Maxine, elle s'agitera quoi qu'il en dise, quoi qu'il en pense, l'énergie dissipée dans des petits sauts excités, faire semblant de ne pas être effrayée. Elle pointe un doigt rageur vers la masse hirsute à ses pieds, l'air un peu mauvais."Moi, ça m'importe, j'aime pas rester immobile."  Ca la rend nerveuse mais elle ne le dit pas, ça la fou en rogne l'inactivité quand il suffirait de bouger.

"Avec la chance qu'on a tu vas tous les deux nous faire s'écraser, t'as raisons c'est mieux bouge surtout pas." Un brin de sarcasme et elle détourne déjà le regard, s'entête à observer encore et encore cette grande boite. Les mesures de sécurité, elle s'en fiche, ne les a jamais écoutées et ne les écoutera jamais. Maxine, elle joue à l'instinct, au débordement des passions, aux coups qu'elle peut donner sans fatiguer. Maxine, elle pense aux interstices, aux trappes dissimulées ; elle oublie les règles et les mesures car la pie préfère crever en essayant que mourir d'ennui en attendant. Mais elle ne lui en veut pas, Marek est une souche bien ancrée au sol, solide comme un roc. S'envoler, ce n'est pas fait pour tout le monde. L'ouvrière s'apprête à dire que ce n'est pas grave, qu'il peut rester comme ça, qu'elle s'animera autour sans lui en tenir rigueur, mais ça ne franchit pas ses lèvres, elle lui en veut toujours un peu et l'entêtement fait barrière.

La pie grimace, les mots ne sont pas durs mais ça lui fendille le cœur. La tête se détourne, Maxine les mains dans les poches de son bleu délavé fait mine d'observer le métal. "Dis pas ça, on sait tous que c'est toi mon préféré à l'usine." Et c'est peut-être bien ça le problème. Un peu sec, Maxine regrette à peine les mots, la nervosité la fait trop parler, elle ne peut pas s'en empêcher, alors elle s'anime encore, piaille et fait les cents pas, un débit de parole plus élevé que d'habitude. C'est dur de s'arrêter quand on est lancé.

"C'est Auguste ce fils de... bref j'aurai du lui faire bouffer ses gants et lui casser les dents, il arrête pas de me lancer un regard bizarre quand j'le croise maintenant, j'suis sûre qu'il se croit malin, en plus Sybille arrête pas d'essayer d'me tirer les vers du nez comme si j'avais un vrai truc à raconter, alors que ya rien à dire, et Joe c'est peut-être le pire, il m'a tapoté la tête encore ce matin en faisant une tête de chiot compréhensif, comme s'il avait un peu de peine avec cette histoire. Il m'a TAPOTÉ la tête tu te rends compte ??? Quel connard. J'ai pas envie qu'tout le monde me regarde comme si je faisais soit pitié, soit que j'allais m'envoyer en l'air avec n'importe qui dans les placards. J'les déteste." Elle s'arrête pour reprendre son souffle, les poumons complètement vidés, l'air désabusé. Peut-être qu'elle devrait démissionner.

"Ca change quelque chose pour MOI, arrête de me faire chier." Maxine laisse les embruns colères s'emmêler à la nervosité, juste pour s'agiter, espérer résoudre les problèmes par sa simple pensée. C'est idiot elle le sait, s'agiter et s'épuiser ; peut-être pour ne pas sombrer, ne pas dévier.

Les cents pas viennent creuser un sillon agité, Maxine remarque à peine le cou enfantin dans le tibia, les sourires un peu plus bas. Le regard rivé au métal elle pense à Auguste, à cette cage, au temps perdu et à cette semaine vraiment pourrie. Ça la fout en rogne de repenser au désastre, au baiser, à la bouffe écrasée sur le plancher.
Mais Marek, il a le mot pour rire malgré la silhouette avachie par terre, la pie éclate d'un petit rire sans pouvoir s'en empêcher, enchaîner les louanges. "Oui et j'suis persuadée que la moitié des ragots qu'il vient nous raconter, il les a inventés. Tout ça pour faire son putain d'intéressant !" Elle grogne, piaille comme une pie avant de se calmer, lancer à l'usidé un regard de connivence. "J'peux me venger toute seule tu sais j'ai pas spécialement besoin de toi... Mais bon si tu veux jouer au chevalier et faire semblant d'avoir restaurer mon honneur vas-y, ça a l'air marrant."

Critiquer les autres à de quoi faire dévier les pensées, oublier la cage de métal et les ailes repliées.
Un ricanement narquois, elle secoue vivement la tête. "Ca c'est parce que tu vois pas comme elle te fait les yeux doux dès que t'as le dos tourné Martine. C'est avec elle qu'elle voudrait te caser, mais bon elle a pas l'air de savoir s'y prendre avec toi." Et ça la fait encore une fois marrer de les imaginer. Marek, aveugle à toutes les tentatives exagérées de la pauvre Martine. Ça a de quoi laisser retomber la colère, ne laisser que des brides un brin irritées.

Les poings sur les hanches, elle se penche sur la face fatigué. "T'es un foutu ours Marek ! Si tu veux gueuler tu gueules et puis c'est tout ! Si tu savais comme j'aimerai avoir ton âme parfois, ça serait plus simple pour tout, personne viendrait plus me faire chier dans la rue, ici, dans la fosse, dans les bars... partout !" Maxine elle les aime ses ailes mais parfois, elle rêve de plus grand, de plus géant. Alors elle fronce les sourcils, se penche pour lui attraper la main, tenter de tirer en se redressant. "T'es juste un gros paresseux, allez bouge ton cul !" Mais Marek, il est lourd et une petite force de pie, combattante soit-elle n'y peut pas grand chose. La mâchoire crispée sous l'effort, ça lui fait pourtant penser à autre chose, oublier les vies dont elle pourrait rêver, les rêves qu'elle n'arrive pas à réaliser malgré toute sa bonne volonté.

Maxine éclata dans un ricanement un peu mesquin, mais les sentiments d'un Auguste ne font pas le poids contre l'envie d'en découdre, crisper les poings et pointer là où ça fait mal.  "Il doit attendre tous les matins avec impatience pour pouvoir venir nous faire chier." Sèchement et sûrement, le raton-laveur la source de trop de tourments.

Une grande fille Maxine, elle l'est certainement, par la force du temps, l'obligation de se débrouiller seule depuis le drame, de froncer les sourcils face à la moindre larme. Maxine, elle rêverait un peu de ne dépendre de personne, de porter le monde à main nue, de cracher les mensonges, défigurer les songes. Maxine, si elle le pouvait elle le ferait.
Mais ça ne marche pas comme ça, les maigres poings ne seront jamais assez forts malgré toutes les heures d'entraînement. Pas la bonne génétique, elle se demande parfois ce qu'elle ferait aujourd'hui si Haklyone l'avait doté d'une âme panthère, comme Bo-Ra, d'un puma, comme Désiré et de tout ce qui l'entoure à toute heure de sa vie. Elle se sent un peu petite Maxine, lorsqu'elle sait ne pas pouvoir rivaliser avec toutes les formes de ses amis, quand bien même elle ne les appellerait jamais ainsi. Un haussement d'épaules pour tenter d'ignorer sa triste destinée.
"Ca fonctionne pour l'instant, on verra bien quand j'atteindrai la limite." sa limite.

Nonchalante, Maxine refuse d'y penser, se concentrant sur l'ours à ses côtés pour ricaner des commérages superficiels.  "J'sais pas c'que c'est qu'une Sclérantre Marek, mais si Martine a voulu le bouffer, ça craint." Elle se moque un peu des mots qu'elle ne comprend pas, avec lui c'est toujours comme ça, de l'engrais, des pousses en discours à tous les repas. Elle ne juge pas, ça la fait rire d'imaginer les immenses pattes se refermer délicatement sur les marguerites, le museau renifler le terreaux.

Toute la force dans les bras, la pie ne se démonte pas, tire à tout va, tente de relever les morts quand bien même elle serait en tord. Un grognement, ça force et elle sait d'avance qu'elle ne gagnera pas, refuse de capituler pour autant. Mais tous les entraînements à la fosse n'y changeront rien, le corps s'affale contre le sol, percute d'un coude pointu l'abdomen du paresseux sans qu'elle fasse attention. Dans un gémissement amusé elle roule, abandonne pour cette fois.  "Bon ok ok t'as gagné !" Dans un rire étouffé, le dos vient se plaquer contre le métal, Maxine imite la position de l'ours, les épaules se touchent, regarder le plafond d'un air presque profond.

Elle ouvre la bouche et la referme. Laisse planer quelques secondes de silence agréable avant de ne pouvoir s'en empêcher, un brin de sourire au coin des lèvres.  "Et donc tu fais ça tout le temps ? Pas bouger et regarder le plafond moisi. C'est... bof. Ça craint de prendre le temps" Elle attend encore quelques secondes, essaye vraiment de s'investir, de s'imaginer être lui. Rapidement les pieds s'animent, gigotent sur le sol. Maxine met les mains à plat sur le ventre. Puis sur les hanches, puis sur le sol. Ce n'est pas très confortable, sur le ventre, c'était peut-être mieux. "C'est dur." de rester immobile et de tout oublier. Les sourcils se froncent. "J'ai l'impression d'être morte. Ça pourrait être notre cercueil tu sais. L'ascenseur j'veux dire." Ça lui rappelle qu'ils sont tous les deux bloqués ici, Maxine déteste ça, s'imaginer les pires fins.

Une esquisse de sourire fleurit sur les lippes, Maxine détourne le regard comme si les plantes ne l’intéressaient pas, les noms latins se ressemblent et forment un monde qu’elle ne comprend pas ; si Marek les aime ça lui suffit pour en apprécier les sur la langue.

Par terre, le plafond s’étale en ciel de fer au-dessus des têtes, Maxine se perd entre le métal froissé et les boulons rouillés ; la machine mériterait un coup de neuf, frotter la tôle gondolée qui devrait cesser de gémir à la moindre secousse.
« Tout ça… » De l’ironie amusé au fond de la voix, Maxine s’imagine dormir plus de quelques heures par nuit, se prélasser sur les sols comme les ursidés paresseux. Attendre que le temps passe. « Un pancake donc. » Elle fait mine d’y réfléchir alors même que le rire manque de transpercer la cage thoracique. Elle se force pour ne pas pouffer, préfère froncer les sourcils comme si elle comptait s’y investir, dans ce temps qui n’est que boucle, parfois pancake.

La tête se tourne sur le côté, la joue contre le sol usé, Maxine le regard planté sur la grande carcasse de l’ami, une lueur d’interrogation au fond du regard.  « C’est pas grave. » De mourir, il y aura forcément la suite après. Mais c’est un peu faux, Maxine, elle n’a pas fait tout ce qu’elle avait à faire ici, a à peine commencer d’exister ; elle se sent déjà un peu fatiguée.  « Au pire on criera à plein poumons pour qu’ils nous entendent. » Et qu’ils se moquent probablement, de les imaginer piéger là dans leur cage de métal. Les pieds d’animent, bougent dans un sens et dans l’autre ; la pie peine à rester immobile, scrute le plafond en suivant la direction du bras.
« Ah ! » C’est vrai, elle la voit, la petite aération. Le corps se temps et l’oiseau saute sur ses pieds, se redresse en se tordant le cou pour mieux apercevoir la sortie.  « J’y avais pas pensé. » Elle n’ose pas le dire à haute voix, elle était un peu paniqué, déjà à s’imaginer le manque d’oxygène et les parois qui se rapprochent quand bien même leur prison de métal n’aurait pas bougé d’un cil.

Un sourcil se hausse, la pie s’accroupi à hauteur du visage de l’autre. Nonchalante mais hésitante.  « Mais toi-même si tu fais un régime, tu pourras pas passer. C’pas grave on va attendre. » Et soudain, une idée horrible, elle ouvre grand les yeux.  « Imagine c’est Auguste qui nous sauve ?? » Plutôt crever et rester ici que d’avoir à le remercier, baisser la tête de honte. Mais elle n’a pas le temps d’en dire plus, déjà la machine se met en branle dans un grondement assourdissement, un peu brusque. La pie se rattrape de justesse en manquant de s’étaler sur l’ouvrier, se redresse finalement pour souffler un bon coup, constatant que l’ascenseur continue sa descente, comme elle était censée le faire. « Bordel ils en ont mis du temps ! » Elle avait un peu douté qu'ils viennent les chercher.

La pie tente de dépoussiérer sa tenue d’ouvrier, paraître plus présentable qu’elle ne devrait l’être. Se rappeler dans un silence de machine le comportement enfantin qu’elle a bien pu emprunter ces derniers jours. Ce n’était pas très gentil, d’ignorer ses amis. L’ascenseur finit par s’arrêter un étage plus bas, les portes s’ouvrent dans une lenteur exaspérante. Un souffle dernier souffle murmuré, un peu honteux, juste pour lui. « Demain je remange avec toi. » Et elle ne dira rien de plus que ça, observe les portes s’ouvrir sur un Joe furieux, les bras croisés et les sourcils froncés à lui en donner l’air constipé.
Maxine grimace, elle a menti, il y a toujours pire qu’Auguste.