Plic ploc. Sur le seuil d’un manoir, trois étages de fenêtres et une toiture d’ardoise céladon, tu t’égouttes, la pluie en grosses larmes sur ta veste de costume rose fushia. Tu restes, hébété et pantois, devant ce désordre du service, le couinement de leurs patins cirés, et la foule massive et remuante, sans doute quelques brins d’ADN Krevitz ici, jusqu’à ce qu’on te pousse dans l’entrée avec un mélange de politesse et de rudesse.
J’ai apporté… tu esquisses, le bras levé avec un bouquet de tournesol humide, avant de renoncer en voyant que celui qui t’as accueilli, en te chassant, s’est éclipsé plus loin, son index en l’air qui ressemble à un baguette prête à accabler un nouveau sort. Soupir. Court. Tu serres les fleurs, pétales pudiquement repliés, près de ton torse, un frisson glacé, pour avancer, des bruits spongieux pour seul effet d’annonce.
On te toise, par en-dessous ou au-dessus, jamais dans les yeux. Des regards qui murmurent aux regards des autres : tu le connais ? Il paraît que lorsqu’on connaît un Krevitz on les connait tous. Curtis. Tu voudrais coller tes mains sur ses épaules, certain qu’il en fera tomber le deuxième chou à la crème salé qu’il essaye d’enfoncer sur le premier dans son gosier. Tu voudrais mes tes mains sont déjà encombrés. L’autre se retourne, la petite serviette rose bourgeon collé au bec, les yeux deviennent ronds puis brillants, un éclat chaleureux et familial. Où est la cuisine ? Tu demandes pour lui acheter le temps d’avaler. Curtis. Plus rond que la dernière fois. Sourit toujours. Et vos sourires se répondent, il pose un index sous son nez, tu clignes les yeux en balançant ton poids sur l’autre pied.
Igor. C’est bien de te voir. C’est un beau mariage. La fiancée est plus jolie que sur le faire-part. La pièce montée est en choux. Et… Sourcils froncés, Curtis tapote le bout de son museau, l’air d’oublier un détail. La cuisine est par là ! troisième à droite.
Merci. Ton menton hoche et quand tes talons tournent tu libères une main pour le saluer, l’index et le majeur balancés par-dessus le front.
Sur le chemin, huit coupes de champagne déclinées et quelques œufs de caille cachés dans la poche de ta veste, tu dévisages les lustres. Ca te fascine et t’émerveille, c’est rare d'en voir, de la réflexion de la lumière à la suspension savamment dissimulée, il te tarde de mettre la main sur le boîtier électrique d'un endroit si faste. A regarder le plafond, ton corps heurte un convive, au lieu de reculer tu extirpes les fleurs de la collision, l’air ennuyé de les avoir abîmées. Quelle poisse. Elles ne se tenaient pas si mal jusque-là.
Une tasse de thé à la main, il pousse un soupir en s'appuyant un peu sur la table de la cuisine. C'est la première pause qu'il s'accorde depuis le début de la journée. Non, à vrai dire, c'est la première pause qu'il s'accorde, depuis que la mariée l'a appelé en pleurs il y a trois jours. C'est une cousine lointaine, la fille d'une tante par alliance, ou bien quelque chose comme ça, qui a tenu à faire un mariage en grandes pompes, invitant donc toute la famille étendue. Le lieu était déjà réservé, tout était prêt, apparemment... Sauf que le fleuriste a annulé à trois jours de la date, d'où l'appel à Ari. Bien que ses parents aient décidé d'éviter le rassemblement, comme ils ont l'habitude de le faire quant il s'agit de ce côté de la famille d'ailleurs, Ari, lui, a décidé de se rendre à l'évènement. Il n'a fallu beaucoup pour que la cousine tombe sur le récent article le présentant comme le nouveau gérant de Kusakabe fleurs... Et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé, lui, à devoir fleurir un manoir entier pour un mariage du jour au lendemain. Il a fait avec les moyens du bord, n'a presque pas dormi, a du utiliser tous ses trucs et astuces, et madame Kusakabe elle même s'est même déplacé pour lui donner un coup de main avec la floraison de la longue rampe en noyer de l'escalier relativement antique. Ils doivent être dans l'un des premiers lieux construits à Haklyone, ou en tout cas un lieu très ancien, et ce n'est pas difficile de s'en rendre compte. Toutefois, A présent, il peut finalement prendre un instant et finir de se vêtir pour l'évènement. Il porte un costume bleu pétrole, tirant juste un peu sur le vert, presque assorti à ses yeux, avec un carré d'un vert bien plus foncé à motifs de petits fleurs blanches à coeur jaune dans la pochette, sur son coeur. Autour de son cou, une cravate vert sauge n'est pas encore nouée, pendouillant sur sa chemise ivoire.
On vient le questionner, une nouvelle fois, lui demander de vérifier un quelconque bouquet, alors il va fourrer son nez dans les fleurs que tiendra la mariée, dont la mère l'interroge sur sa vie amoureuse, tu vois comme c'est beau l'amour, et toi, quand est-ce que tu passeras par l'autel, quand est-ce que...? Hein...? Il ne répond rien, sourit juste poliment, et n'a même pas la temps de passer devant un miroir attacher sa cravate qu'il est chassé de la salle où on termine les préparatifs... et bientôt il se retrouve à tenter de retourner dans la cuisine retrouver sa tasse de thé et ses esprits. C'est sur le chemin que, la tête ailleurs, il collisionne avec un inconnu. "Ah, toutes mes excuses," fait-il simplement, avant de constater... Que l'homme tient des fleurs. Il baisse les yeux dessus. Des tournesols pour être plus précis. Tiens tiens. Ce n'est pourtant plus vraiment la saison, et malgré les serres, Ari lui même a eu du mal à s'en procurer assez pour le thème rose et jaune auquel la mariée tenait tant malgré la difficulté d'exécution en une telle saison (son insistance l'a d'ailleurs aidé à comprendre pourquoi l'autre coiffeur avait décidé de s'éjecter du projet.) "Je ne vous ai pas fait mal? Ou aux fleurs? Sont elles en bon état?" Il en profite pour finir d'attacher sa cravate, ses mains balafrées touefois très habiles pour ce genre de tâches, qui ne sont pas si différentes de la composition d'un bouquet de fleurs.
"Je pourrais les voir ? Je... Je demande parce que... Il y a un endroit où elles pourraient être utiles," explique-t-il sans penser à se présenter, ni rien, se dirigeant vers un petit salon, prévu pour recevoir une partie des invités plus tard, et où un bouquet se dresse sur un guéridon, composé seulement de fleurs blanches. "Elle avait bien précisé, du rose et du jaune. Alors? me ferez vous cette faveur? Ou plutôt, la ferez vous aux mariés?" demande-t-il, cette fois prenant son temps pour observer un peu mieux l'inconnu, face à lui. Ou plutôt... Son visage est familier, comme beaucoup d'autres depuis que les convives ont commencé à arriver. "Vous êtes là pour elle, ou pour lui?"
C’est un brun. Ton âge, quelques tons de peau en moins, une tête de plus, des jolis yeux dissimulés sous une tignasse froissée à la mode Krevitz et des verres épais. Le portrait d’un garçon timide si tu t’écoutes. Les fleurs, lui, une balance qui ne tient qu’à un fil : par quel miracle ou quelle essence commune les deux sont liés. Il y a les petites griffures le long des paumes, plongées entre l’embarras et l’effervescence, dans la composition de ses gestes. Toi, tu ne peux t’empêcher de le trouver comique avec les oscillations de sa voix. Sourire et rire enchevêtré à ton timbre. Ah ça ! J’en sais fichtre rien. Elles te paraissent comment toi ? Les fleurs tu les connais surtout séchées dans les arrosoirs en ferraille, disposées comme des beautés mortes pour faire « bucolique » un drôle de mot qui fonctionne mieux dans la bouche de ton père, de ton frère, de ton cousin.
T’essuie ta main sur ton pantalon, le cambouis c’est tenace, avant de prendre celle de l’autre. Krevitz. On se connaît non ? reste à savoir s’ils se sont vus par-dessus le comptoir d’un pmu ou il y a plus longtemps, un passé aux contours aussi vaporeux qu’un rêve. Maintenant tu fourres le bouquet dans sa direction, l’impression de passer le flambeau à plus qualifié que toi. Ah oui, ouais. Bien sûr. Je ne savais même pas qu’elles pouvaient être utiles. La fleuriste t’as dit « pour faire plaisir », mais tu ne vois pas d’utilité dans le plaisir, pas plus que du plaisir dans l’utile. C’est un marrant, du moins la nervosité des pores de sa peau et la minutie de son discours floral font germer un nouveau sourire sur tes lèvres. Je penses qu’ils se sont plantés. Tu vois les Krevitz y en a vraiment beaucoup et les facteurs c’est pas toujours des gars zelés. Les épaules se haussent, l’air nonchalant, pendant que tes mains se glissent au fond de poches.
Tu te sens plus léger maintenant que la responsabilité de ton bouquet ne t’incombe plus. Les yeux plongés dans une rêverie, un point imaginaire entre l’inconnu et la porte des cuisines, tu fais savoir en frottant un index sur l’arête de ton nez. Mais c’est pas souvent qu’on m’invite aux mariages. jamais je voulais passer une tête, dire bravo, un truc comme ça. et comme le jargon pour exprimer mieux ce qui se trame entre tes bronches te manque, t’en restes là évasif, finit par claquer tes mains sur tes cuisses.
Bon ! C’est pas tout mais faut bien que je t’aide à les mettre dans un vase maintenant. Sourire solaire, les iris redevenues joueuses et flegmatiques. Tu dois connaître les lieux sur le bout des doigts je me trompe ? parce qu’il a tout de quelqu’un qui connaît les couleurs additionnés et distribués dans des sens de circulation compliqués. Ca t’arrangerait, Krevitz, qu’il puisse te guider dans le dédale. Avec un geste de la main galant, tu lui ouvres la voie pour qu’il puisse embrayer la marche, ajoute avec un brin d’innocence friponne. Après tu pourras peut-être me montrer la régie, mon petit doigt me dit que je pourrais y être utile. et ta curiosité ronronne de découvrir un matos hors de portée de ta bourse.
Ses mirettes bleu-vert s'abaissent sur les fleurs dont les pétales ont été un peu froissés, mais pas assez malmenés pour que ça se remarque. Elles sont un peu décoiffées, comme une jeune fille qui sortirait du lit bon gré mal gré, dont les cheveux ondulés feraient une sorte de halo désordonné autour de sa tête. Quelque part, Ari, c'est presque comme ça qu'il préfère les fleurs, alors il sourit. "Je pense qu'elles sont parfaites." Une poignée de mains est échangée, dans les règles de l'art. Le fleuriste sourit poliment. "Niva. Ari, Niva. Je crois que nous avons plus ou moins des liens familiaux... Sûrement du côté de ma mère." Car c'est de son côté que la famille est plus étendue, et à vrai dire, Ari n'a que peu de souvenirs de cette période où ses parents allaient et l'emmenaient encore aux réunions de famille. Les voilà à présent dans le petit salon, et Ari retire le raffia qui retient les tournesols entre eux, et les place de sa main experte dans le vase. Il y passe quelques instants, puis ses mains saisissent les tiges du bouquet qu'il secoue un peu, pour donner à l'ensemble un rendu un peu plus naturel. Il fourre ensuite le raffia dans sa poche, non sans l'avoir enroulé autour de ses phalanges avant.
Il fait la conversation. Il sait très bien faire, parler de sujets superficiels, rester au niveau du vernis. Il n'a fait que ça toute sa vie jusqu'à très récemment. Reste plus qu'à espérer qu'il aura l'occasion d'aller un peu plus en profondeur ce soir. Le gars qui l'accompagne semble être un bon candidat, sa nonchalance donne l'impression qu'il est accessible. Peut être que ça se fera, et sinon Ari pourra toujours se remplir la panse de petits fours et profiter de l'open bar. Après tout, il l'a bien mérité avec le quasi-miracle qu'il vient d'accomplir. "Plantés?" Il ne voit pas pourquoi il dit ça mais il est curieux. "Ah, vous êtes le seul de votre famille? Ou peut être que vous ne connaissez personne ici?" Lui non plus, il ne connaît vraiment personne. Petit caneton a peut être trouvé sa maman canne de la soirée, même pour l'instant c'est lui qui est en tête de file. Tout en discutant, il se dirige vers le hall, et pique quelques fleurs roses sur la rampe d'escalier, avant de les ajouter dans le vase, de nouveau dans le petit salon. "Effectivement, il va falloir un vase plus large," dit-il à l'attention de son complice du moment.
"Sur le bout des doigts, peut être pas," évade-t-il modestement. "Juste les parties qui sont fleuries." Soit 80% du manoir, donc. Il jette un oeil en direction du grand Salon où la majorité des invités qui sont déjà arrivés sont regroupés. Il aurait bien aimé, pour une fois, pouvoir mettre les pieds sous la table. Il n'a même pas été à la cérémonie, trop occupé à finir les décorations. Bon, pas que ce soit ce qui lui ait le plus fait de peine, de rater ça, bien qu'il apprécie un peu le côté solennel de ce genre de rituels. Bref, il finit par retourner vers la cuisine. S'il y a un autre vase quelque part ce sera là, ou plus exactement dans la sorte de cellier à vaisselle où il entraîne Krevitz, ayant récupéré de son autre main sa tasse de thé. Le nez en l'air, il jauge la céramique, le verre, les formes et les couleurs. "Ah," fait-il enfin, avant de tendre le bouquet dans son vase trop petit au gars avec lui. "Vous voulez bien me tenir ça?" demande-t-il avant de poser sa tasse dont le thé est dorénavant froid, et de se mettre sur la pointe des pieds pour attraper un nouveau vase, mieux que le précédent, parmi tout le catalogue qui lui est présenté. "Merci." Sur le plan de travail le plus proche il change les fleurs de vase comme on change un bébé, avec la même vélocité, expertise et délicatesse, et bientôt il peut le ramener dans le petit salon, non sans avoir déposé tasse et vase avec la vaisselle à laver. Une fois celui ci posé, il s'attarde sur la phrase de Krevitz. "La régie?" De quoi parle-t-il ? "Le... Vous voulez dire, le poste du DJ? Je ne sais pas si on a le droit de s'approcher de son matériel, et puis... On ferait mieux de ne pas y toucher, ça va danser, tout à l'heure, dans pas si longtemps que ça," déclare-t-il en regardant sa montre. "Parce que sinon, pour le reste... je pense que tout ou presque se passe dans la cuisine. Enfin, cuisine et dépendances, quoi." Il n'a pas envie de perdre son complice, toutefois, Ari, alors si le type insiste, il lui montrera les platines hors de prix et les projecteurs. Même si ça serait dommage de ruiner ce pour quoi tant de personnes sont au bord de la crise de nerfs.
Elles sont parfaites. Tu tournes un regard surpris sur lui. Depuis combien de temps n’a tu pas reconnu une telle assurance dans les yeux d’un extrapolé Krevitz, plus surpris encore par la satisfaction de toi-même, une chaleur ronronnante, que tu éprouves en l’entendant. En quelques mots, il a rompu l’invisibilité de ton contour dans le décor. Ari. Tu répètes pour le marquer dans ton crâne. Sa mère. Pas maman. Pas Sophie ou Violette. On était trop fort à cache-cache et on croisait pas grand monde. C’est presque une question c’est pour se justifier d’avoir tout oublier, pas que tu soucies de savoir s’il te prend pour un con qui a zappé, plutôt parce que tu as l’habitude de remplir les vides de ta mémoire avec des phrases un peu bateau.
Il a l’air d’avoir fait ça tout ça vie. Tu es fleuriste. déclaré comme un et un font deux, comme la clé de douze tourne le dernier boulon. Et c’est avec une curiosité sincère que ton regard déshabillage tous ses gestes. Il a une assiduité qui te plaît. Tu voudrais vous déclarer camarades, des horlogers dispersés sur l’île et réuni par le même souci que tout fonctionne. Tes mains se lèvent, elles aimeraient aider, restent là suspendues sans savoir comment se mettre à l’ouvrage. Quelle belle idée ce mariage. Un nouveau rire fleuri à ton visage. Non. Je ne connais personnes à part mes frères, ils doivent être au buffet. A se gaver comme les oies, comme si on crevait la faim au terrier ou que quelqu’un pouvait égaler la cuisine de papa. Ça tu ne dis pas. Tu ne saurais pas comment le dire en racontant la bonne part de tendresse infaillible, loyauté pimpante, qui transperce tes sentiments à leur égard.
Dans la salle des pas perdus, ils y additionnent les leur. De l’extérieur, tu te figures que vous ressemblez à un drôle d’assortiment de cousins en pèlerinage, un genre d’errance calculé. La minutie avec laquelle les couleurs sont appliquées entre elles en mouvements précis aiguise ton admiration. Toi-même, tu refermes les mains sur tout ce qui traîne : l’argenterie, les chocolats, le petit coffret noir abandonnée… Tu ne te savais pas kleptomane mais tu te promets de tout rendre avant que le bal soit ouvert. Il y aura une cérémonie de vœux à un moment, qu’est-ce qu’ils diront au temple que tu n’as lu sur la notice d’un grille-pain. Et bien c’est aussi fleuri que la serre Ambrosia ici, alors je suis tenté de te faire confiance. d’un index malicieux tu pointes ci et là les gerbes colorées qui transforment les colonnes en figures vivides et éclatantes.
Tu aimes bien te faire guider. Tu laisses tes souliers s’écraser dans l’ombre des siens en songeant distraitement à l’établi que tu as laissé à Lunapolis. Avec un tournevis, qui sait ce que tu aurais pu accomplir dans cet endroit majestueux. La cuisine apporte une bouffée d’odeurs délicieuses et contraires, chargés des promesses d’un traiteur de renom, ils ont mis les petits plats dans les grands ici, pour de vrai. Oui bien sûr. Je devrais mettre de l’eau dedans ?Tu ouvres un robinet en grand, passe l’index dessous pour laisser l’eau éclabousser ton costume pendant qu’Ari ne démérite en pliage agencement des fleurs qui sont comme des poupées entre ses mains.
Grand sourire. Oui. La régie. Tu portes une main au cœur, l’air solennel. Je suis un pro. Faut pas s’inquiéter et puis on a le temps s’ils n’ont pas encore échangé les vœux. et mécaniquement, tu viens chercher la boîte noire ramassées sur une table, l’ouvre, deux anneaux, une promesse, mais c’est l’éclat de l’or qui t’intéresse. Tu savais que l’or est un excellent conducteur ? Ploc. Tu refermes la boîte, l’enfonce dans tes poches, ce qui ressemble fort à un vilain secret ou une erreur « de jeunesse » qu’il faudra bien te pardonner.
L’ennui c’est que je n’ai pas très faim et que maintenant que tu as sauvé les tournesols, on a pas de meilleur plan. pour couper court à la négative, tu pends son bras dans le tien fermement, les coudes embrassés et tire en direction des coulisses. Allons. Tout est magnifique là-dedans. Qu’est-ce qu’un mariage si on ne s’amuse pas un peu ? Quelque part, tu veux le tenter, tu veux lui montrer que toi aussi, tu as quelque dextérité avec les câbles et les raccordements et que c’est un peu le destin de s’être rencontré, revu, ici.
Ari, de toute manière tu es un chic type, alors je ne veux pas te compromettre en t’entraînant n’importe où. tu fanfaronnes en rapprochant ton visage du sien. Je me disais juste que c’est l’occasion d’avoir plus de souvenirs en commun. Et l’air mystérieux, tu marches à pas sûr vers ce que les coups d’œil fuyant ou non de l’autre-t-on indiqué comme être les coulisses techniques de l’heureux évènement.
Ari se redresse avec une pointe d'excitation, étonné et ravi qu'on se souvienne de lui. "Et tu volais des biscuits quand ma mère voulait pas que j'en mange!" s'exclame-t-il, les souvenirs lui revenant alors qu'Igor parle. Il sourit, largement, plus qu'il n'en a l'habitude. Il hoche la tête, confirmant sa profession. "Oui. Et toi, tu es...?" Il s'autorise à le tutoyer. après tout, ils sont de la même famille, n'est-ce pas? Bien que cousins... relativement éloignés. Alors, quand son vis à vis évoque ses frères, il acquiesce. "Je vois," dit-il, bien qu'il ne voie pas du tout. Il n'a pas l'impression de connaître son frère et sa soeur. Leur présence serait loin de le rasséréner à un évènement, au milieu d'inconnus. Et ils seraient plus du genre à garder Ari près d'eux justement pour l'empêcher d'aller au buffet inhaler des petits fours en quantité industrielle. Il n'en dit rien toutefois. C'est intéressant de réaliser en thérapie, séance après séance, que toute sa famille n'a fait qu'étouffer en lui la pulsion de vie pendant toutes ces années. Il se demande parfois pourquoi il est né dans cette famille qui clairement ne voulait pas d'un autre enfant.
Il est sorti de ses pensées par un compliment sur la décoration du manoir, et à vrai dire, Ari n'est pas peu fier de ce qu'il a réussi à accomplir avec si peu de temps et de moyens. Aussi, il bombe un peu le torse. "Tu trouves?" Il rosit légèrement. Ça lui donne la confiance en lui nécessaire pour diriger son assistant temporaire. "Oui. De l'eau. Exactement." Il arrange le tout de sa main experte, et puis, alors qu'il vient de finir et qu'il craint que son compagnon ne déguerpisse fissa, celui ci l'interroge sur la régie. Il ne sait pas vraiment à quel point il a le droit de l'y amener... Et il ne voudrait pas avoir d'ennui avec la mariée qui a tout d'une bridezilla. Il fait une petite moue... Mais finit par acquiescer, jusqu'au moment où il voit les anneaux dans la boîte. "Où... Où t'as pris ça? C'est- ce sont les- Il- il faut les rendre!" Toutefois, l'attitude à la fois sereine et butée de son complice du moment a bientôt raison de ses protestations. Il reste là, les bras ballants, alors que le type le rassure... Et puis, à vrai dire... Il y a l'argument des souvenirs. Et c'est sûrement ça qui tape là où c'est le plus vulnérable. Alors... Il finit par acquiescer.
"Bon. Okay. Mais il faut qu'on ait ramené les anneaux avant la cérémonie dans une heure! Et puis... Et puis, on doit les ramener intacts!" Ce sont les conditions qu'il pose, avant d'emmener Igor à la fameuse régie, non sans piquer quelques petits fours au passage. Les voilà à présent dans l'espèce de pièce à demi-cloisonnées où se trouvent tous les branchements qui sont reliés à la lumière et aux sonos. "Pas de bêtises, d'accord?" fait-il, sans grande conviction.
