ça discute d'affaires, d’ébruiter, de garder le silence, de rester discret. sasha, elle s’en tape. elle n’est pas du genre à faire attention, à placer ses pions. aux échecs, elle préfère bouffer les pièces dans le dos de son adversaire que d’utiliser sa cervelle pour prendre l’ascendant. aesop a tenté de lui apprendre à jouer, en vain. aesop a essayé de lui apprendre beaucoup de choses, toujours en vain.

elle préfère la franchise, sasha. mettre les pieds dans le plat. et si ça ne va pas, elle cognera. c’est plus facile. y’a pas à se triturer l’esprit. c’est même idiot de faire ça, c’est se fatiguer pour rien. ouais, voilà, c’est ça. ils se pensent grands stratèges à tout prendre avec des pincettes, mais le vrai génie, c’est elle ! elle se dit qu’il faudra qu’elle en fasse une thèse. elle pourra peut-être choper un prix pour sa grande intelligence.

tout ça pour dire qu’il n’y a pas à tortiller du cul pour capter que ni shun ni aesop n’ont la pattes blanche. aesop, elle sait. la rencontre dans la fosse, les bons filons, les contacts, les oeuvres… elle ne sait pas concrètement à quel point il est empêtré dans tout cela, mais pour elle, il y a gravé “illégalité” sur son joli visage.
shun, c’est pareil. ça se voit aux mots susurrés, elle le sent. peut-être que c’est le stéréotypes des serpents, ou peut-être que c’est parce qu’elle est mangouste. peut-être même que ce n’est que de la jalousie mal placé pour le coyote… quoiqu’il en soit, c’est pareil: elle le sent pas. de toute façon, elle l’a rencontré dans la fosse aussi. et la fosse, on y croise rarement des saints.

“un koala coca.”

mais sasha se tait. elle ne dit rien. elle garde tout pour elle. elle comprend que c’est sa place, que c’est son taff. elle n’a pas à interférer dans leur retrouvaille. elle sait que si elle s’en mêle, elle finira par tout gâcher. sasha finit toujours par tout gâcher. alors elle reste sage, elle se contente de se faire offrir une canette de soda. franchement, c’est pas si mal.

“directeur commercial… c’est un truc bien ? genre ça claque un peu non ?”

elle n’a absolument rien compris à ce qu’aesop à baragouiner, mais elle ne peut s’empêcher de commenter. elle ouvre sa canette sans dire merci et avale son soda frais. le goût du coca dans la trachée, ça lui fait du bien. ça change de la bière et du sang, mais c’est tout aussi mauvais. parfait.

“en vrai c’est sympa d’être là avec vous et tout hein, vraiment vous formez une superbe famille maintenant que vous vous êtes retrouvé. trop chouette et tout, vraiment pensez à prendre une photo pour faire une carte de nouvelle année. ouaip ouaip. mais j’avais pas vu l’heure on m’attends, donc j’pense que je vais filer hein ! bisous aesop, on s'recapte. et ciao shun, ravie de t'avoir revu. bye bye..!”

parce qu’elle se sent de trop, parce que c’est insoutenable, parce qu’elle s’en fout de les voir tourner en rond, autour du pot. parce qu’elle comprend aussi que c’est mieux de les laisser seuls. sasha a plus perdu des proches qu’elle n’en a retrouvé. il y en a eu deux, à vrai dire, dans sa vie. fidji et bo-ra. les deux fois, malgré des réactions bien différentes, elle était toujours seule. et elle sait que ça aurait été bien pire si elle avait été accompagnée.

alors pour le bien de tout le monde, sasha préfère rentrer.