Faith était d’une humeur détestable, elle qui avait pourtant imaginé mainte et mainte raison pour ne pas se présenter aujourd’hui aux côtés de ses grands-parents. Et pourtant, elle savait fatalement qu’aucune solution valable ne se présenterait à elle. Leur faire faux bon aurait été un désastre monumental, pouvant même aller jusqu’à un suicide d’héritage. Alors, on pouvait s’imaginer qu’elle exagérait face à ses pensées, qu’elle avait perdu cette force de caractère et qu’elle ne savait dorénavant que serrer ses serres (lol) aux désirs de son grand-père. Bien que ce n’était pas totalement erroné, la jeune harpie ne pouvait simplement pas se dérober en voyant le visage affligé de son aïeul, lorsqu’il c’était rendu compte que sa petite-fille préférée n’avait pas vue son plus vieil ami familial depuis plusieurs mois.

Alors finalement, comme elle était si bonne à ce petite jeu Faith avait simplement gardé se sourire doux et bienveillant devant l’excitation de ses grands-parents. Elle les avait aidés à préparer la table à l’extérieur de la maison car le temps c’était avéré clément pour ces retrouvailles pourtant aux attraits glacials. Pestait contre le monde et la terre entière, malgré cette infime flamme d'espérance que Mortimer aurait réussi à éviter ce déjeuner ridicule. Elle qui pourtant, le détestait par-dessus tout de part sa banalité insuffisante, se voyait pourtant obligé de placer tout ses espoir en lui.

Mais tout optimiste s’effondra lorsqu’à la porte entrouverte, se ne fut pas deux mais bien trois Chanteloup qui s’y présentaient. Trois prédateurs qui ne semblaient lui faire ni chaud ni froid, au grand contraire de sa grand-mère : seule proie présente à ces festivités. Mais ce n’était pas pour autant que les deux couples ne s’entendaient pas, bien au contraire. Même si parfois, la relation pouvait paraître particulièrement tendu, du moins, pour un côté plus que l’autre.

La future directrice de la clinique garda pourtant toute cette bonté qui la caractérisait tant. Aérienne et mesurée, elle les remercia tout un chacun d’avoir répondu présent en s’attardant plus chaleureusement sur la raison de cette invitation. Lui n’échapperait pas à l’enlacement cordial qu’elle lui réservait avec un dégoût particulier. S’ensuivit alors d’une légère discussion sans réel intérêt qui permettait de naviguer jusqu’au jardin de la villa. Si les convives prirent place relativement rapidement, donnant alors espoir à la jeune femme que le temps leur était compté. Ils semblaient finalement se rendre compte qu’il y avait fort à discuter et à préparer aux abords de la cuisine, laissant ainsi les deux jeunes seuls sous l’éclat de soleil qui illuminait la végétation.

« Si tu savais Ô combien tu m’avais manqué mon cher Morti. »

Une pointe de sarcasme tant délicate que lui seul arriverait à la déchiffrer. Et sans même attendre le retour de leurs aïeuls pour trinquer, Faith vient se servir précipitamment afin de tremper ses lèvres dans l’alcool déjà présent sur la table : ils savaient l’un comme l’autre qu’ils en avaient bien pour tout l’après-midi. Du moins, si les vieux étaient cléments.

Le verre toujours en main, qu’elle vient croiser ses jambes et appuyer son dos contre le dossier de l’assise.

« N’était-ce donc pas réciproque ? C’est un véritable déchirement-. »

Et si ses traits laissaient transparaître une légère triste accompagné de son sourire navrant, Faith n’avait pas supprimer sa pointe de sarcasme. En vérité, ce qui la déchirait était la présence de Mortimer en ces lieux. Bien que Faith n’était jamais elle-même sur le territoire de ses grands-parents, c’était l’un des lieux où sa quiétude était la plus forte. Alors, être face à l’une des personnes les plus redoutable détestée, l’ennuyait bien plus qu’elle ne s’autoriserait à le montrer.

« Mais ça me réconforte malgré tout de voir que tu t’inquiètes pour mon faciès. Tu penses qu’il faudrait donc que j’arrête de boire lors de rencontre importante ? »

Pour finalement acquiescer à ses propres propos et ainsi exprimer qu’il n’y avait de toute manière, pas grand-chose à attendre de cet après-midi, Faith entama une seconde et troisième gorgée.

« Enfin, heureusement que c’est une peine facile à soigner. »

Car si Faith portait un tant soit peu d’intérêt aux propos de Mortimer, peut-être qu’elle arriverait un jour au l’autre à prendre en considération qu’elle s’abreuvait de liqueur bien plus souvent qu’elle ne le pensait. Peut-être qu’alors, qu’elle prendrait conscience d’un problème sous-jacent, bien plus profond que son petit jeu d’acting du quotidien.

« J’aurais pu avoir bien pire qu’un problème de mine, comme par exemple tiens, tu savais qu’on avait beaucoup de cas de cancer du poumon à la clinique ? Légère grimace. Si certains sont en rémission, ce n’est jamais trop le cas des reptiles, étonnant tu ne trouves pas ? »

Elle hausse les épaules dans un désintérêt total, comme si il n’y avait aucun lien entre ses propos et le caïman qui lui faisait face.

« C’est bien vrai. »

Mais pour l’heure, ses lippes resteraient quelques secondes de plus bordées dans l’eau de vie.

Elle garde ce grand sourire de perfection, semblerait faussement offensé lorsque sa main s’élève pour toucher ses joues de la pointe de ses doigts.

« Au botox ? Hum. Tu pourrais peut-être me donner ton adresse ? Je ne pense pas qu’on en a un aussi bon à la clinique. Léger soupir. Et c’est bien dommage si tu veux mon avis. »

Aurait bien l’envie de grimacer, car quand bien même Faith n’apportait aucun intérêt aux propos de Mortimer, elle ne pouvait s’empêcher de détester ceux qui venaient à critiquer son physique – et il le savait, il avait bien fini par le comprendre. Pour elle si parfaite, toujours tiré à quatre épingles et qui prenait grand soin de ses moindres mimiques lorsqu’elle était accompagnée.

« Oh excusez-moi ! »

Elle n’en pensait pas un mot.

« Ce n’était pas contre toi, j’avais même oublié. »

Si elle avait oublié quelque chose, Faith aurait souhaité que cela soit son existence.

« Mais oui, malheureusement il s’avère que malgré leur capacité à s’adapter à de multiples écosystèmes, les poumons seraient beaucoup plus sensibles à la fumée et à la nicotine. Enfin, c’est ce qu’on suppose aux vues des différents cas, mais les études continuent. »

Pause le silence. Si s’accrocher à l’incertitude pouvait sauver la croyance de certains, d’autre n’étaient pas effrayé par la mort – pourtant seule la souffrance accompagnait les animas jusqu’à leur soi-disant renouveau. Une nouvelle gorgée qui vient lui apporter un certain sourire taquin.

« Si ça se trouve, c’est un tout autre mal qui vient attaquer les poumons reptiliens pour leur infliger des graves cas cancérogènes… Un véritable désastre si tu veux mon avis. »

Parce que lorsque les patients finissent par perdre la vie, il n’y avait plus personnes pour payer la chambre et les traitements.

« Olala mais Morti, si j’attendais que tu sois malade pour trouver un remède, tu serais déjà condamné ! Mais malheureusement, les remèdes ne sont pas universels et ton cas futur ne sera peu être pas celui pour laquelle une solution sera trouvé… »

Soupir alors, lorsqu’elle se rend conscience que Mortimer vient étendre son territoire sous l’invisible de la table.

« Mais est-ce que tu me fais confiance ? »

Droit dans les yeux, avec une sincérité qui ferait froid dans le dos.

« Enfin Morti, c’est très déplaisant ! »

A la mine désabusée tandis que leur relation était aussi peu consistante que leur discussion.

« Tes secrets ne sont-ils pas miens ? Tu as donc si peu confiance que ça, alors que tu sais pertinemment que je serais aussi muette qu’une girafe ? »

Sa vois était fébrile, sans nul doute pour retranscrire la grande tristesse qui n’habiterait jamais son cœur. Elle se sait déplaisante mais dans l’obligation d’entretenir ce petit-jeu qui était dénué du moindre but ; leur mot n’était qu’une bagarre insignifiante l’un envers l’autre. Un semblant d’échange, pour ne pas inquiéter leur aïeuls réciproques bien que Faith n’ignore pas que sa position est terriblement délicate – au contraire de son très cher compère.

« Tu n’en demande jamais trop Morti, mais tu n’ignores pas que la recherche médicale est compliquée. »

Elle hausse les épaules avec désintérêt tandis que l’alcool vient de nouveau s’approcher de ses lèvres.

« Et plus que le temps, l’argent est essentiel. Les dons que l’hôpital récolte pourront un jour, je l’espère, sauver le cancer de tes compères. »

Mais certainement pas du sien, car Faith n’hésiterait pas à se priver du malin plaisir de ralentir les études cancérogènes si l’information d’une avancée quelconque arrivait jusqu’à ses oreilles.

« Surtout que je parle spécifiquement de cancer alors qu’il existe d’innombrables autres maladies qui touchent certaines espèces, bien plus que d’autre. »

Si tous cela semblait terriblement compliqué ; il n’en était rien aux yeux de Faith. Pour elle, tous ces phénomènes n’étaient que question d’instant, de choix et de pouvoir. Une source infinie de richesse. Alors, ce léger sourire qui se berce au coin de ses lèvres.

« Pardon de te parler de tout ça, tu sais le travail ! »

Qu’elle véritable passionnée qu’elle était.

« N’est-ce pas ? Le malheur que cela pourrait être pour ses Animas effrayés par la réincarnation de leurs âmes. Mon savoir et mes capacités qui disparaîtront soudainement, comme celle de mon grand-père dans quelques années. »

Lui qui n’était pourtant pas si proche du pied dans la crypte Aragonite, mais il lui semblait nécessaire de rappeler que les Bartholomé apportaient, depuis bien des siècles, énormément à l’île. Et que Faith, au grand contraire de son père ou de ses sœurs, étaient là plus à même de continuer cette avancée.

« Vraiment dommage. »

Qu’elle en vient à soupirer, parce qu’en vérité, elle ne se voyait pas mourir avant d’avoir pu gouter au vrai nectar de la richesse.

« Mais je n’oublie pas ma chance, ma vie n’est pas dangereuse et mon confort n’est pas à plaindre. Alors ne penses-tu pas que j’ai encore de bien longues années devant moi ? »

Son avis ne l’intéressait en rien, mais Faith ne serait étrangement pas étonnée si parfois Mortimer venait à rêver de son assassinat.

Rare était ces moments où Faith savait faire place au silence. Très insignifiant et pourtant à la fois soutenu tandis que ces sourcils s’haussent avec légèreté. Elle n’avait pas besoin d’appréciation de qui que ce soit ; sa beauté était d’une vérité absolue tout comme l’était l’erreur de Mortimer qui ressemblait la majorité du temps pour un prolétaire indélicat. Alors Faith aurait voulu en rire de tout son saoul et à gorge déployée, quel piètre ami était-il jusqu’au bout. D’une indélicatesse certaine que vient se dresser un sourire moqueur sur ses lèvres.  

« Oui c’est vrai, tu n’as pas besoin de me le rappeler. »

Qu’elle aurait cherché à le couper. Son métier à la consonnance plus que modeste et son salaire qui devait être tout aussi misérable que son existence (elle ignorait totalement la réalité du monde et n’avait donc en vérité, aucun aperçu sur le salaire exact du caïman) mais Faith n’ignorait pas qu’il n’y avait rien d’admirable à conduire des navettes pour faciliter le déplacement d’autrui.

« Parfois je me dis que tu as beaucoup de chance, Morti. »

D’avoir des grands-parents qui savaient être importants et donc, lui permettaient de porter un nom qui n’était pas vraiment oublié au contraire de ce qu’il représentait. Un désastre finalement, pour son patronyme.

« Tellement que ça en serait presque déplaisant. »

Le sourire qui viendrait toucher ses oreilles s’il en avait la possibilité.

« Par Haklyone ! »

Ses mains viennent claquer entre elle dans l’idée de lui intimer de s’arrêter. Tandis que l’un de ses index vient se présenter à lui.

« Effectivement, ne descend pas sur cette voie, tu sais ô combien je suis passionnée et tu ne voudrais pas m’avoir comme rivale conductrice. »

Puisse encore qu’il était possible de voir une quelconque rivalité entre deux conducteurs de bus. Faith savait pertinemment que non, mais la simple idée qu’ils puissent se croiser sur la route en face à face lui glaçait le sang.

« Maladie Orpheline. Acquiesce avec une certaine fierté, comme une mère qui serait éblouit par les paroles de son enfant devenu soudainement plus perspicace qu’escompté. Tu en as entendu parler dans un article de grand-père ? »

Non pas victorieuse, car Faith savait à quel point Mortimer était tenace. Non pas fière mais amusée, qu’elle vient récupérer son verre pour trinquer en sa présence, ou plutôt avec celle du néant.

« Mais non ne t’inquiète pas et de toute manière, même si cela pouvait m’arriver j’ai entièrement confiance en notre équipe de recherche. »

Dont elle faisait partie, bien entendu.