Il écoute attentivement la jeune fille expliquer l'étendue de sa différence, enfin de son handicap, un peu soulagé qu'elle n'ait pas mal pris la question. Il a du mal à imaginer voir le monde en noir et blanc, et pour ce qui est du flou... Disons qu'il n'y voit pas très bien sans ses lunettes, mais ce n'est pas à ce point. Il ne savait même pas qu'il existait un daltonisme où les couleurs n'existaient carrément plus, pensant simplement que celles ci étaient inversées où se déclinaient dans un camaïeu spécifique. Alors, il hoche la tête, une main retenant sa tête, son menton posé dans sa paume, entre deux gorgées de thé. "Je comprends, j'ai déjà entendu parler du glaucome" dit-il. Elle est malvoyante, donc, et cela explique son intérêt pour les descriptions qu'il lui a fait par deux fois des plantes qu'elle a acheté. Finalement, son instinct de lui confier des plantes aux parfums particulièrement intéressants ne l'a pas trompé. Peut être pourrait-il aussi jouer sur les textures des feuilles ou des fleurs, lui proposer des plantes intéressantes à toucher. Il y réfléchira pour sa prochaine visite. Il pensait, en revanche, que les glaucomes n'atteignaient que les personnes âgées, mais il n'ose évidemment rien en dire. Il la questionne, elle lui répond avec un calme olympien, et il comprend petit à petit les difficultés d'une vie avec un champ de vision réduit.
Il est toutefois soulagé lorsqu'elle lui dit que l'environnement de la boutique ne l'a pas trop déstabilisée. C'est tout ce qu'il souhaite, que chacun puisse se sentir à sa place et bienvenu dans le magasin. "Si je peux faire quoi que ce soit pour vous faciliter les choses, surtout dites le moi," demande-t-il presque comme un service. "Et pour les plantes... Ne vous en faites pas. Elles sont plus résistantes qu'elles n'en ont l'air," dit-il avec un petit sourire qui s'entend dans sa voix. "Elles ont parfois plus de résilience que les gens." Il boit une gorgée de thé, alors qu'elle le questionne. Il hoche la tête déjà un peu avant de commencer à répondre.
"À vrai dire, oui. Pourtant, je n'ai commencé ce métier que très récemment. Pour diverses raisons... Je ne pensais pas que je pourrais être fait pour ce métier. Et pourtant, déjà enfant j'adorais les plantes, les fleurs. Mais j'ai... laissé ma vie aller dans la direction qu'on m'indiquait, pendant longtemps, au lieu de tracer mon propre chemin." Il reste vague, pas sûr qu'il soit approprié ou même souhaitable de s'enfoncer un peu plus dans les affres du désespoir qu'il a laissé l'envahir avant de finalement s'autoriser à faire ce dont il avait envie. Pourtant, il serait peut être utile, de dire à celles et ceux plus jeune que lui ne faites pas comme moi, vivez, vivez! plutôt que de se laisser dépérir dans la tristesse! "En tout cas, je suis très heureux de ma vie telle qu'elle est à présent," dit-il en toute sincérité. "Et vous... que faites vous...?" Ari, il est plus à l'aise à écouter, il n'aime pas trop parler de lui. Alors il questionne. Et il écoute avec intérêt les réponses qu'on lui fait.