haklyone
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I built a cage to hide in // PV : Miche



 
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I built a cage to hide in // PV : Miche
Jayson Wymer
Maison des Roses et de l'Ombre
Jayson Wymer
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Ven 25 Aoû - 15:34
Il glisse la clef dans la porte de l’atelier, qui s’ouvre sans discuter.

Une pression de l’épaule suffit à ce qu’elle glisse sur ses gonds. Jayson s’arrête, un instant. Depuis combien d’années a-t-il cette clef déjà ? Se demande-t-il, laissant son pouce caresser la hampe, jusqu’à ce qu’il la range dans la poche arrière de son jean. Il passe, souvent. Prendre des nouvelles, ou simplement, ranger un peu le capharnaüm dans lequel Miche créé.

Le rat a bien d’autres priorités que faire sa vaisselle, en attestent les pinceaux abandonnés. Jayson aperçoit les tâches de peintures étalées sur la bâche étendue : que lire, au travers de ces constellations ? Quelle Muse a inspiré l’artiste, quel guerrier a versé d’un sang coloré, quel destin a-t-il voulu représenter ? Jayson ramasse les tasses abandonnées, les verres oubliés, les bouteilles vidées. Dans des gestes habitués, il pose sur une chaise un sac avec quelques affaires, biscuits, brioches, cafés, il rejoint l’évier, nettoie en fredonnant.

Dehors, il entend les rumeurs des ruelles, qu’il écoute distraitement.

Bien qu’ici, il sait qu’il n’a pas besoin d’être aux aguets.

Les parfums de savon se mêlent à ceux bien plus aigres de la peinture, du vernis, de la bile, du café et de l’alcool séchés, son flair décèle le moindre parfum, aucun d’eux ne le fait plus grimacer. Ca fait tant d’années qu’il n’a plus vraiment bu. L’alcool accompagnait autrefois ses nuits, endormait ses douleurs, assommait son esprit. Tout, pour ne pas penser, pas réfléchir, pas réaliser, que sa vie était gâchée, qu’Agnès ne l’avait jamais aimé, tout, pour ne pas se dire, qu’il valait mieux mourir, qu’il valait mieux en finir, qu’il devait s’enfuir. Tout, tout, jusqu’à ce que ça soit trop, jusqu’à ce qu’Agnès manque bien de l’achever.

Il a failli mourir, cette nuit là. Sans Micheletto, il ne serait pas là aujourd’hui.

A présent, il apprend à vivre. A apprécier les rayons du soleil sur sa peau, la fraicheur de la nuit, à écouter les chants des oiseaux, les murmures de la ville, les bruissements du vent, à savourer le sucre sur ses papilles, les jeux des épices. Il apprend, à être, à exister, il explore, il se promène, il joue, il fait des rencontres, mais il finit toujours par revenir, ici, il ne l’a jamais laissé, il ne l’a jamais abandonné, ça fait combien d’années maintenant ?

Qu’ils sont amis, peut-être autre chose. Les dessins que Jayson garde dans son carnet représentent toujours Miche endormi, ou Miche qui travaille. Il n’y a ni caricature, ni enjolivure, il le représente, tant qu’il le voit. Plus ou moins maigre, le ventre creusé ou les hanches entourées de poignées d’amour, les traits marqués, les yeux creusés, le regard parfois hagard, égaré dans sa folie créative, dans l’ivresse d’une bouteille qu’il porte à ses lèvres, il l’a parfois représenté, affalé et aux yeux noirs braqués vers sa toile, et quelques rares fois, quelques précieux moments, l’esquisse d’un sourire, entre les mèches décoiffées, d’un éveil matinal.

Il y a, au travers des lignes, au travers des gestes, quelque chose dont ils ne parlent jamais, qu’ils ne s’avouent pas, ils ne parlent pas, de ces moments passés ensemble, des nuits à s’aimer, pour Micheletto, Jayson n’est probablement qu’un amant parmi tant d’autres. Quoi qu’il est peut-être un peu différent de ses nombreuses rencontres : il fait son ménage, passe régulièrement, et ça va faire bien quelques années que cela dure. Ce ne sont que des instants, des instants grisants et dangereux. Du bout des doigts, Miche effleure les cicatrices, celles qui se voient et celles qui se devinent, les frissons d’excitation, se mêlent à la crainte instinctive, parfois, ses mains retiennent les siennes, s’entremêlent, baiser rapide, ne me fais pas mal, pas trop, juste ce qu’il faut, ce qu’il faut pour se sentir vivant, pour me sentir à toi, pour avoir peur, mais pas trop, pas trop, pas trop, juste, ce qu’il faut, ce qu’il faut, pour être bien, pour ressentir, quelque chose, sans endurer, l’horreur. La confiance nouée, leurs souffles entremêlés, l’odeur, de l’homme imprégnée, dans son nez, son odeur, de partout, sa brutalité, retenue d’un simple « non », d’un « s’il te plaît », simplement, en murmurant, son nom, Miche, mains sur l’épaule, front l’un contre l’autre, encore, arrête, continue.

Funambule, le cœur en équilibre, le corps au bord de l’abysse, l’amitié au bord du précipice, combien même ont-ils parfois basculé, ils reviennent toujours sur leurs pieds, ils arrivent à trouver un peu de stabilité.

La vaisselle terminée, Jayson s’essuie les mains et fait quelques pas. Il observe l’atelier, le canapé où s’entremêlent draps et couvertures, est-ce là où le Rat s’est terré ?

_ Miche ?

Il demande simplement, sans hausser la voix – il ne connaît que trop bien, la souffrance d’une gueule de bois.


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Jayson Wymer
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Micheletto C. Qaderi
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Mer 7 Fév - 21:38


 

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Cela fait longtemps qu’il n’a pas aperçu la terre. Il n’y a que lui, son radeau et l’océan à perte de vue. Pas d’île ni de port, que quelque navire lointain qui parfois, brièvement, l’accoste, un instant, le temps de remplir son verre ou de lui piquer une gaulée avant de remonter à bord. De plus en plus souvent, il ne s’en souvient même pas, balloté par les flots de l’ivresse, les autres des ombres dans la périphérie de sa vision, songes diurnes et nocturnes perdus dans les méandres de l’alcool incapables de remplir le gouffre qu’elle a laissé derrière elle.

Une place qu’il n’avait pas réalisé qu’elle prenait, là, nichée derrière ses côtes près de son cœur aigri, avant qu’elle ne s’évapore, disparaisse, comme si elle n’avait jamais existé, comme s’il avait toujours été vide, et seul.

Micheletto n’a pourtant jamais été seul; du moins, jamais autant que ces derniers mois, depuis que sa faiblesse pour la bouteille est passée de mauvaise habitude à seule occupation. Il a fréquenté plus de monde que la plupart des gens de cette île, partagé sa table et son lit avec une myriade d’âmes, dîné avec le gratin de sa Maison et repeint les tréfonds de cette îles de bile avec la fange de la société, relations consumées les unes sur les autres avec ferveur, amitiées supposées durer des années marathonnées en l’espace de quelque mois, brèves, intenses, brillants avec tout la force d’une étoile mourante.

Mais il semblerait que sa supernova ait fini de brûler; qu’il ne reste du peintre qu’une faible traînée de lumière dans l’immensité du ciel nocturne, oubliée aussi vite que le passage d’une étoile filante. Il le sent, dans ce corps pourrissant, l’abdomen tendu alors qu’il ne se nourrit que rarissimement, grignotant sans faim entre deux presque-coma, fidèle à son âme de rongeur. Son estomac ne tolère plus que le liquide, c’est ainsi qu’il le rationalise: la moindre nausée doit forcément être causée par la demi biscotte qu’il s’est enfilée, pas les litres de liqueur fermentant dans son estomac.

Il n’y a que le thé qui semble capable de le soulager, donne un sursis à son corps quémandant hydratation, de la vraie. Les infusions calment ses maux de tête, relaxe son ventre douloureux, l’aident à plonger dans le sommeil qui l’élude lorsqu’il ne consume pas la majorité de ses journées. C’est une aubaine qu’il ait la force de tituber jusqu’à la bouilloire et de lever son bras pour attraper une boîte de thé en vrac au hasard au milieu de ses trésors.

Mais aujourd’hui, ce n’est qu’un peu de poussière au fond de la boîte qui l’a salué en ouvrant le couvercle avant qu'elle ne rejoigne les autres, jetées derrière son épaule dans un grommellement. Alors, son dévolu s’était jeté sur la bouteille de grappa, parce que le vin ne lui suffit plus, gisant bien vite vide au pied de son lit de fortune avec ses sœurs d’un autre jour, d’une autre semaine, d’un autre mois ? Le rat n’a jamais été féru de ménage, habitué à vivre dans le chaos, l’épaisse couche de poussière tapissant son capharnaüm qu’une touche supplémentaire à leur attrait, l’atelier prenant des airs d’antiquaire; qu’il ne ressemble pas plus à une déchetterie, depuis le temps, est un miracle dont l’origine l’élude, lui qui n’a jamais sorti une poubelle de sa vie.

Trop égocentrique pour le voir, trop loin pour se rappeler lui avoir dit de le faire si ça lui plaisait, plus de moquerie dans sa voix que de gratitude.

C’est pour ça qu’il n’y a plus personne pour assister à ses dernières étincelles.

Son prénom résonne pourtant dans le petit atelier, abâtardit en un stupide surnom qui ferait gronder ses ancêtres. Son corps tressaille, une oreille relevée. Le mort s’extirpe de son tombeau, abandonnant sa fourrure grisâtre et son petit museau pour bras et jambes de plomb, la montagne d’oreiller sous lesquels il s’était terré s’écroulant lorsqu’il en sort sa tête, l’oeil hagard sous sa frange grasse devenue trop longue. L’artiste n’a pas le temps de finir d’émerger de l’inconscient que la douleur se rappelle à lui, le fait répondre d’un grommellement alors qu’il abandonne l’idée de se lever, se recroquevillant sur le canapé, sa migraine enfouie dans le creux de son bras alors que l’autre tâte le sol à la recherche d’un fond de bouteille, n’importe quoi pour chasser la gueule de bois. Mais ses doigts ne rencontrent que les dalles de terracotta froides et un tube de peinture, sans doute perdu depuis plusieurs mois déjà.

Il le lève, plisse les yeux.
Bleu de cobalt véritable, nuance hors de prix devenue presque synonyme du nom Qaderi; et tout aussi toxique.

La pensée lugubre qui traverse son esprit s’étiole avant de pouvoir y prendre racine: l’étiquette du tube abandonné lui ayant fait relevé le nez pour la lire, il remarque enfin la silhouette familière l’ayant extirpé des abysses; réalise qu’il n’a pas halluciné le surnom ridicule; comprend pourquoi il n’y a plus rien pour étancher sa soif au pied de son terrier. “Jayson…” coasse-t-il, la gorge trop sèche pour que le nom ne soit pas abrasif. Ni une question, ni une constatation, qu’un bruit sans utilité d’un ivrogne confus réveillé par son clebs quémandant sa pitance. Mais l’intéressé ne demande jamais rien de plus qu’un peu de compagnie, de réconfort peut-être si l’on voulait être mielleux. Malheureusement pour lui, le rat n’est ni l’un ni l’autre; sa pudeur uniquement préservée par les coussins dépareillés n’étant pas tombés, incapable de se souvenir d’à quand remonte sa dernière douche, il ne reste que la vague ombre de celui qui s’était agenouillé face au bullmastif des années de cela. Il veut lui demander ce qu’il fout là, mais sa gorge proteste, le fait grimacer et porter sa main à son cou, le spectre de la nausée flottant non loin. “A boire-” réussit-il à peine à maugréer, comme si Jayson était sa boniche, ou sa mère.

Et c’est pas tout faux, au fond. Ce sont les rôles qu’il lui a laissé endosser ces dernières années, depuis qu’il a arrêté d’être un camarade de beuverie pour devenir une victime, un pote, un ami, son meilleur ami, son amant, toujours là, quelque part: alors que la terre se fait lointaine et les bateaux continuent leurs chemins, il y a toujours Jayson, qui a abandonné son radeau pour reconstruire quelque chose sur ses fondations brisées, dressé au milieu de son atelier, les mains encore vaguement humide.

Une ancre. Un phare contre lequel il ne veut pas s'échouer, au risque de le faire ployer, de tout ruiner.
Pour une fois dans sa piteuse existence, Micheletto craint son pouvoir destructeur.
©A devious route
Micheletto C. Qaderi
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Jayson Wymer
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Mer 13 Mar - 8:03
Le mort s'arrache de son tombeau.

Ses mains souillées de couleurs bariolées, écartent tant bien que mal, l'amas de couvertures et de coussins  tout aussi tachés, émergent son visage d'un blanc neigeux, sous une tignasse noire huileuse. Parodie de l'oeuvre de Gustav Klimt, de ce baiser volé sous le couvert de couleurs, Jayson se penche, ses lèvres se déposent avec toute la tendresse du monde, sur le front couvert de sueur. Geste timide, d'une affection sincère toujours un peu craintive, d'une main qui effleure la joue couverte de barbe, à croire qu'il aime, quand ça fait mal. Juste un peu, ce qu'il faut pour ressentir, pas assez vraiment pour souffrir.

_ Je t'apporte ce qu'il faut.

Il s'éloigne un instant, lui rapporte plutôt un grand verre d'eau.

_ Je vais faire une petite course, je reviens.

Il a vu ses placards vides, son regard éteint, il n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été. Toute sa lumière se projette sur ses tableaux, quand il ne la dégueule pas par terre, sa vie, noyée sous les vagues d'alcool, Jayson s'étonne encore de voir son feu brûler. Aigreur, de viscères acides et d'une âme embrasée, sa flamme ravivée par la liqueur, il est en train de se consumer.

Dans la petite épicerie voisine, Jayson achète thés et infusions, biscottes et biscuits, des pâtes et des fruits, un peu de yaourt et deux tablettes de chocolat, de quoi lui faire quelques repas. Son regard s'abandonne sur les bouteilles d'alcool : bière épaisse sur les babines, vin sirupeux, liqueur à la légèreté trompeuse. Lui aussi, s'y est oublié, ça et dans les injonctions d'antidouleurs, jusqu'à finir, à la morphine. S'anesthésier, pour ne plus avoir à penser, plus avoir à réfléchir, plus avoir à ressentir.

Jayson s'arrête un instant. Au travers des surfaces rutilantes, des bouteilles alignées : illusion, d'une vie bien agencée, avec les étiquettes soignées, comme pour offrir un peu de noblesse, à l'acte de boire, comme pour mieux effacer tout ce qui finit la gueule dans les déversoirs. Période, trouble de sa vie, où les substances, la honte et le désespoir, ont préféré submerger la conscience, pour ne plus la laisser, émerger. Périodes effacées, réminiscences délavées, les moments rescapés laissent une saveur amère sur ses papilles, peut-être celle de son âme qui pourrissait.

Une part en lui, espérait peut-être disparaître. Que tout s'arrête. Il y a déjà pensé, mais Jayson n'a jamais voulu partir seul, pas après qu’Agnès lui ait tout pris : familles, amis, sa propre vie. Micheletto était le seul, à avoir résisté. Agnès maudissait peut-être ce rat, cette vermine, pour n'avoir pas succombé à tous les poisons qu'elle crachait, pour s'être accroché à ce qu'elle croyait posséder, pour avoir sauvé, celui qu'elle voulait tuer. Pour avoir aimé, cet homme qu'elle avait pousser à se détester.

Finalement, une petite bouteille de rouge rejoint le panier.

Non pas pour l'inciter à boire, mais Jayson n'en reste pas moins infirmier : Micheletto ne peut probablement plus vivre, sans cette substance vicieuse. Homéostasie d'un corps, qui trouve un nouvel équilibre dans l'ingestion d'alcool, l'image de ces bibelots en verre remplis d'eau et de colorant, sur lequel flotte un bateau en suspens.

Jayson s'inquiète parfois, de le trouver mort.

Il est mal en point, depuis plusieurs mois maintenant. Mais Micheletto n'est pas un homme à se faire plaindre : l'on dirait qu'il a choisi, et l'homme pourrait se montrer incisif, tranchant, agressif, si l'on touche, à ce qui le fait tenir.

Sentiment d'impuissance détestable, apaisé par les soins qu'il peut lui donner, l'attention et leur amitié, il respecte sa liberté, désire simplement le soulager. Lorsqu'il rentre à l'appartement, il ouvre légèrement les fenêtres pour aérer, ramasse les verres, les restes des bouteilles, se rend à la cuisine.

Il le laisse émerger.

Jayson fredonne, nettoie la vaisselle, range les courses qu'il a faites, commence à cuisiner. Des oeufs brouillés, des toasts beurrés, quelques tranches de bacon grillées, des champignons légèrement cuits, avec un bol de yaourt, quelques morceaux de fruits, une pincée de céréales.

Jayson revient dans le salon, débarrasse la petite table basse, rassemble la peinture qu'il pose dans un coin. Dépose là, une tasse emplie d'eau chaude et de sa tisane préférée, le chien a le flair, pour ces choses là.

_ Tu as faim ?

Il pose la large assiette et le bol entre eux, s'assoit à même le sol bien qu'une grimace lui échappe, au contact de sa sciatique. Dans la vaisselle se trouvent deux couverts, un pour lui, un pour Micheletto, ce ne serait pas la première fois ni la dernière, qu'ils partagent la même assiette - la même galère.

_ Je suis content de te voir.

Il sourit. La sincérité plisse ses doux yeux noirs et gronde dans sa voix. Il a conscience, que la vie ne tient qu'à un fil, bien que celle de Miche, ne tient qu'à une goutte. Et se dit, que si son foie le lâche, qu'il est compatible, il lui donnerait un peu du sien, si cela pouvait le faire vivre, encore un peu, lui éviter de souffrir.

S'il ne peut pas le sauver, que sa vie soit, heureuse.

Passionnée, lumineuse, peinturlurée, violente, furieuse.

Il n'est pas là, pour juger, il n'est pas là pour décider : mais sera toujours là, pour l'accompagner.

Micheletto, ne l'a jamais abandonné. Malgré ses choix discutables, ce que certain.es qualifient de “lâcheté”, sans rien savoir de l'emprise dont il était prisonnier.

Sa patience, sa présence, son ton bourru et la vérité crachée, l'ont aidé, à s'en libérer.

Si seulement, lui aussi pouvait trouver la manière ou les mots de l'aider ; mais le temps lui a appris, que c'était à Miche de décider. Et qu'il ne pouvait que se montrer présent, veiller à lui offrir son soutien, lui montrer, qu'il ne serait jamais seul dans cette errance.

Que la bouteille n'était pas la seule main à saisir, lorsqu'il craignait de se noyer.

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Micheletto C. Qaderi
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Lun 25 Mar - 15:36


 

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A travers la céphalée, le baiser peine à être enregistré; un geste tendre, peut-être trop habitué pour être remarqué. Il n’en sent que la trace fantôme sur son front humide, quelque mèche dérangée par l’intrusion, un peu d’humidité remplacée, le dos de la main venant l’essuyer sans même y penser. Le peintre n’est que instinct et réflexe émoussé, cadavre réanimé incapable d’utiliser les méninges ayant survécu à ses abus, ne ressentant que douleur et besoin primaire, plus d’émotion; pas même un sursaut d’agacement lorsque le mastiff lui tend un verre d’eau du robinet plutôt qu’eau-de-vie; elle pourrait en porter le nom à la façon dont il soupire en s’empressant de le vider dans son gosier, débordant de ses lèvres sans qu’il ne se soucie une seconde de la chaire de poule qu’elle laisse en serpentant le long de sa peau brûlante. A cet instant, le corps triomphe sur l’esprit qui veut l’assassiner, soulagé d’être enfin hydraté.

Il n’a pas même souligné le départ de son ami d’un gromellement, entièrement perdu dans cette simple action.

Lorsqu’il revient à la réalité, la barbe humide et le verre vide entre ses mains, la quiétude le stupéfait, ses autres sens émergeant, le laissant confus. Il l'appelle, comme si le chien était du genre à se cacher; espère, peut-être, qu’il soit bien sur la petite mezzanine, bien qu’il n’est aucune raison de piquer un somme loin de son regard. Mais seul l’écho de sa voix dans l’étaux étreignant ses tempes lui répond. Voilà qu’il se mettait à délirer, combler le vide de son atelier. C’est ainsi que les passages de Jayson l’ont si souvent éludé; dans cette pièce étriquée, un peu plus ou un peu moins de bordel ne se faisait pas vraiment remarquer.

La solitude pèse dans son terrier. Lui qui n’a jamais eu besoin de compagnie dans son lieu de créativité, au point de parfois chasser ses invité, l’a ressent de plus en plus vivement, une douleur aiguë au creux de sa poitrine, impossible à ignorer; la même qui l’a frappé le jour où il a décidé de s’émanciper, d’être celui qui finirait de couper le cordon avant que l’on puisse clamer l’avoir complètement abandonné.
N’est-ce pas ridicule, après tant d'années, de ne pas avoir su combler le vide qu’elle avait laissé ?

Ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Son portrait revient l’attaquer, ses traits flous scellés derrière le gesso plus méconnaissable que jamais, et pourtant il l’a reconnait à la façon dont le chagrin revient le poignarder. La chaleur de son sourire ne le fait plus que souffrir, lâcher le verre qui s’échoue quelque part par terre pour empoigner ses cheveux gras et tirer, tirer jusqu’à ce que la vague ne passe, les griffes plantées dans ce cerveau qui refuse de le laisser oublier. Il sent monter les signes avant-coureur des sanglots qui pourraient le soulager mais il n’a plus une seule larme à verser. Indigestion d’émotion, il ne peut rester paralysé, le moindre nerf enflammé, tremblant de l’agonie qu’il ne veut qu’anesthésier.

Le grincement de la vieille poignée perce à travers l’abcès, lui fait relever le museau, sa tête enfin libérée de ses propres serres. Pitoyable, des deux, c’est lui qui ressemble le plus à un clebs, bien qu’il ne s’empresse pas d’aller sauter contre celui qui vient de pénétrer sa forteresse de solitude. A la place, il reste interdit, ne bouge pas d’une oreille, pas même lorsque la brise que le mastiff invite vient rappeler tout ce qui a coulé le long de son torse, le frisson contractant douloureusement son abdomen. De l’extérieur, il doit avoir l’air hagard, complètement perdu entre l’inconscient et le monde des vivants, alors que tous ses sens sont subitement aiguisés par la présence d’une autre âme dans son tombeau. Jayon ne semble pas affecté par la misère poisseuse de l’homme qu’il a jadis connu, ou du moins il ne le montre pas, s’affairant avec légèreté comme s’il s’agissait de son propre foyer et pas de la carcasse en décomposition d’un artiste passé. L’odeur du déjeuner, une chanson fredonnée entre les lèvres fermées, les cliquetis de la vaisselle trop longtemps abandonnée enfin posée sur le minuscule égouttoirs, l’air vicié doucement remplacé par celui du quartier, une normalité si banale qu’elle ne peut jamais devenir tout à fait alien même si cela ne fait pas partie de son quotidien à oublier, espérant que les solvants réussissent enfin à l’achever.
Il a eu l’occasion d’en être témoin mainte fois à travers les années, l’évolution progressive, pas toujours exactement linéaire du canidé, petit à petit métamorphosé.

Il voit, dans la petite tablée qu’il arrange devant son nez, l’apothéose du clebs qu’il avait ramassé, celui qui ne pouvait que chouiner et tout juste s’agripper à lui, à la vie, que peu d’espoir sur lesquels se cramponner pour continuer.

Rôles échangés.
Sa tisane préférée préparée pour l’aider à ne pas lâcher.

Tout cela explose sous ses yeux à la seconde où les mots sont prononcés. L’instant d’après, la table basse est renversée, les efforts de son ami balayés dans un fracas assourdissant, sa gorge irritée par le rugissement qu’il a poussé. Le temps d’un cillement, il semble lui-même choqué de ce qui vient de se passer, comme s’il avait été possédé, comme si ça n’avait pas toujours été dans sa nature de tout piétiner.

Comme si cet abruti de chien ne savait pas exactement ce qui l’attendait en le fréquentant.

Ses mains viennent le prendre par le col, mais s’il vocifère avec la férocité d’antan, ses muscles paralysé par son immobilité ne peuvent pas le soulever, alors c’est lui qui se penche, beaucoup trop près pour ne pas lui cracher son venin directement dans le gosier. “Qu’est-ce que tu fous encore ici pauvre con ?!” Le chagrin accumulé se convertit en colère, condamné à ces aller-retours sans jamais pouvoir se libérer du deuil, un serpent infini de douleur et de regret dont il tourne les crocs vers son ami, son allié. “Ça te manque tant que ça de te faire cogner, c’est ça que tu viens chercher ? Hein ?” Les mots sont vicieux, atroces, mais pas étrangers dans la bouche du rat, que le reflet de ce que tous les autres ont constaté et que le clebs ne semble pas réussir à s’enfoncer dans le crâne. Qu’il n’est qu’un immonde connard, que la moindre étincelle de sympathie, d’affection qui ait pû brillé dans ses yeux n’est bonne à observer que de loin, au risque de se rappeler de l’astre incandescent qu’il est, destructeur dévoreur de galaxie, pas une étoile montante mais un trou noir en train d’imploser, cours, sauve ta peau au lieu de rester dans le rayon de la déflagration.

Son corps le rattrape, crampe vicieuse le forçant à lâcher le clebs pour compresser son ventre, la sueur ayant perlé sur son front roulant sur sa peau cireuse, grognement étouffé derrière sa lèvre mordue. “T’es qu’un- putain d’abruti-” Le poignard dans ses entrailles se retourne, lui coupe le souffle, le forçant à retomber sur les coussins amoncelés. Il se dit, stupidement, que ce doit être l’eau, entre deux lancées, que c’est la faute de Jayson s’il arrive tout juste à haleter. Sa faute à lui et sa petite vie bien rangée où il n’a aucune raison de s'immiscer, vermine bonne qu’à chier au fond de ses cabinets, infecter les autres du mal qui lui tord l’âme.  
Plus qu’un boulet, une tumeur dont Jayson refuse de se faire opérer.
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Micheletto C. Qaderi
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Lun 22 Avr - 9:02
Tout se renverse.

Son corps a réagi avant même que la vaisselle ne se brise au sol, fracture de l'esprit. Recul précipité, jambes fléchies, les mains empoignent son col, les cris l'assomment. Réalité soudainement éclatée, d'une reviviscence qui s'impose, d'un passé et d'un présent qui ne sont plus qu'un déferlement de sensations et de reminiscences. Dans ses oreilles, résonnent les cris d’Agnès, les hurlements de Micheletto, sous sa peau tannée, ses muscles se contractent, se souviennent des coups. Ses yeux se sont baissés, sur ce sol qui tangue sous ses pieds, la souffle coupé, tout son être, tremble, les fragments difficilement rassemblés, manquent de tomber. Sa queue canine s'est instinctivement glissée entre ses cuisses serrées, ses oreilles se sont baissées, aucun son ne s'échappe de ses lèvres scellées, Agnès, elle ne supporte pas de l'entendre gémir, de l'entendre pleurer.

Les mains relâchent son col, Micheletto retombe en arrière, la souffrance sur ses traits lui échappe complètement : lui n'y voit que la haine, le dégoût, le rejet. La tétanie ébranle son corps de spasmes, il a le front en sueur, il se sent glacé. Le silence est probablement retombé, mais Jayson sent pourtant tous les sons l'assaillir, le souffle rauque, l'insulte mourante qui s'abat comme un coup de poing, Jayson finalement, ne voit que les éclats de vaisselle, les restes de nourriture éparpillés, son travail, gâché. Ce n'était pas assez, pas ce qu'il faisait, c'était encore une erreur, une parmi tant d'autres, une dont il faut le punir, une qu'il doit payer.

Ses genoux ploient. Rencontrent le sol. Son dos se voûte. Lentement, le plus silencieusement qu'il peut, il commence patiemment, par ramasser les éclats de verre. Il n'arrive pas à en percevoir la température, en devine à peine le contact ; il raffermit sa prise. De son autre main, il ramène la nourriture, les oeufs brouillés, dont il ramasse une large poignée. Il se redresse pour aller tout jeter, revient avec une balayette pour terminer le nettoyage, de façon mécanique, automatique, irréfléchie.

Calme et méthodique, malgré son coeur qui le martèle, malgré tous ses sens en alerte, malgré tout ce brouaha dans sa tête. Le regard hagard, l'ombre d'Agnès rode dans la pénombre de l'appartement, dans les recoins, de ces regards mauvais et de ces accusations, à la surface de leur relation.

Il y a une tâche qu'il n'arrive pas à balayer.

Qui s'étire sous les poils du balai. Jayson marque un arrêt.

Sur le sol, à la peinture bleue, se mêle une autre teinte.

C'est sombre. Encore frais. Hésitant, Jayson y dépose le bout de ses doigts. La dissociation efface la sensation, il ne sait pas même s'il a réussi à toucher la tâche, avant de réaliser que toute sa main en est souillée. Décontenancé, Jayson bat des paupières.

Du sang.

C'est son sang qui coule, qui dégouline, de sa main tranchée. Au sein de sa paume, au creux de ses doigts, sont plantés éclats de verre, il pensat les avoir jetés, mais son poing a tant serré, que certains l'ont pénétré. Le sang perle, en gouttes épaisses, en un flot discontinu qui souille sa main, qui tombe au sol, peinture écarlate.

Sa vie est une toile barbouillée de sang, de haine, de peur, de violence, de souffrance.

Son corps ne lui appartient même plus : constellé de cicatrices qu’Agnès lui a gravées, d'une histoire qui ne le quittera jamais. Combien même il ne la voit plus, elle reste dans sa tête, gravée dans sa chair. Il n'est qu'un clébard. Un clébard qu'on tabasse, qu'on insulte, qu'on méprise.

Lentement, Jayson repose son séant sur ses talons. Sa main blessée retombe, s'appuie sur son jean, pour éponger le plus gros du sang, alors que son autre main passe nerveusement le long de sa barbe, jusqu'à ce qu'il se redresse. Les gestes, à ses yeux, sont toujours lents, d'une pesanteur énorme, Agnès agrippée à ses membres, vipère aux anneaux constricteurs. Il rejoint son sac, disparaît un instant vers l'évier, revient s'assoir cette fois sur son siège.

Les éclats de verre retirés, déposés sur la table. Le sang épongé régulièrement par un mouchoir, un peu de désinfectant, aiguilles et fil, il a toujours son matériel sur lui. Habitué à soigner les autres, à se panser, lui. Les yeux fixés sur la plaie béante qui déchire sa paume, il entre l'aiguille dans son derme épais.

Il ne perçoit pas immédiatement la douleur. Impassible, il fait aller et venir l'aiguille, sous ses yeux noirs, cernés. Puis ses paupières se plissent, enfin, une grimace tord ses lèvres. La douleur, est de nouveau perceptible. Sa main tremble légèrement, Jayson s'efforce de finir grossièrement, entoure sa main d'un bandage, l'attache à l'aide de sa ceinture pour y exercer une certaine pression. Ses coudes se reposent sur ses genoux. Il n’a ni oreilles ni queue animales.

Il a été chevalier.

Chevalier, dont on a brisé l'armure, dont on a volé l'épée. Que reste-t-il, de sa noblesse ? Rien que des cicatrices. Rien que des plaies, qui témoignent des combats qu'il a endurés, auxquels il a survécus, convaincu de tous les avoir perdus. Que sa vie n'est faite que d'échecs et de soumission. Sur ses œuvres, s'étale la violence humaine. Bile aigre se mêle au rouge sanguin, la toile tranchée d'élans noirs et assassins, d'un poison qui corrompt la planche. Ce qu'il représente, ce sont des champs de bataille sans survivants.

Face à l'explosion, Jayson répond par le calme placide de l'univers ; qui a vu tant d'étoiles exploser, qu'une simple supernova ne suffira pas à le briser.

_ Miche…

Ses yeux noirs se lèvent. Se plantent dans ceux de son ami.

Ses yeux noirs. Le plus profond des trous noirs.

Où sa propre souffrance a été avalée, où ses sens sont éteints, où sa conscience peut s'échapper. D'un esprit qui a tant de fois dissocié, qu'il peut à tout instant s'en aller, le laisser capable d'endurer, d'endurer encore tout ce qu'on est prêt à lui faire supporter.

_ Ne lève plus la main sur moi.

Les mots sont simples.

Et il n'a pas l'impression qu'ils sont les siens. Il a l'impression, que quelqu'un d'autre parle.

Quelqu'un d'autre, que ce guerrier brisé.

C'est ce jeune et vigoureux guerrier. C'est celui qui aurait dû lever son épée. Qui aurait dû évincer la Vipère, dès l'instant où elle a craché son premier venin, infligé sa première morsure.

La limite apposée, non pas comme une demande, pas même une nécessité : mais comme une obligation à respecter.

_ … Ou si tu le fais, fais le bien.

Ses yeux parcourent les pots de peinture, les meubles, la lampe.

_ Il faudra frapper fort, pour que je ne me relève pas.

Un léger rictus soulève le coin d'une de ses lèvres.

Il faudra faire, pire qu'elle.

Jayson a été si longtemps capable de s'anesthésier - que se blesser, ne le fait plus reculer.

_ … Qu'est-ce qui se passe, Miche ? Qu'est ce qui se passe, de pire que d'habitude ?

Mais il n'en reste pas moins, Jayson.

Il n'en oublie pas, sa douceur, sa bienveillance, cette affection viscérale peut-être animale, cette loyauté indéfectible, invulnérable. Que combien même, il mettrait de la distance pour se protéger, jamais, jamais il ne lui voudrait du mal.


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Jayson Wymer
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