dans le fond, tant mieux si bo-ra non plus n’aimait pas la ville. malgré tous ses sentiments, malgré toute la bonne volonté du monde, sasha n’aurait probablement pas pu supporter les ruelles animées de régalia. même sans savoir pourquoi, l’instinct lui aurait murmurer de s’enfuir, et le souffle au cœur en pensant au passé aurait suffit à l’achever.

“ça à l’air joli ! j’espère qu’on ira un jour !”

elle sourit. phrase lancée à la volée mais dans le fond, sasha y croit. peut-être que ça lui fera changer d’air. quelque chose d’autre que la poussière de la fosse et qui n’est pas régalia. ah, vraiment, arc-en-terre, c’est très bien.

“j’y suis juste allée avec madame irina pour mon anniversaire… on est allé manger à l’archange, mais à part la ville je n’ai pas vu grand chose.”

la seule chose à voir dans l’allée des temples étaient celui d’amanite, que sasha ne fréquentait pas beaucoup, et le perchoir d’horus. mais la mangouste refusait catégoriquement d’y mettre les pieds, rattrapée bien vite par sa seule phobie: le vertige. elle avait bien du mal à comprendre les animas oiseaux qui se plaisaient à virevolter haut dans le ciel. d’où lui venait cette peur, d’ailleurs ? sasha n'avait jamais vraiment su. c’était venu comme ça, un jour au collège. elle avait grimper dans un arbre et s’était retrouvée bien conne, coincée sur sa branche et le corps tremblant en voyant le sol.

peut-être avait-elle peur de s’écraser.

“oh, ça l’était ! un jour je te ferai à manger si tu veux. j’rigolais pas quand je disais que je cuisinais super bien !”

peut-être que se prétendre pour une cheffe étoilée était exagéré, mais sasha se débrouiller réellement en cuisine. simplement, les peu de personnes qu’elle invitait chez elle finissaient soit par partir après un dérapage et une dispute trop violente, soit finissaient trop ivres pour se souvenir de ses talents de cuistot.
et puis parfois, les deux en même temps.

sasha attends la réponse avec appréhension, innocente question qui cache quelque chose d’un peu plus profond. mais rien ne vient, ou du moins, rien de ce qu'attendait. en fait, ça fait plus comme un coup de poing. un truc un peu brutal, un peu malsain, qui vient la prendre dans l’bide et lui retourner l’estomac.

“ah.”

elle fronce les sourcils, reste un peu mutique. c’est rare qu’elle se taise, sasha. le silence n’a jamais vraiment été une option. elle fixe le sol, comme arrêtée dans sa course, comme un mur brutal qu’elle se serait pris de plein fouet. elle ne tombe pas parce qu’elle a l’habitude de s’en prendre, des murs. ça finit toujours comme ça: sasha fait tout foirer.

“...c’était pas vraiment ma question.” elle fait la moue. “moi je voulais savoir ce que j’étais pour toi…”

une amie peut-être.
au moins quelqu’un de cher.
ou peut-être que la question était là.
juste une combattante cruelle et bonne qu’à faire mal.
et si et si.
bo-ra ne l’aimait pas ?

“tu me déteste, bo ?”

elle s’est plantée devant la panthère, les bras le long du corps et la tête baissée. ça lui a traversé l’esprit quand bo-ra est partie sans se retourner, ce funeste jour d’automne. mais dans ses bras, dans les serres ambrosias, puis la courgette à la main, sasha s’était laissée convaincre que non. que c’était pas ça, que c’était bo-ra. qu’elle était partie pour elle, et que rien n’avait à voir avec sasha.

bo-ra avait dit que oui, qu’elle l’aimait toujours.
est-ce que ça a changé en quelques jours ?

“je suis désolée d’être… ça.”

une combattante de la fosse. une future assassin. elle voudrait se défendre sasha, dire qu’elle n’a pas choisi d’être comme ça, qu’elle n’a pas eu le choix. mais elle ne veut pas en parler. elle veut continuer de se persuader qu’elle aime ça, que la fosse, ça lui va. elle ne veut pas finir torturer comme kaien, comme wren, comme bo-ra, à savoir quel est le bon choix.
elle préfère n’en avoir aucun.

alors elle ne veut pas y penser, elle n'est pas prête à faire ce travail là, ce soir, ici, aux côtés de bo-ra. ça hurle dans sa tête, ça fout le bordel dans ses pensées. qu'est-ce qui est juste, qu'est-ce qui est bien, qu'est-ce qui est mal ? sasha, elle s'est toujours juré de ne jamais y  penser. sasha, elle a toujours tout fait pour foncer tout droit sans réfléchir. sasha, elle prend soin d'être à l'avant dans une navette qui va droit vers le,
crash.

c'est beaucoup plus simple.
de ne pas réfléchir.
de simplement agir.
et puis tant pis si le monde brûle autour.
si on finit cramer avec.
tant qu'on a plus à penser.

puisque bo-ra n’a pas envie d’y retourner, sasha n’insiste pas. c’est peut-être bien la seule avec qui elle ne force pas. mais elle se dit tout de même que c’est un peu dommage, que des vacances dans une autre ville auraient été chouettes, à crapahuter entre les arbres et les rochers. petite mangouste n’a pas peur du changement, c’est dans la nature de son anima de s’adapter à tous les terrains. savane, forêt, plaine ou même ville de béton. les nuisibles sont capables de s’accrocher à la vie comme personne.

et puis sasha cligne les yeux.
le coeur rate un battement au mot amie.
sasha, elle a du mal à comprendre le sens de ce mot.
comme si elle n’en avait jamais vraiment eu.
alors bêtement, elle rougit.

ce n’est pas la première fois qu’elle l’entend mais c’est peut-être la première fois que ça la frappe autant. amie… est-ce qu’elle a beaucoup d’amis, ash ? elle en avait, gamine. ceux de régalia dont elle a oublié les visages, les noms et les odeurs. souvenirs trop flous, trop maudits, enterrés et mis sous le tapis. au collège, elle était trop tempétueuse pour vraiment se faire des potes; et au lycée, elle n’y est pas restée assez longtemps pour avoir le temps de tisser des liens. papa est mort bien avant, trop tôt, trop brusquement.  il n’y a plus que lunapolis dans sa tête, il n’y a plus que brise-coeur, que la fosse.

elle pense à aseop, c’est un mentor plus qu’un ami. et probablement qu’il ne l’aime pas comme elle elle l’apprécie. madame irina, c’est la patronne, l’autorité suprême. il y avait wren, avant, mais iel parti. erilys est peut-être ce qui se rapproche le plus d’un ami d’enfance, mais lui aussi à quitté brise-coeur pour vagabonder de ça et là, il n’est plus vraiment là. il n’y a bien que kaien qu’elle peut vraiment considérer comme un ami. kaien, elle l’adore mais parfois, elle se demande s’il l’aime vraiment, en retour, ou si c’est à sens unique. ça ne la dérange pas. ça ne la dérange plus. elle a accepté qu’elle finirait forcément par être détestée.

alors quand bo-ra annonce encore une fois, avec conviction, qu’elles sont amies malgré tout ce qu’il s’est passé, sasha aurait presque envie de pleurer. un peu vulnérable, un peu éméchée. ça veut dire quoi, être amie ? elle sait pas. elle s’est toujours amouraché d’un coup, profitant à fond sans prendre en compte l’autre, persuadé qu’il finira par se barrer, et attendant effectivement les adieux déchirants. alors que la panthère soit toujours là même après six mois, à l’accueillir chez elle comme ça, sans lui tourner le dos une deuxième fois… ça lui fait tout bizarre.

sasha encaisse alors un second coup sur la fosse. elle frémit. c’est pas la même sensation, c’est amère dans la bouche. les mots sont forts mais elle sait que ce n’est pas pour elle. que ce n’est pas elle, le problème. pourtant, elle ne peut s’empêcher de se sentir coupable, de se détester un peu d’être une “combattante”, même si bo-ra lui a dit qu’elle ne la détestait pas et que ce n’était pas ça, le problème.

et elle ne sait pas quoi dire.
reste silencieuse.
elle sait que quoiqu’elle dise,
elle n’aura pas les bons mots.

sasha n’est pas bonne pour les discours, pour les paroles douces, pour les réconforts. bo-ra se lève ce qui permet à la mangouste de sortir de sa torpeur. elle dit que ce n’est pas grave et sasha s’en veut encore plus. elle, elle a l’impression que si, que c’est grave. et qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne comprend rien.
comme d’habitude.
est-ce qu’elle est juste trop bête pour ça ? pas à la hauteur ? pas assez intelligente ? non non non. elle chasse tout ça de son esprit. elle est la meilleure, elle a 200 de qi. elle le répète tout le temps, c’est que c’est forcément vrai. ah, la soupe. elle se souvient. elle est venue pour ça. il faut qu’elle suive bo-ra, c’est ça ? elle ne sait plus trop, sasha. les répères sont tombés. où sont les abscisses et où sont les ordonnées ?

“bo-ra je…”

enfin le silence tombe. juste avant que bo-ra ne disparaisse dans sa cabane, alors que le soleil se couche. sasha ne la regarde pas dans les yeux, mais se décide finalement à agir.
un pas, puis un deuxième.
avant qu’elle ne s’échappe encore.
persuadée que si bo-ra part faire cette soupe comme ça, sans action de la part de sasha, elle la perdra encore une fois.

et sasha vient la prendre dans ses bras.
ce n’est pas l’étreinte dans les serres ambrosias où l’enfant à rassurer était sasha. pas le câlin où la blonde s’était blottit contre le corps chaud de la panthère comme pour échaper à la réalité. non, là, sasha est pro-active, assertive. elle prend bo-ra dans ses bras car elle ne sait pas comment le dire autrement. comment dire qu’elle comprend, qu’elle est désolée, qu’elle pense à elle et son frère, qu’elle pense à son deuil et qu’elle ne la laissera pas tomber.

elle la relâche après quelques instants, pointe enfin ses yeux dans les siens, les bras tendus et les mains sur les épaules de la chasseuse, le corps bien droit.

“j’ai aucune putain d’idée de quoi te répondre tout de suite mais je te promet que je réfléchirai quand mes 78 neurones seront disponibles. juste, je suis contente d’être avec toi aujourd’hui et qu’on soit toujours amie et… et que t’ailles bien et que tu sois heureuse. et je sais que c’est pas facile de… de perdre quelqu’un… moi, c’est à cause de ça que je ne suis qu’une… combattante dans la fosse.”

c'est dur de le dire à voix haute, même neuf ans plus tard, que sasha a vu mourir tous ses proches.
elle relâche enfin bo-ra, mais son regard brille. elle pense ce qu’elle a dit et pour la panthère, elle est décidée à ne pas relâcher ses efforts. pour elle, elle sera capable de vraiment essayer de réfléchir et de se remettre en question.

maintenant il est l’heure de souper.

les bras de bo-ra finissent par s’abattre contre son dos, doucement, faiblement. ce n’est pas comme dans les serres ambrosia. les rôles sont inversés et sasha, malgré tout son égoïsme et ses verres en trop, elle tente d’être là. elle fait comme elle peut, c’est un peu maladroit, mais c’est mieux que rien. dans un élan de lucidité, elle croit percevoir quelque chose de fragile en bo-ra. quelque chose qu’elle n’est pas capable d’analyser ni de comprendre ce soir, parce que bo-ra à toujours été si forte dans son imaginaire. mais au moins, sasha à la décence de comprendre que ce n’est pas quelque à piétiner. au mieux, c’est quelque chose à protéger.

elle aussi, des fois, elle peut être forte pour ceux qu’elle aime.
ses amis.

finalement l’étreinte est brisée, mais semble avoir fait effet. sasha se décroche de la panthère et vient lever son bras pour faire un salut militaire, l’air de dire: à ton service.

“promis cheffe !! mes neurones sont à ton service !”

pour le moment les fameux neurones de sasha et son qi d’au moins 200 ne sont pas disponibles à la conversation. il n’y a plus que le ventre qui parle, celui qui crie de faim. la bouche est sèche à cause de l’alcool et de la viande, mais elle sait que dans peu de temps, elle aura un délicieux dîner à dévorer.

“en tout cas… j’sais que j’en ai pas l’air, mais j’suis là pour toi, bo, si t’as besoin… et voilà…”

si elle en avait eu le courage, elle aurait fini par un “je tiens à toi”, peut-être un “je t’aime”. mais sasha n’est pas assez ivre contrairement à la dernière fois par sms. et puis, bo-ra avait l’air de mal le prendre tout à l’heure sur la terrasse, alors la mangouste n’insistera pas ce soir.
de toute manière, il est l’heure de la soupe.

“okay !”

cette fois sasha ne dit rien. elle a compris le message lors de l’apéro. elle se contente donc d'obéir à la panthère et s’installe à nouveau dans son siège. l’odeur ne tarde pas à venir lui chatoyer les narines, et c’est avec un regard curieux que sasha accueille la chasseuse lorsqu’elle revient avec le plateau.

“oooooh…” regard aussi rond que les assiettes creuses. une légère fumée s’échappe du potage. malgré la présence de brocolis qui n’inspirent pas sasha, tout le reste est alléchant. “putain ça sent giga bon.”

surtout l’odeur du sanglier, viande au goût très fort. les nouilles aussi ont l’air excellentes. ça lui rappelle toutes celles avalées dans les petites échoppes de brise-coeur.

“bon appétit et merci pour ce repas !”

elle ferme les yeux un instant, le temps d’adresser une prière mentale, réflexe pris gamine. quand papa n’était pas là le soir, il n’y avait bien que sainte haklyone pour lui tenir compagnie devant son repas. sasha enfourne ses baguettes dans sa bouche, et avale quelques nouilles d’un coup. elle s’éclabousse de partout mais de réagit pas: c’est beaucoup trop bon pour avoir le temps de se rendre compte qu’elle s’est salie.

“WAOW. c’est délicieux bo-ra !!”

même avec les brocolis. c'est meilleur que tous les restaurants de la capitale. meilleur que celui auquel andrea su avait l’habitude de l'emmener. à la fois par la compagnie à ses côtés que par le goût du sanglier. sasha se gave avec joie, l’alcool n’aidant pas à être raisonnable. mais de toute façon, c’est beaucoup trop bon pour rester calme.

petite mangouste est bavarde et la tempête est passée, alors les vieux réflexes refont surface. ensemble, sasha a toujours passé son temps à bavarder, raconter ses anecdotes, faire rire bo-ra et essayer de l’impressionner. pourquoi est-ce que cela changerait ?

“eh, bo ? tu crois madame shouan est vraiment morte ? j’crois ils l’ont dit dans la gazette… peut-être que la prêtresse trois-yeux l’a mangé ?? moi elle m’a toujours fait peur…”

finalement, sur cette terrasse, les baguettes dans une main et le bol dans l’autre… ça ressemble au bon vieux temps.

partager un repas avec un ami, avec quelqu’un qu’on aime, il n’y a que cela de vrai. que ce soit déchirée dans les rues de lunapolis un burger dégoulinant dans les mains, ou en haut d’arc-en-terre dans un restaurant étoilé. de toute la vie de sasha, les combats, les verres, les rires et la camaraderie de ceux qui évoluent dans le même milieu, les longues après-midi pluvieuses, les siestes et les doutes au creux du lit… ces moments sont les meilleurs du monde.

“tu m’apprendras la recette ? je serai surement pas aussi forte que toi parce que vraiment, c’est trop trop bon.”

elle rit joyeusement, enfournant une nouvelle portion de nouille et de bouillon dans sa bouche saliveuse. elle remarque qu’elle s’en est foutu plein partout quand bo-ra lui remarque, mais ça la fait encore plus rire. elle a l’habitude.

“aah, oui. baaah tant pis, j’devais laver ce t-shirt de toute façon ! et grave chaud pour la douche !! d’ailleurs j’peux dormir ici ce soir ? j’ai oublié de te demander et puis comme il est tard, j’pense y’aura plus de navette si on reste profiter. si ça te dérange pas bien sûr…”

petit regard implorant, accentué à cause de l'alcool ingurgité. ça l'embêterai de devoir rentrer, elle se retrouvera probablement à dormir dans la forêt.

“ooooh oui grave ! et moi aussi faudra que je te cuisine des trucs ! ça me ferait plaisir. genre un curry, j’fais trop bien les curry !!!”

si cuisiner est un langage d’affection pour bo-ra, il en va de même pour sasha. elle n’a pas tellement d’autre moyen de faire plaisir à ceux qu’elle aime, pas vraiment d'autre chose à offrir. et puis après l’excellente soupe de la panthère, elle ne peut s'empêcher de vouloir lui rendre la pareil.

“hmmm… oui tu as raison ! bon la maison lune et sang ça à l’air compliqué en ce moment quand même pour madame solvienne mais boooon…. c’’est surtout au niveau de la milice alors ça va, c’pas très grave.”

pas grave pour elles, pour les fidèles en dehors du corpus militaire.
pour les citoyens normaux de la maison de la lune et du sang.
et que la milice soit en difficulté, ça la fait bien marrer. elle pense parfois “bien-fait”.

“brrr… la mafia… oh mais !  si ça se trouve shouan c’est elle la cheffe de la mafia !! ça expliquerait toutes les rumeurs sur les espions et tout, ça serait vraiment troooop fort…”

elle rigole. en voilà une nouvelle théorie intéressante. melissandre shouan à la tête de la mafia. elle se promet de se renseigner sur internet et de peut-être écrire un article complotiste dessus en rentrant demain, si elle n’oublie pas.

elle affiche un grand sourire à la réponse de bo-ra, tandis qu’elle repousse son bol et dépose ses baguettes (en vrac) à côté. il ne lui en faut pas beaucoup, à la mangouste, pour être contente. ça a toujours été comme ça. si la moindre boutade, le moindre verre au bar, la moindre bouffe entre pote, le moindre sourire ne la rendait pas joyeuse, elle ne pourrait pas être heureuse. elle qui a toutes les raisons du monde de ne pas l’être.

mais sasha se contente de peux. depuis dix ans, depuis quinze ans. elle se contente d’oublier ce qui ne va pas, de ne plus penser à rien. c’est plus simple. c’est malsain. mais au moins, elle n’est ni bouffée par les regrets, ni par son passé. elle se contente de ce qu’elle a: la fosse, les combats et deux-trois copains. elle ne veut pas plus, n’est pas très ambitieuse. elle a déjà l’impression que c’est extraordinaire parce que ses standards sont tristement bas.

alors ce soir, elle rit.

“youpi !! j’ai trop hâte !” tout son corps gigote parce que sasha ne s’arrête jamais de bouger. “on fera ça où tu veux ! si t’veux pas retourner à lunapolis j’reviendrai ici y’a aucun soucis !”

elle a toujours manqué de tacte, elle a toujours été un peu égoïste. mais parfois, elle sait faire des efforts, elle sait faire attention. elle a compris que bo-ra ne voulait plus retourner dans cette ville qu’elle juge maudite, dans ce quartiers de milles pêchés. alors pour une fois, sasha choisit ses mots, se veut rassurante.

“ok ok, parfait. j’ai l’habitude de dormir sous forme animale aussi, sauf que je rentre trop ivre et que je m’effondre sur mon lit.” elle rit encore. “en tout cas parfait, merci bo-ra t’es adorable ! on va pouvoir profiter du coup, tu reveux un truc à boire ?”

sasha se lève alors pour s’étirer, elle de son côté, reprendrai bien une. sous la réponse de la panthère, elle file dans la cuisine pour récupérer deux des bouteilles qu’elle avait ramené. elle les décapsules avant de les amener pour trinquer à nouveau.

“eh, bo.” la voix change un peu, mi-sérieuse, mi-intense. “merci de m’avoir invité.”

elle ne le dit pas souvent, merci. ou alors beaucoup trop, mais c’est rarement aussi sincère. c’est rarement comme ça. mais sasha, elle a le cœur gonflé de sentiments positifs et cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas passé une soirée aussi chouette. ça avait mal commencé, elle avait eu peur de la colère, peur de la panthère, mais finalement, c’était un doux moment.

alors les bouteilles se cognent à nouveau, le bruit du verre noyé dans l’effervescence des rires.

après ça, elles iront sans doute se laver. elles boiront peut-être un dernier verre sous la lune, à discuter de mal de bien, de tout et de rien. ensuite elles iront délaisser leur vêtements de coton pour arborer leur robe de fourrure. fermer les yeux, se laisser partir, avec sur le museau un joli sourire.