haklyone
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je me laisse emporter par la brise, après la tempête parait que le soleil brille - ft. jayson



 
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je me laisse emporter par la brise, après la tempête parait que le soleil brille - ft. jayson
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Eliott Fauvel
vrai bonhomme & gros cerveau
Eliott Fauvel
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Mar 21 Fév - 16:46


Lentement, la vie prend son sens
il avait
la gorge nouée, les épaules engourdies et les yeux vagues.
les portes automatiques qui s’ouvrent, l’intervalle entre le quaie et la navette. attention à la marche, parce qu’eliott pourrait presque trébucher. il a envie de faire demi-tour. tout son corps lui hurle de se retourner, de valider son ticket, et de fuir. à lunapolis ou à ithloreas, n’importe où tant que ce n’est pas régalia, tant qu’il n’a pas de chance de le croiser sur son chemin.

huit ans déjà.

il s’était dit
qu’il était peut-être mort, pour se rassurer, pour se conforter. ou peut-être que c’était lui qui était mort, eliott. le dos courbé, les bras croisés. les ailes brûlés, les poings liés.
les promesses un soir d’automne, un anniversaire raté (mais plus réussi que les dix-neuf précédents), une promesse en l’air.

et maintenant il reste quoi ?

eliott il est comme tout le monde.
à vingt-ans peut-être qu’il avait le monde à ses pieds.
mais à vingt-cinq il était déjà en train de l’écraser.
et plus les années passent, plus c’est dur de se relever.

mais le voilà devant la façade du salon de thé, à contre-coeur. il a eu vent de l’existence de cet établissement (et de l’existence de jayson) par son voisin. daiam. il aurait dû capter en voyant le nom de famille sur la boîte au lettre mais… est-ce qu’il connaissait vraiment celui de l’ancien infirmier ? pas sûr. c’était jayson, c’était le vieux, c’était le clebs.

alors eliott s’allume une clope et attend que l’heure tourne.
un café, ça ferme à dix-huit heures ? dix-neuf heures ?
tant mieux, la nuit aura le temps de tomber, c’est l’avantage du début de l'automne.
et la nuit, tous les chats sont gris.

salut, le vieux.

quand la carcasse imposante, bien que pas très grande (eliott le dépasse de cinq centimètres), sort de la boutique aux lumières éteintes et verrouille la porte jusqu’au lendemain. eliott, bien au chaud dans son long manteau gris, l’écharpe en soi qui vole au vent, il ne dit que ça.
parce qu’il ne sait pas quoi dire d’autre
que bonjour, bonsoir ou
je suis de retour.
le 30 septembre 2098
il-é-thé-une-fois
régalia
ft. jayson
Eliott Fauvel
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Jayson Wymer
Maison des Roses et de l'Ombre
Jayson Wymer
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Mar 14 Mar - 16:30
_ Qu’est-ce que tu fais ce soir, p’pa ?

Jayson lève les yeux vers son fils. Ashe est occupé à se maquiller devant le miroir, souffle sur une mèche qui le dérange. Jayson se redresse, avec douceur, il attrape la tignasse grise de son fils pour la tirer en arrière.

_ C’est pas plus simple comme ça ?

Ashe lui adresse un regard au travers du miroir, le visage éclairé d’un petit sourire.

_ Ouais, ça aide.

Son fils applique soigneusement le mascaras sur ses cils.

_ C’est joli, le blanc comme ça. Ca met en valeurs tes yeux.

_ Merci, sourit Ashe, non sans fierté, C’est celui qu’on est allés acheter hier ! Je t’avais dit, je voulais de blanc ou de l’argent, je trouve ça classe.

Jayson hoche la tête, lui, il ne sait pas vraiment, mais si son fils le dit, c’est que c’est probablement vrai.

_ Je ne sais pas encore. Je pensais peut-être aller voir un film au cinéma, répond-t-il enfin.

_ Ah ouais ? Trop cool. T’y vas tout seul ?

_ Ouais. Comme ça, j’aurais tout le paquet de popcorns. Pas besoin de partager.

_ Malin, le canin, s’amuse Ashe en se reculant d’un pas pour s’observer, T’en penses quoi ?

Jayson relâche ses cheveux.

_ Tu es très beau.

_ Ca, je sais. Mais t’en penses quoi du maquillage ?

_ Ca rend bien, le gris et l’argent sur tes paupières. Avec le blanc sur tes cils et tes yeux sombres… Ca fait un regard assez captivant.

_ Cool !

Ashe finit par ranger ses affaires dans un sac à dos qu’il hisse sur ses épaules.

_ Et toi, tu fais quoi de beau ce soir ?

_ Je sors, affirme Ashe dans un sourire presque carnassier. Un sourire, d’un jeune prêt à mordre le monde à pleines dents. Jayson croise les bras sur son torse, paisiblement campé sur ses jambes, il le défie d’un regard malicieux.

_ Et tu sors où, gamin ?

_ Dans un endroit avec plein de drogues, d’alcools et de trucs pas bien.

Ashe s’approche et dépose un baiser sur la joue de son père, une main sur son épaule.

_ Ne t’inquiète pas. Je t’appelle s’il y a le moindre problème.

_ D’accord. Sois prudent… Et amuse toi bien, d’accord ?

Le père attrape son fils par le bras, claque un baiser sur son front, frotte son nez contre sa peau, le relâche pour le saluer d’un petit geste de la main. Ashe lui répond d’un salut, deux doigts vers le front, qu’il dresse, le visage éclairé d’un sourire taquin, avant de sortir de la boutique.

Jayson ferme un peu plus tôt ce soir. Une petite pause fait du bien, de temps en temps. Il range soigneusement les pâtisseries et les viennoiseries restantes dans de petites boîtes, qu’il donnera aux personnes sans domicile fixe qu’il croisera. Il nettoie les différentes machines, la théière, la cafetière, celle pour la crème chantilly. Un coup sur les tables, puis le balai. Jayson a mis de la musique, en fond, les musiques du dernier jeu vidéo qu’il est en train de faire. Un jeu de rythme. Rythme qu’il appuie d’un mouvement de tête, parfois, d’hanches, bien que sa sciatique le rappelle rapidement à l’ordre. Il retient une grimace, porte une main à ses reins, avant de s’étirer de tout son long. Il dépose le balai contre un mur et observe un instant l’intérieur du salon de thé.

A sa droite, le comptoir, avec la caisse et la vitrine. Sur sa gauche, la salle. Les tables et les chaises hétéroclites, les grandes baies vitrées, laissent entrer la lumière du jour, le crépuscule emplit les lieux, d’une chaleur apaisante. Des plantes suspendues offrent un refuge, pour les âmes les plus avides de nature, des alcôves, permettent aux plus solitaires de s’isoler, de grandes tables, pour celleux qui aiment se réunir. Tout au fond de la pièce, une télévision, plusieurs consoles, des jeux, à libre disposition. Quelques livres traînent au sol. Jayson les ramasse et les range sur l’une des étagères le long du mur.

Les murs, c’est lui-même qui les a peints. Un doux beige. Sur lequel s’étire un paysage merveilleux, en couleurs plus sombres. Les plus curieux, y verront l’histoire d’un royaume inconnu. Un château, dressé sur une colline, entouré d’une forêt millénaires. Les sommets enneigés de montagnes lointaines, par-dessus lesquels volent les silhouettes aériennes de dragons aux formes variées. Plus loin encore, un chevalier errant, s’approche d’une mer en furie, où s’esquissent les silhouettes sombres, de créatures abyssales aquatiques.
Agnès n’a jamais apprécié son imagination « infantile », ses délires, sur les mythes et les contes de fée. Mais ces lieux, ne sont pas à elle.

C’est son royaume.

C’est ce qu’il a construit, à la force de ses mains et plus encore, celle de sa volonté. Ces lieux, sont à présent un refuge. Non pas seulement pour lui. Il a embauché quelques jeunes, pour les aider à s’insérer, à gagner en indépendance, pour qu’ils se lancent dans la vie. Il leur loue une chambre, une misère, ce n’est pas l’argent qui l’intéresse, depuis le divorce, il n’en manque pas. Et il espère avoir fait de cet endroit, un lieu où l’on aime se rendre. Pour discuter, siroter une boisson, grignoter un biscuit, s’évader, se ressourcer. Seul, auprès d’amis, en compagnie de quelques livres, de jeux, ou des parfums paisibles qui emplissent les lieux.

Jayson est fier. Fier de ce qu’il a réussi à faire, de ce qu’il est devenu.

Bon, il aimerait bien perdre un peu de poids, redessiner sa silhouette, oser aller à la plage, il aimerait ne plus avoir de cauchemars ou de sursauts, il aimerait ne pas avoir ces moments, où l’angoisse le prend à la gorge.

Mais il se dit, qu’il y a toujours du progrès à faire, qu’il ne doit pas se décourager, que la vie, c’est toujours avancer. Il lui reste quelques objectifs à atteindre, c’est tout, mais il a déjà réussi à atteindre certains d’entre eux.

Il a réussi le plus important.

Récupérer Ashe, l’arracher des griffes de sa mère, avoir une relation saine avec lui.

A cette pensée, son cœur se serre un peu. Il y a tant d’autres enfants qu’il aurait voulu aider. Ses yeux se détournent à cette pensée. Yara a réussi. Yara devient médecin. Yara a trouvé des ami.es, sur lesquelles elle peut compter, et malgré ses difficultés, elle réussit à rire, à sourire. Désiré, lui, a suivi sa voie. Il ne la cautionne pas, pas du tout, mais il ne peut pas dire, que Désiré a échoué. Il a réussi à faire sa place dans ce monde, bien que la vie, depuis ses débuts, ait voulu tout lui arracher.

Et Eliott dans tout ça ?

Jayson repose sa tête contre le manche de son balai.

Qu’est-ce que devient Eliott, dans tout ça ?

A-t-il encore sa veste en cuir ? Marche-t-il encore sur terre ? Jayson retourne encore à la fosse, parfois. Pour le chercher. Craignant de voir, son corps affalé contre un mur, la bave aux lèvres, les yeux ailleurs. La tête fracassée contre un trottoir. Il craint le pire, surtout quand la nuit tombe, quand il pense à cet anniversaire qu’ils ont passé ensemble.

Eliott avait tant de force. Celle d’un garçon qui n’avait plus rien à perdre, et tout à prendre. De ceux qui peuvent aller très loin – vers le ciel ou sous terre. Il a toujours crû en lui, il a toujours eu confiance, en ses capacités. Mais ce dont Jayson se méfie, est la cruauté et l’impitoyabilité d’un monde dont la soif ne s’apaise pas, malgré le sang et les larmes versées. D’un appétit qui ne se tarit pas, malgré les blessures et les morts infligés.
A peine né, Eliott devait déjà se battre. Et les poings serrés, du haut de sa dizaine d’années, il était déjà prêt à cracher à la figure des adultes qu’il méprisait. Ses mots incisifs, blessaient tout autant que ses griffes acérées. Un cœur écorché, que les privations n’avaient pas suffi à assécher : il saignait, derrière ses sourcils froncés et ses lèvres retroussées.

Jayson se demande toujours, sans cesse, ce qu’il aurait pu faire, de plus, pour l’aider. S’il aurait pu mieux s’y prendre, quelles solutions, il aurait pu lui proposer. Comment être à ses côtés, sans qu’Eliott ne considère sa présence, comme une menace ou un fardeau ? Il s’en veut sans cesse, de s’être confié, ce dernier soir qu’ils avaient partagé.

Eliott lui avait donné un coup de pied au cul, et avait bien fait. Mais ce gosse, s’était senti responsable. Il n’avait pas à responsabiliser un gamin, qui avait déjà bien assez à porter. Etait-ce pour cela qu’il était parti ? Qu’ils n’avaient pas réussi à se retrouver ? Eliott s’était peut-être seulement protégé de lui. Car Eliott, Eliott était comme ces lucioles embrasées, comme ce soleil, qui traversent le ciel à toute hâte, par crainte de s’éteindre. Que l’obscurité ne les étouffe. D’être prisonnier, d’un destin qu’ils refusent d’endurer : s’ils doivent sombrer, ce sera parce qu’ils l’ont décidé. Après tout, Eliott ne cessait de lui répéter que contrairement aux autres, il réfléchissait. Ce souvenir le fait sourire, avec un amusement teinté de mélancolie.  

Il ne peut pas lui en vouloir. Au contraire. Il espère seulement qu’Eliott saura, qu’il n’a jamais voulu, ajouter à ce qu’il avait déjà à endurer.  Qu’il n’a jamais voulu être un boulet à son pied. L’empêcher de s’envoler.

Jayson soupire. Ressasser le passé n’avance à rien, aussi finit-il, par ranger son balai, les chaises, enfiler sa veste. Sortir. L’air frais vient à ses narines, instinctivement, il lève le nez, il hume l’air.

Un parfum lui saute au nez.

Familier. Méconnaissable. Clignant des paupières, Jayson a instinctivement tourné la tête, une tension gagnant sa nuque, jusqu’à le voir.

Il a grandi. Il le dépasse. Fin et élancé, le long manteau gris, le vieux, le vieux, cette appellation, ce surnom, sa voix, Eliott.

Jayson s’est figé. Les yeux écarquillés. Le corps tétanisé. Le souffle, en suspens, entre ses lèvres. Ses paupières clignent. Se dressent, sur sa tête, les oreilles tombantes du bullmastiff. Dans son dos, sa queue s’échappe, s’agite.

Cette fois, Jayson n’a pas réfléchi. Il a bondi. Le bullmastiff s’emmêle les pattes dans le pantalon, le t-shirt rouge, trop ample malgré sa silhouette épaisse, ne suffit pas à le freiner. L’animal a jailli, dans un gémissement de joie, sa grosse tête, s’écrase contre les genoux de l’homme, dans un geste bourru, empli d’affection maladroite. Une traînée de bave sur le pantalon pour poignée de mains, le chien massif, plie ses pattes avant, redresse l’arrière train, dans une posture exprimant le jeu, la joie, jusqu’à basculer sur le côté, sur le dos, en couinant, revenir sur ses pattes pour revenir plaquer sa grosse tête, contre les jambes d’Eliott.

Eliott est là.

Et le chien lui fait la fête. Comme s’il rentrait simplement du travail. Car il l’attendait. Il l’attend. Depuis des années maintenant.

Eliott est rentré.

Eliott est rentré. Chez lui. Car il a toujours eu sa place, dans cette maison un peu déglinguée, cette maison qui prend l'eau, cette maison où il fait toujours chaud.

Dans le coeur d'un vieux clébard, au pelage décrépi.

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Spoiler:
Jayson Wymer
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Mer 15 Mar - 11:45


Lentement, la vie prend son sens
même juste devant l’établissement, alors que le béton commence enfin à se refroidir, maintenant que les rayons brillent un peu moins, maintenant que le soleil tend à disparaître à l'horizon, eliott ne sait toujours pas quoi dire.
pas quoi faire.
pas quoi ressentir.
pas quoi penser.

il a beau y réfléchir, se projeter devant lui encore et encore, s’imaginer la scène, le choix de ses mots, la crispation de son visage et son timbre de voix, eliott n’y arrive pas. ce qui est inné chez lui, l’art de prétendre et de paraître, d’utiliser la langue pour arriver à ses fins, avoir toujours quelque chose à dire et à répliquer pour ne jamais se faire attraper…
mais face à son panel d’émotion,
face au vagu souvenir du visage de jayson,
eliott se retrouve bien démuni.

peut-être a-t-il peur de ce qu’il pourrait lire dans le creux de ses yeux ?

mais il est là, le chat, bien droit comme un piquet, comme un intru sur le trottoir à fixer une devanture trop colorée.
et puis il n’est plus seul.
et lui. lui, eliott, gamin trop fier, gamin sans crainte.
il a terriblement peur.

alors il tire un sourire crispé.
parce qu’il ne sait pas quoi faire.

eliott ne maîtrise rien. c’est peut-être la première fois de sa vie que ça lui fait ça. calculateur, manipulateur, le regard brillant, il a toujours eu l'air de bouffer le monde, de tout maîtriser. parfois, c’était tout comme. même devant les pires actions de celian, même devant aux pires idées d’alysse, même au tribunal face à tous ses péchés.

pourtant aujourd’hui ce n’est pas le cas. quand le temps s’arrête, que jayson est enfin devant lui. il a vieilli. il a maigrit aussi. ça lui fait bizarre de voir ce visage qu’il avait presque oublié, ce visage vieux de huit ans, la même gueule et les rides en plus. au moins, il fait nuit et sombre  comme à chaque fois. il y a des choses qui ne changent pas.

...ouais, j’suis pas mort.

le temps s’est arrêté devant les pupilles écarquillées de l’homme. eliott ne sait pas quoi dire, il ne sait pas quoi faire. est-ce qu’il doit lui sourire ou rire ? se confondre en excuses d’avoir disparu toutes ces années ? lui dire que tout va bien et le prendre dans ses bras ?
sûrement. sans doute. mais à la place, il tire un rire nerveux et grommelle une blague qui ne fera rire personne.
parce qu’eliott il sait que jayson a du en avoir peur.
comme alysse et celian il y a un an.
ou comme maman.

de toutes les retrouvailles qu’il avait imaginé, eliott n’avait pas prévu ça.
il aurait pu, pourtant. quand l’émotion est trop vive et que l’âme prend le pas sur l’humain.
il ferme les yeux, le corps tendu et les poils qui se hérissent. il voudrait feuler par réflexe, prendre forme féline et s’enfuir. il a l’instinct qui hurle dans son estomac à la vue du chien.
mais jayson l’a attendu huit ans.
2898 jours.
alors il se fait violence pour rester. il peut bien faire cet effort.

eliott a du mal avec les chiens et tout ce qui est canin, c’est dans ses instincts de félins. mais après de longues minutes trop longues, il finit par s’accroupir alors que le bullmastif est toujours à remuer et à couiner à ses pieds. il saisit sa grosse tête entre ses mains. il se dit que ce n’est pas si beau, un chien. mais comme c’est jayson, ça va.

c’est bon. c’est moi. je suis là.

c’est peut-être ce qu’il aurait dû commencer par dire. il a le regard qui se plisse et qui laisse entrevoir un peu de douceur, mais c’est fugace. ça lui arracherait trop la gorge de s’oublier un peu et de penser à lui. eliott, il n’est pas fort pour les paroles rassurantes et la douceur qu’on offre à un proche.
et puis, pourquoi ça serait à lui de le faire ?

au fond, c'est dans doute son rôle. s'excuser, s'expliquer, demander pardon et le rassurer. mais eliott n'est pas prêt. alors  il lui tapote la tête et se relève bien vite. ça suffit. il tourne la tête pour détourner le regard, enfouit ses mains dans les poches de son manteau comme s’il n’avait rien fait.
comme s’il ne s’était rien passé.
il ne dit plus rien, se contente de faire la gueule.
mais son regard impatient suffit à faire comprendre à l’autre qu’il est temps de se transformer et de l’inviter à boire un café.
le 30 septembre 2098
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Jayson Wymer
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Ven 7 Avr - 9:02
Il n’est pas mort.

Eliott, se doute t il des nuits passées à le chercher ? Dans la fosse ou à côté. Il cherchait son odeur, sa silhouette, le son de sa voix, et chaque soir, tout ce qu’il voyait, c’était que la fosse ne se vidait jamais. Qu’il y avait toujours des jeunes qui venaient se briser sur les dents acérées des plus puissants, de celleux qui avaient la force ou l’argent.

Et Jayson se demandait, où est le chat sauvage, le gamin aux genoux écorchés, celui qui disait que les autres étaient stupides et que lui s’en sortirait, qu’il aurait le monde à ses pieds. Ces lèvres retroussées, les griffes sorties, toujours le cœur, au bord de l’implosion.

Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Eliott, s’est-il envolé jusqu’au ciel ? S’est-il approché des étoiles ? S’est-il brûlé ? Bouffé par ses propres flammes. Par ce feu qui embrasait son regard, sa voix, lorsqu’il s’agaçait. Parfois, il faut étouffer le feu pour l’éteindre, parfois, l’air suffit, à ce que les braises s’essoufflent, que le brasier retombe.

Qu’est-ce qu’il aurait dû faire, Jayson ?

Ca, il se le demandait sans cesse.

Il sait déjà, que se jeter sur lui sous sa forme de chien, ce n’est probablement pas une bonne idée. Qu’il va peut-être s’enfuir, lui balancer un coup de griffe dans le museau, mais il n’a pas réfléchi, son corps a agi.

Jayson va pour se reculer, quand Eliott s’accroupit. Ses mains si fines, capturent sa grosse tête et docilement, Jayson referme les mâchoires, il ne veut pas baver sur ses doigts. Le gros chien s’assoit sur son séant, mais remue toujours la queue, les gémissements de joie ébranlent son poitrail. Ses yeux marrons, levés vers son visage, sa truffe inspire, à plein poumons, son odeur. Eliott est là. Eliott est là.

Le bout de sa langue pointe entre ses babines, Eliott perçoit probablement tout l’effort de l’humain sous la peau canine, pour ne pas lui lécher les joues, les doigts, pour que son parfum vienne même, imprégner ses papilles. Le vieux canidé s’appuie d’une patte avant puis l’autre, le tapotement sur son crâne, le fait sourire.

Le chien se redresse sur ses pattes et s’éloigne de quelques pas. Il attrape son jean entre ses mâchoires, secoue un peu la tête, pour qu’une clef tombe. D’un mouvement de tête, il la pousse vers Eliott puis va vers la porte pour qu’il l’ouvre. Pudique, Jayson n’ose pas reprendre sa forme humaine, il n’est pas à l’aise, avec les blessures et les cicatrices.

Le porte-clef est un médaillon plastifié. Et une photo attire peut-être le regard d’Eliott.
Jayson a les doigts levés, dans un geste de victoire. Collé à lui, un jeune homme aux courts cheveux gris. Ses cheveux épinglés, de barrettes colorées. Les paupières peintes, de teintes vives, d’orange et de violent, des boucles d’oreilles faites de pinces à nourrices, le garçon tire la langue dans un geste malicieux. Ashe, a bientôt 20 ans maintenant, la photo date de quelques années.

Car on reconnaît bien là, le fils de Jayson, il a le même nez, les yeux sombres, quelque chose, dans le sourire.

Quand Eliott ouvre la porte du café, Jayson s’élance dans les cuisines, son pantalon dans la gueule. Là, il reprend forme humaine, se rhabille et sort de la pièce.

_ Attention les yeux !

Et il allume la lumière.

Le salon de thé est grand, assez pour accueillir une vingtaine de personnes. Les chaises hétéroclites, rappellent l’amour d’Ashe pour les couleurs, et surtout, permettent à toustes de trouver une place à leur goût. Près des fenêtres, pour profiter du soleil, sous la lampe à chaleur, à l’abri des alcôves, dans l’ombre des plantes suspendues, se réunir, en groupe, sur une large table.

Les murs sont peints, de beige et de marron, représentent une scène fantastique et merveilleuse, d’un chevalier errant s’éloignant d’un château, se dirigeant vers les montagnes et plus loin encore, la mer.

Directement sur la gauche à l’entrée, se trouve le comptoir, propre, rangé, il n’y a plus de pâtisseries mais Jayson a déjà dans sa main une assiette avec quelques biscuits, une tarte aux pommes, une au chocolat, il dépose le tout sur le plan de travail et s’arrête un instant pour détailler Eliott, à la lumière.

_ Tu es très élégant dans cette tenue, ça te va bien.

Jayson a un sourire chaleureux. Grandi, vieilli, ses traits sont restés durs, ses yeux, se sont creusés. Eliott semble nerveux, il le sent, dans l’air, dans ces mains enfoncées, dans ses poches. A moins qu’il n’ait encore maigri ?

_ Qu’est-ce que je te sers ? Du café, du thé ? J’ai même du chocolat si tu veux.

Jayson se glisse finalement à l’arrière du comptoir. D’un geste habitué, il allume les différentes machines, un doux vrombissement accompagne ses mouvements. Comme un ronronnement. Jayson s’est débarrassé de sa veste, son haut, dessine ses bras solides mais ne dévoile que ses mains burinées.

Eliott a changé. Il y a quelque chose. Quelque chose qui n’est pas comme d’habitude.
Ce n’est pas seulement son instinct de chien qui s’alerte, c’est aussi, qu’il le connaît, malgré les années qui défilent. Car il garde, inscrit dans son être, les coups de griffes, les regards noirs, il garde le souvenir, de son rictus, méprisant, diraient certain.es. Jayson lui, y voyait l’assurance d’un garçon qui pensait n’avoir rien à perdre – jusqu’au jour, où on lui a pris, le peu qu’il avait.

Il y a quelque chose, dans ses yeux baissés, dans cette expression figée, dans le fait qu’il ne semble pas savoir, où se poser, que dire ou faire, un malaise, qu’il n’a pas l’habitude de percevoir. Car Eliott, lorsqu’ils se rencontraient, lui faisait toujours savoir qu’il était sur son territoire.

Icare s’est peut-être brûlé.

Jayson lui apporte finalement un café (ou toute chose qu'il lui a demandé), lui s’est fait un thé. Ses bras se croisent sur le comptoir et dans un soupir serein, il lève les yeux vers le gamin. Il n’est pas sûr, que ses yeux ne soient pas humides, mais pourtant, il sourit.

_ Je suis heureux de te voir.

Ces quelques mots, ça fait tant de bien de les prononcer.

Le froid des nuits passées dehors à le chercher, les angoisses sourdes qui vrillaient ses entrailles, les questions sans réponse. Ce silence, l’absence, ça lui a fait du mal. Mais ça s’efface. Il ne reste que la joie, et le soulagement. De le savoir là, vivant.

Parce qu’il se dit qu’au fond, l’important, ce n’est pas sa colère, ce n’est pas sa peine. L’important, c’est qu’aujourd’hui, Jayson n’a pas eu à le chercher. Pour la première fois depuis 10 ans, depuis plus longtemps, depuis qu’ils se connaissent, Eliott est venu le trouver. C’est lui qui s’est présenté à la porte du café, à la porte de son cœur, toc toc, je peux entrer ?

Et la porte s’ouvre. Car Jayson, en réalité, lui a toujours laissé une clef.

La colère masquait la tristesse, de ne pas savoir où  il était, ce qu’il faisait, comment il allait. De ne pas savoir, s’il avait besoin d’aide, s’il s’en sortait.

Il ne le jettera pas dehors, il ne veut pas le punir de choses, dont il n’est pas responsable. Car Eliott a fait ce qu’il pouvait, avec les armes qu’il avait, il a toujours fait de son mieux, pour se protéger. Jayson est persuadé, quand il le voit si hésitant, que bien d’autres choses se sont chargées de le réprimander, que ses erreurs, il a été le premier à se les prendre dans les dents.

Alors Jayson, il met de côté, les griffures, les insultes, les grognements, les doigts d’honneur, les nuits passées dehors, et les longs silences. Ce qui compte, ce n’est pas son petit ego, c’est ce lien qui les unit. C’est saisir la main qu’Eliott lui tend.

C’est lui dire qu’il est le bienvenue dans sa vie. Qu’il en a toujours fait partie. Le temps et les maladresses ne suffisent pas à briser cette affection viscérale qu’il ressent, presque, l’amour d’un parent.

Aujourd’hui, peut-être qu’il récolte ce qu’il a semé. Que quelque part, ses efforts ont payé, qu’il n’a pas tant merdé, car même si Eliott s’est brûlé, aujourd’hui, il est dans son salon de thé.

_ Tu as quelque part où dormir ce soir ?

C’est sa première question. Bien qu’il se doute qu’Eliott répondra « oui ». Enfin non, ce qu’il aurait fait, adolescent, c’est l’envoyer valser, « qu’est-ce que t’en as à foutre le vioc ? » ou un truc du genre. Il en a à foutre, beaucoup trop peut-être, mais c’est comme ça qu’il est.

Il pousse l’assiette vers lui et prend un biscuit. Les sablés, ont tous la forme d’un chat effarouché : le dos rond, les yeux en bille de sucre, parfois, des traits chocolatés, zèbrent leur dos de rayures. Et peut-être qu’Eliott, se reconnaît un peu, après tout, c’est lui qui l’a inspiré.

Et tous les jours, il y a un chat, quelque part, derrière la vitrine du comptoir.
Et tous les jours, il y a Eliott, quelque part.  

_ Comment est-ce que tu vas ?

L’important, c’est aujourd’hui, le passé, ils auront tout le loisir d’en parler. Jayson ne sait pas, s’il peut se permettre de suite, d’aborder toutes les épreuves qu’Eliott a traversées ; il le laissera aborder le sujet, s’il s’en sent le désir, s’il s’en sent l’envie ou la responsabilité.
En ce moment, son devoir à lui, c’est montrer qu’il est toujours présent.

Que les années, les bourrasques du vent, la rage de l’océan, la violence des mots ou du silence, que tout ce qui a voulu les séparer, rien n’a réussi à convaincre Jayson de l’abandonner.

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Sam 8 Avr - 13:35


Lentement, la vie prend son sens
petit chat se force face au gros chien à ne surtout, surtout pas perdre la face. eliott, il n’en a pas le droit. il lui doit bien ça. huit ans de manque, huit ans sans nouvelle, huit ans à le croire mort, peut-être. alors eliott il peut tenir, il doit tenir. et tant pis si ses poils félins se hérissent et si sa langue menace de claquer en un feulement repoussant.

le bullmastiff finit par cesser de japper pour aller récupérer son pantalon jonché au sol et désigner d’un coup de museau à la fois la clef et à la fois la porte du salon de thé. pas besoin de plus de temps pour qu’eliott comprenne ce que le chien attend de lui. alors en maugréant gentiment, il récupère la clef pour aller ouvrir la porte d’entrée que jayson venait de fermer.
le sourire s’est adouci en faisant jongler le porte clef entre ses doigts fin. parce qu’accroché au bout d’une petite chaîne d’acier, eliott il a cru apercevoir une photo. jayson et un gamin, son fils sûrement, et les deux ont l’air heureux.

jayson a tenu ses promesses, lui.

le chien file dans les cuisines dès que la porte s'entrouvre pour reprendre forme humaine. et les voilà enfin, les deux hommes dans le salon, lumière allumée. eliott est un peu gêné, un peu timide. il ne sait pas vraiment quoi dire. le regard se pose sur tous les détails de l’établissement. les couleurs sont claires, inspirent la forêt et les contes de fée. c’est coloré, les meubles hétéroclites donnent un air de refuge au salon de thé. comme s’il s’était construit petit à petit, dans le temps, en récupérant de ça et là quelques chaises, des tables, des meubles et des cadres.

c’est… c’est joli, ici.

ce n’est pas le style d’eliott mais il doit bien reconnaître que le ton chaleureux et accueillant du salon fait effet. jayson est passé derrière le comptoir et doucement, eliott s’en approche. il n’ose pas vraiment prendre de la place, est-ce qu’il en a encore le droit, huit ans après ? est-ce qu’il a encore le droit de pouvoir exister aux côtés de jayson ? il n’en sait rien. perdu dans ses pensées, son coeur vagabonde et les pensées se morfondent.
ah, eliott, ce qu’il s’en veut.

ah. euh. merci.

il a redressé la tête d’un air vif sous les jougs du compliment. le visage rougit un peu et il vient frotter sa barbe de trois jours d’un air un peu gêné. en huit ans, il ne sait toujours pas recevoir un compliment.

un café. s’il te plaît.

mots écorchés, phrases courtes. c’est plus facile pour le moment. eliott s’installe machinalement sur le comptoir, sans jamais trop savoir comment placer son corps, ses mains ou ses bras. finalement, quand la petite tasse arrive, ils les posent autour comme pour se réchauffer.
il cligne des yeux et baisse la tête dans un sourire quand jayson lui dit qu’il est heureux. il ne répond pas, troublé. est-ce que c’est si simple que ça de réapparaître après huit ans ?

merci pour le café. et oui. j’ai un appartement à lunapolis, dans… le quartier brise-cœur. qu’il avoue à demi-mot, lui qui avait promis d’en partir. il est proche de celui de ma mère, il fait l’affaire. ça fait bientôt un an que j’y vis. il l’a trouvé en novembre dernier, après la prison. ah, ça aussi, il faudra qu’il en parle. mon voisin de pallier.. c’est daiam. c’est lui qui m’a prévenu pour… ton salon de thé.

nuit chaotique, quatre heures du matin, la batterie dans les tympans et la photo sur le mur dans l’entrée.

je vais bien, merci. et toi ?

il porte la tasse à ses lèvres. le garçon effarouché à bien grandi. maintenant, eliott, sous la chemise blanche offerte par harmonie, a les gestes doux d’un prince. il a le dos droit, l’allure digne, le regard réfléchi et l’expression neutre.
la plaie à vif qu’il portait dans son cœur quand il était plus jeune s’est doucement refermée avec les années, grâce à une panacée qui porte le nom d’alysse et de celian.

il est perdu dans ses pensées, eliott. il ignore les sablés de forme féline qu’il ne remarque même pas. les yeux sont perdus dans le vide, ou peut-être dans son reflet qu’il devine dans le brun troublé de son café.
et puis et puis.

jayson…

il hésite, et finalement. il redresse la tête pour poser son regard cendré dans celui du canidé.

je suis désolé.

je suis désolé d’avoir disparu autant de temps.
je suis désolé de ne pas avoir tenu ma promesse.
je suis désolé de t’avoir repoussé mille fois.
je suis désolé de t’avoir causé du souci et de t’avoir inquiété.
le 30 septembre 2098
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Mar 25 Avr - 11:50
Eliott a changé.

Sa posture est droite, son visage, figé, ses gestes sont mesurés. Sa voix est d’une intonation douce, presque murmurée. Ses yeux se baissent, comme ses épaules parfois, il ne semble pas savoir quoi faire, de son corps ou de ses mains. Lui qui se voulait roi du monde, ne semble plus savoir où est sa place. Et ce qui l’étonne le plus, c’est d’entendre un compliment de sa part.

Pas d’insultes, pas de mépris, pas de remarques cyniques ou sarcastiques, il dit simplement que c’est joli ici.

Et ça lui fait du bien d’entendre ça.

Peut-être qu’Eliott pourrait apprécier de lui rendre visite, de venir parfois boire un café. Qu’il pourrait se sentir bien ici, assez pour revenir !

Un sourire fier éclaire ses lèvres et Jayson, par habitude, frotte un peu son gros nez du dos de ses doigts. Il ne veut pas se vanter mais il ne peut pas vraiment dissimuler que le compliment l’a touché.

_ Content que ça te plaise. Tu peux revenir quand tu veux. Tu seras toujours le bienvenue.

Il lui tourne le dos, le temps de préparer le café. Eliott n’a pas à endurer ses reproches ou ses inquiétudes. Il sait, que ce n’est pas à lui de toute façon de le rassurer, que le problème, c’est probablement lui. Que le vieux chien n’aurait pas dû s’attacher, combien de fois le chat le lui a craché, le rejetant d’un coup de pattes ou d’un sale regard ?

Mais ça reste plus fort que lui. Quand il le sent dans son dos, appuyé sur le comptoir, quand il le voit en vie, Jayson a envie de pleurer, de l’enlacer, il essaye de retenir tout ça, il ne veut pas l’effrayer ou le déranger. Jayson sait qu’il est trop émotif, et il se dit que c’est probablement ça qui fait qu’Eliott l’a fui pendant des années, qu’il s’est tenu à l’écart. Peut-être était-il étouffant, trop protecteur, peut-être s’est-il imposé ? Toutes ces questions et la culpabilité reviennent. Il les sent peser sur ses épaules, mais c’est un morceau bien trop gros à cracher. C’est bloqué dans sa gorge, et sa raison le muselle, ce n’est pas le moment, ne lui refile pas une fois encore, ces angoisses que tu dois gérer.

Eliott accepte le compliment, sans soupirer ou râler, ça le fait sourire lorsqu’il prépare le café. L’odeur est douce, fruitée, il y a comme un arrière-goût de noisette. Jayson s’est appliqué. Faisant face au jeune homme, il dépose la tasse, la glisse vers lui et le laisse la saisir.

_ Oh, c’est une bonne chose, d’avoir son lieu à soi. Content que tu t’y plaises. Comment va ta mère ? Si elle ou toi avez besoin d’un coup de main pour réparer des bricoles ou autre chose, n’hésitez pas. Entre le salon de thé et l’appartement de Daiam, j’ai appris sur le tas à être plombier et électricien, ricane l’homme en agitant le contenu de sa tasse, C’est quand même dingue, comme le monde est petit sur cette île.

Et pourtant, il a mis tant d’années à le retrouver. Il a parcouru tant de fois les quartiers de Brise-Coeur, sans réussir à ne serait-ce que le dénicher.

_ Ca va, répond Jayson après un temps de réflexion, Ca fait plusieurs années que j’ai ouvert mon salon de thé. Et je pensais rouvrir la galerie d’art de mes parents. Ashe a 20 ans maintenant.

L’âge d’Eliott, quand ils se sont vus pour la dernière fois.

_ Il est en plein dans ses études, il veut travailler comme maquilleur accessoiriste ou quelque chose du genre. Je lui sers un peu de cobaye, avoue Jayson dans un sourire, Quant à Agnès…

Jayson marque un silence, il se tient instinctivement au plan de travail, appuie son dos, parler d’elle, ça ne le laisse jamais indifférent.

_ … Elle a fait appel il y a quelques temps. Elle est en prison, pour de nombreuses histoires, pas seulement la mienne. Cette année, il va y avoir un second procès, mais je ne pense pas que l’issue sera différente. On s’est divorcés y’a un moment maintenant, et j’ai pu récupérer tout ce qui était à mon nom. Même si le plus important, c’est d’avoir Ashe à mes côtés. Tu l’as loupé de peu ! Ou peut-être que tu l’as croisé avant de venir. Il a les cheveux gris, plein de barrettes de toutes les couleurs, des boucles d’oreille, des piercings, là, il avait une chemise à fleurs.

Ashe a ses yeux, Ashe a son nez. Ashe est bien différent de lui ou sa mère. Indolent et tranquille, l’assurance peut le rendre d’une impertinence malicieuse, sale gosse, diraient certains, mais Jayson y voit toute la force de son caractère. De ces barrières qu’il a dressées pour se protéger de sa propre mère. Pour s’assumer tel qu’il est, prenant plaisir, à défier les bien pensants et l’autorité injustifiée, prenant plaisir à explorer les codes, les styles, les genres. Ashe explore, le monde et ses propres limites.

Entendre son prénom lui fait redresser la tête et docilement, ses yeux noirs s’unissent à ceux d’Eliott, il se redresse, alerte, par réflexe.

Jusqu’à entendre ces mots.

Je suis désolé.

Désolé.

Ces mots.

Peuvent être si difficiles à prononcer.

De toute sa vie, Jayson s’est entendu tant de fois les dire, sans jamais s’attendre à ce qu’on les lui rende. Tu l’as mérité, crachait souvent Agnès, Micheletto lui aboyait, qu’il l’avait cherché, qu’il n’avait qu’à se remuer, qu’il n’avait qu’à, qu’il n’avait pas, qu’il ne fallait pas. Car tout est toujours de sa faute, car il est toujours le seul responsable, car ça ne peut pas être les autres.

Jayson sent son coeur rater plusieurs battements. L’air lui manque et déstabilisé, il détourne vivement les yeux. Il secoue légèrement la tête, de droite à gauche, ça le laisse sans voix quelques minutes. Il baisse les yeux vers sa propre tasse et ses mâchoires se serrent, il ferme les paupières et se les essuie du dos de la main, dans un geste qu’il veut discret. Prétextant une poussière, une larme qu’il écrase en réalité, du bout de l’index.

Puis l’homme se redresse. Il pose la tasse, fait deux pas en avant et s’appuie sur le comptoir, auprès duquel se trouve Eliott. Il unit ses yeux noirs aux siens.

_ J’accepte tes excuses. Mais je veux te parler de quelque chose d’important.

Ses mains s’unissent l’une à l’autre, alors que l’homme cherche ses mots.

_ Je n’ai jamais été en colère contre toi. Et je ne t’en veux pas. J’accepte tes excuses, parce que je sais que c’est très dur de les dire. Parce que je sais que ce geste compte, et qu’il compte vraiment beaucoup pour moi, comme… Comme tu as compté, tu comptes et continueras à compter pour moi. Je suis heureux que tu sois là aujourd’hui. Je crois que c’est le plus beau cadeau que tu pouvais me faire. Revenir.

Jayson détourne les paupières et fixe ses mains, ses cicatrices.

_ J’ai conscience. Que tu as fait et que tu fais de ton mieux pour t’en sortir. Que tu t’es toujours battu, pour garder la tête haute, pour ne dépendre de personne, alors que le monde ne t’a pas vraiment aidé. Tu as toujours eu une force énorme en toi, et comme si ça ne suffisait pas, tu as toujours eu l’ambition d’aller plus loin, d’avoir plus, d’être bien. Tu as fait avec les moyens et les outils que tu avais en main. Je ne t’en veux pas et je ne t’en ai jamais voulu, parce que je sais que tu ne voulais pas me faire du mal, tu n’as agi que pour te défendre ou te protéger. Tu as fait de ton mieux pour t’en sortir, à ta place, avec ce que tu as vécu, j’aurais peut-être fait pareil voire pire.

Jayson lève les yeux pour les planter dans ceux d’Eliott.

_ Tu sais. Tu as fait beaucoup. Pour moi. Tu m’as aidé à regarder l’avenir, un jour où j’avais les yeux fixés vers le passé. Tu m’as fait comprendre mes erreurs, que ce n’est pas à un gosse de porter le monde sur ses épaules, et encore moins les soucis d’un adulte. Je suis fier de voir qu’aujourd’hui, tu es là, je suis heureux, de t’avoir connu aussi avant, parce que même s’il y a eu des griffures, des insultes, même si des fois, tu m’as craché au visage, je savais… Je sais qu’il y a toujours en toi une lumière qui ne demandait qu’à briller. Je l’ai vue, cette fois où tu m’as attendu alors que je t’avais laissé tout mon argent, cette fois où tu as ouvert tes cadeaux, cette dernière fois où tu t’es retourné pour me regarder. Y’a eu tous ces bons moments.  Tu as longtemps eu le coeur à vif, je sais que moi, je suis un peu étouffant, un peu… maladroit, que j’ai sûrement été trop brusque ou que je n’ai peut-être pas bien fait les choses, je ne m’y suis pas bien pris. Et je m’excuse pour ça. J’aurais voulu mieux faire les choses, moi aussi.

Jayson laisse planer un silence.

_  Mais aujourd’hui, on est là tous les deux. Merci, pour tout ce que tu as fait. Et d’avoir pardonné mes propres erreurs. Heureusement qu’on a toute la vie pour apprendre !

Jayson lui sourit.

_ Et ça, c’est le plus important. D’accord ? Ne te sens pas coupable, ne te prends plus la tête avec ça. Les erreurs sont passées, elles nous permettent tous deux d’avancer. Et je suis content qu’on puisse de nouveau marcher ensemble. Comme je suis content que tu aies ton appartement. Que tu prennes soin de toi, un peu. Alors, dans quoi est-ce que tu bosses maintenant ? Tu as trouvé quelque chose qui te plaît ?

Les émotions ne sont pas si lointaines. Il sent son gros coeur dans sa cage thoracique, l’envie d’assurer à Eliott que tout va bien, le libérer un peu, de ce qui pèse sur ses épaules.

Car l’amour d’un père, c’est comprendre et pardonner, c’est aider et soutenir, c’est encourager, combien même l’oisillon tombe du nid, c’est l’aider, à ouvrir ses ailes et s’envoler.

Car l’amour d’un parent, ce n’est pas une chaîne, ce n’est pas une cage, c’est une branche, sur laquelle on peut se poser avant de s’élever.







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Ven 28 Avr - 14:29


Lentement, la vie prend son sens
il hoche la tête du regard. en étant objectif cinq minutes, eliott n’avait pas besoin que jayson lui dise pour savoir qu’il serait le bienvenue. jayson est jayson, le cœur sur la main, la bienveillance en fleur. en dix ans, ça n’a pas changé, eliott le sent, eliott le sait. mais l’entendre de vive voix, en avoir l'extrême certitude, cela reste rassurant.

elle va bien. il hausse les épaules. il ne s’est jamais vraiment épanché sur le sujet. n’a jamais vraiment parlé de ses parents à quiconque, même pas à alysse ou celian. la santé reste fragile mais niveau financier ça va même si elle ne travaille plus. pour le moment mes revenus et les aides suffisent alors c’est ce qui compte.

éliane est née à brise-coeur dans les années cinquante et n’en est probablement jamais sortie. famille pauvre, nombreuse, des liens troubles avec la mafia si bien que pour vivre et survivre, eliane n’avait pas d’autre choix que vendre son corps. eliott est arrivé contre son gré, accident de travail, à vingt-trois ans. joindre les deux bouts n’a jamais été aussi dur qu’avec un enfant à charge, mais elle s’en sortait. elle s’en sortait parce qu’elle l’aimait. jusqu’au moment où elle n’était plus à la hauteur: trop âgée, trop fatiguée, plus assez désirable. alors elle a arrêté, non sans contracter deux trois maladies laisser par ces hommes qui prennent pour assouvir un manque. elle a travaillé dans des petits boulots miteux, femme de ménage essentiellement, histoire d’avoir de quoi se nourrir et se loger, elle et son gamin. âme chassée de ces métiers qu’on appelle dignes, contrainte de s’en sortir comme elle pouvait avec le peu d’aide qu’on pouvait lui fournir. et puis la maladie et la fatigue se sont propagés comme du poison et eliott s’est promis de gagner assez d’argent pour qu’elle n’est plus jamais à courber le dos.
parce qu’il s’en veut.
persuadé que sa naissance lui à gâcher la vie.

alors il lui verse depuis qu’il a l’âge de pouvoir le faire, dix-neuf ou vingt ans peut-être, un peu d’argent tous les mois. à ses vingt-ans ans, quand il était croupier et que les arnaques marchaient bien, c’était le point culminant. et puis il y a eu la taule et tout s’est effondré. eliott, entre ses barreaux, il ne pouvait s’empêcher d’y penser.

je vois. je suis content si tu as pu récupérer la garde de ton fils. eliott sourit. c’est presque imperceptible, c’est un peu timide, mais il sourit. je ne crois pas l’avoir croisé, mais tant mieux s’il va bien. j’espère qu’il arrivera à faire ce qu’il souhaite, dans ce cas.

banalité échangé sans trop de conviction car même s’il le pense, eliott ne sait jamais comment dire ces choses là, ces mots d’espoirs, ces mots bienveillants. il n’a pas l’habitude. alors pour agnès il ne dit rien mais si jayson est attentif, il captera dans l’attitude d’eliott qu’il est sincèrement rassuré que toute cette histoire se soit bien fini pour lui.

et puis jayson accueille, ou encaisse, eliott ne saurait le dire, ses excuses.
le chat se tait car il sait qu’il ne peut rien faire de plus pour l’instant. c’est à jayson de choisir ce qu’il accepte ou non, à jayson de faire le pas en avant. mais eliott, il a le ventre qui se tord d’appréhension en attendant sa sentence.

et puis.
jayson se lève et sa main s’abat sur la sienne.
et le soulagement gagne le cœur du chat.
qui décide d’ignorer les larmes qu’il a vu couler.
c’est plus facile comme ça.

...merci... parvient-il a murmurer. il n’est pas doué avec les sentiments, il ne préfère pas s’épancher. il est juste terriblement rassuré. parce qu’il était terrifié de devoir faire face à ses erreurs du passé. ...je.

ah, les mots suivants, il ne s’y attendait pas. ça lui donne un sentiment étrange dans le creux de sa poitrine qu’il ne sait pas gérer. alors il reste statique, un peu interdit, avant de pousser un long soupir et de fermer les yeux, comme lorsqu’il s'endort dans les bras de fidji, comme pour profiter d’un rare instant de répit.  s’il était capable de pleurer, eliott l’aurait sans doute fait aussi.

il laisse les mots du bullmastiff se graver dans son esprit, il a la politesse de ne pas l’interrompre et de respecter cela. mais il y a tout de même quelque chose, sur la toute fin, qui le dérange.

jayson. il l'interpelle un peu brusquement comme pour capter son attention. tu penses que c’est de ta faute si je suis partie du jour au lendemain ? si j’ai disparu ? absolument pas. je suis partie parce que j’en avais besoin, je suis partie parce que je le voulais. tu n’es pas le seul que j’ai abandonné, que ce soit à lunapolis ou à ithloreas. j’ai toujours fini par partir sans prévenir, mais ça n’a jamais été à cause de vous. il aurait fallu pour cela être capable de s’attacher correctement. tu n’as aucune excuse à faire sur ton comportement. ça n’a jamais été à cause de toi, étouffant ou maladroit… c’est des conneries tout ça. j’ai rien à te pardonner et je ne te pardonne rien. je te suis plutôt reconnaissant de m’avoir aider alors que je n’étais qu’un sale petit con hypersensible. je ne méritais pas ta bienveillance et je ne la mérite toujours pas. si je me suis barré, c’était seulement pour moi et de moi-même. vous n’avez pas à vous sentir responsables de décisions qui ne vous appartiennent pas. ça n’a jamais été question de vous.

les derniers mots sont un peu plus sec car eliott a beau avoir changé, il reste le même. il déteste qu’on lui vole ses choix, ses ressentis, son malheur et sa culpabilité. tout cela lui appartient.

...et arrête de te torturer pour ça.

ça lui échappe mais eliott, il ne supporte pas qu’on décide à sa place de ses propres émotions. qu’on lui vole la vedette alors que si eliott est parti, s’il s’est barré comme un malpropre, c’était purement pour lui. c’était ses choix, son libre arbitre, sa décision. les autres, ses amis, sa famille, ses exs, ses connaissances et ses ennemis… il ne les as absolument jamais pris en compte dans ces équations.
sinon, il ne serait jamais parti.

nouveau soupir.
que c’est difficile d’affronter ses erreurs et ce que l’on ressent.

je travaille dans un bar. à lunapolis. ça ne me plaît pas vraiment mais il faut bien que je bosse. j’ai eu de la chance qu’on accepte de m’employer après… après ce qu’il s’est passé.

il achève son café.
voilà une nouvelle chose bien difficile à raconter.
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Jeu 25 Mai - 10:40
C’est bien l’une des premières fois qu’Eliott parle de sa mère.

Jayson sentait qu’il n’était pas orphelin, il y avait quelque chose dans cette combativité, quelque chose qui témoignait que quelqu’un l’aimait, assez pour qu’Eliott n’ait pas envie de se laisser mourir. Jayson en a tellement croisé des gosses que leurs parents avaient rejeté, n’avaient pas aimé, des gosses qui n’avaient pas eu de parents, beaucoup d’entre elleux ne souhaitaient que disparaître, qu’exterminer ce corps qu’iels détestaient, qu’aucune personne n’avait su aimer ou s’occuper correctement.

Eliott était différent.

A demi mots, il avoue qu’il aide sa mère, qu’elle est sûrement dans une situation précaire, mais il laisse comprendre qu’elle n’a pas besoin de plus. Eliott n’a pas tellement changé : se satisfaire de ce que l’on a et si l’on ne peut pas, se battre pour avoir plus, sans demander aux autres, sans dépendre des autres, l’individualisme ancré dans la peau. Le genre de pensées qu’on a, quand l’on ne peut compter sur personne – ou que l’on ne s’en donne pas le droit. Par peur ? Par fierté ? D’autres raisons peut-être.

Mais Eliott accepte finalement quelques mains qui se tendent : il ne la saisit pas, mais l’effleure du bout des doigts et Jayson laisse sa main ouverte. Il la prendra quand il le voudra. Et peut-être, Eliott est seulement satisfait de savoir qu’il y a une main là. Qu’il y a quelque chose, qu’il reste quelque chose, malgré les difficultés et les années traversées.

Lorsque l’on demande à Jayson d’où vient cette loyauté, cette servitude, Jayson répond que c’est probablement l’instinct canin, celui qui pousse à attendre et rester. Bien qu’avec le temps, il apprend à ne plus se sacrifier. Avec Agnès, il s’est tant de fois, trop de fois oublié. Jusqu’à être convaincu qu’il n’avait plus tellement le droit d’exister. Il pensait qu’il finirait par abdiquer.

Elle l’avait détruit. Et c’était lorsqu’il s’était enfui de chez eux, c’était lorsqu’il endurait la souffrance à l’hôpital, que Jayson s’était dit, ça suffit. Ca suffit.

Il a fallu des années pour qu’il parvienne à changer sa façon d’agir et de pensée. Pour cesser de toujours prendre sur lui, assumer les fautes, pour se dire qu’il avait le droit de vivre, d’exister, le droit de commettre des erreurs et le droit de les réparer. Et la remarque plus brute, plus vive d’Eliott, est comme une tape sur l’épaule, un rappel à l’ordre. Il sent instinctivement quelque chose lui serrer le cœur, il veut baisser la tête et s’excuser, mais Jayson se contente d’un sourire.

Les mains serrées sur la tasse qu’il a récupérée, qu’il garde contre son ventre, Jayson se dit que lui et Eliott n’ont pas tant changé, qu’il reste toujours des choses à améliorer – car Eliott vient de pointer un mauvais pli, une sale habitude, la conviction d’être toujours responsable de tout ce qu’il peut arriver.

Une erreur de logique, due à des années de reproche et de culpabilité. Mais il n’y a pas que cela. Amusé, Jayson remonte une main dans ses courts cheveux bruns méchés de gris, les plaque en arrière tout en s’étirant la nuque, et laisse finalement son bras retomber.  

_ Tu as raison.

Ses yeux se dirigent vers la fenêtre du salon de thé.

_ … C’est vrai que se sentir responsable, c’est une manière de se dire qu’on aurait pu faire quelque chose. C’est rassurant, d’un côté. Mais c’est une connerie. Tu es, tu seras toujours un esprit libre. Maître de tes décisions et de tes actions. C’est important de défendre cette liberté. Assumer ses actes et ses erreurs, c’est pas donné à tout le monde. Beaucoup n’y arrivent pas et préfèrent les reporter sur les autres. Et moi, j’ai la sale manie de porter le poids de décisions qui ne sont pas les miennes.

Jayson sourit, amusé.

_ C’est dingue. Qu’à chaque fois qu’on se voit, tu arrives à me faire prendre conscience de choses. Ah, au moins c’est qu’à mon âge, on peut encore apprendre et s’améliorer ! Ca fait plaisir de voir que j’ai encore du chemin à faire et que je sais où me diriger. Merci, Eliott.

Jayson récupère sa vapoteuse, la garde par instant contre ses lèvres. S’il fumait autrefois, il se contente du geste, ça l’aide à se poser. A réfléchir.

_ Tu n’as jamais été un petit con à mes yeux en tous cas.

Jayson hausse les épaules.

_ Et si toi, tu es maître de tes décisions… Je pense que je suis la personne la mieux placée pour savoir si tu méritais ou non ma bienveillance.

Jayson lui répond d’une œillade malicieuse. Connivence. Tendre et taquine, simple et bienveillante, comme le parfum pétillant des agrumes un soir de printemps, il y a quelque chose, de frais et de léger, quelque chose qui éclot. Car Jayson a grandi, lui aussi.
Il s’est échappé de ses chaînes, il s’est éloigné du Styx et du Léthé, Jayson se sent remonter. S’arracher des Enfers – car aujourd’hui, il vit, il vit et n’a plus sa place parmi les morts, il s’éveille.

_ T’étais un gamin, Eliott. T’étais un gosse, et bien que tu sois intelligent, bien que tu aies de nombreuses qualités comme ton sens des responsabilités, le désir de t’en sortir, l’ambition de vouloir mieux, pour toi voire même ta mère, tu as fait face à des choses… des choses qui nous dépassent… Tu t’es battu, tu te bats encore, tu n’étais pas un petit con, t’étais un gosse qui voulait vivre. Pas survivre. Tu voulais vivre. Tu voulais avoir tes chances comme les autres, tu voulais t’en sortir, tu voulais la belle vie, et t’as fait avec les outils que tu avais, dans l’environnement où tu étais. T’étais pas un sale petit con, t’étais juste un gosse qui voulait ta place dans un monde…

Jayson cherche ses mots.

_ Un monde où il n’est pas toujours simple d’exister. Y’a beaucoup d’injustice, certain.es sont prédateurs.trices, certain.es ont de l’argent, certain.es naissent avec une chance incroyable, certain.es naissent avec une maladie incurable, certain.es meurent… bien trop tôt…

Jayson laisse planer un silence respectueux, une minute, pour toustes celleux qu’on oublie. Les victimes de la fosse, les victimes de la misère, les victimes d’abus, les victimes de maladies pour lesquelles on n’a pas de remèdes, il pense à tous ces gens, il pense à ces enfants, il pense à Amaryllis qui n’en a plus pour longtemps.

_ La vie n’est pas juste. Et face à ça, ainsi que le reste, on se bat toustes pour avoir des droits, qui devraient être les mêmes pour toustes. T’étais pas un petit con hypersensible : t’étais un gosse qui voulait t’en sortir. Et combien même t’as fait des erreurs, on en fait toustes. On peut pas savoir à l’avance si ça va marcher ou pas, et des fois, on fait de la merde, mais parce qu’on sait pas quoi faire d’autres, parce qu’on n’a pas toujours les moyens ou l'envie de faire autrement.

Jayson soupire et baisse sa vapoteuse.

_ Quand tu me repoussais, j’avais bien conscience que pour toi, ça semblait être la meilleure solution à ce moment. Peut-être pour te protéger, je sais pas. Quand je t’ai fait confiance, comme la fois où je t’ai donné mon porte-monnaie, tu ne m’as pas volé alors que tu aurais pu le faire. Tu m’as même rendu la monnaie ! Tu m’as fait réfléchir sur des choses importantes et te voir aujourd’hui, revenir parce que tu l’as décidé… Ce genre de trucs, tout ça, ça prouve que tu mérites ma bienveillance, que tu mérites tout ce que j’ai donné. Tu le mérites, même si tu en doutes et que tu n’arrives pas à t’en convaincre, moi, je le sais.

Jayson lui sourit d’un air encourageant.

_  Oh… Ca fait combien de temps que t’y travailles ? Qu’est-ce qui ne te plaît pas dans ce boulot ?

Il marque un silence.

_  Est-ce que… tu veux parler de ce qu’il s’est passé… ? … Si tu ne veux pas, ce n'est pas grave.

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Dim 4 Juin - 17:33


Lentement, la vie prend son sens
lui aussi à l’air,
plus calme.
plus serein.
simplement différent.

est-ce que c’est l’âge qui a assoupli les traits, asséché la peau et délivré à la surface des iris brunes bien que cernée une larme de sagacité ?
ou est-ce simplement le temps, comme l’on dit tous les grands sages, qui apaise toutes les souffrances et referme toutes les blessures ?

eliott ne sait pas. il ne veut pas y penser. ils sont simplement là, chien et chat, devant une tasse de café. ça lui suffit. c’est assez à encaisser. c’est déjà beaucoup pour renouer.

jayson est sage. bien plus que lui. lui qui crache et vocifère, refuse les excuses, la responsabilité partagée. l’autre encaisse. comme d’habitude, comme toujours, comme il y a huit ans. il encaisse, sourit, s’excuse. il possède en lui cette patience et cette bienveillance qui permet même aux balles les plus violentes de venir s’enfoncer dans la poitrine et s’amortir contre lui, pour tout absorber comme si de rien était.
ça rassure eliott autant que ça l’énerve.
parce qu’il se sent minable à côté.
minable et compris.

il soupire.

merci à toi.

avant, il aurait dit un de rien remplit de fierté. ou peut-être n’aurait-il rien dit du tout. mais aujourd’hui, il répond au merci de jayson en silence avant de lui renvoyer la pareil. c’est un merci d’être à l’écoute, merci de comprendre, merci d’essayer, merci d’être là. merci pour le café aussi, merci de me pardonner, merci de m’accueillir après toutes ces années.

le chat hausse un sourcil. la prochaine phrase est pertinente. s’il était le donneur de leçon jusque là, la dernière assertion du chien le pousse à réfléchir quelques instants. il finit par esquisser un sourire discret avant d’hocher sobrement ma tête.

... certes. ça l’amuserait presque de concilier cela à jayson. peut-être est-il simplement heureux de voir jayson le contredire, ne pas s'aplatir. ça rend l’échange plus équitable. eliott un peu moins minable. alors on est quitte. t’es pas responsable de mes actes et de mes choix, et moi je reconnais ton droit de me tendre la main.

c’est une conclusion étrangement satisfaisante.
il repense au porte-monnaie rendu. à cette décision qui semblait dérisoire, mais qui, finalement, à peut-être était un tournant discret. ce genre de moment ou de choix qui bouleversent l’avenir sans qu’on en est conscience. s’il s’était barré avec, est-ce qu’il serait dans ce salon de thé aujourd’hui ? probablement pas. il n'aurait ni eu les livres, ni le chocolat, ni la confiance du chien. il se serait acheté un paquet de clope ou du shit et aurait fuit dans la nuit grise.
tout ça, ça le fait un peu sourire.

j’apprécie la stabilité de ce boulot. ça change de… ce que je faisais avant. est-ce qu’il sait ? probablement pas. c’est relativement calme, c’est simple, protocolaire. on prends les commandes, on sert les clients, on nettoie la vaisselle. puis à chaque vague, à chaque nouvelle tête, on recommence. c’est routinier et ça me fait du bien. en tout cas, ça me faisait du bien au début. juste après l’exacte opposé. le chaos et l’incertitude d’une vie qui voit tout s’écrouler. mais c’est épuisant. les horaires de nuit ne me dérange pas, j’ai toujours vécu la nuit. c’est… la routine, les clients, le fait d’être invisible. c’est peu reconnu, tu vois toujours les mêmes personnes défiler, souvent ivres, parfois agressives… j’en ai juste… marre ? sauf que de l’autre côté je n’ai aucune idée de ce que je pourrai faire à la place. il contemple un peu le salon de thé. pensif. j’essaye de ne pas m’en plaindre. je m’en sors. j’ai un taff stable. j’ai un toit au-dessus de la tête. j’ai une famille sur qui je peux compter. la vie est pas si mal.

mais il en veut plus.
il veut quelque chose de différent.
eliott, il n’est jamais content.

t’es pas au courant hein ?

quand la question de jayson tombe comme un couperet.
il fallait bien qu’ils finissent par passer par-là.
c’était inévitable.

alors autant tout sortir d’une traite.

j’ai fais beaucoup de choses en 8 ans. j’ai vadrouillé. d’abord à babel... pour revoir celian et alysse et s'excuser d’être parti d’un coup. puis je suis revenue à lunapolis. il revient toujours à lunapolis. je suis retourné dans la fosse que j’ai tenté de maîtriser. je m’en sortais bien. j’arrivais à gérer les paris à mon avantage pour me faire plus de thune que les autres. il revoit les visages des jumeaux gang, surtout bae, avec qui il traînait. mais le bookmaker n’a pas aimé. je me suis fait choper. et tabasser. il ricane. j’ai taffé pour lui, pour eux, pour la fosse. j’étais rabatteur. je conseillais les clients sur les paris pour gonfler le chiffre d'affaires pour la fosse. ça me saoulait d’être coincé mais ça me plairait de devoir réfléchir à comment manipuler les gros poissons des souterrains…. ça a duré deux ans. en 2094,  l’année de mes vingt-quatre ans, j’ai tout plaqué et je me suis barré loin. je dois ça à deux amis. petit corbeau et gros varan. j’ai fini à ithloreas et j’ai bossé comme croupier au casino de l’hôtel beauregard. c’était facile après l’expérience à la fosse. c’était un métier qui me convenait très bien. sauf que… j’en voulais plus, tu l’auras compris. alors en parallèle j’ai touché un peu à tout. à des choses plus ou moins… éthiques et légales, on va dire. il baisse les yeux pour la première fois. trahit la honte qui reste dans le creux de son estomac. j’étais happé par la facilité que j’avais à manipuler le monde comme je le voulais. j’ai arnaqué des gens. beaucoup. c’était de pire en pire. j’étais contacté par plein de client dans cet espèce de jeu d’argent et de manipulation qu’est la finance et la politique. quand tu dis que le monde est pourri, que la vie n’est pas juste, je pense que tu ne réalises pas à quel point t’as raison. les gens lambdas n’ont pas la vision de tout ce qui se passe sous leur nez par ceux qui possèdent les fonds. et franchement, c’était pas joli joli. mais qu’est-ce que c’était intéressant. bref. tu vois la compagnie d’assurance qui a fait faillite l’année dernière ? assurance toucan ? après un scandale de presse sur les blanchiment d’argent ? l’homme derrière tout ça… c’est moi.

voilà.
lui dans son jean et sa chemise à moitié repassée.
lui, un jeune homme de vingt-huit ans banal.
lui, eliott fauvel.

pour la première fois en six ans d’activité je me suis fait choper. j’ai pris trois ans fermes, et une grosse amende.

il relève les yeux vers jayson. le rictus un peu mauvais, un peu nerveux, un peu ironique.
un peu désolé.

j’ai pu sortir au bout de six mois parce que tu te doutes bien que pour finir comme ça, c’est que j’avais des contacts.

et ça l’emmerde de savoir qu’au-dessus de lui il y a des puissants capables de dicter sa vie à ce point. est-ce qu’il n’aurait pas préféré rester là-bas pour expier ses fautes et s’en sortir blanchi ?

depuis, j’suis barman et je lave les verres de bière sans ne faire aucune vague. j’suis tombé bien bas, hein ? c’pour ça que j’peux pas me plaindre de ce taff. au final, ça va. j’m’en sors pas trop mal. j’ai refais ma vie, j’suis sage, j’avance.

il hausse les épaules comme pour se convaincre lui-même.
mais la nuit quand il rejoint son lit,
les angoisses et les regrets qui s’invitent dans chacun de ses cauchemars.
le 30 septembre 2098
il-é-thé-une-fois
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Jayson Wymer
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Ven 9 Juin - 12:19
Face au remerciement, Jayson répond d'un sourire.

Même s'il n'attend rien, c'est vrai qu'un peu de reconnaissance, ça fait du bien. Et lorsqu'il voit Eiott sourire, les yeux bruns du vieux chien pétillent de malice.

_ Ca me va. On est quittes.

Car Jayson ne supporte plus les rapports déséquilibrés. Il l'a bien assez enduré, au point de se convaincre que c'eut été la normalité. Qu'en tant que clébard, tout ce qu'il pouvait faire, c'était glisser sa queue entre ses jambes ou attaquer. Et l'agressivité, bien que tapie au fond de ses entrailles, Jayson ne l'a jamais écoutée. Préférant subir, qu'agresser.

Ce n'était pas dans son tempérament, pas dans sa nature. Et Agnès avait réussi à le convaincre, qu'il était faible et pitoyable, qu'il était lâche et déplorable. Jayson s'en est longtemps voulu et se sent encore coupable d'avoir mis tant d'années à lui échapper. Il commence à comprendre qu'elle l'avait pris en otage, que de façon insidieuse, elle l'avait usé, elle l'avait cassé, au point de le convaincre qu'il ne vivait que grâce à son "amour", sa pitié.

Jayson a commencé à croire que si elle le tuait et qu'on trouvait son cadavre dans une ruelle, Agnès aurait été capable de pleurer sur ses funérailles, de prétendre que l'alcool l'avait achevé, qu'il avait fait une mauvaise rencontre - un.e inconnu.e, prétendrait-elle. Sa vie ne valait plus grand-chose et il ne voyait pas comment agir pour s'en protéger. Le mépris de la Milice avait tué dans l'oeuf tous ses espoirs, et Agnès avait su l'isoler de toustes, profitant du décès de ses parents pour critiquer ensuite les ami.es qu'il fréquentait, l'humilier ou susurrer à son oreille des doutes insidieux - tu empestes, tu crois vraiment que tu les intéresses, tu les ennuies Jayson, ils ont pitié de toi Jayson, t'as vu ta gueule et tu comptes sortir comme ça ? Des petites choses, qui font que Jayson s'est de plus en plus isolé, jusqu'à être son prisonnier.

Jayson revenait de loin, entre le séjour à l'hôpital et tout ce qu'il s'est enchaîné.

Et il découvrait qu'il était possible d'être l'égal des autres, ou en tous cas, de s'en rapprocher.

Jayson écoute Eliott avec intérêt. Ses yeux le dévisagent par habitude, alors qu'il garde sa vapoteuse contre ses lèvres. Il n'en tire pas, elle n'est pas même allumée, mais ce genre de réflexe l'aide à réfléchir.

_ … Ouais, je vois. Pour reprendre pied, un boulot stable est une très bonne idée. Ca te donne des repères et une certaine sécurité. Ca donne des appuis pour se redresser. Mais je comprends que ça soit usant. Les soirs se ressemblent, tout en étant différents, mais tu te retrouves probablement confronté souvent…  aux mêmes profils. Des alcooliques pas toujours sympas, qui voient plus la bouteille entre tes mains que le reste. C'est vrai que c'est le genre de boulot ou tu peux disparaître derrière les automatismes, et où les gens ne cherchent pas forcément à s'intéresser à toi, des fois, y’a une perte de sens.

Il se redresse légèrement, les bras croisés sur son torse.

_ Tu as le droit de râler, de dire que tu en as marre, tu sais. C'est légitime. Tu sais d'un côté, je me dis que si tu commences à en avoir marre, c'est hm…

Il réfléchit quelques secondes.

_ Peut-être que la vie, c'est comme un escalier. Qu'avant, t'as voulu sauter peut-être trop de marches à la fois et que tu t'es cogné les genoux. Mais là tu remontes. Tu as grimpé une première marche, et maintenant si t'en as marre… C'est que la routine et la sécurité t'apportent peut-être la force de vouloir… autre chose ? Tu as peut-être besoin de nouveauté, d’un truc pour te stimuler ? De monter une autre marche ? C'est pas grave si tu sais pas encore quoi faire pour l'instant. Mais c'est peut-être l'occasion de se renseigner pour autre chose ? Peut-être un autre poste, d'autres responsabilités, ou peut-être changer ta pratique ?

Il propose, se voulant encourageant.

_ Je sais pas si je suis un exemple mais… voilà pour le salon de thé, j'essaye de proposer différentes recettes régulièrement, de créer de nouveaux thés. Et au final, je passe beaucoup de temps avec les clients pour discuter. Ca fait que les journées ne sont jamais les mêmes. Enfin si jamais tu veux qu'on en discute, je suis là, mais je pense que si t'en as marre… C’est peut-être qu’aujourd’hui, t’as aussi la sécurité et la stabilité pour prendre le temps de réfléchir et de chercher, sans te précipiter. Monter les marches l’une après l’autre. Parce que courir dans les escaliers, c’est pas une bonne idée.

S’amuse Jayson.

_ Tu t’en sors et c’est déjà bien. C’est vrai qu’avant de regarder les étoiles, faut déjà voir ce qu’on a, avoir les deux pieds bien posés sur terre. Et c’est bien que tu aies tout ça. Je suis content pour toi. Que t’aie trouvé… un endroit, des gens, un boulot qui te permettent d’être un peu tranquille. Ca fait du bien d’avoir la paix de temps en temps.

S’ennuyer, c’est parfois prendre le temps de savourer le moment. Se dire qu’on est vivants.

Parce qu’après tout ce par quoi il est passé, Jayson sait à quel point ces moments de sérénité sont précieux. A quel point, cela fait du bien, de ne pas avoir à se précipiter ou s’inquiéter, de ne pas avoir à s’occuper, c’est juste être là, profiter de l’instant.

Eliott demande, il n’est pas au courant hein ? Une question dont il a déjà la réponse, après tout, ça fait 8 ans qu’ils ne se sont pas vus. Mais Jayson, malgré tout, remue légèrement la tête de droite à gauche.

Durant le récit, à plusieurs reprises, sa main descend la vapoteuse, tapote dessus bien que ce soit inutile, la ramène contre ses lèvres. Les gestes sont familiers, automatiques, il y a quelque chose d’apaisant à les faire, ça l’aide à réfléchir.

Jayson reste imperturbable. Il dégage cette force tranquille, malgré sa soumission, ses craintes, il y a quelque chose d’inflexible. Dans ce corps qui ne bronche pas, son visage neutre. Celleux qui ne le connaissent pas le croiraient insensible, parce que Jayson n’a pas vraiment la tête d’un mec bienveillant. Avec ses sourcils épais et broussailleux, son gros nez maintes fois éclaté, les yeux noirs enfoncés au fond des orbites. Les rides ont remplacé les cernes, les lèvres dissimulées sous cette barbe mal rasée. Les cicatrices discrètes, qui traversent ici et là son visage, lui donnent l’allure d’un bagarreur.

D’un survivant.

Et pourtant, le récit d’Eliott l’heurte de plein fouet. Son regard s’obscurcit quand Eliott ricane, ce qu’il entend, c’est les coups qui s’abattent, c’est la volonté qu’on brise contre les pavés. Il a bien assez connu la Fosse et Désiré pour savoir à quoi s’attendre. Et malgré la lassitude, la force de l’habitude, il ressent comme toujours cette haine au fond des veines.

Cette rage pour les puissants, pour tous ces prédateurs d’âme qui se nourrissent du sang et des larmes. Qui rient, de la souffrance et sourient face aux cicatrices, qui ne se sentent vivants, qu’en bouffant les autres. Jayson les déteste, eux et tout ce qu’ils représentent. Dire qu’Agnès mangeait à leur table il y a de cela quelques années.

Elle est tombée. Mais tant d’entre elleux restent intouchables. Ils continueront à régner, car aucun mal ne leur sera jamais fait. Il faut être naïf pour penser que la Milice, les pouvoirs politiques, feront quelque chose - s’ils le désiraient, ça serait fait depuis longtemps. Pour celleux qui les cherchent, il n’est pas difficile de trouver la Fosse, ou celleux qui y sont lié.es. Sans même avoir besoin d’y réfléchir, Jayson peut balancer une poignée de noms.

Et tout ça, ça lui fout la hargne. Parce qu’il sait que sa gentillesse et ses efforts ne changeront rien. Et parfois, il se demande s’il ne devrait pas devenir “comme ces forts”, prendre un flingue et mettre certaines de ces Majestés à terre. Mais leur Royaume leur survivrait, ils seraient seulement remplacés et lui, lui aurait perdu sa vie et tout ce qu’il s’était promis.

Alors Jayson n’agit pas, il laisse ces fantasmes s’infuser dans son esprit, il prendrait presque plaisir à imaginer cette quête vengeresse, cette quête futile, puis Jayson éteint cette révolte incandescente d’un soupir.

Il n’a jamais formulé à qui que ce soit, il n’a jamais avoué à qui que ce soit, toute cette colère qu’il ressent, Jayson on le connaît comme un homme pacifiste et bienveillant, c’est ce qu’il veut rester.

Jayson redresse les yeux vers Eliott, surpris qu’il se soit échappé des mains acérées de Désiré. De ses griffes effilées. Eliott est malin et doit être bien entouré.

_ … C’est bien que tu te sois dégagé de ça.

Jayson prononce ces mots avec un sérieux glaçant. Ses yeux noirs sont incisifs, d’une obscurité, que seules les ombres de la Fosse peuvent abriter. Jayson ne veut pas compter toutes les victimes qu’il a trouvées. Qu’il n’a pas pu sauver. Des souvenirs reviennent, son nez se fronce pour se protéger des relents de sang et de bile, ses yeux se plissent mais les corps passent devant ses yeux. Comme ce gamin éclaté, déchiqueté, les cheveux noirs, sa soeur qui hurlait de l’autre côté de la fosse.

Quelle merde, cette fosse.

Les traits se creusent, comme toutes ces tombes, tous ces visages sans noms, dont l’histoire est balayée dès l’instant où l’on détourne les yeux, dont tout le monde se fiche, et dire qu’Eliott aurait pu être l’un d’entre eux.

_ C’est dur de sortir de ça, d’échapper à certaines personnes… Chapeau. Vous avez géré.

Il retombe dans le silence et son expression s’apaise, l’orage est passé, il l’a ravalé au fond de ses entrailles. Il y pensera ce soir, quand il faudra se coucher.

Aussi, se retient-il de sourire quand Eliott lui dit qu’il n’a probablement pas conscience de la pourriture qu’il y a dans ce monde. Bien sûr qu’il le sait, combien de fois a-t-il eu les mains dedans ? Comme si Agnès, ce n’était pas suffisant. C’est aussi pour ça qu’il se bat tant, pour devenir une figure différente, pour offrir un refuge, car il y a aussi des choses de bien qui peuvent survivre en ce monde.

_ L’assurance Toucan ? Répète Jayson, avec une surprise qu’il ne parvient pas à dissimuler. Les yeux écarquillés, il cligne des paupières, a rabaissé le bras, puis le remonte à ses lèvres, Ah ouais. T’étais vraiment bon là dedans. Quand je pense à tout cet argent… Pas étonnant que mon porte-monnaie ne t’ait pas intéressé à l’époque.

Face à ce sourire crispé, face à cette tension, Jayson essaye de détendre l’instant, d’un humour marqué de bienveillance. Sa main effleure son épaule, finit par s’y déposer pour une pression ferme puis le relâche.

_ Je vois… T’es passé par beaucoup de choses. Tellement de choses, en quelques années. Merci de m’avoir raconté. Tu m’étonnes qu’après tout ça… tu t’ennuies quand tu reviens à une vie plus… posée.

Il détourne les yeux à la remarque d’Eliott sur ses contacts et hausse les épaules.

_ C’est important d’avoir des ami.es sur qui compter. Surtout s’ils peuvent t’aider à t’en sortir. C’est bien que tu ne sois plus seul et que tu acceptes les mains qui se tendent, celles qui te veulent du bien en tous cas.

Il redresse les prunelles vers lui.

_ Bien bas ?

Ces mots l’ont fait réagir.

_ …  Tu es déçu de t’être fait prendre ? Ou c’est autre chose, quand tu dis ça ?

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