Like a cigarette to my lungs And when I go home All the emptiness fills me up
Des mélodies imaginaires te bercent dans l’immensité de cet univers sans lumière. C’est un saut dans le vide infini, au ralenti, et tu ne sens même pas ton coeur s’accéléré comme à chaque fois que tu rates une marche ou que tu évites un coup de poing. Rien de tout ça. Juste la sérénité de l’inconnu mêlée à l’angoisse du déjà-vu. Et tu pourrais te laisser tomber pour l’éternité. Mais il faut croire que la réalité finit toujours par te rattraper.
Tout a une fin et la tienne à la fermeté de ton vieux parquet abimé ainsi que l’odeur de tes papiers empilés et tes cendriers pleins à craquer. Doucement, sûrement, tu te redresses alors que tes articulations craquent au réveil, ton œil roule dans ton orbite jusqu’à se rappeler la composition de l’espace qui t’entoure. Ton appartement, la nuit, tes lunettes perdues dans le col de ta chemise froissée, la lampe de bureau allumée et le dossier que tu étudiais à présent éparpillé sur le sol. Un coup d’œil à ta montre. Ton petit somme n’avait finalement duré qu’une dizaine de minutes et pourtant, il t’avait paru une éternité.
Et de nouveau, la mélodie, retour en arrière dans l’atmosphère, sauf que cette fois c’est bien la réalité et c’est ton téléphone qui se mets à sonner. Ton corps désarticulé se hisse jusqu’à ton bureau pour saisir l’appareil et, alors que tu te tentes de te redonner une certaine contenance, les premiers échanges téléphoniques te feraient presque perdre pied.
« Venir aussi tôt, Wren ? Vraiment, j’en connais pas beaucoup, des comme toi ! ». Avec ta chemise toujours aussi froissée et ta cravate mal mise, tu esquisses un sourire qui se veut poli, même si au fond, tu serais bien retourné dans ton lit. Mais faut croire que toi aussi, t’as été un gamin comme celui qu’on a pincé en train de taguer les façades des postes miliciens, alors tu t’es quand même précipité dehors, comme si de rien n’était.
« C’est l’habitude, Barn’. »
Sacré Barnabé, toujours là pour un petit mot d’encouragement. Mais cette fois, voilà qu’il pianote sur son clavier sans te regarder, avant de finalement annoncer : « Par contre, y’a un peu de paperasse à remplir pour ce gamin. Tu connais le chemin. ». Il fallait qu’il fasse tout ça à 6h du matin.
Alors sans ronchonner, c’est un pied après l’autre que tu prends l’ascenseur, les couloirs et autres portes enfoncées pour finir par te figer. Il fallait croire que c’était pas ta matinée.
« … Mad ? »
T’aurais pu la voir venir, celle-là. Mais voilà, peut être que t’aurais dû te recoucher.
Les matins calmes, il n'y a pas de pensées pour les coins vides de son appartement. Beaucoup de silence, jusque le tic-tac habituel de la ville, son éveil, progressif. Madigan est à l'aise, seule, ça lui fait du bien de penser cela.
Ou elle se convainc, ou elle est en arrivée à faire la paix avec cette idée - l'absence, le manque qui ne devrait, si ça se trouve plus se combler. - Sinon par les rituels, un peu absurdes, comme ce besoin de vérifier une deuxième fois la porte avant de sortir, suivre le chemin A parce que le B n'est pas routinier, il n'a pas cette mélodie, ce réconfort.
Lui, qui devait bien se trouver quelque part. Et puis les peluches, à l'âge adulte c'est dépassé, il faut une étreinte un peu plus forte de caractère : Le café du matin.
Il se glisse, comme le reste des habitudes de Madigan avec facilité. Faute d'avoir beaucoup de monde avec qui faire la conversation si tôt dans la journée, elle a ses petites préférences, son bureau, parfaitement ordonné qui lui vaut des compliments.
Eux importent peu mais c'est un ensemble rassurant, une sécurité, une certitude - ça n'ira pas bien loin, ça n'ira pas beaucoup plus haut non plus. -
Qui se soucie des bureaux de la milice ? A moins que ça se faufile, inopinément, sans faire trop de bruit, sans...
On s'approche.
Madigan lève la tête, quitte sa tasse (parfois, elle a beaucoup à dire, de son fond, quand la chaleur remonte en nuage) et ses yeux se posent, tranquillement, comme ils le font pour tout dans cet immeuble.
Seulement le palpitant lui a tant à dire !
"Oh, Wren- Bonjour... Ça faisait longtemps." Elle doit pousser un peu sur la voix, c'est rare qu'elle parle à cette heure, elle a passé les précédentes sans dire grand chose.
Madigan Halpert
Wren Momsen
Maison du Souffle et des Cendres
Âme : Dalmatien.
Métier : Assistant.e sociale, ancien.ne combattant.e de la fosse.
C'est comme si tu avais oublié comment respirer. Depuis maintenant des années, tu vivais en apnée, bouteille d'oxygène percée à la place du cœur, tu as fermé les yeux jusqu'à ne plus l'entendre palpiter. Tu t'es plongé.e dans un sommeil sans fin pour atténuer la douleur, atténuer la peur, pour anesthésier tes blessures de corps et de cœur.
Mais voilà, le temps ne peut pas s'arrêter éternellement, même si tu as l'impression qu'il n'existe plus. Tu pourras faire tout ce que tu veux, il finira par te rattraper et t'écraser sous son poids. Et c'est comme ça que tu te sens, à l'instant. Immobile face à ce visage que tu n'as jamais pu oublié, tu es incapable de bouger.
Madigan et ses longues boucles brunes. Madigan et ses yeux sincères et cernés. Madigan et ses lèvres que tu rêves d'embrasser. Et toi, pauvre et misérable Wren que tu es, tristement courbé.e dans ta silhouette trop grande et étriquée. Tu as honte. Tu as si honte de te présenter là, face à elle qui est si belle, alors que toi tu es tout cabossé.e. Tu en rougis presque d'embarras alors que tes mèches sombres retombent sur ton œil décédé.
« Ça fait longtemps, oui. Tu ... »
... m'as tellement manqué, ne plus te voir me ronge de l'intérieur et m'en fait perdre le sommeil. Je pourrais m'arracher l'autre œil ne serait que pour retrouver tes sourires et tes étreintes. Quand tu n'es pas dans ma vie, je me sens mourir un peu plus chaque jour.
« ... as l'air en forme. »
Même là, tu ne parvenais pas à laisser parler ton honnêteté. Madigan, elle avait l'air fatiguée, ou peut être était-ce toi qui voyait des signes où il n'y en avait pas. Peut être était-ce toi qui voulais voir des faiblesses qui n'existaient pas, simplement pour avoir une raison de panser des blessures qu'elle ne montrait pas. Tu voulais lui montrer que tu pouvais être là pour elle comme elle l'avait été pour toi.
« Hum ... Barnabé de l'accueil m'a renvoyé vers toi pour que l'on s'occupe de la paperasse pour le mineur qui a été coffré ce matin. »
A demi-mots, comme une preuve du temps passé, tu ajoutes, la gorge serrée.
"C'est la caféine ça, merci." Wren, et un sourire, craque sur les bords de son visage, là où une falaise, discrètement s'effeuillerait. Madigan peut remercier son supérieur hiérarchique de l'avoir isolée du reste du monde, à son bureau, à l'autre bout du couloir. Elle a eu le temps de se construire un château en coton où tout est suffisamment feutré pour dissimuler les bouts de civil qui se désagrègent sous son vêtement parfaitement lisse.
C'est ça que coûte la confidentialité.
Du coup, c'est un bouclier convenable face à Momsen, iel est apparu comme derrière un écran de fumée. Elle aurait pu sursauter, sauf si Wren parle avec une affection qui ne colle pas à leur passé mouvementé.
Madigan a les yeux rivés -mais pas comme elle les aurait eu, jeunes, en l'adorant.- Simplement elle l'écoute, attentivement ce qu'elle ferait avec n'importe qui d'autre.
Elle sait pour le changement de poste, évidemment qu'elle sait, ce serait simplement étrange de le spécifier, parce qu'elle ne parle plus à Wren, ce n'est pas d'ellui qu'elle tient ses informations.
"...Ce matin, et t'as été tiré.e du lit ?" La journée commence fort. "Dis-moi, de quoi est-ce-que t'as besoin ?"
Madigan Halpert
Wren Momsen
Maison du Souffle et des Cendres
Âme : Dalmatien.
Métier : Assistant.e sociale, ancien.ne combattant.e de la fosse.
Sa voix sonne comme un millard de petites aiguilles, frêle et mélodieuse mais capable de te trancher chaque pore de ta peau. Si tu fermais les yeux un peu plus longtemps, tu pourrais presque retrouver les mots qu’elle te susurrait à l’oreille avec cette même voix, son souffle contre ton cou, contre tes lèvres, musique entêtante que tu pouvais écouter sans jamais te lasser.
Ses traits d’humour t’arrachent un sourire que tu peines à contenir, tu sens ton coeur dans ta poitrine te secouer si fort, tu pourrais presque en perdre l’équilibre. Du coin de ton œil valide, tu t’accroches à son bout de sourire, tandis que ta main vient nerveusement arranger la mèche de cheveux qui recouvre ton cache-œil.
« Hein ? Euh-Mouais, bof, tu sais. Les nuits complètes, c’est dépassé, pas vrai ? Haha-..ha. »
Tu te racles la gorge un instant. Si seulement tu pouvais disparaître, juste le temps de ne plus être la personne la plus embarrassante de cette île.
« Ca doit pas être très exaltant de commencer la journée comme ça pour toi. J’imagine. »
Retour aux choses sérieuses, tu te fais violence pour garder les pieds sur terre et le regard en l’air. Tout pour ne pas te laisser déconcentrer. Tu arranges tes lunettes sur ton nez.
« Oh, hum, oui. Simplement quelques formulaires à signer et des documents à récupérer pour le tuteur du gamin. Des formalités, quoi … Je ne t’embêterai pas trop longtemps, normalement. »
Plus vite tu seras parti.e, plus vite tu cesseras de te faire écraser par la culpabilité de te montrer dans cet état si déplorable devant Madigan.
A une époque, Madigan aurait passé la main près de la bouche de Wren. Iel aimait se noyer avec humour, noyer le poisson surtout. Lea faire taire, c'était un avertissement de sa part, une façon de dire à son partenaire, pas aujourd'hui, ça me fait pas rire. La blague est retombée, Madigan l'a laissé.e faire et les muscles de son dos se sont relaxés, eux aussi.
Elle a commencé à scruter son écran pour suivre le fil de Wren.
La paperasse devenait facilement un art pour quelqu'un comme Madigan, avec ses passions par dizaines, rangées dans un tiroir dans la jeunesse d'avant les trente ans. Tout est entassé dans une espèce de flou, elle pense "pour son propre bien", et parce qu'avant de se séparer de Wren, elle pensait que c'était pour le mieux de ne pas s'attacher à ces heures dédiées à ce qu'elle aimait faire, parce que c'était plus pratique histoire de se concentrer sur le futur, comprenez.
Pour tous les talents qu'elle n'utilisait pas, elle avait pu perfectionner le délicat langage derrière la milice et ses secrets très bien gardés, comme les couloirs inexplorés des salles d'archives et le chemin précis à suivre lorsque quelqu'un de haut placé vient toquer à sa porte pour s'informer.
Tout est parfois trop carré pour Madigan -et encore aujourd'hui si elle ne connaissait pas son métier, la demande de Momsen serait charabia.- "Ça a dû arriver sur ma boîte mail." Elle commence par déclarer et puis de ses mains un peu pâles, elle s'active pour préparer les documents aux entêtes impossibles, qui font sourire les miliciens les premiers. "Tu sais, c'est monnaie courante les dossiers de mineurs, ici, on croirait presque qu'ils pourraient travailler autour du sujet, là-haut." (Madigan fait référence à la tour). "Mais c'est pas la priorité, alors... Ils vous les refilent."
Elle soupire, s'attèle derrière son poste à soigneusement reprendre des éléments concernant le profil du gosse suivi par Wren. "C'est comment, le nouveau boulot ? Tu t'ennuies pas ?"
Madigan Halpert
Wren Momsen
Maison du Souffle et des Cendres
Âme : Dalmatien.
Métier : Assistant.e sociale, ancien.ne combattant.e de la fosse.
Dans un passé qui te parait piratant si proche du présent et en même temps si loin, Madigan t’aurait couvert la bouche avec la sienne, sceller tes lèvres avec ses mains, avec ses regards, tendres ou froids. Elle aurait empêché que tu t’enfonces dans cet embarras, elle l’aurait dissipé, il n’aurait même pas existé. Mais voilà, tu n’es plus cellui que tu étais et elle n’est plus la même non plus. Vous n’êtes plus un nous et il n’y a plus que toi et elle, séparément.
Alors tu t’enfermes dans le silence, seuls les cliquetis du clavier remplissent la pièce, jusqu’à t’étouffer en silence.
Du coin de ton œil, tu l’observes. Tu retraces les contours de son profil, ses sourcils inconsciemment froncés par la concentration, ses yeux fatigués, son petit nez, ses lèvres charnues, légèrement teintées. Si tu tends la main, tu peux certainement atteindre sa joue et profiter de la douceur de sa peau. Mais tu laisses ton poing serré s’enfoncer un peu plus dans ta poche tandis que tu détournes le regard.
Tu l’écoutes parler de la milice, de l’administratif, de tout cet univers qui, dans ta jeunesse peu lointaine, te rebutait et te faisait fuir comme la peste. Dans ses petites explications teintées de cynisme, tu ne peux retenir un sourire énigmatique, mi-nostalgique, mi-amusé, si discret qu’il ne retrouve qu’une des extrémités de tes lèvres. Tu ne savais pas si c’était le fait que vous, assistance sociale, soyez traité.es comme des poubelles de cas indésirables, ou si c’était le fait qu’une personne comme Madigan, dont tu connaissais l’organisation douteuse, se retrouve à un poste articuler autour de tout ceci. A l’époque, tu en aurais ri ouvertement. Mais cette époque est révolue, alors tu te contentes de cacher ton sourire et de resserrer un peu ta cravate.
« Vu tout ce que vous nous refilez, comme tu dis, non, j’ai pas trop le temps de m’ennuyer. »
Il était plutôt clair que tu aurais choisi autre chose pour te divertir, qu’aller t’occuper de la paperasse d’un délinquant à des heures trop matinales, piégé.e dans un bureau avec ton ex-femme dont tu étais toujours amoureux.se.
« Et toi, tu t’ennuies pas trop avec le boulot ? »
Oh, voilà que la curiosité d’en demander plus pointe le bout de son nez, mais tu l’ignores. ((Tu t’ennuies pas trop sans moi ?))
Un certain choc - comme si de l'électricité s'était mise à courir dans l'air, en dehors des murs - happe l'agente de l'unité Solario, lorsqu'elle attrape du regard ce qui, jusque présent s'était bien caché sous les longues mèches tombantes de Wren.
Oeil de pirate ? Son cerveau lui amène, martèle comme pour trouver une explication à ce que porte l'assistant.e sociale sur la figure, iel est arrivé.e dans la pièce si subtilement, elle n'a pas cherché à se sortir la tête de l'écran (rien qu'à moitié, une moitié prudente, une moitié qui savait pourquoi iel et Madigan ne se croisaient qu'au carrefour d'un déboire administratif).
Les journées passent et je contemple de plus en plus l'extérieur de la tour, comme s'il m'appelait. Je pense que je t'ai qualifié.e de dingue sans vraiment le vouloir mais c'est peut-être moi, je perds pied, je suis à deux doigts de tomber, dans quoi je ne suis pas sûre, je sais que je ne veux pas qu'on me rattrape, ni toi, ni quelqu'un d'autre, je pense que ça me ferait encore plus disjoncter que ta présence, ici, maintenant, si on se mettait à me dire : Tu vas faire ça toute ta vie, Madigan.
- Non Wren, il faut bien que quelqu'un comme moi t'aide avec ces histoires de gosses, sinon où va le monde ? Pas le temps de s'ennuyer.
Mais elle, s'efforce de ne plus penser aux enfants dont elle commençait à rêver, comme un leitmotiv au milieu de sa nuit, parmi les choses dont elle refuse de parler à ce jour. Nerveusement parce que le sujet principal de cette idée dépassée se trouve en face, elle pose la main sur sa souris et s'éclaircit la gorge.
- Je pense qu'il va falloir qu'on monte, pour faire valider le dossier et que tu puisses avoir la main sur la suite.
Madigan Halpert
Wren Momsen
Maison du Souffle et des Cendres
Âme : Dalmatien.
Métier : Assistant.e sociale, ancien.ne combattant.e de la fosse.
L’œil du cyclone, rivé sur l’écran dont tu ne distingues pas les pixels, tu ne cesses de souhaiter disparaître sans parvenir à te débarrasser de cette envie de rester. Tu t’accroches à cette lumière artificielle, pourvue qu’elle t’aveugle et te rende sourd·e, tout pour ne plus ressentir les émotions qui font trembler ton coeur et fondre ta tête.
L’espace d’un instant, tu croies sentir son regard sur ton visage, mais l’instant d’après, l’impression t’échappe et les claquements du clavier comblent le silence lourd qui vous sépare. Toi, tu tu luttes pour ne pas la dévorer de l’œil, mythe des temps modernes, tu sais qu’une œillade te transformerait en pierre si tu t’y risquais trop longuement.
Le sujet des enfants vous survolent comme une âme en peine, il hante vos souvenirs et refroidis vos corps, quand bien même la conversation ne s’y prête pas. Pourtant, c’est un sous-titre non anticipé, un non-dit que vous regrettez ensemble, un rêve que tu chéris encore la nuit, sans parvenir à garder cet espoir qu’il se réalise.
« Oh, hum. Très bien, je te suis, dans ce cas. »
L’écran disparait, ton œil se recentre sur le bout de tes chaussures tandis que vos silhouettes se suivent en silence. Tu te risques à remonter la courbe de son dos, t’accrocher à sa nuque imprégnée des fantômes de tes baisers, tu pourrais mourir pour une étreinte, alors tu te contentes d’arrêter de respirer. Juste assez pour revenir à la réalité.
Les portes se referment derrière vous, le bouton est pressé sans effort et tu espères simplement que cet espace confiné sera vite oublié. Et comme un caprice d’Haklyone, l’appareil s’arrête si brusquement que tu frôles tes doigts les hanches de Madigan. Juste assez stable pour la rattraper, mais l’âme complètement désorientée.
« J’imagine que ce n’est pas une bonne nouvelle, que ça s’arrête, comme ça … »
Quand est-ce que le sort cessera de s’acharner sur toi ?
