Mon cher Uriel, Hier soir j'observais la mer, ça m'a fait penser à toi. Ca pue encore la poiscaille sur le vieux port, ça aussi ça me fait penser à toi. Imagine, tous ces poisons qu'on vide et qu'on écaille sans leur demander leur avis ?? Faut bien manger à râler mon père (il râle souvent mais je pense qu'il fait semblant), mais observer leurs yeux tout vide m'a presque donné envie de gerber. Alors il faut que je t'écrive, sinon je risque de ne pas dormir de la nuit : promis, jamais je ne te mangerais !
Lettre de Fleur Montgomery
Les mains jointes en prière silencieuse, Fleur a les lèvres qui bougent au fil des mots, des chants, des réincarnations funestes. Le dos droit contre le banc, face à l'autel elle ne s'est jamais tenue aussi droite, il n'y a bien qu'entre les prêtres et sainte Haklyone qu'elle délaisse les mauvaises postures pour craquer les vertèbres comme il faudrait. Encore quelques paroles qui résonnent en cœur et le prêtre délaisse son office pour des sourires, des promesses, des pardons ; écouter les confessions. Fleur n'a rien à confesser, rien à avouer, tout à prouver. La rancune un peu tenance, ça aurait pu être elle sous la tenue précieuse de l'homme de foi, ça aurait pu être elle.
Et comme la jalousie ne sied pas bien aux temples, l'ours éclaire ses pas de sourires tordus, la porte de sortie bien en vue. Il en faudrait plus pour la rendre malheureuse, alors elle pense à la bouteille de gin sous son lit, à la soirée où elle pourrait s'inviter, au triste son de ses fantasmes qui s'ancrent avec le temps. Sur le pas de l'immense porte faite pour respirer le luxe et les dangereuses promesses, l'air frais contre la peau, ça s'intoxique encore de nicotine bien tassée. Fleur n'a pas à attendre longtemps avant de respirer les vapeurs nocives, l'un des trop nombreux vices de sa vie, la clope au bec observant d'un œil désabusé les derniers croyants qui s'en vont. Fleur elle se le répète, elle n'a pas grand chose à confesser si ce n'est sa misérable existence étriquée. Ça ne sert plus à rien de rester sur le pavé. Ça l'énerve, elle n'aura qu'à inventer quelque chose, on pourrait lui pardonner n'importe quoi si ce n'est la vérité. Ça l'énerve, elle fait tomber la cendre avant de brusquement se retourner pour faire demi-tour, partir accoster pauvre un prêtre pour sa soudaine mauvaise humeur.
Elle bute contre le métal de la roue, manque de s'écrouler sur le pauvre anima en fauteuil. "Merde pardon." Quelle idée de se foutre en plein milieu avec un engin pareil. Elle répète les excuses, fait tomber encore un peu de cendre avant de se figer en pleine grimace. "Uriel ?" Les yeux se plissent en question silencieuse, mais Fleur n'a pas besoin de réponse, ça lui saute à la figure comme ses constants mauvais choix. Uriel. "Uriel !" Avec bien plus d'entrain, le visage éclairé d'une toute nouvelle gaieté. Elle l'aurait reconnu entre mille malgré les années, il y a des choses qui ne s'oublient pas, des lettres mille fois lu et relu à la lueur du soir. Les doigts viennent glisser jusqu'aux joues sans plus attendre, encadrer le visage qu'elle trouve bien pâle entre ses ongles au verni écaillé, se pencher par-dessus le fauteuil. Elle recule, baisse les yeux sur ce qui n'avait jusque là jamais existé dans ses souvenirs de lui.
"Ba, il t'es arrivé quoi ?"
Elle aurait su peut-être, si elle s'était renseignée, si Fleur n'était pas si centrée sur elle-même. Si ses pensées ne tournaient pas sans cesse autour de son verre de vin, de ses tracas et de sa foi presque ébranlable. Elle le saurait Fleur, si elle n'était pas si Fleur.
Bien complexe il peut être de reprendre des habitudes quand, depuis quelques années, déjà elles ont disparu. Nouvelles sont installées, prenant places d’anciennes qui ne demandent pourtant qu’à revenir.
J’ai juste envie de sortir d’ici.
Se lever, le matin. Prendre les vitamines. Absorber les protéines. Appréhender ce corps fragile. Apprendre à faire avec. Apprendre à faire avec. Les séances de kinésithérapie. Les massages. Les exercices. Les repos forcés.
J’ai juste envie qu’on me laisse sortir de cette chambre.
Quand un peu de temps il a, Ephraïm lui offre des minutes de sa vie pour emmener Uriel loin. Enfin. Ce qui lui semble être loin. Parfois le jardin, derrière leur maison. Parfois à la boulangerie du coin. Et que c’est agréable de pouvoir s’enfuir loin de tout, de ne pas être sous pression, surveillé par ses parents comme s’il avait douze ans. Il pouvait le faire autant qu’il le souhaitait, avant l’accident. Avant de perdre usage de ses jambes. Avant de ne plus avoir la force de se traîner quelque part. Mais cette fois, Ephraïm, son héros, n’était pas là ce jour. Demandé au Mont Hurleur, il faut bien travailler.
Et de toute façon, je ne peux pas tout demander de lui… Je ne veux pas gâcher sa vie. Merde. Je prends les choses en main. Pardon Déesse, je n’aime pas jurer, je ne redirai pas ce mot.
« Je sors. »
Parents mortifiés. Sortir ? Seul ? Et s’il lui arrivait quelque chose ? Et s’il était fatigué ? Et si, et si, et si ?
« J’ai vraiment envie d’être seul. »
Seul, impossible, non ! Non non non, Uriel.
« J’ai besoin de prier. Tranquillement. »
Ah, prier, c’est différent. Il ne sera pas seul, il sera avec la Déesse. Il sera accompagné. Il sera au Temple. On prendra soin de lui là-bas
« Oui, j’emmènerai mes vitamines. »
Enfin.
Alors il s’enfuit. Il part. Il met des mitaines, appréhende, mais s’y rend. Dans son fauteuil, installé, il se force. Ses bras lui font mal. Se traîner est plus complexe que prévu. Ha.
Je ne veux pas tout le temps déprendre des autres…
Repos, essoufflé après les rues traversées. Là, devant le temple, il attend quelques secondes. Il reprend son souffle. Il regarde la bâtisse. Il a tant à lui confier, à sa Déesse. Tant à lui avouer. Puis tant de choses se passent en quelques secondes. Un coup sur son fauteuil, des mots rapides, des mains sur ses joues. Le regard vide, encore épuisé de trop d’efforts, la bouche entrouverte.
« Bonjour, je… »
Elle me connaît bien. Je dois la connaître aussi non ?
« Oui c’est moi, je… »
Elle a une allure si différente. Non non, je ne juge pas. J’observe. Je devrais me souvenir. Elle est à part. Elle n’est pas comme les autres. D’une façon, elle me ressemble.
« Nous… Vous… »
Hésitation, encore et encore. Finalement, je ne sais plus rien faire seul, c’est ça ?
« Je suis désolé… Je ne suis pas sûr de savoir qui vous êtes ? J’ai quelques… quelques oublis. »
Des troubles, oui. Ma tête a apparemment été frappée, j’ai heurté le sol violemment. Les médecins ont prévenu que des choses mettraient du temps à revenir. Que certaines… que certaines ne reviendraient peut-être même jamais.
Merde. Ca me fait chier. Désolé, Déesse. Mais là je n’ai pas d’autres mots à prononcer.
Uriel Kurusu
Fleur Montgomery
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Mar 5 Sep - 10:09
A l'encre de nos maux
"Uriel, Est-ce que tu me trouves égoïste ? On m'a fait remarquer que je priais pour moi, et non pour les autres. C'est idiot, qui voudrait prier pour de parfaits inconnus avant de prier pour soi ? Je ne suis pas sûre qu'ils le méritent, pourquoi est-ce que chacun ne prierait pas pour soi-même, tout serait beaucoup plus simple... Ne m'en veut pas mais je ne prierai pas pour toi, je pense que je préfère rester égoïste."
Lettre de Fleur Montgomery
C'est lui, lui lui lui. Trop d'années passées, elle pensait avoir oublié. Les traits du visage, les mèches ébènes, l'innocence du sourire. C'était une autre vie, quand sous la tunique des apprentis elle pensait pouvoir se faire reine des morts, maîtresse des âmes. Quand elle priait sans jamais s'arrêter, persuadée que ça allait marcher ; les doigts noués à s'en faire blanchir les jointures, les muscles bloqués à force de rester agenouillé contre la pierre. Murmurer et murmurer encore sans que jamais on ne lui réponde. Et Uriel, lui a-t-on jamais répondu ? Fleur a fini par penser que l'âme, ça ne s'embrasait pas si facilement, qu'il fallait attendre le bon moment ; la mort ou l'absolution. Juste rêver de réincarnation.
Fleur recule son visage trop proche, excitée par les retrouvailles, la moue sincère en repensant à toutes les lettres, tous les mots encrés sur le papier. A celles qu'elle a envoyées, et à celles auxquelles il n'a jamais répondu. Ça fait bien des années, elle pensait avoir oublié.
Il ne sait pas. Lui aussi à oublié qu'elle voulait lui apprendre à prier, à s'élever. Elle le lâche, une moue triste, déçue. Il a oublié. Comme un petit papier laissé dans un coin du bureau, un bagage délesté sur le bord de la route. On oublie les lettres et on oublie les visages.
"Ah..." Elle ne sait pas trop quoi dire Fleur, d'habitude, c'est elle qui oublie, qui délaisse les amourettes, qui part la première sans savoir qu'on attendait son retour. C'est elle, qui ne pense pas aux autres et se perd dans ses envies, la musique et les paillettes. "Fleur Montgomery." Une question dans la voix, comme si son nom pouvait raviver les souvenirs. "On s'est rencontré au temple quand j'étais apprentis prêtresse." Elle devient nerveuse tout d'un coup, noue les doigts dans le dos, fait mine de s'en aller pour ne pas paraître plus idiote qu'elle ne l'est, mais se souvient alors de sa première question et reste figée. Un œil baissé sur les jambes immobiles. "T'as eu un accident ?"
Fleur. C’est un joli prénom, Fleur. C’est doux. C’est délicat. Sans doute Uriel s’était-il fait la même remarque en l’entendant la première fois. Mais à nouveau, elle glisse dans sa tête et il en sourit tout simplement. Peut-être le même sourire qu’avant. Peut-être un sourire plus sincère que celui du masque précédent. Quoique. Une part de lui semble se souvenir qu’au naturel il pouvait être avec cette personne si singulière, qu’il lui avait sans doute confié quelques hésitations, doutes, voire même angoisse ? Non, non, jamais il n’avait fait ça.
Je crois bien que si pourtant… Une des rares à comprendre.
Fleur. C’est une âme étrange, Fleur. C’est surprenant. C’est marquant. Sans doute Uriel s’était-il fait la même remarque en la voyant la première fois. Ton de voix bien à elle, qui sonne dans sa tête, qui lui rappelle quelques moments. Ils avaient déjà parlé, ici, dans cet endroit. Tous les deux. Lui, plus valide. Elle, plus croyante. Ha. Des prières, ensemble, avaient-ils partagés. Pas que des angoisses. Des conversations du cœur. Des partages.
Déesse, aide-moi à me souvenir… Je ne veux pas encore décevoir.
Fleur. C’est une bonne personne, Fleur. C’est amusant. C’est agréable. Sans doute Uriel s’était-il fait la même remarque en recevant ses lettres la première fois.
Les lettres ! Il y en a tellement sur le coin de mon bureau. Certaines ouvertes, lues par mon frère. D’autres bien scellées qui ne demande que ma lecture. « Tu m’envoyais des lettres… On s’envoyait des lettres ! »
Des lettres de quoi ? Des lettres comment ?
« Je suis désolé, les médecins m’ont prévenu que les souvenirs… que les souvenirs pouvaient partir un moment. »
Voire même ne jamais revenir. Mais ça… ça, je ne le mentionne pas.
« Pardon, je fais tout le désordre. Je… J’ai eu un accident. J’ai été dans le coma pendant huit ans, apparemment. Depuis… »
Un geste vers ses jambes. Un geste vers le fauteuil. Un soupir. Combien de fois s’est-il excusé depuis le début de cette nouvelle ancienne rencontre ?
« Je suis désolé de ne pas avoir répondu à tes lettres, si tu en as envoyé… Je suis vraiment désolé. Mais. Récupérons le temps perdu ? »
Fleur. C’est une gentille personne. Différente. Comme moi. Comme beaucoup. Ca, je m’en souviens.
Uriel Kurusu
Fleur Montgomery
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Mar 26 Sep - 13:22
A l'encre de nos maux
Pardon j'ai pas d'idée de lettre, ça va venir oups
Lettre de Fleur Montgomery
Le regard s'égare entre les joues creusées, le teint pâle comme une âme. Les genoux bloqués entre le fer froid, les roues d'un carrosse démodé. Fleur se souvient des dernières lettres envoyées, des mots raturés à l'encre noir ; les symboles d'une solitude éssouflée, le gouffre d'une nonchalence esseulée. Les lettres sans retour, les lettres sans détour, une boîte aux lettres vides tous les mois, toutes les années, elle avait presque oublié ne pas avoir eu réponse à ses dernières missives. Mais Fleur ne se souvient plus de ce qu'elle a bien pu demander, à l'époque quand il n'y avait pas encore l'amour à la porte et les cartons sur le palier. Avant qu'elle ne finisse ses études et s'avance en chemin inconnu, de navigue de job en job sans vraiment savoir où aller. Tomber et puis abandonner, tout plutôt que de persévérer. Uriel, il n'a pas eu les dernières lettres qu'elle aurait pu envoyer, ces dernières années si la correspondance avait continué. Lui avoué qu'elle a continué de fumer, de prendre des inconnus comme oreillers. Avouer qu'elle a fini par oublier qu'il ne répondait jamais. Mais lui, elle ne l'a pas oublié. Alors un sourire se tord quand il se rappelle un peu, lui aussi les entrevues noircies sur le papier.
"Oui des lettres exactement !" Les mains jointes comme pour prier ou encourager, l'éclair ravi au fond des prunelles. "On se racontait nos journées, ou peut-être nos pensées..." Elle n'est plus bien sûr.
Le regard se baisse à nouveau sur les jambes immobiles, un peu peiné de ne pas s'être rendu compte que quelque chose clochait quand les lettres ont arrêté de remplir sa boîte aux lettres. Elle n'ose pas dire que c'est un peu sa faute, que si elle avait vraiment voulu, elle aurait pu avoir de ses nouvelles autrement, savoir pour l'accident et venir déposer des fleurs. Un se sent un peu misérable de ne pas y avoir pensé, mais elle n'ose pas l'avouer, redresse le menton dans une fierté mal placée et écrase la culpabilité futile. Fleur ne se porte jamais mieux que quand elle oublie les autres. "Oh...Désolée pour toi." Elle n'est pas douée pour faire semblant d'avoir pitié malgré la grimace qui lui traverse les traits. Pourtant, elle est réellement désolée que le ciel puisse parfois leur tomber sur la tête. "C'est pas de chance." Parce qu'un accident, ce n'est jamais glorieux n'est-ce pas ? C'est la poisse qui se faufile entre les éléments, la chance qui s'éclipse au mauvais moment. Fleur ne doute pas qu'un accident, ça doit être une avalanche ou le lit du fleuve qui déborde.
Sans plus attendre, elle contourne, s'empare des rênes du fauteuil pour y insuffler son impulsivité dans le crissement surprenant des roues. Elle s'engage dans l'allée, loin du temple. "T'as raison on va se raconter le bon vieux temps et compenser toutes ses années à se morfondre !" Elle s'interrompt une seconde, baisse le regard sur le crâne d'Uriel, une petite moue en grimace. "Enfin je veux dire... surtout pour moi. On doit pas trop se morfondre dans le coma, si ?" Elle à un doute, mais peut-être que ça ne se fait pas de demander. Les roues butent contre des graviers, elle fait semblant de ne pas regarder, perdu dans ses pensées. "Tu t'es réveillé il y a longtemps ?"
Un petit rire. Un petit rire, amusé même. Pas de chance, c’est le cas de le dire. Uriel n’aurait sans doute pas mieux dit. Tout le monde jusqu’ici lui a rabâché la tristesse de cet évènement, la panique lorsque l’on avait retrouvé son corps dans cet état, le stress de l’emmener à l’hôpital, l’angoisse de s’occuper de ses soins. Et à son réveil, tant lui avait raconté le plaisir de le retrouver, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que tut irait bien. Mais jusqu’ici, personne encore ne lui avait dit ça. Pas de chance. C’est ce qu’il s’est passé, et lui le sait. Enfin, il le pense. Uriel s’était rendu dans ce quartier, visiblement quelque chose de précieux dans les poches, sans son uniforme. Il était tombé sur les mauvaises personnes au mauvais moment, voilà comment il voyait les choses. Peut-être que s’il était venu deux heures avant, rien ne se serait passé. Peut-être que s’il était passé quelques minutes plus tard, tout se serait bien passé. La faute à pas de chance. Fleur n’a pas tort. Et voilà qu’elle l’embarque. Ca, c’est de la chance.
Uriel écoute, sourire aux lèvres. Fleur a cette façon de dire les choses naturellement. Et ça lui fait du bien. Pas de pincettes. Pas de peur de le brusquer. C’est agréable. Un autre rire revient.
En effet, pas de quoi se morfondre. Elle n’a pas tort, d’une façon. Je ne me souviens de rien. « Je me suis réveillé il y a quelques semaines, je crois… Je n’ai plus trop la notion du temps. »
Quel enfer, le temps qui passe. Des années dans le vide, et des journées qui n’en terminent pas et pourtant passent si vite. Les soins, les repas, les visites, plus de soins, le repos. Ce n’est que ça, sans cesse. S’enfuir était une envie répétitive qui lui venait à l’esprit, et être là, avec fleur, était une sorte de fuite réconfortante.
« Doucement avec le fauteuil, je crois que le frein est encore un peu enclenché… » Un geste rapide vers la manette pour enlever le-dit frein, mais la force n’y est pas.
« Juste ici, s’il te plait. »
Hésitation, je me mordille la lèvre une seconde.
« On pourrait… aller boire un truc ou manger quelque chose ? Ou tu voulais aller au temple aussi ? D’ailleurs, tu… tu pries toujours ? »
Moi oui. Elle s’en doute, sinon je ne serai pas là, devant cet endroit.
« Tu dois avoir plein de choses à me dire. Moi j’ai juste dormi pendant des années et… voilà ? »
Uriel Kurusu
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Mer 25 Oct - 15:51
A l'encre de nos maux
Pardon j'ai pas d'idée de lettre, ça va venir oups
Lettre de Fleur Montgomery
Uriel a toujours été comme ça, le sourire aux lèvres et le hochement de tête appréciateur. Le silence qui sait écouter sans perturber, l'impression de ne pas pouvoir chavirer. Peut-être un peu de calme dans le chaos d'une vie fantôme, Fleur et ses amours décousus, ses chaos sans nom, ses plans qui ne sont que contrefaçons. Ça lui fait plaisir, de voir qu'il n'a pas changé, que les choses ne changeront peut-être jamais, qu'il suffit d'un saut du temps mais tout reste figé dans les barbelés. Fleur égoïstement, elle ne voudrait voir personne changer, pas même pour s'améliorer, préfèrerait jalousement garder tous les secrets qu'elle a pu trouver, les tracas au fond des souliers.
Un hochement de tête à peine perturbé, elle continue de faire rouler le fauteuil sans se préoccuper du reste. "Oui j'imagine, en plus faut réapprendre à marcher, reprendre du poids, tout ça tout ça." Elle est proche de la vérité elle le sait, sans se soucier de la souffrance que ça pourrait causer, les corps décharnés et l'incapacité de bouger.
"Oups." Les doigts malhabiles cherche quelques secondes le levier de frein en fronçant les sourcils, ces machines là lui semblent étranges, démesurées dans la triste réalité. Uriel, il allait vite devoir marcher. Le fauteuil roule un peu mieux, Fleur apprécié dans un sourire enjoué.
"Je connais un petit café pas trop loin, ils font de supers gâteaux !" Même si le sucré, ce n'est pas trop son truc. Fleur se souvient du chemin et finit par tourner à la prochaine intersection. "Je prie toujours oui, j'aide pour les cérémonies, j'aide les petites nouvelles au temple..." C'est un mensonge, débité avec une facilité déconcertante, sans bégayer. Fleur sait parfois s'adapter, refouler la réalité. Uriel ne se souvient peut-être pas des lettres chaotiques, du renvois. Elle ne sait plus très bien ce qu'elle a bien pu coucher sur le papier, si les problèmes de mémoires lui seront favorables. Mais elle veut jouer à la prêtresse encore un peu Fleur, ne dire les choses qu'à demi-mot, s'imaginer être quelqu'un d'autre. Quelqu'un d'un peu mieux probablement. Uriel pourrait être déçue, alors elle sourit poliment en s'arrêtant devant la devanture, un petit café tout simple décoré de petites pattes de chats.
"C'est là !" Suivi d'une arabesque de la main. "Ma vie a été très mouvementée tu sais, je bois, je fais la fête, je travaille. J'ai un appartement à Babel maintenant, tu devrais passer un jour."
Uriel écoute, sagement. Cette personne parle, raconte, et lui absorbe, silencieusement, sourire aux lèvres. Il ne se souvient pas de tout, loin de là. Et sans doute que les paroles de la jeune femme sonnent vraies à ses oreilles. Elle lui a peut-être déjà raconté tout ça, parle passé. Peut-être même l’avait-elle écrit quelque part, dans un de ses courriers. Avec un peu de chance, il avait même vécu certains de ses évènements. Mais il n’en a aucune idée. Alors il y croit.
Il lui fait confiance. Il a toujours fait confiance aux autres, Uriel. Il a toujours eu confiance en tout le monde, Uriel. Il croit. Pourquoi les personnes autour de lui mentiraient-elles, de toute façon ? La Déesse les voit, elle écoute leurs paroles. Aucun intérêt de mentir. Aucun.
« Il doit y avoir beaucoup de nouvelles personnes au temple ! Je pense que je ne connais plus personne là-bas… A part toi, sans doute. »
Même si… c’est flou.
« C’est fantastique que tu ais trouvé ta vocation. Il me tarde de prier avec toi à nouveau. Ce sera comme prendre un nouveau départ. J’aimerais beaucoup passer davantage de temps avec toi. Apprendre à te connaître à nouveau et forger de nouveaux souvenirs. Je sais que tu as une place en moi, il faut simplement que je retrouve la clé des souvenirs. »
A l’arrêt de son fauteuil, Uriel redresse la tête pour regarder le café avec curiosité. L’endroit semble être agréable. Mais téléphone bippe.
Heure des vitamines. Gestes mécaniques. Je bois le produit. Je grimace. Je ne m’y ferai jamais. C’est vraiment mauvais.
« Désolé… »
Et il s’excuse encore, nouvelle mauvaise habitude gagnée depuis des quelques semaines éveillé.
« Les pâtisseries enlèveront sans doute ce goût infecte. J’espère que tu n’auras jamais à en prendre. »
J’écoute ses paroles, à nouveau curieux, finissant de ranger les médicaments dans la pochette accrochée à mon fauteuil.
« Est-ce que nous avons fait tout ça ensemble, aussi ? Sortir, des soirées ? Quand j’écoute tout le monde autour de moi, j’ai l’impression que j’étais un ange. Mais… j’en doute quelque peu. Tu as l’air différente des autres personnes qui sont venues me voir… »
Uriel Kurusu
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Dim 31 Déc - 13:34
A l'encre de nos maux
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Lettre de Fleur Montgomery
Fleur distille les petits mensonges au gré du vent, espère ne pas se faire prendre par le torrent. Un sourire aux lèvres pour mieux faire passer les vilains péchés, elle le sait, elle devra beaucoup prier pour se rattraper, faire semblant d’exister en sachant ce qu’elle fait. Mais c’est trop simple avec Uriel, elle pense aux choses qu’elle aurait pu être, à la belle robe de prêtresse qui tape contre les chevilles ; les reliures des beaux livres religieux qu’elle suivrait du bout du doigt, fascinée par la manière de laisser planer la foi sans en dire trop. Fleur, elle pense à ce qu’elle ne sera jamais faute d’avoir su s’améliorer ; ça ne fait rien, elle laisse les rêves l’obnubiler.
« Oui ça bouge beaucoup, mais on pourra aller prier ensemble si tu veux. » Une main sur l’épaule, Fleur si certaine qu’elle en oublie qu’elle ne devrait pas, qu’il n’y a pas meilleur moyen de faire exploser le mensonge que de l’amener là-bas. Mais la prochaine fois, elle avouera, ce n’est bien qu’une belle illusion dans les ombres de son présent mouvementé, sans intérêt. Sans ça, elle ne saurait pas quoi raconter.
« Je ne sais pas, ça ressemble à du jus de raisin. » Le médicament retourne dans la pochette, Fleur presque déçue de ne pas pouvoir gouter, sachant pourtant très bien qu’une mauvaise idée de plus ne pourrait que mal tourner. Elle pousse le fauteuil pour entrer dans le petit café, un sourire à la serveuse, ils sont tous deux placés près de la fenêtre, sur une petite table qui ne paye pas de mine mais qu’elle trouve bien confortable, Fleur. Elle prend la peine de réfléchir à la question tout en contemplant la petite carte posée entre eux.
« Hm pas tellement, on vivait loin de l’autre alors la plupart du temps on échangeait des lettres. Mais j’aimais beaucoup. Je ne pense pas avoir déjà fait de soirée avec toi, mais ça nous arrivait d’aller boire un café de temps en temps je crois. Ça remonte à loin tout ça… » Même elle parfois, elle ne se souvient plus très bien, offre un sourire presque piteux. « Mais je suis sûre d’une chose : tu ne m’as jamais passé les menottes pour m’amener au poste de Milice le plus proche ! » Pas comme Quill et ses grosses mains trop brusques. Fleur en rit avant de se reconcentrer sur la question dans un léger sourire. « Mais tu es un ange Uriel. Comparé au reste du monde (ou à moi), tu es comme… » Elle pointe soudain la photo d’une douce pâtisserie sur la carte. « … comme ce cheesecake à la fraise ! » Et alors que la serveuse passe prendre leur commande, c’est effectivement ce qu’elle prend, un cheesecake à la fraise en supplément d'un café corsé.
Yeux brillants, il observe. Carte est généreuse, tout semble délicieux. Des boissons chaudes aux pâtisseries, cœur battant, Uriel hésite. Trop de sucre ! lui aurait dit sa mère. Imagine ce que cela ferait à ton corps ! soufflerait le père. Je veux une tarte à la fraise ! hurlerait Ephraïm. Rien qu’à y penser, Uriel sourit. Il a raison, Ephraïm. Il faut se faire plaisir.
Mes parents ne peuvent plus rien me dire, maintenant. De toute façon, je n’ai plus envie de m’entraîner comme j’ai pu le faire auparavant. Alors chocolat chaud ce sera, et ce que mon frère aurait commandé aussi.
Regard vers Fleur qui commande aussi.
« Je crois que je préfèrerais être un cheesecake plutôt qu’un ange. »
Loin de son côté angélique il est, et même avant, ce côté s’était perdu. Mais pas envie d’y penser en ce jour, il se contente de regarder les délices qui arrivent. Peut-être ne terminerait-il même pas cette assiette, se nourrissant de si peu depuis son réveil, mais la gourmandise bien trop présente était pour résister. Alors chantilly il prend à la cuillère, heureux. C’est bien meilleur que les vitamines qu’on lui force à prendre depuis des semaines.
Quel régal, j’en avais vraiment besoin.
« Tu penses que… nous pourrions remédier à ça ? Que nous pourrions aller à une fête ensemble ? »
Enfin, quand j’irai mieux, sans doute. Mais ça viendra. Pas vrai ?
« Je crois que ça me ferait du bien, si je n’en n’ai pas fait avec toi, je n’en ai sans doute jamais fait. Je ne me vois pas y aller seul. »
Hop, un peu de tarte à la fraise. Est-ce que c’est ça, profiter de la vie ? J’aime bien.
Il rit, heureux est Uriel. Ca lui fait du bien d’être avec quelqu’un comme Fleur, quelqu’un qui ne se prend pas la tête, quelqu’un qui n’attend pas des miracles de lui.
« Merci de passer du temps avec moi et de ne pas m’en vouloir de ne pas me souvenir de tout. C’est différent, avec toi. C’est agréable. »
