pyjama party ft. hob / avril 2099 / 20h

Ses conseils, à Jude, autant il les veut bienveillants, autant il ne sait pas les formuler autrement que comme des reproches. T'aurais dû. Pourquoi t'as pas. C'était pas la première fois qu'il faisait le coup à Hob, en plus. Alors, quand il est parti, ça lui a laissé un goût amer, un froncement de sourcil inquiet, puis une culpabilité mordante surtout: ah, c'est vrai, il aime pas quand je fais ça. Pourtant, il l'a fait, Jude peut pas s'en empêcher, un problème: une solution, ça lui paraît tellement évident qu'il en oublie la finesse, surtout avec Hob. Depuis le temps qu'il le connaît, il a perdu le peu de filtres qu'il pouvait avoir en société puis, sa situation l'inquiète vraiment, alors il le réprimande, au lieu de l'écouter.
Jude s'est senti con. Il savait qu'Hob reviendrait, mais il avait quand même un doute, on sait jamais, c'était peut-être la goutte d'eau, la coupe est pleine, il l'a encore fait déborder. Alors, évidemment que Jude allait accepter de l'héberger. Peut-être que les mots c'est pas son truc, mais rendre service ça il sait faire, surtout pour se rattraper.

19:45 tout est prêt. Appart rangé, lasagnes au four, canapé prêt à devenir lit de fortune et les fenêtres laissées ouvertes toute la journée pour enlever l'odeur de la cigarette. Peine perdue puisqu'il se pose sur le rebord de celle du salon, après avoir fermé toutes les autres, pour s'en fumer une, puis deux. Il avait mis des plantes là, des succulents au bord de la fenêtre, y en a au moins trois qui sont tombés avant qu'il comprenne que c'était pas une bonne idée. Maintenant, c'est lui qui se pose là, il a la place pour y passer une jambe que les barreaux retiennent, évite de forcer parce qu'il y a de grandes chances pour que ces barreaux ne retiennent rien en fait. L'appart est vieux comme le monde, il l'aime comme ça, vu comme il grince, c'est pas possible de s'introduire chez lui sans faire crier les lattes, on le prendra pas par surprise dans sa tanière.

Ça sonne, c'est forcément Hob, il éteint sa cigarette, pose le cendrier sur le rebord de la fenêtre. Une fois son ami à la porte, par habitude, il regarde par le judas, sourit en voyant sa bonne humeur; elle est contagieuse.
Il ouvre et tend la main, par habitude encore, "Bonsoir, tu vas bien?" en serrant celle d'Hob, il aperçoit les bières et lui fait un signe de tête vers la cuisine "Tu sais où est le frigo. J'ai du vin aussi, il est déjà frais et... y a des lasagnes, au four. Il passe une main dans ses cheveux, ça aussi c'est pour se rattraper, sa manière à lui de s'excuser. Alors, du vin? Je vais prendre un verre. Il part et revient avec un bol rempli de chips, la bouteille et un tire-bouchon. J'ai déjà envie de m'en griller une.

Une fois les manches retroussées, la bouteille ouverte et le vin versé, il s'allume une cigarette dont il essaye de souffler la fumée le plus loin possible de l'intérieur. Alors, il te plaît ton lit? Nan, sérieusement, j'espère que ça va aller. C'est un vieux canapé... L'appartement de Jude est un mélange d'antiquités et de mobiliers et ustensiles qu'on croirait sortis d'un magazine. D'un côté on a la machine à café dernier cri et de l'autre le canapé qui a bien dix ans d'âge, le sens des priorités. En même temps, il ne dort pas dessus, alors que son vieux canap' ait les ressors qui fatiguent ça l'a jamais travaillé jusqu'à maintenant.

pyjama party ft. hob / avril 2099 / 20h

Bonne mine? C'est pas un truc qu'on lui dit souvent, le temps qu'il y réfléchisse, il a oublié de répondre, de toutes façons personne ne répond vraiment à ces formules de politesses, enfin si, lui il le fait, il répond honnêtement et c'est pas la meilleure chose à faire, alors tant mieux si la plupart du temps il oublie.
En tout cas, ce soir, ça va très bien, il n'est pas agacé, ni trop fatigué, on pourrait même dire qu'il est de bonne humeur, cette petite séance de ménage l'a rendu jovial, mais c'est surtout que son plan ait marché qui le fait sourire.
Il s'en était même pas rendu compte, ça fait combien de temps que ce petit rictus s'est glissé sur son visage? Il a l'impression d'être gamin à nouveau, de se planquer des parents pour jouer tranquille aux cartes avec Hob. Il souriait pas trop déjà à l'époque, mais l'adrénaline, celle qu'il va chercher au casino mais qu'il peut très bien trouver dans une partie à la maison, ça, ça lui plaisait.
Il noie son sourire dans son verre de vin, sort le paquet de sa poche et le lance sur la table, curieux de voir si Hob tient vraiment à fumer. De seigneur, carrément! Il se marre un peu avant d'ajouter qu'il est content que ça lui plaise. Il pense que c'est au moins en partie pour ça qu'Hob et lui sont potes, il fait pas chier. C'est rare. Ouais, les bennes à ordures d'ici sont pas supers, t'auras moins de chance de dormir sur un lit de seringues usagées avec celles d'Ithloreas.
Il ramène le cendrier avec lui et s'assoit à coté, puis sent que quelque chose lui brûle les yeux et s'empresse d'attraper la clope qu'il a gardé dans sa bouche. Merde, ça pique. Il cligne des yeux plusieurs fois, marmonne des grossièretés avant d'aller dans la cuisine sécher ses larmes avec un torchon. Il en profite pour jeter un œil aux lasagnes et revient dans le salon avec un air de victoire. Les lasagnes sont bientôt prêtes et j'ai failli perdre la vue. Il s'affale de nouveau sur le canapé, reprend sa cigarette qu'il regarde d'un air accusateur, en fronçant les sourcils. C'est vraiment pas pratique pour vous de pas pouvoir dormir à l'envers... Il la rallume. D'ailleurs, le plafond est souvent bien plus propre que le sol. Il regarde Hob avec un air sérieux, mais son rictus le trahi, il le ressert avant de se servir lui-même. Encore cinq minutes de cuisson, il a pas besoin de chrono, ce serait pas étonnant qu'il en ait un dans le cerveau.

pyjama party ft. hob / avril 2099 / 20h

Jude profite du vin, même s'il préfère le rouge, qu'il n'aime pas trop quand c'est doux, il laisse la chaleur de l'alcool lui assoupir l'esprit; c'est une soirée entre potes. Avec Hob, il a tendance à s'oublier un peu, à laisser de côté ses préceptes, sa manie de toujours tout encadrer et toujours, toujours vouloir maîtriser son monde, chaque situation, chaque interaction. Leur amitié est basée sur une échappatoire, une douce parenthèse dans des moments qui le fermaient complètement, où il mettait une distance entre lui est le monde: les mondanités, les soirées exécrables qui le rendait si amer, Hob les a rendu agréables, avec lui, il se sentait un peu coupé du monde, n'entendait plus les bruits infernaux de l'hypocrisie mondaine.
Il écrase son mégot dans le cendrier. Je prends le risque, ça vaut le coup de défier la mort.
Et maintenant, comme une habitude, lorsqu'il est en sa compagnie, il se sent décontracté, s'enfonce dans le canapé l'esprit tranquille et l'expression sereine, plaisante et boit, comme si le contrôle n'était plus ce qui faisait tourner la machine, non, elle tourne maintenant avec l'aisance de celui qui n'a aucun problème.
Enfin, ça, c'était avant qu'Hob ne sorte ce putain de kazoo. T'as pas intérêt mec, pas de ça chez moi. Jude toise l'instrument et commence à réfléchir à la meilleure manière de s'en débarrasser. Si on lui disait que ce truc était sorti de lui-même des entrailles de la terre pour le torturer, il le croirait.
Il comprend rien quand Hob se met à genoux, ricane bêtement, son visage figé entre la confusion et l'amusement, détendu par deux verres de vins qu'il a décidé de ne pas compter. De toute façon, il saura s'arrêter, les années de modération à outrance l'ont amené à connaître toutes ses limites.
Hob tient une jolie boîte qui pique sa curiosité, il n'aime pas tant les surprises, mais Hob n'est pas du genre à lui en faire des mauvaises, du type "j'ai invité cinq personnes, j'espère que ça te dérange pas.", nan, son ami est cool, et cinq personnes ne tiendraient pas dans cette boîte. Un kazoo miniature, parcontre.. merde, si c'est ça, il va faire la gueule. Il n'a rien contre les cadeaux, mais ne sait jamais que faire des trucs qui ne lui servent pas, à part dire merci et les mettre dans un tiroir qu'il n'ouvrira plus jamais, parce qu'on peut pas les jeter. A la limite, on peut les casser, mais le tiroir des merdes c'est bien aussi, puis comment on casse un kazoo (il n'a jamais réussi, c'est pas faute d'avoir essayer de lui faire sa fête, quand Hob n'était pas dans le coin) (et, ce soir, s'il le jetait par la fenêtre, est-ce qu'Hob lui en voudrait?)
Ses pensées sont interrompues par la déclaration mi-comique mi-solennelle de Hob qui ouvre la boîte et laisse Jude y découvrir une bague, de la forme de son âme, en argent. Une bague, son âme, de l'argent. Hob, t'es sérieux? C'est pour moi? Il a l'habitude que les gens, surtout ses parents, lui fassent des cadeaux qui leur plaisent à eux, sans jamais prendre en compte ses goûts. C'est pas qu'il est difficile, bon si, un peu, mais en fait, les choses qu'il aime son tellement simple que ça ne traverse pas l'esprit, comme lui offrir une cravate noire, plutôt qu'une cravate rayée. Alors cette bague, ça lui fait bizarre, il la prend comme si elle était faite de porcelaine et la considère pendant quelques secondes, dans la paume de sa main. T'as visé juste. Il échange la bague sur son majeur avec celle-ci et ne la laisse quitter sa vue que pour regarder Hob dans les yeux. Merci. Il sourit, avec les yeux aussi, et y a quelque chose de malicieux dans son regard, il est comme un môme. On m’enterrera avec. qu'il dit avec la plus grande des convictions et, pour fêter ça, il va chercher deux bières et en profite pour sortir les lasagnes du four, les laisser refroidir.
Tu me connais bien, hein? C'est vraiment une belle bague, unique aussi. Tu plaisantes, mais t'aurais pu faire carrière. Comment on dit déjà? Il a du mal à regarder autre chose que la bague, arrive quand même à décapsuler les bières et à s’asseoir, toujours le sourire aux lèvres, la dopamine. Ah ouais, t'as "des doigts de fée" mon pote.

pyjama party ft. hob / avril 2099 / 20h

Jude esquisse un sourire, le kazoo a disparu, mais il le remballe parce qu'Hob cherche ses mots et qu'il doit maintenant se concentrer pour saisir ce qu'ils impliquent. C'est vraiment pas son truc, les mots, ou peut-être qu'il a toujours été trop centré sur lui-même pour apprendre à lire les autres, entre leurs lignes. Il écoute en silence, laisse Hob finir, bière en main. Il la porte à sa bouche et boit machinalement, mais c'est plus pour faire quelque chose, s'occuper, il n'a pas soif, pourtant, il recommence. C'est mécanique, c'est pour noyer le soucis qu'il se fait quand ça commence à parler sérieusement.
Il s'attend à un reproche, ne comprend pas pourquoi Hob aurait besoin de s'excuser, il a l'impression que c'est plutôt lui qui a merdé, mais il n'y peut rien, il n'a pas la force de changer, n'en a pas envie et ne sait même pas comment on fait. Il est comme ça, froid, mais l'hésitation dans la voix d'Hob lui fait un pincement, il pensait que ses ami.es le comprenait, lui trouvaient quand-même une certaine chaleur. Il a peur que ce ne soit pas le cas, de découvrir que son affection est aussi peu loquace que lui.
C'est pourquoi ses yeux s'écarquillent un peu lorsqu'Hob lui dit merci, laissant s'échapper le doute qui commençait à germer. Merci? Il est d'abord soulagé, mais une pensée le rattrape, il sort une cigarette de son paquet, l'allume, le temps de la réprimer. Il ne sait pas s'il mérite sa gratitude, en fait, il trouve bizarre qu'on le remercie, lui, le bourreau, doit-on vraiment le remercier d'être là? De rien? Il choisit l'humour, un rire un peu peiné lui échappe, il regarde par la fenêtre, cigarette, bière, fenêtre. Je comprends que tu sois parti, je ne suis pas toujours facile.. Jamais, en fait. Un autre rire, plus honnête, la pensée s'éloigne. Merci à toi aussi, "d'exister". La vie serait bien fade sans ces soirées jeux de carte et.. lasagnes? Faudrait peut-être qu'on mange, d'ailleurs. 
Il éteint sa clope et part chercher le plat et les couverts, le temps de placer tout ça et de servir, il réfléchit, parce que Jude répond toujours honnêtement quand on lui demande si ça va. Oui, ça va. Le boulot c'est comme d'habitude, la famille pareil. Ma mère me tanne pour que j'aille à des expos d'art, j'y vais pour lui faire plaisir...
Et, les amis sont toujours là, malgré mon sale caractère. Il lui fait un sourire complice et attaque son plat. Et toi, alors? Jude aime écouter, plus que parler, en tout cas. Il attend de pouvoir à son tour offrir une oreille attentive, qu'il espère, ce soir, n'être dérangée que part les bruits étranges qui proviennent de sa rue et non par un instrument de torture.