Pour une fois, tout est calme dans les grandes plaines de Regalia - aussi loin qu’elle regarde, elle ne perçoit pas âme qui vive. Elle est bien consciente que cela ne signifie rien, que beaucoup savent se cacher. Surtout ici, dans les herbes hautes, ou derrière les immenses arbres dans les champs. Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Si elle s’est levée aussi tôt - le soleil éclaire à peine la terre et une brume légère envahit l’horizon - c’est pour rejoindre les Grottes Sureau. Elle s’est bien préparée, bien habillée pour ne pas attraper froid. Quand le soleil sera plus haut il fera bien plus chaud dans les champs ; dans les grottes, ce n’est pas sûr.
Toujours est-il que c’est dans cette situation qu’elle le voit pour la première fois. Celui qu’on appelle le Sorcier, apprendra-t-elle plus tard. Il a surgi de la brume et elle se retrouve nez-à-nez avec lui, interloquée. Un instant elle pense voir un fantôme, puis se rend compte qu’il n’en est rien, quand elle plisse les yeux pour mieux voir. Elle l’observe un instant sans rien dire, observe le sac taché de terre, puis recule, comme si elle était sur son chemin et qu’elle devait le laisser passer. Son aura ressemble à celle de son frère. Sans doute un autre reptile. Aucun mot n’est échangé - mais sa curiosité est piquée. Trop tard, il a déjà disparu à nouveau dans la brume. Quel étrange personnage.
Août 2099 ⇿ Forêt Tue-Loup ⇿ Soirée
Cette fois, c’est dans la forêt Tue-Loup qu’elle se promène, avec sa sœur, alors qu’elles font tout de même très attention aux pièges. Et au vu du bruit qu’elles font toutes les deux en papotant, elles n’ont pas peur de tomber sur un quelconque animal sauvage. De toute façon elles ont tout ce qu’il faut pour réagir face aux bestioles qui pourraient venir les embêter - elles ont longtemps habité à Regalia et leurs pères les ont plusieurs fois emmenées dans la forêt, avec leurs frères, pour leur faire cueillir des champignons ou simplement se promener, lors des longues soirées d’été. Finalement, elles prennent le chemin du retour quand la nuit commence à tomber - Thaïs raccompagne sa sœur jusqu’à chez leurs parents, puis longe la forêt pour retourner à la navette. Son regard est alors attiré par un mouvement parmi les branches, et elle allume la lampe-torche de son téléphone portable pour regarder (plutôt que s’enfuir - son instinct de survie a toujours été dans le négatif). En apercevant à nouveau celui qu’elle a pris pour un fantôme la première fois, elle lui fait signe - encore une fois intriguée.
Il a l’air de quelqu’un qui a des choses à raconter.
- Hey ! M’sieur !
Elle s’en approche - presque à pas de loup, mais les brindilles craquent sous ses pas.
Un jour ce sont des flashs qui l’aveuglent un instant, c’est une lumière trop blanche dans la pénombre nocturne qui s’imprègne dans sa rétine. Ébloui, les mains levées devant son visage pour se protéger de cette soudaine invasion incandescente, c’est entre les arbres qu’il se dirige, au hasard, et il ignore l’interjection qui s’accompagne pour le héler. Son instinct le fait reculer et disparaître entre les troncs. Pourtant, des semaines plus tard, ce sera encore là que leurs chemins se croiseront une fois de plus, sous une pluie torrentielle. Peut être même plusieurs fois dans les parages, avant ça.
*
Il a croisé Fleur sur son chemin, Fleur à qui il a pris le briquet pour se faire un feu le soir d’une expédition hors de son atelier. Elle a raison, peut-être qu’un jour, les plantes lui ont enfumé le cerveau, peut-être que la nature s’est emparée de sa raison.
Distrait, il joue avec le briquet, distrait, insensible à la pluie qui ruisselle sur son visage quand il pousse la porte de son atelier pour délaisser sa veste de fortune trempée sur le côté. Les orages se sont mis à gronder, le tonnerre hurler son désespoir contre la terre, il y a eu un déluge retentissant comme un concerto de percussions endiablés. Les lumières grésillantes, spectacle macabre de la danse des ombres contre les parois, celles des plantes qui règnent en ces lieux. Et c’est toujours aussi calme qu’un sorcier s’est mis à faire chauffer un thé, au feu de sa cheminée, routine d’un soir pluvieux.
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Yuahn Lei
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Mer 29 Nov - 1:08
L'attrait de l'inconnu
Octobre 2099 ⇿ Atelier du Sorcier ⇿ Soirée
Il ne lui échappera pas pour toujours. Elle l’a croisé à nouveau, plusieurs fois. Alors elle a écouté les autres, a un peu laissé traîner ses oreilles. En somme, elle a fait ce qu’elle fait d’habitude quand elle veut des informations ; elle a mené son enquête. Elle a appris qui était le “Sorcier”, a trouvé ses traces dans la forêt Tue-Loups. Ça lui prend quelques jours, pour se décider à s’y rendre, parce que sa vie l’en éloigne constamment, entre le travail, les rendez-vous, les soirées avec ses amis… Et puis, quand elle s’y rend, il n’est jamais là, et elle n’a jamais vraiment le temps de l’attendre. Courir après le temps, c’est une de ses spécialités. Heureusement qu’elle est rapide.
Et un soir, elle a le temps. Son rendez-vous a été annulé, elle a fini son article en avance, alors elle prépare son sac, ses baskets, son parapluie - jusqu’à ce qu’elle regarde la météo. Paraît-il qu’un orage est à prévoir. Exit le parapluie, bonjour le manteau ciré. Les baskets sont délaissées elles aussi et elle préfère enfiler des bottes. Au moins, son sac est déjà imperméable - elle a investi il y a bien longtemps, pour éviter que ses feuilles ou ses divers appareils électroniques ne finissent bons à jeter à la moindre averse. En tout cas, elle est bien décidée à braver les éléments si cela peut lui permettre de rencontrer le Sorcier. Peut-être une interview à la clef… Rien ne lui ferait plus plaisir que de démystifier les histoires à son sujet.
Elle cache sa chevelure épaisse sous la capuche rouge et brillante, vérifie qu’elle a son téléphone portable et son dictaphone, puis se met en route. Elle est déjà à Regalia, puisqu’elle est allée rendre quelques documents à son boulot, alors elle marche simplement sous la pluie battante. Arrivée devant la cabane qu’on lui a indiqué, elle frappe - fort - à la porte, pour qu’on l’entende malgré l’orage et les gouttes qui tapent inlassablement sur le toit et les fenêtres. Elle se cale de manière à ce qu’on ne voit pas son visage à travers les ouvertures et ne demande pas qu'on vienne lui ouvrir, car elle craint que le propriétaire, s’il est là, ne la laisse pas rentrer parce qu’il l’aurait reconnue.
Dans son royaume aux milles plantes, un sorcier qui ne trouvera pas son accalmie à l’abri de la tempête de pluie. Des feuilles séchées soigneusement coupées pour infusion, une fragrance aux herbes naturelles. Il n’a pas eu l’occasion de goûter sa nouvelle concoction que des coups à la porte retentit. Heure incongrue pour d’éventuelles visites… Yuahn se fige un instant. Certains rentrent sans s’annoncer, certains se mettent à crier pour se faire entendre. Cet atelier est devenu presque trop facile d’accès. Dehors, il fait sombre et il pleut à torrent alors il décide de se diriger vers l’entrée pour ouvrir la porte, résigné. C’est normalement sous ces temps pluvieux où les inconnus à son domicile se font rares…
Théâtralement, un orage décide d’éclater à ce moment là, pour rajouter un côté dramatique.
- …Que veux tu ?
Une voix, un souffle sans colère ou autres émotions. Elle parait faible mais elle couvre le son de la pluie.
Le sorcier est un homme assez peu conventionnel. Il jette un œil sur la capuche rouge qui voile le visage la visiteuse qu’il n’identifie pas. Un moment passe ainsi avant qu’il ne se décide de lui tourner le dos et re rentrer en laissant la porte ouverte, sans attendre autre chose. Bienvenue…? Ou pas ? Il longe les murs végétaux et retourne à la préparation de son infusion. On aurait juré que certaines plantes ont bougé à son passage.
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Yuahn Lei
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Jeu 4 Jan - 14:19
L'attrait de l'inconnu
Octobre 2099 ⇿ Atelier du Sorcier ⇿ Soirée
La pluie s’abat sur son manteau, laissant entendre un battement désagréable à ses oreilles. Thaïs n’a jamais aimé la pluie. Elle ne comprend pas ceux qui aiment rester à l’intérieur en la regardant tomber, une tasse de boisson chaude entre les mains. Elle, elle aime le soleil, sentir les rayons chauds sur sa peau, et la pluie a longtemps été synonyme pour elle d’activités à l’intérieur, plus calmes que les jeux de l’extérieur, car le jardin était interdit - il ne fallait pas ramener de la boue dans la maison, après tout. Alors quand elle arrive à la cabane elle ne se fait pas prier et n’attend pas bien longtemps avant de finalement frapper quelques grands coups à la porte, espérant couvrir le son de l’orage, espérant se faire entendre.
Quand la porte s’ouvre elle lâche un petit soupir soulagé. Avant que son souffle ne se coupe quand l’éclair qui vient de frapper éclaire soudainement le visage de l’homme d’une lumière presque sinistre. Si elle était dans un film, à cet instant, ce serait sûrement un film d’horreur. Ou un film fantastique qui promet une véritable aventure pleine d’apprentissage, qui sait. Le souffle inquisiteur la fait sourire.
- Peut-être entrer avant toute chose ? J’ai fait tout le chemin sous la pluie et je vais prendre froid, à force.
Elle n’est pas sûre que l’humour soit le meilleur premier contact qu’elle puisse avoir avec lui, mais c’est trop tard maintenant, les mots ont été prononcés et elle ne peut pas les reprendre. En tout cas, il finit par se détourner d’elle, et elle entre à sa suite, refermant la porte alors que le tonnerre gronde au loin. Les odeurs l’assaillent - la terre, les plantes, elle n’y est pas totalement étrangère. En un sens, ça lui rappelle le potager de son père et la véranda sous laquelle ils avaient essayé de faire pousser une sorte de mini-jungle tropicale. Elle se dirige presque plus à l’odeur de l’infusion qu’à sa vue pour retrouver l’homme.
- Je m’appelle Thaïs da Silva Jones, je suis journaliste. … Est-ce que c’est vrai que vous êtes un sorcier ?
Elle a l’impression d’être comme une enfant à qui on fait croire des bêtises, mais qui a besoin de les vérifier pour être sûre qu’une part de vérité ne s’y cache pas. A quoi servirait d’avoir développé des talents en enquête pour simplement accepter les choses sans chercher à en savoir plus ? Elle regarde tout autour d’elle, identifie certaines plantes, mais d’autres font surgir sa curiosité. Un peu à l’image de leur possesseur.
- Est-ce que vous trouvez toutes ces plantes pendant vos balades ou est-ce que vous en avez fait pousser certaines ?
Elle se tourne vers lui, un air interrogateur sur le visage. Il y en a qu’elle est sûre de n’avoir jamais vu chez un fleuriste.
L’âme qui vient s’inviter dans son Atelier n’est pas un prédateur et Yuahn ne lui demande pas de suite la raison qui pousse cette jeune femme -qui lui arrive à hauteur des yeux, à traverser les intempéries pour se présenter à sa porte. Une demande de remède pour un mal quelconque, une requête métaphysique éventuellement. À aucun moment naît le doute dans l’esprit de Yuahn Lei, qu’une journaliste est à sa porte pour son métier. Il n’est pas le genre de profil qui fait la une des publications, lui et son mode de vie en ermite. La fame et la reconnaissance c’est un truc bien humanisé et codifié dont il ne se sent pas concerné.
Occupé à se servir son infusion fin prête dans une grosse tasse en terre cuite, Yuahn se maintient un instant coi, parce qu’il sent qu’il va pleuvoir des questions. Il vient de faire rentrer chez lui, une espèce de boule d’énergie dont il n’est pas en mesure de dire encore s’il va apprécier ou pas. Pensées dubitatives.
-Et toi tu penses que j’en suis un ?
Yuahn ne se présente pas vraiment comme tel, les autres le font pour lui. Il ne se présente jamais tout à fait parce qu’il n’en voit pas l’utilité; dans la nature toutes les existences se reconnaissent sans dénomination particulière. Ainsi, se souviendrait il de Thais de ses traits et de ses allures comme de chaque passage aux mille visages et âmes en ces lieux. Mille… jamais autant. L’Atelier n’était pas vraiment un lieu de fréquentation habituel.
-Tu vas glisser.
Le sol dallé sur lequel les traces de flaque laissent des empreintes aqueuses. Elle est là à observer tout ce que son regard peut capturer, enregistrer et elle est restée emmitouflée dans sa capuche écarlate et brillante, comme si le temps n’avait pas fait de transition. Pour autant, Yuahn n’a pas non plus le réflexe de lui souhaiter la bienvenue, comme sans doute à tous les autres avant elle.
-Elles sont toutes d’origine de l’île. Mais certaines n’existent pas ailleurs qu’ici.
Il parle, comme d’habitude à mi voix, sans s’inquiéter à l’idée d’être entendu ou pas. Une gorgée brûlante. Et puis il observe les plantes, il y en a partout… partout, dans un arrangement savamment orchestré et minutieusement disposé par une logique que seul son cerveau semble saisir. Des espèces végétales par plusieurs centaines, sous toutes les formes, suspendues, entretenues à même le sol. Sous cloche, sur les étagères murales. Une véritable jungle, en effet, composée de la plus commune à la plus rare des hybridations qu’il créée et cultive pour diverses raisons.
Finalement, il se rappelle péniblement les réflexes à proposer.
-Est ce que tu en veux ?
Le gros chaudron à infusion dont il s’est préparé une tasse. Son âme d’iguane apprécie particulièrement les feuilles et les fruits. Entre l’hibiscus et un mixe qui serait sans doute apprécié dans le monde iguanien, ses conceptions ne sont pas susceptibles de plaire à tous les palais -même si ça lui vole à des années lumières au dessus de la tête.
Et puis pour aller droit au but, parce que le sorcier n’est pas bon pour le small talk. C’est un phénomène de mondanité qui le perd assez vite.
-Quel mal une journaliste cherche à soulager?
Par un jour comme aujourd’hui, une urgence peut-être.
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Jeu 18 Jan - 21:26
L'attrait de l'inconnu
Octobre 2099 ⇿ Atelier du Sorcier ⇿ Soirée
Quand il lui retourne sa question, quand il lui demande ce qu’elle, elle en pense, Thaïs s’arrête un instant pour y réfléchir. Pense-t-elle qu’il s’agit d’un sorcier ? C’est un regard inquisiteur qui tombe sur son interlocuteur, comme si elle essayait de lire en lui. Et finalement, au bout de quelques instants, elle sourit.
- Bah, la magie ça existe pas, hein ? Donc non, je pense pas que vous soyez un sorcier. Mais beaucoup de gens en mettraient leur main à couper. Alors que c’est simple, c’est juste qu’ils ne connaissent pas bien les plantes. J’ai raison ?
Elle avance un peu vers lui, sourit à nouveau quand il lui annonce qu’elle va glisser. Elle n’a pas peur de ça, pour être honnête. Elle est tombée plus de fois qu’elle ne saurait le dire, et elle s’en est toujours sortie sans trop de casse. Comme dirait son père, le plus important, c’est de se relever après chaque chute. Après, elle aurait peut-être dû essuyer ses pieds avant de faire ses premiers pas dans l’atelier, mais comme d’habitude, elle réfléchit après avoir agi. On ne la changera pas. Mais elle pose des questions aussi, s’intéresse. Sans doute qu’avoir un père qui aime les plantes doit ouvrir l’esprit sur ce genre de préoccupations.
- Comment ça, elles existent seulement ici ? Vous avez pris les derniers exemplaires dans la nature ? Il faudrait aller en replanter quelques pousses d’où elles viennent alors, non ?
En tout cas, c’est ce qu’elle ferait, elle. Après la conservation, il faut les remettre dans la nature, dans leur milieu naturel. Quand il lui propose du thé, elle s’approche du chaudron dans lequel repose une mixture chaude. Ça c’est un vrai truc de sorcier, quand même. Elle s’en approche pour sentir les arômes qui en émanent, puis secoue légèrement la tête pour refuser.
- Non merci, je suis plus fruit que fleur. Elle a reconnu les fragrances de l’hibiscus.
Elle ne sait pas trop quoi répondre à sa question suivante. Elle ne cherche pas à soulager un quelconque mal, et pendant un instant elle reste silencieuse.
- Si la curiosité est un mal, c’est peut-être ça que je cherche à soulager. Je me demandais simplement qui vous étiez. Vous avez un fort impact sur les gens qui viennent vous voir et je voulais en savoir plus. Voilà tout. Peut-être vous poser quelques questions, si vous n’y voyez pas d’inconvénient ?
Elle libère sa chevelure de sa capuche, sans toutefois retirer son manteau pour le moment. Si ça se trouve, il va vouloir la renvoyer de là d’où elle vient, et elle ne prend jamais trop ses aises avant d’y être invitée.