Emmitouflée sous la couette aux senteurs canines, Fleur a depuis longtemps laissé la torpeur lui arracher quelques bâillements, le regard fixé sur l'écran ; abandonné l'idée de deviner à voix haute chaque suite de dialogue, chaque baiser, chaque quiproquo de la romance qu'elle a elle-même choisi après deux heures passées à faire défiler le catalogue mouettflix.
La bière à la cerise contre les lèvres, Fleur s'enivre aux vapeurs boisées, à la romance grotesque et au corps plaqué contre sa tempe ; fait attention à ne pas bouger trop, quelques coups de coudes contre le plâtre et elle s'est déjà mille fois excusé en grognements inarticulés. Une piètre infirmière au chevet du blessé, Fleur n'a pas l'habitude de prendre soin des autres ; elle s'essaye à la douce bonté dans un enchevêtrement de bonne volonté.
"Quand tu seras riche Jules." Quand tu seras riche, peut-être que je t'épouserai. Une main vient naïvement tapoter la cuisse du border collie alors même que l'ours ne lâche pas l'écran des yeux. Un léger sourire fleurit sur les lippes, Fleur amusée pour un rien, s'imagine le jour ou elle pourrait dire oui pour de vrai quand bien même elle sait que ça n'arrivera plus jamais.
Il la gêne à se tortiller ainsi, à repousser les draps qu'elle a mis tant de temps à poser autour du patient. Dans un grognement elle lui attrape le bras, le force à rester en place pour ne rien renverser ; la bière, la couette, eux.
"Une humaine c'est un démon, une abomination. Vivement qu'elle se tire d'ici." Fleur a les serments encore gravés dans la psychée, la presque-prêtresse qui connaît les noms des blasphèmes sur le bout des doigts. Des humains, elle n'en veut pas. Soledad, traîtresse humaine, elle n'en veut pas. Elle renifle, offre un regard peu convaincu pour l'autre. Comme eux, certainement pas.
Encore une gorgée de bière trop sucrée, de quoi lui crever le palet. Délaissant le film, la brune s'emmêle elle aussi dans les draps pour lui faire face, un sourire soudain radieux sur le visage pour une fois, à peine maquillée. "Mais bien sûr mon chéri." On lui tend la joue, Fleur ne veut pas se faire prier, attrape le menton brusquement entre ses doigts fins pour le tourner à sa guise, planter sur les lèvres un baiser de grande guérison avant de se reculer tout aussi vite sans se départir du sourire amusé, ravi. "Sainte Haklyone te souhaite une bonne guérison !"