Désiré est endolori.
C’est les nuits, les insomnies, les verres de tonic.
Il a tout consommé, fini éclaté, sur des lattes centenaires, ne reste qu’un phare dans la débâcle tumultueuse, Solal. Solal Abberline. C’est déjà une chanson, fredonné plutôt que les berceuses, des crins ébène où engloutir les soupirs, une certitude, il s’en croyait dépourvu, qui a plus de constance que les battements de son propre cœur. Les doigts forment une pression bienvenue, un frisson longe la peau, les os, l’âme, et la voix ressemble à du velours liquide, des syllabes pour apaiser l’incendie qui le tue. Le fauve se fond dans l’étreint, l’illusion de ne former qu’un seul, que les tissus de chair peuvent se souder et qu’il a peut-être encore assez d’innocence pour s’y laisser tomber, dans ces iris charbonneux où brille une chaleur qui ne brûle pas.

J’suis pas important… Un fétu de paille engendré par erreur, arc-bouté contre le monde avant d’avoir su marché, Désiré n’a pas su, ne saura pas, faire la paix avec le monde, avec lui-même. Il y a les phalanges qui s’intercale sur la commissure de la nuque, investisse la peau sous les mèches brunes, être suspendu, de nouveau, aux lèvres de Solal. Et il finit par se marre, y a la toux qui s’en mêlent, ça donne quelque chose de bruyant, désagréable, avec l’odeur du bourbon en filigrane. Ouais. Il expire lourdement, tasse la truffe contre l’épiderme laiteux, s’y enfouir pour remplir ses poumons de ce parfum dont il a besoin, animal. J’te ferais des déclarations moins pathétiques que celles-là… Désiré a honte, le yeux vitreux, et le besoin de faire sentir que c’est juste de la maladresse, d’être sincère comme un poivrot, au milieu de son salon qui ressemble à un champs de bataille contre son bar, il a gagné.

Le ballet des lippes et la tiédeur du souffle qui s’en échappe, jamais assez près, l’hypnotise, les paupières à demi-fermées de désir, quand la confession l’électrise, qu’il ne saurait le répéter mot pour mot, pas maintenant. Désiré écrase la pudeur sous un baiser lourd, les paumes en étau, les jambes raides qui poussent contre les murs, où la tapisserie étouffe le bruit du corps du guépard qu’il plaque. Le sang monte, ardent, à faire brûler jusqu’au dernier fusible d’une raison déjà ébréchée de liqueur. Il rompt le contact seulement pour reprendre son souffle, les mains qui s’accroche dans la chair, empoigne le tissus avec véhémence.

Désiré rompt l’échine, le tempérament, les ingratitudes, contre le corps longiligne de Solal.
Désiré brise comme le verre qu’il tenait, les serments qu’il n’a pas su tenir, contre les iris rougeoyantes du fauve. Ce n’est pas une erreur. Il entend dans l’articulation espacée du guépard. Lui aussi voudrait croire, ces phalanges qui agrippent les fossettes, les lignes de la mâchoires, ce qu’il reste de sens à sa vie. Plus que tout, Désire se laisse aller dans le confort de se reposer sur son épaule, là où les souffrances s’émoussent et où il lui semble pouvoir en fin décrisper la corde raider autour de son coude, les muscles gainés dans l’anticipation d’un combat dont lui-même ignore tout.

Ils sont plaqués, la tapisserie vieillotte de bonne facture et les lampions qui dessinent les chutes de reins en ombres chinoises. Il respire fort, les yeux hagards et le cœur a mille lieux, le confettis des ressentis le prend à revers comme les mots de Solal, si pures, si simples. Désiré motus, les lèvres serrés et les yeux vitreux d’émotion, il a de la peine ((encore)) a faire sortir la vérité de son esprit confus, macéré dans des alcools qui n’ont pas d’étiquette.

Le nez renifle lourdement, le crâne écrasé dans Solal, le dernier rempart à la vie réelle. C’est dur. Désiré abattu, un peu minable et déjà trop enthousiasmé par les baisers, par les chairs pressées pour se souvenir du fond.

C’est important… le souffle rauque, et les yeux se redressent pour quémander un assentiment C’est important. Que tu saches que… Bordel, il aurait dû moins boire, faire attention au décor, se souvenir de pourquoi et de toutes ces années, et maintenant il est juste accablé par la maladresse adolescente et le bêtise d’avoir choisi cet instant. Les yeux brillants, c’est juste l’alcool pas l’émotion, juré, promis, il a une fierté à sauver. C’est important que tu saches que j’ai toujours voulu qu’on se retrouve de cette manière. J’ai l’air minable maintenant. Mais j’te jure. J’attends ce moment depuis tellement longtemps… Il dit comme ça lui passe par la tête parce qu’il voit bien que Solal ne veut pas laisser les envies prendre le dessus. Il éprouve le besoin de se justifier, Désiré, dans son attente d’un avenir peut-être meilleur si le directeur de l’opéra en fait partie.

Désiré ne sait pas tenir les promesses.
Depuis longtemps, il déçoit et se ramasse, peu importe la saison et les interlocuteurs.
Il a mal, l’espoir tambourinant dans la poitrine, les cauchemars en filigranes des nuits clairsemées, peur aussi. Il s’oblige pourtant, la fin des baisers brûlants et le regard droit pour le dire.

Je te le promets

Et peut-être que cette fois c’est réel. Que c’est n’est pas juste une promesse aiguillée par les désirs et les souhaits instantanés. Pour Solal. Il veut bien essayer.