Un majeur levé en direction d’Esmée le boudin mal maquillé, Caspian embarque sa bouteille sans prendre la peine de lui répondre ; pas sûr qu’elle comprenne les phrases d’intellectuels et les mots un minimum recherchés.
Assis en tailleur devant sa tente et bouteille à la main, il doit se donner du courage. Si la nuit est tombée, ses yeux de chasseurs nocturnes parviennent tout de même à y voir un suffisamment clair.
Mais Caspian a merdé oui. Il a merdé et fusille l’audacieuse tente du regard. Maudit son esprit aventurier, persuadé de pouvoir monter seul une tente à l’ancienne, loin de ces toiles qui s’ouvraient en deux secondes quand on les lançait au sol. Non, le fennec a devant lui des sardines, des tiges de fer et une toile dans laquelle il s’emmêlait déjà.
Ok, encore une gorgée de Gin.
Et puis une autre.
Et puis il est temps de faire une pause, réfléchir à tout ça lui bouffe toute son énergie de milicien déjà un peu éméché. Il sort son portable et lance une party de Croquettecrush installé par Alexis une semaine plus tôt. Il a beau trouver ce jeu pourri, il en est déjà au niveau 32. Maintenant il galère. Comme pour la tente.
Mais apparemment, l’alcool donne des forces.

Niveau 42, il avançait décidemment très bien entre deux gorgées. Le montage de la tente au contraire semblait avoir été oublié dans les limbes. Bruits de pas qui se font entendre, le fennec n’a pas besoin de particulièrement bien voir dans le noir pour localiser les nouveaux bien avant qu’ils n’arrivent. S’il l’avait pu, il aurait agité ses grandes oreilles de curiosité.
Il lève la tête quand il sent les intrus s’approcher. De simples touristes ? Oh non c’est sans compter sur la malchance du milicien. Après Esmée et Nizam, il fallait qu’il croise de nouveau monsieur Dresdell le grand fauteur de trouble et incompétent fini. Petit soupire de frustration, il voudrait bien se lever Caspian, se battre un peu, se dépenser. Mais non, la tête lui tourne trop et le voilà qui jette un œil mauvais à la bouteille maintenant à moitié vite, origine de son mal être intérieur et de sa propre incompétence.
Et il se fout de sa gueule ? Non décidemment le milicien lui fera bouffer ses ailes quand il aura retrouvé tous ses esprits et laissé filer la brume de l’alcool.

« Pourquoi tu me colles encore toi ? »

La lumière lui fait vivement détourner la tête et dans un grognement, il se renverse sur le dos en fermant les yeux. Parfois, mieux valait faire le mort, les ennemis les moins futés n’y voyaient que du feu. Malheureusement pour lui celui-ci avait beau ne pas avoir beaucoup de neurones, il était coriace comme un cafard.
Toujours allongé, il décida que pour une fois, les morts pouvaient parler.

« J’sais pas où elle est, elle a dû en avoir marre de ta tête aussi pff. »

Son élocution était un peu chaotique, est-ce qu’il avait vraiment prononcé cette phrase ou n’était-ce encore les ravages du gin courant dans ses veines comme un cavalier sur son fidèle destrier ? Bon peu importe. Quand la lumière ne l’agace plus autant, il se redresse, curieux de voir là deuxième personne arriver.
Il lève la main et lui fait coucou comme une princesse sur un podium, en montrant les dents.
La politesse, même quand on a trop bu.

« Oooh tu t’as même une petite copine ! »

Et puis il se souvient, ouvre de grands yeux et se relève dans un mouvement brusque, manquant de s’étaler par terre.

« MA TENTE !! Ah non c’est bon elle est là. » Il était juste assis dessus. « Fausse alerte lieutenant. » Il porte une main à son cœur, la panique repoussée parce qu’il est décidemment assez intelligent pour se souvenir avoir posé sa tente ici. Il a frôlé le pire.
Mais elle était toujours par terre, les sardines dans un coin, la bâche dans l’autre et ne parlons pas de la toile qu’il n’était pas encore en état de repérer. Il s’accroupit, attrape le petit sac de sardines, en sort une et se demande bien où ce truc est censé se panter. Il lève la tête vers les deux autres.
Dans le cœur de Celian ? Naaan ça ne devait pas être ça.

La tête qui tourne et l’estomac en vrac, Caspian se demande si tout ça est bien convenable. Si s’avachir ainsi sur le sol comme une impératrice empoisonnée est assez digne d’un Matkovic. Si échanger plus de deux phrases avec le Dresdell ne déclenchera pas l’apocalypse. Et il se moque, ça se voit ça se sent, le fennec fronce le museau et une fois redressé le fusille du regard. Le bisou baveux, il l’avait oublié. Essuyant sa joie frénétiquement comme s’il y restait encore une marque baveuse.

« Beurk t’es surement la dernière personne sur terre que j’aimerai embrasser là tout de suite. »

Re beurk.
Il aimerait bien rire lui aussi, aux éclats. Mais il se sent un peu vexé le milicien, comprenant vaguement qu’on se moque de lui. Il obéit néanmoins, se sépare de sa tente en vrac la mort dans l’âme, jetant un misérable regard de chien battu au corbeau et à la demoiselle blonde.

« J’ai essayé mais c’est compliqué. Je sais pas trop où faut mettre ça. » Il lève la sardine restée dans sa main, toujours un peu confus. Il ne se rend compte que quelques secondes trop tard de l’ordre.  « Hé si t’es le lieutenant je suis le général !! » Un regard vers Florianne, soucieux. « Toi tu peux être… » Il remarque la guitare, tout s’éclaire dans son esprit. « Une troubadour ! »

Laissant l’autre batailler avec la tente, il baisse la tête en réfléchissant. Une bouteille d’eau ? Il ne pense pas avoir amené ses affaires ici. Il se souvient les avoir posées dans un bungalow oui à côté de celles de Terra. Haussement d’épaule, tant pis. Mais c’est sans compter sur la jeune femme qui lui tend sa bouteille, vraiment adorable. Caspian relève les yeux sur elle, des étoiles pleins les pupilles et accepte de boire une longue gorgée avant de s’émerveiller.

« Dresdell ! Tu m’as ramené une déesse ! »

Rien que pour ça, il pouvait lui pardonner ses frasques aux palais des rois, les vomis sur le tapis et les débauches au coin du feu. Il s’insurge pourtant un peu en comprenant qu’on souhaite lui voler son heure de gloire, sa construction de la tente.

« Mon état est parfaitement normal faites pas comme si j’étais pas là. J’vais la monter cette tente, avec ou sans vous ! »

Un peu boudeur il s’étale encore à moitié sur la tente, à la recherche de quelque chose d’intelligent à faire.

Caspian a beau avoir un peu trop d’alcool dans le sang, la mention de l’académie et de la Milice a le mérite de le dégriser quelques secondes, le temps qu’il s’insurge.

“Qu’est-ce que tu crois, qu’on crapahute comme des enfants dans la forêt, qu’on faut des feux de bois en chantant des comptines ? On est pas des scouts.”

Un peu fier d’avoir réussi à prononcer le mot “crapahuter” correctement malgré sa langue un peu pâteuse, il offre un beau sourire au corbeau. Un beau sourire d’homme passablement ivre. En temps normal Celian n’aurait probablement reçu qu’un regard boudeur de sa part mais l’alcool délie les langues et Caspian peut devenir le plus heureux des Animas lorsqu’il a un peu trop bu malgré sa forte résistance à l’alcool. Ce gin était décidément bien fort.

Il laisse les deux autres parler entre eux sans forcément se rendre compte qu’il est là le principal sujet de discussion.
Il hésite néanmoins face à la déesse. S’agenouiller ? Eh bien Caspian n’est pas si croyant… cette déesse a beau être magnifique avec ses cheveux tout soyeux, un Matkovic ne s’agenouille devant personne.
Hésitant, il baragouine un peu.

“Heuu ouai non on va pas faire ça. C’est sale par terre.”

Une fois sobre, le fennec pleurerait probablement des larmes bien salées s’il voyait ses vêtements pleins de terre, non non non Caspian est décidément bien trop maniaque pour se laisser avoir.
Celian ne l’aura pas comme ça. Il pointe un doigt dans la direction du petit prince des fêtes, souhaitant probablement l'injurier en fronçant les sourcils. Mais ne se souvient plus de ce qu’il avait pourtant sur le bout de la langue, il rabaisse la main, un peu confus.
Bon tant pis il s’en souviendra plus tard, probablement une insulte à base de sale corneille sans dignité.
Et honnêtement il ne comprend plus grand chose. Une promotion pour Celian ? Mais enfin ce n’est même pas un milicien ! Tout ce qu’il retient, c’est ce montage de tente, oui ça ça lui revient.

Il hoche la tête d’un air convaincu, range la sardine dans sa poche. “Ah ouai ça sert à ça !” Il ne faudrait pas qu’il oublie de la mettre sous l’oreiller avant de se coucher.

Mais à bien y réfléchir, il n’est pas bien sûr d’avoir un oreiller. Un regard aux alentours et effectivement, pas d’oreiller en vue. Même pas de sac de couchage, délaissé dans le bungalow mais ça, il l’a totalement oublié.
Il suit néanmoins les directives, attrape là toile pour la tendre avec l’aide du corbeau mais honnêtement, il ne sait pas trop quoi faire après, il ne va quand même pas rester debout toute la nuit à tenir un bout de tissus non ? Les tentes c’est fait pour qu’on dorme dedans apparemment. Et puis il a l’impression de pencher un peu vers la droite. Il secoue la tête pour se reprendre et se redresser pour ne pas se casser la gueule tout seul.
Il retrouve néanmoins un beau sourire lorsque la déesse propose de chanter.

“Des comptines de déesse ? Moi je veux les entendre !”

Ça avait l’air merveilleux à entendre !