mettre ton pouce comme ça. Et il replace ledit pouce, sous les autres doigts en expliquant, son regard planté dans le sien : Ça t'évitera de le casser ou pire de te le retourner. Ce serait vraiment dommage pas vrai ? D'abimer ses belles mains créatrices. Ahah.
Il ne rit plus et pourtant il a toujours ce rictus sur la figure qui en dit long. Il est devenu presque suave, la voix toujours aussi rauque mais empreinte d'une ombre de fausse mièvrerie. Le sifflement victorieux d'une langue fourchue. Il s'est donné raison. Et la raison le rendrait presque invincible.
— Et aussi fais attention à l'alignement de ton poignet. Bien en accord avec ton avant-bras. Il recule d'un pas, ouvre les bras, le torse ainsi exposé. Alors vas-y maintenant, frappe-moi.
Qu'on voit qui des deux est celui qui pleurnichera le dernier.
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Micheletto C. Qaderi
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Dim 14 Aoû - 13:32
The cage is open. You can walk out anytime you want. Why are you still in there ?
L’épaisse paume de Nizam amorti presque le choc, sa fracture encore fragile n’envoyant qu’une douleur sourde le long de son bras en la percutant. Un avertissement, une mise-en-garde contre le jeu derrière les mots tranchants du reptile.
Un plaidoyer de son subconscient qui sait, sait qu’il enfonce ses doigts dans la plaie pour mieux le piéger.
Micheletto ne va rien gagner de cette altercation.
Mais dans la petitesse de son poing dans la main de l’autre, le ton paternaliste, la facilité avec laquelle il déplie ses doigts pourtant gourd d’avoir été trop serrés, son sang continue de bouillir, à tel point qu’il en reste figé, le moindre muscle tendu, les mâchoires serrées.
C’est ce qu’il a toujours été, n’est-ce pas ? Une bête si enragée qu’elle ne peut pas bouger, pas manger, pas dormir, sans être consumée par sa rage.
Un petit rat prisonnier dans sa cage.
Nizam est ouvert devant lui. Provocation sur provocation, l’assurance de celui qui a une foi totale dans le dénouement du combat. Et comment ne pas l’être face à un petit rongeur ? Que son poing le percute ou non, qu’il réussisse à lui effacer son petit sourire, les faits resteront les mêmes: c’est lui, le grand prédateur.
Le peintre n’a pas bougé d’un pouce, le poignet bien aligné, le pouce soigneusement rangé, le regard à des kilomètres d’ici, paralysé par une réalisation qui se fraie un chemin à travers la rage. L’homme réfléchit, le bon gardien pieux, le prédateur mis au-dessus des autres par simple nature, ce n’est qu’une façade, des excuses pour cacher le simple plaisir de dominer, d’opprimer.
“T’es vraiment pitoyable en fait.”
Il n’y aucune hilarité sur son visage, pas une once de moquerie. C’est juste un fait. Une conclusion froide et factuelle. Alors non, lui non-plus ne se lance pas à corps perdu pour sauver la veuve et l’orphelin, on pourrait même dire que c’est un putain d’égocentrique, un alcoolique belliqueux et chercheur de merde, mais même en s’étant fait cracher ses quatre vérités à la gueule,
face au gardien, il ne peut que se demander pourquoi il a perdu son temps à se prendre la tête avec un mec aussi médiocre ?
Son bras, douloureux d’être resté si longtemps levé, se baisse enfin. Il fait un pas, puis deux, mais plutôt que d’avancer vers le crocodile, il le contourne, presque machinalement. Pas de triomphe, pas de satisfaction à agir en temps qu’adulte, juste le vide. Le vide là où toute cette injustice, cette envie de comprendre pourrissait jusque-là. Mais il n’y avait rien à comprendre. Ça n'a jamais été lui, le problème. Avant même de le rencontrer, le crocodile avait déjà été décidé qu’il le mépriserait.
Il n'y a que sa haine envers lui qui est fondée.
Alors même s'il a approché son ex dans le but de frapper bas, il veut retourner dans la maison, même s’il s’enjolive un peu, qu’il fait le beau, que ce n’est pas avec tous ses défauts qu’on l’accueil à bras ouverts dans cette maison, Nizam a tort sur un point.
Malgré les circonstances de son rapprochement, il les aime bien, elle et Hamza.