FB: entre agacement et curiosité
(samedi 08 août 2093 x glendower)

combien de temps cela fait, qu’elle est partie, alexis ? dix mois ? onze mois ? cela ne fait même pas un an, mais cela lui semble être une éternité. voilà plus de deux ans déjà, qu’elle a prêté serment à la maison du souffle et des cendres. deux ans qu’elle a passé à nager à contre-courant face à la volonté de ses parents. deux ans qu’elle a choisi, qu’elle s’est affirmée, qu’elle s’est assumée.
et dix mois, ou onze mois, qu’elle a quitté ithloréas pour vivre à lunapolis. même pas un an qu’elle s’est totalement échappée de l’infrastructure familiale pour vivre sa vie et finir son lycée.
ou presque.

parce que qui dit été, dit retour. le mois d’août n’est qu’à son début, mais là voilà de retour chez les ross, à contre-coeur. alexis ne sait pas si c’est une condition implicite, ou si ses parents ont finalement un vrai sens de la famille. en tout cas, et ce depuis son enfance, ils mettent un point d’honneur à passer les vacances ensemble.
ça la pèse, alexis. ça lui fait peur de devoir les affronter à nouveau. de supporter de nouvelles remarques et de nouveaux jugements. mais alexis n’a pas le choix. et s’il faut payer un mois de son année pour en avoir onze de libre, elle est prête à faire ce sacrifice.

les ross sont à babel le temps d’une semaine, rendant visite à la famille du côté paternel. le fait de ne pas être seule, piégée entre ses parents, l’aide à tenir. c’est toujours un peu moins pire quand il y a du monde autour, quand il faut maintenant les apparences et les faux semblants. elle se sentirait presque dans une famille normale, échappant aux remarques désobligeantes et aux reproches dissimulés.

alors elle marche, alexis. elle marche au milieu des gens dans ce quartier animé. elle a la soirée de libre, rejoindra sans doute ses cousins pour boire un verre un peu plus tard. profite de son tourisme et de son voyage pour regarder les gens qui s’agitent et la vie qui suit son cours.

“hé, mais c’est alexis ross !” une voix qui s’élance dans son dos. volte-face. “ah mais oui, celle qui s’est barrée de la maison des roses et de l’ombre pour aller chez les autres érudits là !” ça rétorque à côté. ça ricane.

alexis les reconnaît. c’est une bande de gamin de son âge, avec qui elle était au lycée à ithloréas. probablement en vacances eux aussi. elle serre les dents devant leur exagération. elle ne s’est barrée d’aucune maison. à simplement prêté serment dans une autre. c’est un choix, rien de plus. un choix qui la regarde, elle et elle seule. et pourtant, elle a bon dos, alexis. et ça avait déjà un peu remué la maison rose, à l’époque. et même si ça remonte à il y a plus de deux ans, son départ précipité en début d’année pour la capitale à dû en remettre une couche.
elle hésite, la hérissonne. hésite à répliquer, hésite à rétorquer. mais les mots ne franchissent pas la barrière invisible de ses lèvres qu’elle se contente de mordre, ennuyée. elle détourne les yeux, s’enfuit.
mais les commères sont bien décidées à l’emmerder le plus possible. la suive.
et puis soudain, devant l’agitation et le brouhaha de la scène, quelqu’un réagit.

une homme, grand, au regard si perçant qu’il en serait presque mystique.
son intervention sonne presque comme une bénédiction, et les yeux plein d’admiration, elle entre-ouvre la bouche pour le remercier, bien qu’un peu gênée. mais les mots n’ont pas le temps de sortir qu’il se tourne brusquement vers elle, dans une phrase cinglante d’incompréhension.
alors alexis se fige.
et son regard se voile.
finalement, il est comme les autres.
il juge, lui aussi.

“uuh... et bien, merci beaucoup…”

elle le remercie au moins, parce que c’est ce qu’il faut faire quand on est polie. et parce qu’elle lui est tout de même reconnaissante d’être intervenu. cependant sa remarque fait mouche, et sous la pression de ses remarques, elle se sent coincée sous son regard inquisiteur.
essayer de se défendre ? ça fait dix-sept ans qu’elle essaye. ça fait deux ans qu’elle se bat. un an qu’elle commence à gagner. alors si, bien sûr que si. qu’est-ce qu’il croit, ce type qu’elle ne connait même pas ? qu’elle reste passive et faible ? il n’en sait absolument rien.
alors elle soupire, presque lasse. rassemble son courage pour s’exprimer, la voix un peu tremblante. se sentant tout de même obligée de se justifier.
encore et encore.

“écoutez… je vous remercie d’être intervenus, vraiment. mais pour répondre à votre question, je les connais, enfin...presque; et… je n’en voyais pas l’intérêt. ils n’en méritaient pas mon intérêt.”

est-ce une excuse qu’elle se donne ? une excuse pour justifier sa lâcheté ? un mélange des deux. parce qu’alexis à appris à laisser couler. pour ne pas se mouiller, parce que c’est plus simple. mais aussi parce que c’est bougrement efficace.

“la pluie de leurs sarcasmes glisse sur la toile cirée de mon indifférence !”

et elle sourit à l’homme, tentant un trait d’humour. elle sourit pour lui montrer que tout va bien. et qu’il n’y a pas à s’en faire. vraiment pas.
tout va bien.
(non.)
ça ne l’atteint pas.
(si.)

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(samedi 08 août 2093 x glendower)

et finalement, la phrase fait mouche, et c’est un sourire qu’alexis reçoit. un sourire qui la détend, un sourire qui la rassure. car si le premier contact manquait cruellement de tact, le second est d’un coup beaucoup plus doux. presque comme si cet homme se souciait d’elle. et même si c’est probablement faux, l’idée qu’on puisse s’en faire pour elle lui réchauffe le cœur.

“peut-être…” elle hausse les épaules. “s’ils veulent perdre leur temps à dire des bêtises aussi grosses qu’eux, qu’ils le fassent… moi, je m’en moque.”

fronce un peu les sourcils, y croit certes à moitié, sur le fait qu’elle s’en moque, mais est totalement sérieuse sur ses propos d’avant. si ces types ont du temps à perdre à venir l’emmerder, c’est probablement que leur vie doit être bien vide.
c’est qu’elle est devenue un peu méprisante, alexis, depuis ses vœux. comme si l’orgueil de sa maison avait d’un coup déteint sur elle. comme si appartenir au cercle des érudits la rendait un peu élitiste.
mais c’est peut-être ça, après tout, le sentiment d’appartenance.

“et puis, comme vous dites, ce n’est pas avec mon mètre cinquante-cinq que je vais faire grand-chose !”

elle a dix-sept ans. dix-sept ans et le physique d’une crevette. après tout, un hérisson, ce n’est pas très grand. les médecins ont dit qu’elle grandirait jusqu’à ses dix-neuf ans, et qu’elle a probablement des chances d’atteindre le mètre soixante, mais pas plus. mais ça lui va, alexis, c’est une limite raisonnable.
elle sourit à l’homme, encore une fois, avec humour. l'autodérision n’a jamais été un problème pour elle. simplement, elle en abuse parfois un peu trop.

“oh, et bien… je ne suis encore qu’au lycée. je vais commencer ma dernière année. mais l’année prochaine, j’aimerai bien hm… aller en fac de droit…”

cette-fois, la voix est plus calme, plus frêle. presque non assumée. parce qu’alexis est timide.parce qu’alexis n’est pas sûre d’elle. parce qu’alexis ne s’assume pas. parce qu’alexis ne sait pas si elle a le droit d’avoir des objectifs. parce qu’alexis n’en a même pas encore parlé à sa famille.
seulement un peu à elle-même, quand il fallait remplir la case: “métier souhaiter”, au lycée.
mais la remarque implicite de l’homme la touche et la rassure. un peu fière qu’un inconnu remarque son éloquence et sa maîtrise de la langue.
inconnu qui, d’ailleurs, attise peu à peu sa curiosité.

“et vous ?” elle finit par demander, timidement. “en tout cas, moi c’est alexis ross, de la maison du souffle et des cendres. mais ça vous avez dû l’entendre tout à l’heure.” elle lui tend la main. “enchantée !”

penche un peu la tête, dans un sourire.

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(samedi 08 août 2093 x glendower)

des regards, des haussements de sourcils,quelques mots. les deux personnes se jugent et s’observent, apprenant à découvrir l’autre par ses réponses mais aussi par son langage non verbal. et si alexis est têtue, cet homme semble l’être encore plus.
ou peut-être est-il simplement plus sûr de lui qu’elle ne l’est.
alors elle laisse couler, alexis. elle n’insiste pas. du moins, pas du tout suite. c’est quand vient la phrase “si tu veux défendre autrui" qu’alexis tic. ça lui fait quelque chose, ça la fait réfléchir.
elle se mord la lèvre et sourit.
parce qu’il a terriblement raison.

elle ne l’avait jamais vu comme ça, ayant toujours préféré les solutions pacifistes, bien souvent mélangées à tort avec la fuite. mais apollo vient de mettre le doigts sur quelque chose de terriblement pertinent, et elle aurait presque honte de prétendre vouloir être avocate alors qu’elle n’avait même pas remarqué cette écrasante vérité.
après tout, quelle piètre avocate elle ferait si elle n’était pas capable de se défendre elle-même ?
mais loin de rougir, c’est une rage nouvelle qui naît dans le creux de son ventre. parce qu’alexis est certes têtue, elle reste cependant capable de prendre du recul et de reconnaître ses tords. et surtout, de les assumer.
alors elle rit, doucement, d’un rire cristallin.

“ah ah ! très bien, j’admet !”  elle finit par lâcher, les bras un peu écartés comme si elle venait d’annoncer qu’elle avait été mise en échec et mat. “je tenterai, la prochaine fois. vous avez raison, même s’ils n’en valent l’intérêt, moi, ça me fera un bon entraînement.”

nouveau sourire, cette fois presque reconnaissant, comme si elle cherchait à exprimer une quelconque gratitude.

“enchantée, monsieur cooper !”  marque une pause, s’interroge. ““je peux vous appeler par votre prénom ?”

elle n’est pas non plus sûre si elle doit le tutoyer ou le vouvoyer, mais elle tends vers la deuxième option. elle n’est qu’une lycéenne, après tout, et lui semble adulte. jeune, pour sûr, mais adulte tout de même. et au delà du respect qu’elle lui doit pour ça, il lui en inspire suffisamment pour qu’elle reste polie et courtoise.

“waow ! génial ! vous êtes dans quel domaine de recherche du coup ?”

elle a ses yeux qui s’illuminent, l'air de dire "dites m'en plus". ce n’est pas son domaine, mais alexis est loin de manquer de culture. et elle n’est encore qu’au lycée, dans une filière générale. les sciences, ça lui parle. et les sciences, c’est vaste.

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hoche doucement la tête quand il lui demande de l’appeler par son prénom. ça lui convient. et ça sera peut-être même plus simple ainsi. elle est plutôt contente de ce début de proximité avec un scientifique de la maison du souffle et des cendres. déjà par pure curiosité et sympathie envers l’homme. il n’a pas l’air d’être un mauvais bougre. il ne serait pas intervenu sinon, n’est-ce pas ? et le métier de scientifique est quelque chose qu’elle respecte beaucoup et qu’elle trouve vraiment intéressant.

mais surtout, ça lui fait plaisir de pouvoir interagir avec quelqu’un de sa maison. trois ans déjà qu’elle a fait ses vœux, alexis. et seulement un an qu’elle à pû quitter sa famille. mise à part ses camarades au lycée, et les quelques personnes qu’elle a dû voir pour obtenir de l’aide et une indépendance financière; elle ne connait pas grand monde chez les bleus. encore trop ancrée dans la toile de la maison natale.
elle a donc, au fond d’elle, un petit sentiment de fierté que de pouvoir discuter avec monsieur cooper, et qui plus est, un scientifique de la maison du souffle et des cendres.

“les étoiles…”

elle murmure, alors qu’il parle. lève la tête vers les cieux. le soleil commence à disparaître et à laisser place à quelques boules de lumières qui brûlent à des billions de kilomètres d’eux. il doit être bientôt 21h, et comme chaque soir d’été, la nuit met du temps à pointer le bout de son nez.
elle écoute attentivement les propos d’apollon, réfléchis en même temps. s’imagine la voie lactée et les constellations qui la peuplent. les planètes du système solaire, et celles qui doivent exister ailleurs dans l’univers.

“l’univers est en constante expansion, non ?”  elle demande, timidement. elle a beau être sûre de l’avoir appris au lycée, face à un expert, elle a tendance à douter d’elle-même. “pour les constellations, je ne m’étais jamais posé la question. pour moi ça a toujours été plutôt un moyen pratique de cartographier le ciel et de se repérer grâce à ça. vu que le ciel bouge globalement, mais qu’au sein d’une même constellation, il y a moins de mouvement local, je crois… ce qui permet de se repérer plus facilement. j’imagine que les navigateurs auraient été bien embêtés si d’une nuit à l’autre, bételgeuse se retrouvait dans la constellation d’andromède…”

elle finit par oublier un petit peu son interlocuteur. ça lui arrive souvent quand elle est lancée dans un sujet. ses pensées prennent le dessus sur sa timidité, et elle est capable de sortir de longs monologues interrogatifs.

“d’ailleurs, je crois que la grande et petite ourse et les constellations proche… donc céphée et cassiopée, sont les seules constellations visibles toute l’année dans l’hémisphère nord ?”

et puis soudain, alexis devient d’un coup beaucoup trop consciente d’elle-même.  alors elle se tait, rougit, et baisse les yeux vers le sol, laissant les étoiles à l’abris de ses pensées.

“pardon pour le monologue…”  murmure. “en tout cas, c’est sûr que les étoiles pourraient être une belle source d’énergie… je me demande bien comment dompter les lois physique de l'infiniment grand…”

regard en coin vers apollo. il peut lire sur le visage de la brune tout son manque de confiance en elle. elle espère surtout ne pas avoir blessée ou frustrée l’homme avec ses propos, tout comme elle espère ne pas avoir dit trop de bêtises. alexis en aurait bien trop honte.

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sa phase de doute est bien vite balayée par la réaction du jeune homme qui poursuit la discussion. rien que le fait qu’il lui réponde et qu’il semble enthousiaste la soulage. elle a toujours peur, alexis. peur que ses dires ne trouvent pas de public. elle qui a, ô, bien trop l’habitude que ses mots tombent à l’eau.
alors elle est rassurée, soulagée, fière. fière d’être capable d’attirer l’attention d’un inconnu, et surtout d’un scientifique de la maison du souffle et des cendres. besoin de reconnaissance ? fierté sociale ? elle ne sait pas elle-même. Mais voilà 17 ans qu’elle court après l’approbation des autres, et il n’y a pas de petite victoire.

“c’est sûr que si on était capable d’utiliser et de conserver l'énergie des étoiles...” elle réfléchit. “le progrès devrait être incroyable ! ça surpasserait tellement nos énergies renouvelables non ?”

pose son regard sur lui. ô, comme elle comprend que ça l’intrigue. repose les yeux vers le ciel. si vaste, si mystérieux et si insaisissable.
mais elle ne peut pas s’empêcher de penser que la fascination des hommes et des animas pour les cieux est amusante. après tout, à quoi bon se projeter dans l’infiniment grand de l’espace quand on ne connaît même pas son infiniment petit ?

“c’est vrai que c’est fascinant. mais je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’on cherche tellement de chose dans l’univers et l’espace alors qu’on ne connaît pas encore complètement les choses tout aussi infinies mais à notre échelle… notre corps, notre cerveau, par exemple…”

elle marque une pause, réfléchit.

“ou nos océans ! qui sait ce qu’il y a tout au fond… qui sait ce qu’il y a au-delà de la barrière de corail, déjà.”

alexis arrête bien vite de parler. le sujet est tabou, et bien que jamais l’idée de faire une entorse à la loi sur la barrière de corail ne lui a traversé l’esprit, et qu’elle ne fait que énoncer un fait; la prudence est toujours de mise sur ce sujet.

la fierté éprouvée par la validation d’apollo est elle-même balayée par la remarque qui suit. elle se mord la lèvre, un peu embêtée par ce ton moralisateur, un peu ballottée entre validation et reproches. c’est compliqué de se stabiliser pour elle, surtout lorsqu’elle ne sait pas de quelle pied danser.

“oui, pard…” grimace. encore râté. “hm, oui.”

la technique dans ces moments là, c’est de changer de sujet. de poursuivre comme si de rien était pour permettre de repartir sur un dialogue fluide, un dialogue confortable.

“sinon, vous venez d’ici où d’une autre ville ?”

la curiosité qui prend le pas et la tentative de sociabiliser qui suit.