hé mademoiselle
(mercredi 06 novembre 2097 x devil's nest)

l’horloge du café sonne dix-huit heures et la journée touche à sa fin. cela doit faire deux heures qu’alexis est assise à une table du devil’s nest, perdue dans ses révisions. les yeux rivés sur son ordinateur, un stylo qu’elle fait nonchalamment tourner entre ses doigts, la voilà pleinement consacrée sur son cours de droit fiscal.
elle n’avait pas envie d’aller à la bibliothèque, ce mercredi. l’endroit étant souvent un peu plus animé que les autres jours. elle s’était rabattue sur cette enseigne qu’elle avait découvert un peu par hasard il y a de cela un an, pendant une sortie entre copines. alexis avait adoré l’endroit, et y passait assez régulièrement quand elle rentrait de la bibliothèque.

le bruit ambiant du café et les murmures des clients ne la dérangent pas dans son travail. alexis arrive à faire abstraction des perturbations extérieures, simplement concentrée sur son poly qui défile et sur la musique du juke-box. de toute façon, l’endroit est réputé pour être bien tenu, comme la majorité des lieux de la grande rue des mondes. probablement dû à la présence de la milice dans le quartier.  
elle s’y sent bien, alexis, dans ce lieu-dit qu’est le devil’s nest. que ce soit accompagnée d’amis pour profiter de la musique et du billard, ou bien pour y travailler paisiblement accompagnée d’un café chaud. il y a d’ailleurs une tasse presque vide à côté d’elle, dont les quelques gouttes qui restent ont refroidi depuis bien longtemps. amatrice de grain moulu et de pâtisserie, ce qu’ils servent ici lui plaît. elle se laisse même parfois tenter par la spécialité du café.

mais si alexis doit être honnête, si elle y vient aussi régulièrement, c’est également pour une autre raison. cette raison porte un nom: elain bleth.
parce qu’alexis, c’est un véritable cœur d'artichaut. et bien qu’elle ait le béguin facile, elle n’en reste pas moins dénuée de toute témérité. elle se contente de rester dans le café, dans un coin un peu discret, les yeux tournés vers la baie vitrée pour ne surtout pas croiser ceux si mystérieux de la patronne.
il y a quelque chose dans cette femme qui l’atire et lui fait perdre ses moyens. peut-être son visage féminin et ses yeux perçants ? son air à la fois doux et implacable ?
ou peut-être quelque chose d’encore plus profond, que lui souffle son instinct, et qu’alexis est bien incapable d’indentifier pour le moment, trop troublée.

alors elle sursaute, une fois de plus, alors qu’elain arrive à sa table, la voix mielleuse. elle ne l’a pas entendue arriver, et dévisage avec surprise le strawberry sunday qui vient se déposer sur sa table.

“ah ! euh… mais je n’ai... uh, oh ! merci…” le visage qui s’empourpre alors qu’elle perd ses mots. confuse lorsqu’elle comprends que c’est offert par la maison, donc par la jeune femme. troublée du sourire charmeur, presque carnassier. “il ne fallait pas, c’est adorable… merci beaucoup.”

elle murmure alexis, elle murmure alors qu’elle reprend ses esprits. elle remercie doucement, un sourire polie aux lèvres; car elle est bien élevée, mais aussi un peu touchée.
mais elle ne sait pas comment gérer cette prise de contacte. ne sait pas comment gérer ces yeux perçants que la barista lui pose. se contente, l’air un peu hagard, de perdre son regard dans le sien.
et puis réaliser qu’elle lui a posé une question.
paniquer.
rougir encore.
s’agiter.

“ah ! ahem…” elle se racle la gorge et se redresse sur sa chaise, histoire de se donner une contenance. “je révisais un cours de droit fiscal… bon, je vous passe les détails, mais c’est tout ce qui organise les impôts et les taxes. c’est un domaine finalement assez compliqué, car très large et qui dépends de beaucoup de variables: si vous êtes particuliers, ou une société… et si oui, de quelle type ?” parler de son cours l’aide à se concentrer sur autre chose. l’aide à oublier son malaise. c’est qu’elle se débrouille bien, alexis, quand elle parle de quelque chose qu’elle aime. on pourrait presque apercevoir des étoiles dans ses yeux noisettes. “et puis ça traite le revenu, les taxes, les impôts… bref. c’est assez compliqué, au final. il y a énormément de choses et de formules… mais bon !”

elle lui lance un sourire entendu, le genre qui veut dire “il faut bien passer par là…”. le droit fiscal, ce n’est pas sa matière la plus épanouissante du semestre… mais elle s’en sort.
alexis se rend compte alors du temps de parole qu’elle a monopolisé, et la panique revient au galop. dans un signe de stress, elle passe sa main dans ses cheveux. elle vient placer sa mèche brune derrière son oreille plusieurs fois, avant de s’excuser platement.

“pardon… bref, je suis en droit, du coup !”

nouveau sourire un peu timide, les yeux levés vers elain. mon dieu, ce qu’elle est troublée.

“merci encore pour le dessert, c’est vraiment très gentil…”

nouveau murmure presque étouffé, le regard toujours dirigé vers la blonde, et le coeur qui bat à la chamade.
elle aimerait avoir le courage de lui demander comment elle va, comment se porte la boutique et si elle a passé une bonne journée. elle aimerait la complimenter sur son café, sur ses boissons et sur ses pâtisseries. mais alexis n’y arrive pas. pas encore.
parce qu'elle réalise deux choses.
premièrement, elain s'intéresse à elle.
deuxièmement, elain lui a dit qu'elle était charmante.
et pour alexis,  c'est en ce moment bien trop difficile pour elle d'exister, bien trop en proie à ses émotions.

hé mademoiselle
(mercredi 06 novembre 2097 x devil's nest)

alexis acquiesce par un sourire à la remarque d’elain. elle estime aussi que la passion est peut-être ce qu’il y a de plus important quand on se lance dans quelque chose. études, travail, projet, sport… ce qui compte, c’est que ça nous plaise.
malheureusement pour elle, ce n’est pas un avis que partage sa famille, et alexis, malgré la distance prise avec eux, n’échappe pas aux remarques et aux jugements. alors, même si ce ne sont que des banalités sans réel fond, les mots d’elain la réconfortent un peu.  

“j’aimerai bien être avocate, oui. dans le droit public.”

défendre les faibles et les opprimés, aider ceux dans le besoin.. voilà l’idéal auquel elle s’accrochait. sourire, encore. elle aimerait être sûre d’elle, sûre d’y arriver, mais la route est encore longue, et elle ne peut que s’accrocher.

et puis soudain, de manière naturelle, le vouvoiement laisse place au tutoiement, tandis qu’elain s’approche d’alexis pour se pencher sur sa copie. la démarche gracieuse en est presque hypnotisante, et alexis à l’impression que le temps est en suspens alors que la barista est si proche d’elle. elle sent son coeur battre à la chamade alors que des cheveux blonds lui effleurant presque la joue.
et elle rougit, alexis.
sa respiration se coupe et ses joues s’empourprent d’autant plus lorsque la main d’elain frôle la sienne pour récupérer son stylo. elle se laisse faire, bien incapable de réagir. c’est sa voix douce qui la ramène à la réalité, qui lui permet de se concentrer sur ses mots.

“ah, oui...effectivement…” et elle rougit d’autant plus en voyant qu’elle a fait une faute. se sent presque honteuse d’être étourdie. “merci !” qu’elle arrive tout de même à bégayer.

mais mélangé à la gêne, c’est un sentiment d’admiration qui naît dans sa poitrine. elain s’éloigne, permettant à alexis de respirer un peu. la proie pose alors ses yeux sur elain, l’air un peu plus sereine, et le regard brillant.

“waow, c’est vrai ? c’est super chouette !” rougit tout de même à la proposition. elle ne se le permettrait pas, trop timide et trop peur de gêner pour ça. “merci, c’est gentil…mais du coup, ça fait combien de temps que vous...tu...euh tenez ce café ?”

c’est l’occasion parfaite pour lui demander ce qu’elle n’osait pas plus tôt. elle hésite encore entre les formulations de politesses, n’arrivant pas à trancher, et frémissant en entendant son nom murmuré.

“il est vraiment chouette, en tout cas.”

murmure étouffé alors qu’elle se mord la lèvre inférieure, les yeux toujours à observer elain.
elain qui semble si assurée. elain qui semble si douce. elain qui semble si… joueuse ?
alexis ne comprend pas trop, alexis ne sait pas trop, mais, ce dont elle est sûre, c’est qu’elain la trouble et lui fait un peu trop tourner la tête.

hé mademoiselle
(mercredi 06 novembre 2097 x devil's nest)

elle écoute, alexis. c’est une des choses qu’elle sait faire le mieux: écouter. elle aime ça, voir et entendre les gens parler de ce qu’ils aiment, de ce qui leur tient à coeur, de ce qui les fait vibrer. et alexis, elle a la politesse de toujours s’y intéresser, de poser des questions, et de donner à l’autre l’opportunité de s’exprimer.
et puis, alexis, elle est curieuse.
c’est peut-être une des raisons principales pour laquelle elle a prêté allégeance à sa maison.
donc des questions et de l’intérêt pour ce qu’elain raconte, elle en a plein.

““waow, trois ans ! félicitation. vous êtes contentes de ce qu’il est devenu ? j’imagine que ça ne doit pas être simple. la gestion de telles enseignes sont rarement des métiers faciles contrairement à ce qu’on pourrait penser. mais ça vous plaît ? et d’ailleurs, pourquoi avoir voulu ouvrir un café ?”

elle a finalement tranché pour garder le vouvoiement car elle se sent plus à l’aise ainsi. mais alexis s’est ressaisi, ça s’entends à sa voix. elle est un peu plus assurée, un peu plus passionnée. elle pose ses questions sans sourciller, cherchant à savoir, comprendre, et en apprendre le plus possible. elle cherche à créer un contact de par la parole, à sociabiliser. c’est sa manière à elle de lier.

elle hausse un sourcil quand la proposition tombe, comme un couperet. à vrai dire, elle ne s’y attendait pas. vraiment pas. ça la trouble un peu, juste un petit peu, de part le caractère brute de la suggestion.

““oh… vous cherchez un serveur ? vous manquez de personnel ?” c’est la première explication logique qui lui vient à l’esprit, cherchant à expliquer l’origine incongrue de la question d’elain. ““pour le coup, il faut que je réfléchisse…”

le sourire envoûtant et la proximité entre elle et la barista n’aide pas alexis à rationaliser, et elle commence à envisager la chose un peu sans s'entendre compte. mais alexis reste une personne réfléchie, et elle a bien conscience qu’on ne dit pas oui à un job sans un minimum de réflexion. toute perturbée qu’elle est.

““je ne sais pas si j’aurai beaucoup de temps, avec mes études. d’autant qu’au prochain semestre je vais avoir un mémoire à rendre… j’ai peur que ce soit trop. mais…”

elle pense à elle, elle pense à caspian. elle pense à ce petit appartement qu’ils ont tous les deux et qui tranche avec ce qu’ils ont pu connaître plus jeune. elle pense à cette bourse d'études qu’elle a obtenue avec l’aide de sa maison, à 16 ans, et qui lui permet tout juste de vivre.
c’est qu’elle y a songé, par le passé, alexis. elle a songé à prendre un petit boulot à côté. mais à la place, elle se contentait de donner des cours à quelques collégiens ou lycéens, abandonnant l’idée d’un job étudiant.

““je ne sais pas… est-ce que je peux prendre la peine de réfléchir ?”

elle plonge ses yeux dans ceux d’elain, avec un sourire doux, sincère. elle n’est pas contre, alexis, mais il lui faut un minimum de réflexion. elle n’est pas de ceux qui font tout sur un coup de tête et qui suivent leur coeur. elle est de ceux qui réfléchissent avant d’agir.

et puis.
il y a ce quelque chose au fond de ses tripes.
comme une voix qui lui murmure de rester aux aguets.
de refuser.
son instinct qui lui souffle qu’il y a danger.

mais il y a ses émotions, son attirance, et sa panique.
qui elles lui soufflent d’observer, de rester, de jouer.
parce qu’elle se sent exister, aux travers des pupilles mystérieuses d’elain.
et elle a envie d’aller plus loin.
de jouer avec le feu, malgré ce que lui murmure son instinct.

““je peux peut-être vous donner mon numéro ? comme ça je vous recontacterai une fois que j’aurai réfléchis.”

peut-être le mot de trop, peut-être pas. mais elle tente. parce qu'elle a peur que son refus sonne mal, à peur de couper le contact. parce que ça la perturbe, certes, mais elle est tout de même bien flattée que la gérante s’intéresse à elle.
vraiment flattée.
alors elle est prise d’un courant d’audace, prends enfin un peu les devants au lieu de subir, tente la carte du numéro.
mais prends peur presque immédiatement. elle baisse les yeux, détourne le regard.
passe à nouveau sa main dans ses cheveux, un peu trop consciente d’elle-même.

hé mademoiselle
(mercredi 06 novembre 2097 x devil's nest)

au fur et à mesure que la discussion se porte sur le café, naît en alexis un intérêt tout particulier. si à l’origine son attrait pour elain et pour l’enseigne était purement basé sur le physique, les apparences, et un soupçon d’instinct qui la rendait très curieuse; elle se rend compte maintenant que la vision des choses d’elain lui plaît. mieux même, qu’elle la partage.
parce qu’elle est tournée vers les autres, alexis. et elle aime la diversité de l’île. elle aime ceux qui y vivent, tous différents et tous intéressants. elle aime cette idée que chacun à quelque chose de beau en lui, qui mérite la peine d’être découvert. parce que ça contraste terriblement avec l’éducation qu’elle a eu, enfant, et à laquelle elle s’oppose dans sa vie actuelle.

alors elle hoche la tête, un sourire doux et des étoiles les yeux. se plaît à s’imaginer des gens d’horizons différents qui se retrouvent finalement à avoir beaucoup en commun lorsqu’ils ont un café en main. se plaît à essayer de percevoir toute cette diversité et ces histoires qui divergent et parfois s'entre-croisent.
elle qui aime le statut d’observatrice et écouter les autres, elle ne peut que se reconnaître dans le discours d’elain.
et se plaît, enfin, à imaginer cette dernière au milieu de ce croisement d’êtres vivants.

“effectivement ! ça doit être super enrichissant au quotidien. et puis, le café marche bien, et la clientèle est agréable de ce que j’ai pu voir. ça doit vraiment être un métier riche.”

elle se libère petit à  petit du poids de la honte et de la timidité. s’ouvre un peu, le ton de sa voix qui prend de l’assurance. elle ose, alexis. ose converser, donner son avis, approuver. elle se sent de plus en plus à l’aise dans cette discussion, ce qui ne fait qu’augmenter son intérêt pour elain.
mais par naïveté sans doute, elle est bien loin de se douter de ce qui se trame vraiment derrière le devil’s nest.

“d’accord, merci beaucoup.”

elle se détend face à la réaction de la barista, qui semble ne pas la presser dans sa prise de décision. c’est qu’elle a peur, alexis. peur de dire non, même pour des choses complètement normales. elle craint toujours un peu, au fond d’elle-même, des réactions des autres lorsqu’elle ne va pas dans leur sens.
merci papa, merci maman, pour ce bagage qu’elle se traîne à vie.

regard qui s’illumine encore plus quand elain accepte son numéro. une pointe de fierté se mélange à la joie. c’est peut-être la première fois qu’alexis sort ainsi de sa zone de confort pour demander le numéro de quelqu’un, et elle n’est pas peu fière de son succès.
et puis, elain la quitte enfin, estompant le reste de pression et de trouble qui restait sur ses petites épaules.
elle range finalement son ordinateur dans son sac pour faire de la place, approche la chaise de la table et s’installe, un bras replié sur le bord de la table et l’autre cuillère en main, pour attaquer enfin son dessert. elle a instinctivement tourné son corps pour faire le plus dos au bar possible, la tête rivée sur la rue et les passants qu’elle aperçoit derrière la vitre. ainsi, personne ne peut observer le sourire un peu niais et ses joues un peu rouge, alors qu’elle plonge sa cuillère dans la glace.

elle se lève, finalement. une fois tout cela fini. hésite à rapporter l’assiette mais se dit finalement que la table sera débarrassée. elle enfile sa veste en jean, certes pas très épaisse pour le froid de l’automne, mais qui est suffisante puisqu’elle porte un pull en laine en dessous, puis récupère son sac à dos qu’elle remet sur son épaule.
elle se dirige, doucement, vers le comptoir. l’horloge affiche 18h38, il est effectivement temps de quitter l’endroit et de rentrer chez elle. caspian doit l’attendre pour le dîner.

““voilà…” elle s’adresse à elain, de l’autre coté du bar. “combien je vous dois ? merci encore pour la glace !”

sourire lumineux.

“ah, et.”  elle dépose sur le bois un bout de feuille préalablement découpé qu’elle fait glisser jusqu’à elain. “voilà mon numéro. alexis r… alexis. alexis tout court.”

se rétracte finalement à donner son nom de famille. plus par réflexe qu’autre chose. elle ne sait pas de quelle maison fait partie elain, mais elle penche pour la maison des roses et de l’ombre ou celle du chant et des os. alexis est seulement sûre qu’elles ne partagent pas la même.
ses parents étant un peu connu dans la maison rose, elle préfère ne pas prendre le risque d’être reliée à eux. en vérité, ça ne change pas grand chose. simple caprice d’une enfant qui cherche à s’échapper de leur emprise.

hé mademoiselle
(mercredi 06 novembre 2097 x devil's nest)

demande à payer par carte une fois qu’elain lui indique le prix. pose délicatement celle-ci sur le terminal de paiement et attendant patiemment que le message “paiement accepté” s’affiche dans un soulagement. alexis lui donne ensuite sa carte de fidélité pour y ajouter un nouveau tampon. elle n’a pas vérifié, mais de mémoire, elle doit bientôt l’avoir rempli.
la réponse d’elain le lui confirme: il ne reste plus qu’un emplacement vide. ce qui suit la surprend un peu et lui arrache un nouveau rougissement. elle n’est cependant pas peu fière de l’intérêt maintenant confirmé qu’elle suicite chez elain.

“super, j’ai hâte de revenir, dans ce cas !” elle lui répond sur le même ton, mais c’est un petit mensonge. la consommation gratuite n’est certainement pas ce pourquoi alexis à hâte de revenir. “et, je prends note.”

elle s’arrête là, cependant. n’insiste pas plus, jugeant qu’il est temps de rentrer et de ne pas trop insister. ce qu’il s’est passé aujourd’hui est déjà assez incroyable pour le préserver et ne pas provoquer le karma. aller trop loin et tout gâcher, c’est vraiment quelque chose qu’alexis ne souhaite pas.
pas après être allée aussi loin.
pas après être autant sortie de sa zone de confort.

“merci beaucoup, bonne fin de journée à vous aussi !”

le ton est enjoué, comme à son habitude. alexis met un point d’honneur à saluer et dire au revoir dans la bonne humeur. elle sait que les commerçants, les barmans, les miliciens, et toutes  les personnes de la fonction publique ont souvent affaire à des gens peu sympathiques ou malpolis. et alexis est bien élevée.

elle passe enfin la porte du café, quittant définitivement le lieu, une étrange sensation dans sa poitrine. alors qu’elle fait quelques mètres dans la rue, elle finit par pousser un long soupir, comme soulagée. peut-être la tension de cette dernière heure ? la pression du regard d’elain ? ses émotions, son instinct et sa timidité qui sont partis dans tous les sens ?
mais alexis se sent fière, aussi. elle est contente, joyeuse.
parce que c’est la première fois que ça se passe ainsi. c’est la première fois qu’elle réussit à tenir et initier le contact avec une personne qui l’intéresse. ce n’est qu’un début, qu’une première vraie discussion outre les commandes habituelles au café, mais alexis s’en retrouve toute gaie.
elle a hâte.
hâte de recroiser elain.
toujours timide, toujours gênée, toujours sans savoir comment exister.
mais elle a hâte de voir où ça va la mener.

alors, un sourire au lèvre et la carte contenant son trésor entre ses doigts, elle s’éloigne du café pour rentrer chez elle.