• se déplace toujours avec sa canne – ne peut être vue marcher sans sa canne qu’au bras de son petit frère, James, en qui elle a une confiance absolue et qui se fait un plaisir immense à guider sa sœur depuis qu’il sait marcher • ne porte jamais de talons de plus de trois centimètres – sauf pour certaines tenues de concert mais elle ne marche pas vraiment avec • sa garde-robe est composée en grande majorité de vêtements faciles à mettre et à enlever, beaucoup de couleurs pastel bleu / rose car sa mère trouve qu’elles lui scient particulièrement bien – sa mère jouait presque tous les matins à la poupée en choisissant ses vêtements, un peu moins souvent depuis quelques années, mais prépare d'avance des assortiments de tenues qu'elle range sur le même cintre – depuis peu, James en prépare également de sa propre conception • sa coupe est une idée de James qui l’avait suggéré pour satisfaire tout le monde : leur mère qui considère qu’une fille doit avoir les cheveux longs et Charlotte qui n’en pouvait plus des remarques sur ses cheveux décoiffés/emmêlés • très tactile avec tout le monde – utilise beaucoup l’argument de sa cécité pour justifier ses mains baladeuses (mais respectueusement, uniquement les zones socialement acceptables : mains et bras, parfois le visage ; et les autres zones quand elle sent/obtient le consentement de l’autre) – si elle sent que la personne n’aime pas être touchée, ou si on le lui dit, elle fait de son mieux pour respecter cela malgré ses envies/réflexes • n’a pas encore eu de relations "romantiques" et n’est pas certaine d’en vouloir pour l’instant • a quelques aventures sexuelles mais moins qu’elle ne pourrait/voudrait car elle craint qu’en avoir trop finirait par se savoir et briserait l’image de petite fille modèle qu’elle a perfectionné • adore la sensation d’un autre corps contre le sien • a l'oreille absolu • a toujours quelqu’un qui l’aide à se maquiller et s’habiller avant ses concerts car les vêtements sont généralement trop élaborés pour qu’elle les mette correctement seule • lit le braille mais préfère écouter des livres audio • ne met jamais de casque ou les deux écouteurs (un seul suffit !) car cela la coupe du monde et provoque un sentiment de panique chez elle • aime l’alcool mais ne boit jamais plus de 2 verres car cela embrouille ses sens et elle déteste perdre le contrôle • adore les fleurs qui sentent bons • ne sait absolument pas cuisiner • sait se défendre, son petit frère lui ayant appris de nombreuses techniques pour mettre rapidement quelqu'un hors d'état de nuire – James organise régulièrement des petites séances d'entraînement pour maintenir ses connaissances, voulant que sa sœur ne soit jamais en danger • reconnaît généralement les gens à leur voix • peut reconnaître les membres de sa famille à leur respiration ou à leurs bruits de pas • adore nager sous sa forme anima – peut se déplacer et se repérer dans l'eau avec une telle facilité, contrairement à sous sa forme humaine • ne peut malheureusement que difficilement se rendre seule à la mer, y fait donc généralement des expéditions avec James – doit souvent se contenter de la piscine de ses parents •

Hélène et William Blackbell avaient trois garçons débordant d'énergie. Quelques mois après que leur plus jeune eut fêté ses huit ans, Hélène avoua à son mari la tristesse qui l'habitait parfois de ne pas avoir de fille. Après de long mois de discussions, ils décidèrent finalement de tenter leur chance en essayant d'avoir un nouvel enfant. Quelle ne fut leur joie le jour où on leur annonça qu'Hélène était enceinte d'une petite fille ! Et quelle ne fut la joie d'Hélène quand elle serra pour la première fois sa fille dans ses bras, petite poupée de porcelaine qu'elle semblait ! Et quel ne fut leur effroi quand on leur annonça que leur fille ne pouvait pas et ne pourrait jamais voir... Défectueuse pensa son père. Pauvre petite plaignit sa mère.
Quand leur fille fêta son premier anniversaire, ils décidèrent de tenter une dernière fois. Ils eurent ainsi un quatrième fils et décidèrent de s'arrêter là.


A deux ans, Charlotte tournait déjà souvent autour de ses frères pendant leurs séances forcées de piano –aucun d'eux n'aimait vraiment ça–, la musique l'intriguant et lui plaisant plus ou moins selon qui jouait. Elle humait les morceaux qu'elle avait entendus, les fausses notes de ses frères répliquées dans ses mélodies, à leur plus grand agacement.
A trois ans, elle tapotait sur les touches du piano, essayant de reproduire le son de chaque touche avec sa voix, rigolant quand elle n'arrivait pas à reproduire les sons les plus aigus et graves du piano.
A cinq ans, elle jouait mieux que ses frères, ces derniers en profitant pour arrêter complètement le piano sans aucun regret.
A sept ans, elle était capable de reproduire au piano n'importe quelle mélodie après quelques écoutes, le nombre dépendant de la complexité du morceau. Ses parents commencèrent à la faire jouer en public.
A dix ans, elle était capable de reproduire n'importe quelle mélodie après une écoute. Elle improvisait et composait ses propres morceaux sur des coups de tête, la musique étant pour elle un second langage qu'elle maîtrisait mieux que son premier. Chaque note était une syllabe, chaque accord un mot et chaque mélodie une phrase.
Et Charlotte avait beaucoup de choses à dire. Des choses qu'elle ne se permettrait jamais de dire dans une langue compréhensible par sa famille. Des choses qui bouillonnaient en elle et qui, par leur expression musicale, ne la dévoraient pas de l'intérieur.


Charlotte adorait la musique. Et elle aimait le piano. Elle aimait l'écouter, elle aimait en jouer. Cependant, elle avait parfaitement conscience qu'elle préférait être seule avec son piano qu'avoir un auditoire. Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle n'aurait jamais performé en public. Petite, les bruits de ses spectateurs la déconcentraient, l'irritaient, la faisaient perdre certains repères et, par conséquent, la faisaient se tromper de notes. Elle détestait cela. Les gens qui toussaient, ceux qui raclaient leurs gorges, ceux qui bougeaient dans leur siège, ceux qui baillaient... Et même simplement leurs déglutitions, leurs respirations... Trop de stimuli pour une petite fille qui sortait rarement de chez elle. Lors de son premier "concert", elle avait eu envie de se boucher les oreilles en hurlant.
Toutefois, elle avait compris à un jeune âge que la fierté qu'éprouvaient ses parents vis à vis d'elle ne portait que sur son talent musical et qu'en dehors de ces moments, ils étaient plutôt remplis d'amertume. Elle savait qu'ils l'aimaient. Et elle les aimait. Mais elle savait également qu'ils ne l'aimaient pas de la même manière que ses frères. Leur amour était taché d'autres sentiments comme la pitié, la déception, la contrariété, le chagrin, l'impuissance, la culpabilité, parfois même la colère...
Charlotte avait donc appris à compartimenter les bruits. Au début, elle avait essayé de bloquer tous les sons qui n'étaient pas musicaux, mais elle n'avait pas pu... Toute sa vie tournait autour des sons, en bloquer la paniquait, la faisait perdre pieds... Ainsi, elle se devait de les entendre, de toujours les entendre, de toujours tout entendre. Elle s'était donc longuement entraînée à compartimenter tous ces sons et à apprendre à jouer peu importe ce qui l'entourait, peu importe ce qu'elle entendait.
A sa surprise, cette capacité qui semblait lui couper le cerveau en deux s'avoua utile dans d'autres contextes que la musique. Elle pouvait parfaitement avoir une conversation avec quelqu'un tout en écoutant une ou deux autres conversations alentours.


C'est ainsi qu'un soir, après avoir récemment fêté ses dix-neuf ans, assise à un bar, discutant avec un jeune homme, elle entendit trois jeunes filles s'extasier d'avoir réussi à rentrer avec leur fausse carte d'identité. Un peu plus tard, elle les entendit rire et se faire offrir des verres par plusieurs hommes qui, à leur voix, semblaient nettement plus âgés. Après s'être excusée auprès son partenaire, elle profita que les jeunes filles fassent une escapade aux toilettes pour se faufiler, du mieux qu'elle put avec sa canne au milieu de la foule, jusqu'au coin concerné.
"Excusez-moi. Je me suis dit que vous seriez intéressés de savoir qu'elles ne sont pas majeures."
"Pardon ?" répondit l'un d'eux, sur un ton de surprise.
"Et comment tu sais ça ?" demanda un autre, sceptique.
"Je les ai entendues," répondit-elle simplement avec un petit sourire poli avant de faire demi-tour et retourner au bar auprès du jeune homme avec qui elle discutait précédemment.

Charlotte n'accorda pas particulièrement d'importance à cette interaction jusqu'à ce qu'elle réalise, au bout de quelques jours, qu'elle reconnaissait, en arrière fond sonore, les voix de ces hommes, presque tous les jours, peu importe où qu'elle soit. Les semaines s'enchaînant, Charlotte n'était pas certaine de savoir si elle était plus agacée qu'inquiète, ou l'inverse, de savoir qu'elle était apparemment suivie. Mais ce qui fit déborder le vase de Charlotte fut d'en entendre deux à un de ses récitals, l'un marmonnant et baillant pendant l'entièreté du concert, l'autre lui disant régulièrement de se taire avant de finalement lui dire de dégager.

C'est ainsi que, deux jours après, quand elle les entendit rigoler dans le bar où elle était. Elle marcha d'un pas décisif dans leur direction, se frayant un chemin avec sa canne. Arrivée à leur niveau, elle tâtonna de sa main libre, trouva une chaise vide et s'assit sans attendre leur réaction, bloquant sa canne contre la table. Plusieurs hommes émirent des bruits de surprise. Elle ne leur laissa pas plus de temps pour s'exprimer.
"Bonsoir messieurs. Me suivre partout est creepy. Et venir à un concert juste pour râler tout le long, particulièrement irritant. Donc j'aimerai savoir ce que vous me voulez pour qu'on puisse mettre une fin à tout ça."
Elle n'avait pas élevé sa voix, parlant bas pour ne pas attirer l'attention des tables alentours.
"C'est quoi c'bordel ?!" s'exclama l'un d'eux en se levant –devina Charlotte au bruit de sa chaise raclant contre le sol. "Mais t'es pas aveugle en fait, c'est ça ?!" continua-t-il, se penchant vers elle, l'odeur de sa bouche lui chatouillant les narines. "Ouvre les yeux pour voir !"
Il posa sa main sur le menton de Charlotte et celle-ci s'en saisit immédiatement avant de lui tordre le poignet d'un coup sec.
"Ne me touche pas," ordonna froidement Charlotte.
"Sale pu..." commença-t-il avant d'être sèchement coupé par celui qui, selon Charlotte, était aux commandes.
"Stop. Assis."
Le bruit d'un corps tombant sur une chaise confirma à Charlotte que l'ordre avait était obéi.
"Mademoiselle Blackbell, je te prie d'excuser mon ami qui... s'emporte trop facilement."
Sa voix semblait plus amusée qu'autre chose. Charlotte fronça les sourcils.
"Je n'excuserai personne. Je suis là pour vous dire d'arrêter de me suivre avant que je ne décide de faire intervenir la milice."
"Hum..." chantonna-t-il. "Cela serait fort dommage. J'ai une proposition intéressante à te faire."
"Oh, vraiment ? Et quelle est-elle ?"
"Je préfèrerai ne pas la faire dans un tel lieu. Mais si tu nous accompagnes dans un lieu plus calme, nous..."
L'homme s'interrompit quand Charlotte commença à rire doucement et n'ajouta rien, semblant attendre qu'elle finisse.
"C'est une blague, n'est-ce pas ? Qui suivrait aveuglement des inconnus ?" demanda-t-elle, jouant sur le mot. "Encore moins des gens de votre milieu."
Elle regretta la précision au moment où elle entendit la réaction, clairement intriguée, de son interlocuteur.
"Oh ?" répondit simplement l'homme sur un ton amusé.
Après plusieurs semaines à les entendre parler en fond, Charlotte avait en effet entendu quelques brides de conversations la laissant facilement supposer leurs domaines d'activités. Charlotte râcla sa gorge.
"Peu importe. Je m'en vais. Arrêtez de me suivre."
Charlotte se leva et attrapa sa canne.
"C'est dommage, tellement de talents dans de si jolies oreilles." Il marqua une pause. "Et si je te donnais mon numéro, au cas où tu changerais finalement d'avis, hum ?"
Elle soupira.
"Et pourquoi j'accepterai cela ?"
"Parce que si tu n'as aucun moyen de me contacter, je vais être obligé de continuer de te faire suivre, afin que tu puisses nous trouver, tu sais, dans l'hypothèse où tu changerais finalement d'avis."
Son sourire s'entendait dans sa voix.
Charlotte hésita. Mais peut-être était-ce là le meilleur (ou unique) moyen de se débarrasser définitivement d'eux ? Elle soupira, se rassit en posant sa canne contre la table et sortit son téléphone de son sac. Elle le porta à ses lèvres et appuya sur le bouton central. "Déverrouille." Elle appuya à nouveau. "Ouvre contacts." A nouveau. "Crée un nouveau contact." Elle tendit son téléphone dans la direction de l'homme qui le prit et commença à taper. A chaque touche, le téléphone énonça les numéros tapés. Quand il eut fini, il reposa le téléphone dans la main tendue de Charlotte.
"Pourquoi avoir tapé "#" devant le numéro ?"
"C'est le nom sous lequel j'ai enregistré mon numéro," répondit-il simplement, comme si c'était une évidence.
"Ah. Si mystérieux... Eh bien, au revoir monsieur hashtag. J'espère ne plus jamais entendre ta voix."
"Et j'espère le contraire. Bonne fin de soirée, mademoiselle."
Charlotte rangea son téléphone, se leva, reprit sa canne et quitta le bar.

Dans les jours puis semaines qui suivirent, Charlotte n'entendit plus leur voix. Elle en déduisit donc que, soit il avait été fidèle à ses paroles et elle n'était plus suivie, soit ils n'osaient plus prononcer un seul mot en sa présence. Et honnêtement, ne pas savoir l'agaçait et elle ne pouvait qu'espérer que c'était la première hypothèse.
Quand elle n'était pas occupée à autre chose, Charlotte ne cessait de repenser à cette interaction. Elle passait ses nuits à tourner dans son lit, ressassant les échanges. Et elle n'arrivait pas à croire qu'une partie d'elle envisageait sérieusement de le contacter pour entendre l'étendue de sa proposition...
Néanmoins, pour la première fois de sa vie, elle avait rencontré quelqu'un qui, comme elle, ne semblait pas considérer sa cécité comme un handicap et qui, comme elle, semblait vouloir l'exploiter. Et Charlotte savait qu'elle était, et pouvait être, bien plus qu’une pianiste talentueuse, bien plus que la gentille fille obéissante à ses parents... Contrairement à ce que semblaient penser les autres, elle n'était pas faible. Et son âme hurlait la liberté et exigeait l'aventure. Elle ne se sentait vraiment libre que dans l'eau et elle rêvait parfois de pouvoir ressentir la même chose sur la terre ferme.
Toutefois, elle était tiraillée : d’un côté, elle voulait être perçue pour qui elle était vraiment, mais, d’un autre côté, elle savourait chaque moment où elle pouvait utiliser à son avantage le fait d'être perçue comme faible, innocente... Alors peut-être… peut-être que cette opportunité était le moyen d’avoir les deux ?
C'est pourquoi elle finit par céder et appela monsieur hashtag.

Charlotte se rendit au lieu de rendez-vous où quelqu'un d'autre la guida ensuite, après une petite marche, dans un bâtiment puis une salle calme où elle se retrouva seule avec son hôte. Il lui expliqua ce qu'il attendait, si elle l'acceptait, de leur collaboration. Et cela se résumait assez facilement à mettre, dans le plus grand secret possible, ses oreilles à son service et à celui de son ou ses supérieurs hiérarchiques.
Cela semblait excitant et prometteur de mystères et d'aventures. De plus, sa mère avait la main sur tous ses revenus et les espèces proposées en compensation de ses services étaient tentantes et un petit poids de plus dans la balance de sa décision. La liberté avait un prix. Et ce dernier était exorbitant.
Désolée papa. Désolée maman. Mais pas entièrement désolée... pensa-t-elle.
"J'ai deux conditions," finit par répondre Charlotte.
"Qui sont ?" demanda-t-il simplement.
"Je veux bien être tes oreilles et te répéter ce que j'entends. Mais je ne veux en aucun cas être part à aucune autre activité. Je refuse de faire quoique ce soit d'autre."
"Hum... Et la deuxième ?"
"Je ne répéterai jamais ce que j'entends dans le cadre de ma vie privée et personnelle."
"Ah ! Aucune information sur la milice, hein ? Quel dommage," s'amusa-t-il.
Charlotte fronça les sourcils et cela le fit rire, ce qui irrita Charlotte encore plus. Elle n'avait aucun doute qu'il avait d'autres moyens d'obtenir des informations sur la milice et elle n'appréciait pas qu'il se moque d'elle ainsi.
"Pardon. C'est entendu, je respecte ton envie de loyauté envers ta famille. De toutes façons, nous commenceront doucement. Le temps d'apprendre à se connaître et à se faire confiance. Puis nous verrons bien où cela nous mène !"
Et c'est ainsi que Charlotte commença son deuxième travail. Son plus grand secret. Un secret qu'elle comptait bien emmener au tombeau et dans sa prochaine vie.

Avec les années qui passèrent, et le nombre de lieux qu'elle fréquentait augmentant, Charlotte apprit de nombreux secrets. Sur Haklyone. Sur ses habitants. Et surtout, sur les membres et le fonctionnement de la Mafia.

Petite note: