haklyone
You do not have a soul. You are a soul, you have a body.
[END] Silent sorrow // PV : Andrea



 
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[END] Silent sorrow // PV : Andrea
Ephraïm Kurusu
Maison de la Lune et du Sang
Ephraïm Kurusu
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Lun 3 Avr - 21:33
Derrière un muret et un simple portail de bois, se trouve un jardin.

L’herbe et les buissons sont soigneusement taillés. Un bel arbre, un érable aux lourdes feuilles rouges, agite paisiblement ses branches sous la caresse d’une brise. Elle est imprégnée d’humidité, d’un air frais, provenant des cascades ou des sommets. Les parfums portés par le vent sont ceux d’une terre douceâtre et étrangement sucrée, où les feuilles se mêlent à la terre meuble, en terreau fertile. Une mare frissonne, lorsque le zéphyr l’effleure. Sa surface ondule, tel un chat, elle fait le dos rond puis s’échappe, un clapotis, les carpes koi fendent la surface de leur bouche avide. Il faut traverser un pont, puis un petit chemin de pierres dallées, pour approcher de la demeure des Kurusu.

Des carillons sont attachés aux coins du toit : ils s’animent, ranimés par le baiser du vent, ils chantent, une mélodie tintante et apaisante. Jusqu’à ce qu’un dernier soupir, leur arrache un dernier tintement, puis le silence reprend ses aises. Seulement troublé par les lointaines rumeurs, les murmures de vie des rues environnantes.

Il faut toquer à la porte, qui s’ouvre toujours après quelques minutes. Il n’y a pas de judas pour trahir les visiteurs, à croire qu’ici, il n’y a pas de méfiance. Tout le monde se connaît, et les visites impromptues sont toujours bienvenues. Son père ouvre en remettant ses lunettes sur son nez, avec l’âge sa vue baisse et il n’a jamais le temps de faire changer ses lunettes. Si c’est sa mère qui ouvre, elle affiche un grand sourire, sur ses bonnes joues. Vêtus toujours, en tenue depuis longtemps oubliée, des kimonos amples qu’un obi resserre autour de la taille, les chaussures sont laissées sur le palier.

Un thé, une collation, est toujours proposée. Les fenêtres sont souvent ouvertes, laissant le vent et les parfums entrer. Leur père aime sentir le parfum sucré de l’érable. Sur la gauche, se trouve une cuisine ouverte à même le salon, une table où l’on s’assoit à même le sol, il y a toujours une corbeille de fruits et quelques biscuits. Parfois, la tasse de café de sa mère, qu’elle oublie toujours de ranger. L’ordinateur de son père est ouvert, bien qu’ici, il n’y ait aucune connexion au monde extérieur : s’il veut répondre à ses mails, il doit se rendre à une boutique quelques pas plus loin.

Sur la droite, la chambre de ses parents, la porte est toujours fermée. Un escalier mène à l’étage, où se trouve à présent le grenier, la chambre d’Ephraïm et une salle de bain oubliée avec les années.

Depuis que son frère est… Rentré, le rez-de-chaussée s’est agrandi. Le bureau de son père au bout du couloir est envahi de produits de soins, divers et variés. Sur la gauche, la salle de bains adaptée, pour y emmener son frère, le laver, ses parents ont pris l’habitude de l’utiliser. Ils expliquent, avec le sourire, que cet aménagement sera profitable lorsqu’ils vont vieillir ! Et sur la gauche, se trouve sa chambre.

Les rideaux sont ouverts, la fenêtre est parfois ouverte. Mais il s’agit bien de l’une des seules qu’on prend l’habitude de fermer, pour éviter qu’il n’attrape froid. D’ici, on découvre un jardin, où leurs parents s’occupent d’un potager. Au fond, un arbre devant un rocher tombé d’on ne sait quelle montagne, un pic déchirant la terre, un doigt d’honneur, dressé vers le ciel. Combien de fois les frères ont escaladé ce piton rocheux ? Installés au sommet, ils regardaient les étoiles et s’inventaient des histoires.

Lorsqu’on passe le seuil de la porte, sur la droite, se trouvent une commode avec plusieurs photos. Son frère assis sur le piton rocheux, qui salue le photographe d’un sourire. Son frère devant le temple, qui tient la main d’un Ephraïm réfugié dans ses jambes, le marmot n’a qu’une poignée d’années. Son frère, soufflant les bougies de son gâteau d’anniversaire, 18 ans, l’un des derniers anniversaires qu’ils ont fêté ensemble.

Sur le côté gauche, le long du mur, une peinture représente le Mont Hurleur. Et à côté, une photo d’Ephraïm. Le jeune homme se tient debout, les doigts levés dans un geste de victoire, le visage éclairé d’un sourire radieux. Le garçon est en tenue, les cheveux attachés, un sac épais sur le dos, une corde enroulée autour de son épaule. Une carte, « Au meilleur grimpeur ! » est épinglée à côté, où l’on peut lire les commentaires de la famille : « Ton frère t’attend de pied ferme ! », « Félicitations Ephraïm, comme quoi, la taille, ce n’est qu’un détail ;p » ou encore, « J’ai battu ton record, comme promis. T’as intérêt à te réveiller rapidement pour prendre ta revanche ! ».

Les photos autour, représentent des scènes de famille, avec ou sans lui. Un pique-nique près des cascades, où sa mère mange une glace, son père hésite à mettre les pieds dans l’eau et Ephraïm s’apprête à faire une bombe. Une balade en vélo au travers des forêts. Le nouvel an où ils font des grimaces à l’objectif.

Il y a aussi sur ce meuble, des serviettes propres, des seringues soigneusement protégées dans de petits sachets en plastique, d’étranges substances, précieusement contenues dans des fioles de verre.

Son frère repose. Sur un lit, assez grand pour accueillir deux voire trois personnes, il n’est pas rare qu’Ephraïm, leur père ou mère s’installent près de lui. Il y a, sur la table de chevet, un livre entamé. Leurs parents en lient un chapitre chaque nuit, avant d’aller se coucher. Il y a de l’eau, de quoi humidifier ses lèvres avec quelques coton tiges, des crèmes, pour masser sa peau, son corps, ses escarres. Ses longs cheveux noirs, sont soigneusement lavés, démêlés et attachés, aujourd’hui, une tresse repose sur son épaule. L’homme a les yeux clos, il a été soigneusement rasé, il semble se reposer. Les joues creusées, les mâchoires plus osseuses, la musculature n’est plus ce qu’elle était, il reste néanmoins, l’ossature. Les bras sont laissés de part et d’autre de son corps. Des appareils sont branchés à son corps. De quoi suivre son rythme cardiaque, les nutriments apportés par un cathéter en intraveineuse, les poches pour évacuer les selles, sont pudiquement dissimulées sous le lit. Les odeurs, sont celles de la lessive et du désinfectant.

_ Ton frère a de la visite, annonce sa mère.

Ephraïm retire ses lourdes chaussures, il lève les yeux avec surprise.

_ Ah ?

Elle hoche la tête.

_ Tu devrais aller les voir !

_ Ca ne les dérange pas tu crois ?

_ Je ne pense pas… Ca fait une dizaine de minutes qu’il y est.

Et on ne peut pas compter sur son frère pour faire la conversation. Contrairement à avant. Ephraïm baisse légèrement les yeux, il hoche la tête, puis retire sa veste en cuir. Il porte un jean, des chaussettes blanches décorées de fraises. En haut, un simple débardeur noir, qui dévoile des bras solides, couverts de nerfs. Il s’étire de tout son long, vérifie que ses cheveux sont bien attachés, s’approche de la porte. Il signale sa présence, de deux coups brefs, du dos des doigts, avant d’entrouvrir légèrement. Il faufile sa tête par l’entrebâillement.

_ Bonjour, Ephraïm, je suis son petit frère… Euh… Je peux entrer ? Enfin si vous n’avez pas terminé, je ne veux pas vous déranger hein…  

Ephraïm adresse une œillade curieuse à la longue silhouette longiligne. L’espace d’un instant, ainsi glissé derrière la porte, il a tout l’air du marmot, tapi derrière les jambes de son frère…
Ephraïm Kurusu
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Andréa Su
Maison de la Lune et du Sang
Andréa Su
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Mar 4 Avr - 18:49
Even if it's full of love,
In stillness
all a ghost can do is haunt.
Alors qu’il n’y était jamais allé du temps avant l'incident, le chemin jusqu’à la maison Kurusu commence à se faire familier; même sporadiques, pudiquement espacées pour ne pas faire intrusion, envahir l’intimité de la famille, ses visites lui ont fait, au fil du temps, découvrir le jardin sous toutes ses parures.
Cet après-midi, le manteau blanc sur lequel il avait laissé les empreintes de ses bottes s’est retiré. La caresse du soleil a réveillé l’herbe tendre de son hibernation et rendu son feuillage flamboyant à l’érable qui le salue, une fois de plus, la brise faisant frémir ses branches venant à son tour chicaner les mèches bien rangées, le forçant à se recoiffer sur le pallier avant de frapper.

C’est pourtant le cœur lourd qu’il vient, Andréa. Son sourire poli, qu’il offre à celle qui lui ouvre la porte en même temps que le présent entre ses mains -fraises de saison, cette fois-, est rempli d’une tristesse muette, tue: le temps des sympathies est passé, laissant place à cette placide normalité.

Mais la sérénité qui règne sur les lieux,
la courtoisie agréable des quelques mots échangés,
cela n’efface pas ce qui l’attend dans la chambre, sans un mot.

Lui qui a trop souvent côtoyé la mort et le deuil, oiseau de malheur paré de sa robe funeste arrivant après la tempête pour constater et classer, n’arrive pas à s’y habituer, et à peine sont-ils laissés à leur intimité que tout sourire de convenance est abandonné.

C’est peut-être bien car il n’est pas mort, qu’il ne peut pas s’y faire.
Assis à ses côtés, si immobile qu’aucune ridule ne perturbe la surface du thé entre ses paumes gantées, il peut le voir: le souffle de la vie qui soulève presque imperceptiblement son poitrail, arrive à le convaincre, plus que le feedback régulier des machines, métronome rythmant la calme plat régnant sur la chambre, que le cœur bat encore.

Alors, seulement, il le salue.
Le son de sa propre voix, sans personne pour y faire écho, le dérange, alors il économise ses mots, n’échange que quelques nouvelles. Le nom des derniers diplômés à avoir intégré les rangs. Les exploits des plus prometteurs.
L’espoir.

Il tait, toujours, ce qui grouille sous la surface.
Les disparitions. L’attentat. Le fin mot de l’histoire.
Chaque centimètre des racines de la Mafia qui se découvrent, petit à petit.
Comme si cela risquait de l’enfoncer plus loin dans son sommeil.

(peut-être a-t-il tort)(peut-être devrait-il titiller son sens de la justice)
(lui dire qu’ils ont besoin de lui)

(comme il a eu dit,
à sa première visite,
craquant enfin, perdu dans les ténèbres sans cette lueur pour le guider,

J’ai besoin de toi.)

Mais Andréa ne veut plus être qu’oiseau de mauvaise augure,
a fini par se relever,
mais n'aurait pas le culot de prétendre pouvoir l’inspirer à faire de même.
Non, cela reviendra à un membre de sa famille ou un ami, un vrai. Pas un autre membre de son unité avec lequel il n’a échangé qu’une poignée de mots, pourtant devenus inestimables à ses yeux. Ils le ramènent, encore et encore, dans cette chambre, devant son lit, pour ne pas dire assez.


Son bel uniforme amidonné ne fait pas un faux pli en se tournant vers la porte, plus droit et raide que le Mont Hurleur. Le sourire affable revient adoucir les traits sombres, l’ombre de ses pensées pas tout à fait chassées alors qu’il secoue doucement la tête, se retourne un peu plus pour faire face au cadet, caché dans l’encadrement la porte tel l’enfant qu’il n’est plus. “Pas du tout, entrez.” Le vautour se déplie de toute sa longueur pour offrir sa paume au jeune homme, l’échine humblement courbée. “Andréa Su. Nous… Étions dans la même Unité, à l’époque.”

Présent, passé, il ne sait jamais comment l’adresser, lui accorde un regard en rangeant la frange ayant profité de ses politesses pour s’échapper. Il préfère ne pas s’y attarder, de peur de cultiver le malaise. “J’ai entendu parler de vous, Ephraïm.” Mais leur chemin ne se sont jamais croisés, pas si directement, comme deux pôles décidés à ne jamais se rencontrer. Il fallait dire que ses visites étaient rares et son pas pressés lorsqu’il traversait les couloirs de la tour Gémeau, peu enclin aux discussions de passage; ce n’était pourtant pas l’envie qui avait manqué. Un prétexte, peut-être, pour se trouver le courage d'affronter un passé qui lui pouvait répondre. “Ravi d’enfin vous rencontrer, j’espère que vous profitez bien de votre jour de congé.”

Ce ne sont que des banalités, mais elles sont sincères. La conversation, ce n’est pas son fort, que son vis-à-vis soit conscient ou non.
cactus
Andréa Su
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Ephraïm Kurusu
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Ephraïm Kurusu
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Lun 17 Avr - 14:07
L’homme est grand.

Pas comme Ilya, pas même comme son père ou son frère, non, il le dépasse de plusieurs têtes.

Instinctivement, imperceptiblement, le jeune homme prend appui sur ses jambes, il dresse les épaules, il se tient droit, pour paraître plus grand qu’il ne l’est en réalité. Un effort vain, quand l’on voit la différence qui les sépare - mais ça suffit à apaiser quelque peu, sa susceptibilité mal placée. Peut-être qu’Andrea perçoit cette tension, mais elle s’efface dès l’instant où Andrea incline la tête et présente sa main. Une attitude, qui invite Ephraïm, à relâcher ses épaules, à s’avancer d’un pas, pour lui serrer la main à son tour.

A la Milice, la faiblesse est impitoyablement écrasée. Par instinct, nombreuses sont les personnes à se fier d’un regard, pour évaluer la menace potentielle d’un adversaire. La petitesse est, à tord, considérée comme un facteur de vulnérabilité. Sans la protection de son frère, Ephraïm n’a pu compter que sur son sale caractère pour se défendre, que sur ses poings, pour se protéger.

Ils ont fait partie de la même équipe. A l’époque. Quand son frère était encore debout. Quand il était encore, un modèle.

A cette mention, Ephraïm écarquille les yeux. Et la pression de sa main s’accentue soudain. Comme en escalade, lorsqu’il saisit une prise, qu’il s’y accroche, la pression de ses doigts, s’accentue. Parce qu’il sent, quelque chose, qui défaille, quelque chose, qui s’abat, ses jambes, se contractent. La tension a gagné son bras, son souffle, a trébuché. Ressentir, agir, puis après, après seulement, réfléchir, Ephraïm réalise, la puissance qui gagne son bras, les veines saillantes, il se rétracte, le relâche et masse sa paume. Sans comprendre. Sans comprendre, ce qu’il s’est passé, pourquoi mentionner le passé, ça fait toujours mal, ça le fait toujours, se contracter.

_ Désolé, je… J’ai serré fort, je n’ai pas fait attention, veuillez m’excuser.

L’excuse est sincère et, penaud, il baisse la tête. Ses yeux dévient, vers son frère, mais ça ne suffit pas, à ce que ses épaules se relâchent. Son coeur bat fort, Ephraïm a toujours l’impression que les autres peuvent l’entendre. Il fait comme si rien n’était, parce qu’Ephraïm, il ne sait pas quoi en faire, de cette tension qui tire, tire tous ses muscles. Il décide de l’ignorer, et dirige finalement son attention sur l’homme qu’il dévisage attentivement.

_ Andrea Su… Oh !

Ephraïm se redresse aussitôt. Sa main rejoint son coeur, se referme en poing, dans un salut respectueux. Sa tête, s’incline.

_ Capitaine de l’Unité Auroris. C’est un honneur de vous recevoir.

Le chaud, dans sa cage thoracique, monte jusqu’à ses joues, à la remarque d’Andrea. Le garçon croise les bras sur son torse, il se veut humble et baisse la tête, mais ses lèvres s’éclairent d’un sourire fier, qu’il n’arrive pas vraiment à cacher. Ses yeux s’éclairent et l’on sent, l’envie de demander, qu’est-ce qu’on a dit de lui, qui lui a parlé de lui ? Son frère ?

_ J’espère que… Qu’on ne vous a pas dit du mal de moi. J’ai tendance à serrer les mains trop fort apparemment, soupire-t-il en gardant les bras croisés sur son torse, Mon frère m’a parlé de vous aussi. Il m’a dit que vous étiez particulièrement consciencieux et méticuleux, qu’il avait à apprendre de vous.

Ephraïm s’éloigne de quelques pas, il hésite mais s’assoit finalement à même le sol. Sa main vient saisir celle de son frère, qu’il serre tendrement entre ses doigts. Et malgré toute la force qu’il met dans cette étreinte, son frère n’a jamais grimacé. Son pouce longe songeusement sa peau.

_ … Il vous disait très posé. D’un calme olympien. Je sais qu’il appréciait travailler avec vous. Il savait qu’il pouvait compter sur vous. Merci d’être passé le voir. Je sais que le voir comme ça… C’est…

Ephraïm sent ses mâchoires se contracter. Les mots, se bousculent, contre ses lèvres écrasées. Et pourtant, ses pensées, se sont immobilisées. Tétanisées. Il essaye, de lâcher un peu de pression, de laisser son souffle, vider ses poumons. Ses yeux s’élèvent, vers la fenêtre entrouverte, comme pour y trouver, un peu d’air. Il étouffe.

_  Fait chaud non ?

Ephraïm se lève, il ouvre grand les fenêtres, pour laisser entrer l’air aux fragrances parfumées. L’herbe et l’humidité. Le vent s’engouffre, et Ephraïm se penche, s’appuie sur le rebord, l’air frais n’est pas suffisant. Ephraïm revient vers le lit, récupère la bassine d’eau, immerge un gant de toilette, il humidifie un peu, les poignets de son frère, puis en applique sur ses joues, rince le gant, puis le met à sécher. Ca sent, les huiles essentielles de lavande, ça apaise un peu ses nerfs.

Le mouvement, le froid, l’aident à se reprendre. A apaiser un peu l’incendie, les braises ardentes, qui bouillonnent toujours au fond de son ventre.

_ Oui je… Je suis allé m’entraîner ce matin, au Mont Hurleur.

Ephraïm se rassoit près de son frère, sur son lit cette fois.

_ Je pensais faire une randonnée à la fin de la semaine, pour arriver jusqu’au sommet. Je dois juste trouver quelqu’un pour m’accompagner. Il ne faut pas grimper seul, disait mon frère, mais je n’ai pas encore trouvé de partenaires réguliers.

Avoue-t-il en croisant les bras sur son torse.

_ Puis je suis passé par l’Allée des Temples, je suis allé prier, et me voilà… Et…Et vous, vous êtes en congé vous aussi ? Vous étiez déjà venu lui rendre visite ?

Ephraïm baisse les yeux vers son frère. Il hésite un instant, puis lève la main pour glisser une de ses mèches entre ses doigts, il la garde, pour la lui caresser songeusement.

_ Il reçoit beaucoup de visites. Bien sûr, y’en a certain.es qui viennent de moins en moins voire que je n’ai pas vus une seule fois mais je… Je suis sûr que ça lui fait plaisir, de voir du monde. Des fois, les capteurs réagissent un peu. C’est plutôt bon signe, non ?

Il demande, sans vraiment attendre de réponses.

_ Mais hm… Si c’est dur pour vous… Mon frère comprendrait. Si un jour, vous préférez ne plus venir, si… c’est trop dur ou trop pénible enfin… Ne vous sentez pas forcé vous voyez ?

Ephraïm lui adresse une oeillade.

_ Je sais que vous avez un sens du devoir très prononcé, que vous êtes dévoué à votre devoir, ça, mon frère me l’a dit. J’espère juste que… Vous ne vous forcez pas à venir parce qu’il le faut vous voyez ? Enfin je me doute bien que… qu’on ne peut pas venir totalement par… par… envie…

Putain d’envie. Comment avoir envie, de le voir ? C'est dur, c'est insupportable, de le voir, dans cet état. Ca fait mal. De voir qu'il ne répond pas. Ephraïm sent son poing se serrer et la colère monter, il faut qu’il sorte, qu’il aille se défouler, la pression monte, de plus en plus et déjà, il est debout finalement. Ephraïm, il ne sait pas quoi faire de son corps, pour se soulager, il a envie de frapper, mais il ne faut pas, il rassemble les tasses, la théière.

_ Je reviens.

Et il fuit, dans la cuisine, il balance tout, dans l’évier, la vaisselle, se brise dans un bruit brusque, Ephraïm déjà, il tend les mains, mais c’est trop tard, c’est cassé, et il se coupe, en prenant les éclats.

_ Putain de bordel de merde…

Rage-t-il, ça pulse contre ses dents, ça pulse dans ses mains, quand il prend le tout, qu’il jette à la poubelle, il tremble, Ephraïm, et ses yeux piquent, les larmes salées, comme l’eau de l’océan, Ephraïm frotte ses yeux, un sanglot, s’arrache de ses lèvres, il pleure, il pleure parce qu’il a honte, honte de son frère, honte de lui-même, qu’il ne doit pas, se montrer comme ça, pas à un Capitaine.

Pas à quelqu’un, qui sait à quel point, son frère l’aimait, à quel point, son frère était, un modèle, son héros, son rival, son guide, qui sait à quel point soin frère, était toujours calme et avait toujours le sourire. Quelqu’un, qui sait, à quel point son frère était extraordinaire et que lui, lui a l’impression, qu’il ne fera jamais aussi bien, qu’il ne sera jamais, à hauteur de tout ce qu’il a donné.

Il n’est pas comme lui, il ne le sera jamais, il n’a jamais voulu l’être, mais ce qu’il devient, est-ce vraiment, ce qu’il aurait voulu pour lui ?

Sa mère se glisse dans son dos et l’enveloppe, de ses bras. Elle le serre contre sa poitrine, avec force et puissance, Ephraïm rend l’étreinte.

_ Ephraïm…

Et Ephraïm, pleure un peu dans ses bras, il avoue, ses peurs. Celle de décevoir, celle qu’Andrea ne veuille plus revenir à cause de lui, celle qu’Andrea, se force à venir, pour lui tenir compagnie. Car ce n’est pas ce que son frère voudrait. Car il ne voudrait pas, que les gens aient pitié de lui, que les gens, se forcent à être près de lui, il ne supporterait pas de voir, la pitié pour ce qu’il est aujourd’hui, la tristesse ou l’inquiétude, il voudrait rester un modèle, une personne à laquelle on pense avec le sourire.

Sa mère prend le temps, ça dure, une dizaine de minutes, elle l’encourage et panse ses blessures, d’une main sur l’épaule, elle le laisse, seul avec lui-même, seul avec ses choix. Et Ephraïm fait celui, de revenir dans la chambre, avec ses doigts, couverts de pansements. L’un d’eux est orné de cupcakes, Ephraïm ne l’a pas même remarqué.

_ Bon, j’ai fait tomber la vaisselle…Je, hm, je me débrouille mieux en escalade, promis. Euh. Vous voulez venir manger les fraises dehors avec moi ? Près du jardin. On y sera bien.

Les mots d’Ephraïm trahissent sans cesse l’envie de faire ses preuves. D’être, digne, d’un héritage qu’il doit porter. Ce n’est pas seulement ce nom qui les unit, mais toutes les promesses, qu’ils se sont faites, celle, d’être meilleur que lui.

Une promesse amère.

Les fraises emmenées par Andréa ont été écueilletées. Elles sont nettoyées et soigneusement rangées dans un saladier. Ephraïm en prend une, qu’il glisse entre ses lèvres, avec une gourmandise qu’il n’arrive pas à dissimuler, puis il tend le plat vers Andréa pour qu’il puisse se servir s’il le désire. Il le guide dans le couloir, jusqu’au fond près du débarras, il ouvre la porte et entre dans le jardin.

Près de la fenêtre laissée ouverte, il y a le potager, où poussent fruits et légumes - dont des fraises semblables à celles du saladier. Il y a, près d’un arbre aux fleurs blanches, une table et quelques chaises, Ephraïm s’assoit là, prend une fraise qu’il garde quelques secondes, entre ses doigts.

_ J’ai du mal à… à rester… calme et posé. J’essaye, mais c’est difficile. Je… Ca l’a été, quand on était près de lui, tout à l’heure. Je suis désolé.

Ephraïm baisse la tête.

_ Je ne sais pas ce que mon frère voulait apprendre de vous. Mais je crois, que moi, j’aimerai rester… aussi calme et posé que vous. Est-ce que hm. Vous pensez que vous pourrez m’apprendre ? S’il vous plaît. Un jour où vous en aurez le temps.

Parce que même en congés, Ephraïm n’arrête jamais, de travailler.

Il n’arrête jamais d’avancer.

Il ne doit pas, s’arrêter.
Ephraïm Kurusu
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Andréa Su
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Andréa Su
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Ven 21 Avr - 23:40
Even if it's full of love,
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Le jeune homme n’a beau ne pas en avoir l’âme, il a présentement tout d’un fauve tournant furieusement dans sa cage; cette nervosité agitée ressort à peine sa main saisit-elle la sienne, les doigts serrant, encore et encore, comme un tensiomètre dont l’emprise désagréable ne semble jamais s’arrêter. C’est pourtant Andréa qui jauge la pression de son cadet dans cette poigne, sans ciller, relevant simplement le regard vers lui jusqu’à ce que sa main soit libérée, enfin, l’empreinte fantôme de son vis-à-vis restant imprimée dans sa paume un instant avant de s’évanouir. “Ce n’est rien.” répond-t-il calmement et secouant doucement la tête.

La situation est compliquée, sensible. Quoi de plus normal: si lui-même vient le cœur lourd pour voir celui qui est alité à quelque pas, c’est de son propre frère dont il s’agit, dans sa propre maison. Aucune quiétude ne suffirait à chasser la tension quotidienne qui doit peser sur ses épaules et dont il ne peut, réalistement, sentir qu’une fraction lors de ses visites.

Elle est pourtant momentanément apaisée, l’attention portée loin de ce qui fâche. Le malaise laisse sa place à la fierté qu’il n’a pourtant pas l’habitude de flatter, car avec Andréa, il y a toujours quelque chose à améliorer: c’est là la chance de ne pas travailler sous ses ordres, même si le noiraud ne peut pas s’empêcher de soulever ce que l’humilité à fait remonter. “Ha ? Est-ce que l’on aurait dû ?” La taquinerie qui lui fait si souvent défaut est pourtant vite soufflée, la conversation ramenée à la réalité; ses yeux sombres glissent vers l’intéressé, par gêne ou humilité, il ne saurait dire. Ces paroles qui devraient lui réchauffer le cœur l’enserrent cruellement, mais le trouble ne froisse pas un instant son visage placide, et ce même si Ephraïm ne le regarde pas -fuit peut-être lui aussi ses yeux perçant.

Mais le vautour n’a pas besoin de voir son visage pour y lire ses émotions. Ses gestes. Sa voix. Tout trahit le retour de cette tension qui referme son voilage sur la pièce. Alors Andréa écoute, essaie de trouver comment naviguer sur ce terrain miné mais s’y retrouve piégé, incapable d’avancer ou de reculer. Habitué des condoléances, il préfère les taire; sans arsenal, il est rendu muet, impuissant.

Son thé tiédit dans sa main glacée; il ne proteste pourtant pas lorsque le jeune homme va ouvrir la fenêtre, espère sans grande conviction que cela permettrait de chasser l’air pesant alors qu’il se permet un pas vers le lit, continue d’observer à bonne distance -chasse les pensées désagréables qui lui susurrent que telle est sa place, dans cette pièce, pour laisser celles, plus hésitante, s’exprimer. “Je ne me serais jamais douté qu’il parlait de moi.” Sa présence à ses côtés lui avait toujours paru insignifiante; malheureusement, tout réconfort qu’il pourrait tirer de cette information se voit vicié par les circonstances.

Il est vrai qu’il est dur de le voir ainsi, mais Andréa ne le soulève pas, même si les yeux ne mentent pas lorsque le sourire tente d’apaiser la douleur . “Merci de m’en avoir fait part. Ça… Compte beaucoup pour moi.” Le sentiment est sincère, même s’il fait mal, même s’il voudrait pouvoir le lui dire à lui, directement. Mais il sait que si l’aîné Kurusu pouvait l'entendre, il n’aurait jamais, jamais prononcé ces mots; se serait contenté de les garder près de son cœur, avec le reste.

Le changement de sujet est accueilli à bras ouvert, l’aide a ne pas s’attarder sur l’embarras laissé par l’ombre de la vulnérabilité. Même si son frère ne cesse de faire irruption dans leur conversation, c’est sur le cadet qu’il concentre son attention. “Un sage conseil.” soulève-t-il du bout des lèvres, un souffle, à peine. C’était la raison même pour laquelle il se contentait du mur d’escalade de la salle de sport.

(un accident est si vite arrivé)(semble murmurer les machines)
(comme si cela en était un)

La fébrilité fait tourner les ailes du moulin à parole: au milieu du flot, les interjections d’Andréa sont courtes et mesurées. “Juste l’après-midi.” D’où l’uniforme sur ses épaules, dont la propreté trahissait une matinée passée penché sur son bureau à soupirer, la tête dans les rapports. “Oui, quelque fois par année.” Depuis que c’est arrivé, avec la même diligence que tout le reste dans sa vie.
Il se contente parfois simplement d’acquiescer, même si le jeune homme ne le regarde pas,
continue de tourner dans sa cage sans qu’il ne sache comment le pacifier.

Si bien qu’il finit par le bousculer.

Le mettre debout face à sa propre hypocrisie en voulant le dédouaner.
Même face à la marée montante, le Milicien reste interdit; ses yeux écarquillés, à peine, laissant entrevoir le tumulte déchaîné par quelques mots et les émotions si violentes qu’elles ne peuvent que déteindre
même sur les plus stoïques.

La première impulsion est de le nier, mais elle est freinée par la question, la vraie: pourquoi vient-il ici, alors ? Pour les apparences ? Par besoin inné de s’autoflageller ? Parce que ce n’est pas par espoir naïf, ça, tout au fond de ses tripes, il le sait. Ça remonte avec la nausée qui rend sa peau blême et les sueurs froides qui saturent le débardeur contre sa peau moite, sous l’uniforme que l’homme allongé n’a plus revêtu depuis des années.

(si tu es si certain que ça ne va jamais arriver,
pourquoi tourne-tu autour de ce cadavre en devenir ?)


En un coup de vent, Ephraïm disparaît,
et l’homme dont son frère chantait les louanges se retrouve incapable de bouger.
Dans l’intimité de la chambre, avec pour seul témoin celui qui ne peut pas parler, il ravale péniblement l’angoisse qui a bien failli s’échapper, un soupir chevrotant la remplaçant alors qu’il débarrasse ses paumes moites de leur prison de cuir. L’éclat dans le lointain malmène son cœur qui déjà palpite à une vitesse effrénée, mais il ne quitte pas sa place, paralysé.
Il ne regarde le responsable plus que du coin de l'œil.

Calque sa respiration sur la sienne, nullement affectée par tout ce qui vient de transpirer,
et retrouve son sang-froid.

Ce n’est pas sa place de courir après Ephraïm.
Ses sentiments ont simplement eut raison de son calme.
Cela ne sert à rien de se torturer inutilement,
et si la question l’empêche de fermer l’œil cette nuit, il l’amènera tout simplement à son thérapeute,
pour classer et compartimentaliser toutes ces émotions désagréables, mais naturelles.

Le problème est que ce n’est pas tant pour sa personne qu’il s’inquiète. Entouré par la quiétude, quelques échos, à peine, lui parviennent, étouffés par les murs et le bruissement du vent. Il revoit, dans sa tête, l’image du lionceau tournant derrière ses barreaux, rongés par ce qui bout tout au fond de lui; car le garçon a beau être adulte, il ne peut s’empêcher de le voir ainsi -de reconnaître un brin de la détresse qui l’accompagnait partout, à son âge, sous les apparences, même si leur nature ne pouvait pas être plus différente.

Il se prend, malgré lui, à penser.
Si seulement son frère pouvait se réveiller.

Mais en revenant sur son visage, l’homme dort toujours à point fermé.


D’ici à ce que le fils cadet revienne pointer le bout de son nez, le Milicien à fini de faire le tri dans ses pensées, rangés les mèches qui s’étaient -encore- échappées et recouvré son masque d’impassibilité. La fenêtre a été à nouveau poussée, par souci, malgré les températures douces et ses gants sont à présent pliés et rangés dans ses poches.
Il accepte le demi-mensonge d’un hochement du menton presque imperceptible, puis l’invitation d’un “Bonne idée.”, comme s’il s’agissait simplement de profiter du paysage, et pas d’un besoin urgent de s’éloigner de la chambre.

Si ce n’était pour le pansement vite remarqué, ce serait comme s’il ne s’était rien passé.

Diligemment, il se glisse à sa suite, refuse poliment lorsque le bol est tendu vers lui. “Elles sont pour vous. Et puis, je ne pense pas me tromper en assumant que vous les apprécierez plus que moi.” L'œillade rapide vers les chaussettes du jeune homme suffit à lui faire comprendre où il veut en venir. Malheureusement, il ne peut pas rafler les mérites du hasard pour ce choix judicieux, mais la note est faite et soigneusement rangée dans son esprit.

Comme à chaque fois qu’il quitte cette maison, la végétation l’accueil à bras ouvert; lui fait inspirer discrètement, soulagé, même s’il a honte de l’admettre, de quitter cet endroit. La question essaie de se faufiler sous cette quiétude feinte, est remise à sa place du temps qu’ils atteignent la petite table et s’y assoient.
Le dos bien droit contre le dossier, jambes croisées, le silence reprend ses droits jusqu’à ce la confession sorte.
Cristallise, sans qu’il ne s’en rende tout à fait compte, l’envie née au sein de l’inquiétude, qui finit de prendre vie face à l’humble requête.

Une fois de plus, Ephraïm le surprend, mais ce n’est pas l’angoisse qui fait paraître un instant la surprise sur son visage. C’est un sentiment tout autre qui se précipite à ses lèvres, s’échappe malgré lui en un sourire caché contre le dos de sa main. “Ne vous excusez pas.” amorce-t-il en entrelaçant ses doigts comme il le fait si souvent à son bureau; un simulacre de contenance dans lequel il tente de puiser alors qu’il cherche les bons mots, ceux qui semblaient venir si facilement à son frère, sur lesquels s’appuyer encore et encore. Mais il n’a jamais eu l’occasion de lui demander, d’apprendre. “Perdre son sang-froid, dans votre situation, n’a rien d’anormal.” Il ne veut pas s’épancher sur le sujet; risquer de minimiser son vécu ou de l’infantiliser à outrance. “Mais pour ce qui est du reste, je serais ravi de pouvoir vous aider. Après tout, cela va non-seulement dans votre intérêt, mais aussi celui de la Milice, n’est-ce pas ?” Le boulot le boulot le boulot, il n’a que ça à la bouche, mais ce n’est pourtant pas par devoir qu’il accepte. Le vautour n’a aucune idée de l’ampleur de l’entreprise dans laquelle il se lance aveuglément; ça lui semble juste, tout simplement.

“Par contre, ça ne s’apprend pas en un jour.” Pas besoin de traverser les mêmes épreuves que lui pour y parvenir, mais c’était bien les années qui avaient façonné son flegme. “Vous avez parlé d’escalade tout à l’heure, il me semble ?” Du bout de l’index, il vient chasser un pétal immaculé étant venu s’échouer sur son genou, tout en continuant. “Mon emploi du temps est… Chargé, mais je peux vous trouver une place dans mon jour d’exercice quelques fois par mois si cela vous convient.” Dans le cas contraire, il serait contraint de le faire lever aux aurores ou d’ajouter davantage d’heures supplémentaires à son propre agenda, car il ne se voyait absolument pas imposer la présence d’un supérieur durant les jours de congé du jeune homme.

Enfin.
Il y a une autre raison, c’est vrai.
Une qui vient effriter le vernis de sa sévérité en lui faisant baisser les yeux, se concentrer un peu plus sur les pétales délicatement arraché par la brise pour réussir à bredouiller. “Et puis, ce serait l’occasion pour moi de m'essayer à l’escalade en plein air.”

S’entendre dire cela suffit à colorer ses joues, et sentir la chaleur les mordre ne fait que l’enfoncer dans l’embarras qu’il tente d’ignorer. “Nous serions quitte.” Oui, voilà. Tout simplement.
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Ephraïm Kurusu
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Mar 16 Mai - 7:36
Une grimace répond à la question du Capitaine.

Ce n'est pas un souci de notes, ce n'est pas un souci de performances, ce n'est pas pour rien qu' Ephraim a été le premier de sa promotion. Mais contrairement à Ilya, le jeune homme n'a jamais été du genre à se vanter de ses performances. Il est habitué à ce que l'on se moque de sa petite taille. Ou de ses éclats de colère. Ces explosions, comme cette fois où Ilya l'a enfermé dans les vestiaires - il n'y est pas resté très longtemps, avant qu'un coup de pied bien placé n'arrache la porte de ses gonds.

Peut-être est-ce l'opposition entre sa taille et son potentiel de destruction, qui prête à sourire ? A moins qu'il ne soit seulement plaisant de constater que le premier élève de sa promotion soit loin d'être parfait.

Gêné, il ne tourne les yeux vers Andrea que lorsque ce dernier le remercie. Ephraïm plante alors ses yeux dans ceux de l'homme. Cette fois, sans crainte, sans honte, sans malaise. Car il sait la valeur de ces mots. Il les a portés et les porte encore, bien qu'il les ait enfin confiés. Tout ce que son frère lui a partagé, ses pensées, ses erreurs, ses espoirs, ses aveux. A croire qu'il…

Et Ephraïm veut rendre honneur à tout ce qui a permis à son frère de vivre, de ressentir, jusqu'à la venue de l'accident. A tout ce qui a donné du sens à sa vie, à toutes ces cordes qu'il faut peut-être tirer pour le ramener, pour qu'il ouvre les yeux. Car Ephraïm est sûr qu'il l'a vu parfois sourire ou bouger, il est sûr qu'il l'a vu réagir, puis la réalité revient, terrible et cruelle : le corps inerte, blafard et famélique.

Parfois, il étouffe, sans savoir si c'est dans sa tête, dans cette chambre, qu'il se sent prisonnier, sans savoir, quels murs il a envie de défoncer. Ceux qui les séparent, cette fragile barrière, ce mur impassible, que ses coups et ses pleurs n'ont pas même fait frémir, et pourtant, il voit au travers des appareils de mesure, que son corps réagit. C'est un battement plus rapide qu'un autre, c'est un souffle qui hésite, mais ces détails, sont-ils vrais ou sa tête les crée-t-elle pour le soulager ? Pour lui donner l'espoir qu'un jour, son frère ouvrira les yeux et se relèvera, qu'il lui dira avec son sempiternel sourire, tout va bien.

Son frère est là, son corps est là, mais sa conscience s'est égarée, emportée sur une rive qu' Ephraïm ne pourra jamais atteindre. Mais il ne sait pas baisser les bras, il ne peut pas l'abandonner, alors il nage, avec toute la force du désespoir, avec toute sa rage. Incapable, de se dire que tout est fini, malgré les années, car l'électrocardiogramme lui rappelle sans cesse que son coeur n'a jamais cessé de battre. De se battre.

Mais Ephraïm ne sait pas quel ennemi affronter.

Et Andrea est un instant victime d'une balle perdue. De mots qui se sont plantés dans sa chair, sans qu' Ephraïm n'ait conscience d'avoir fait un blessé alors qu'il voulait le protéger.

Lui épargner la vision de ce cadavre animé, de cette coquille où lutte un semblant de vie, il espère, un semblant d'identité. Ephraïm ne sait pas ce qu'il faut faire. Entretenir cette flamme, les visites, bien que personne ne sache jamais quoi lui dire, bien que les regards se détournent de ce fantôme, où est donc le grand, le beau Milicien ? Le doux et serein Kurusu, connu pour sa bienveillance, pour ce sourire qu'on voit sur toutes les photos ? Est-ce vraiment lui, qui gît sur ce lit, les traits figés, les appareils de branché, est-ce qu'il reste un peu d'humain derrière tous ces sons mécaniques ? Cette vie artificielle.

C'est peut-être tout ça, qui l'étouffe. Ces fils de partout, ces bruits étranges, ces odeurs de désinfectant, tous ces trucs qui rappellent que son frère est là, qu'il est absent, que sa vie peut s'arrêter à tout instant, qu'il ne sait pas si avant ce dernier moment, son frère se croyait seul, se savait-il accompagné, était-il même conscient de ce qu'il lui arrivait ? Les questions sans réponses sont un ressac incessant, il s'y noie, il se débat.

L'océan le submerge.

L'air lui manque. La pression écrase sa cage thoracique. Mais Ephraïm trouve encore la force de courir. Les spasmes, la boule éclate, ses lèvres libèrent les jurons, il crache l'écume, d'un coeur empli de pus. Sa peau s'ouvre, se fend et le sang coule, comme les algues poussent sur les rochers balayés par les vents et les courants, comme la vie s'arrache des terres les plus infertiles. La liberté suinte d'un coeur emprisonné. L'espoir, au plus profond de l'obscurité de cette chambre immaculée.

L'étreinte de sa mère, les mots de son frère, lui reviennent. Fais attention Ephraïm. Ne te fais pas mal, Ephraïm.

Et son propre leitmoviv - n'inflige pas aux autres, cette souffrance.

Il pense à Andrea qui l'attend.

Il ne pense pas au fait qu'il soit Capitaine, qu'il lui ait montré qu'il n'arrivait pa à se gérer, qu'il était incapable de se contrôler.

Il pense à cet homme venu déjà quelques fois, aux fraises qu'il a eu la décence d'emmener. A son malaise, face à son frère.

Il sait que c'est déjà pénible de venir jusqu'ici. De voir ce triste spectacle. Ce n'est pas pour endurer les déboires d'une âme à la dérive.

Alors Ephraïm s'accroche à cette bouée, il se détache de sa mère, prépare les fraises et retourne à la rencontre de l'homme, l'invite, venez, sortons, prenons l'air. Ils rejoignent les jardins et face au refus d'Andrea, il répond d'un sourire amusé. Du dos de ses doigts, il frotte son nez.

_ Merci, hm. C'est vrai que j'aime beaucoup les fraises.

Son fruit préféré. Au point où son frère en a fait pousser dans leur jardin. Ephraïm continue à les entretenir d'ailleurs.

_ Vous êtes vraiment observateur.

Complimente-t-il avec sincérité. Il doit avouer qu'il est impressionné… A bien y regarder, les prunelles du Capitaine sont toujours attentives. Et ce, jusqu'à des détails que beaucoup n'auraient pas même remarqué. Les baies sont glissées une à une entre les lèvres du jeune homme, si certain.es se réconfortent dans l'alcool, lui c'est le vent sur son visage et le jus acidulé des fraises sur sa langue, qui lui font du bien.

Mais Ephraïm est attentif, lui aussi. Et s'il était noyé, il a enfin sorti la tête de l'eau. Il voit la surprise, au travers des yeux écarquillés, le sourire qui s'esquisse, les yeux qui se plissent, la main qui dissimule pudiquement l'émotion fugace qui s'est échappée. Une telle maîtrise l'impressionne, bien qu'au fond de son être, son coeur s'enserre. Andrea n'étouffe pas, sous cette spontanéité muselée, ces mains gantées, ces jambes croisées ?

La pensée est mise de coté.

Les doigts s'entrecroisent. Et les mots qui lui parviennent sont une caresse à laquelle il ne s'attendait pas. Il n'y a pas de jugements, de raisons incisives, de reproches : il le comprend. Et Ephraïm suspend son geste de porter une fraise à ses lèvres. Il la repose et l'écoute. Les épaules libérées d'un poids, d'une pierre, qui veut le tirer vers le bas.

_ Je n'ai pas peur.

Ephraïm s'est redressé fièrement. La tête haute et les bras reposés sur ses cuisses, il reprend.

_ L'effort ne m'effraie pas. Et j'ai conscience… Qu'il faut du temps pour parvenir à des résultats.

Ses mains reposent le panier de fraises sur la table, avant qu'il ne croise les bras sur son torse. Il s'est entraîné tant d'années. Pour dépasser Ilya, pour remporter le record de son frère. Et il ne compte pas arrêter.

_ Je veux être le meilleur.

Répond Ephraïm, les sourcils froncés. Une promesse qu'il a faite depuis des années.

_ Ce n'est pas dépasser les autres qui m'intéresse. C'est me dépasser moi. M'améliorer. Devenir une meilleure personne, sur tous les points. Physique, psychologique et autre. Avec votre apprentissage et votre guidance je… Je pourrais sûrement progresser. Ca aura des répercussions sur ma vie, sur mes relations avec les autres et sur la qualité de mon travail.

Il incline le haut de son torse en courbant l'échine.

_ Merci pour votre aide.

Il est surpris de voir Andrea balayer un pétale du bout de l'index. Lui ne fait pas vraiment attention à ceux qui tombent dans ses cheveux ou sur ses épaules.

Il redresse la tête à la mention d'un emploi du temps chargé et avant qu'il n'ait le temps d'y penser, son corps s'est levé sous l'enthousiasme.

_ Quelques fois par mois ? C'est encore mieux que ce que j'espérais !

Un sourire radieux éclaire le visage du jeune homme. Dévoilant ses dents, ses yeux brillants, il a décroisé les bras pour les lever légèrement sous la joie. Car si son frère était toujours d'un calme olympien, Ephraïm a cette spontanéité, cette liberté, que son frère lui a toujours enviées.

_ Ça me convient parfaitement. Je suis en poste au Mont Hurleur une grande partie de l'année, vous pourrez me transmettre vos disponibilités et je m'adapterai.

Il surprend le geste discret d'Andrea. Ses yeux qui se détournent, vers les pétales abandonnés. Et pris d'une impulsion qu'il n'essaye plus de retenir cette fois, Ephraïm en ramasse quelques-uns, les garde au fond de ses paumes pour les effleurer du bout de l'index.

_ C'est super.

Le ton qui anime ces mots n'est pas celui auquel on pourrait s'attendre.

Il est encourageant.

Son geste n'a servi qu'à attirer le regard d'Andrea, pour unir ses yeux aux siens et lui sourire avec sincérité. Ephraïm observe avec bienveillance les rougeurs sur ses joues, effleure cette étrange gêne. A ses yeux, elle est incompréhensible. Une timidité qui n'a pas lieu d'être, alors qu'il parle de ce qu'il aime, de ce qu'il a envie de faire, de dévoiler que quelque chose, le fasse ressentir. Comme si laisser percevoir l'âme sous le masque, l'être sous l'uniforme, les émotions sous la glace, comme si tout ça, c'était franchir un cap, c'était dévoiler l'intime, c'était s'offrir, avec la crainte d'une moquerie, d'un regard, d'une critique. A moins que ce ne soit que le malaise d'avouer qu'il n'a encore jamais pratiqué ? Mais il y a un début à tout ! Et c'est courageux d'essayer. De sortir des plates bandes bien cadrées, des chemins tout tracés.

Ephraïm, à sa manière, veut poser une main sur son épaule, trouver les mots comme lui a su le libérer de sa propre culpabilité, lui enlever ce fardeau qui semble peser. Ces règles qui l'empêchent de s'exprimer.

_ Je suis content que vous puissiez vous lancer. Ca fait longtemps que vous pratiquez ? Vous faîtes d'autres sports à coté ?

Interroge le jeune homme.

Car lui veut que les autres fassent comme lui. Qu'ils aillent plus loin. Qu'ils se dépassent. Qu'ils avancent tant qu'il est possible de courir, de marcher, de ramper, de penser.

Et au travers des gestes pudiques, de froide retenue, Ephraïm effleure les failles d'un coeur qui bat, sous la banquise, s'anime un océan prisonnier. Il veut sentir les ondes de ses vagues, sentir sa surface se troubler, laisser l'écume l'effleurer. Partager un instant de liberté.

_ Vous verrez, l'escalade en plein air, c'est tout autre chose. Vous avez le matériel ? Je pourrais vous conseiller !

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Andréa Su
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Dim 18 Juin - 19:18
Even if it's full of love,
In stillness
all a ghost can do is haunt.
L'enthousiasme du jeune homme entretient le sourire discret sur ses lèvres; menace, en réalité, de faire naître un gloussement. Le chatouillement persiste un instant au creux de son diaphragme, semble essayer de le faire craquer. Ce n’est pas que la détermination dans les gestes solennels du cadet Kurusu soit risible, bien qu’elle lui semble hyperbolique, débordante comme le flot d'émotions qui n’avait pu être contenu un peu plus tôt; non, c’est bien parce qu’elle le touche, sincèrement, que ce réflexe nerveux a été titillé. Le besoin d’en rire, car c’est lui qui se sent idiot, d’être flatté par si peu, alors qu’il n’a qu’un peu de son temps et de son expérience à lui offrir. Son sourire rayonnant, malgré la perspective de passer plus de temps en compagnie d’une personne si morose, le ravi bien plus qu’il ne l'admettrait tout haut.

Non, la chaleur de cet échange, il la conservera bien à l'abri auprès de son cœur, comme un précieux secret.

“C’est une philosophie tout à fait admirable.” concède-t-il avec sincérité, acquiesçant de la tête. Tant qu’elle ne déborde pas dans le même perfectionnisme exacerbé dont il peine encore à se dépêtrer, elle constitue un point de départ parfait pour leur petite entreprise, loin de la compétitivité machiste qui l’a toujours éludée. Il courbe l’échine à son tour, poliment, rendu muet par la gêne incombée par ses propres pensées avant même que les mots ne franchissent le seuil de ses lèvres, étudiés, mesurés.

Toute cette préparation ne le fait pas se sentir moins stupide, à s’empourprer comme une écolière devant son cadet pour si peu. Il y a des réactions dont il n’a pas encore le contrôle, qui trahissent l’homme derrière l’uniforme.

C’est rare, cependant, qu’elles soient remarquées lorsqu’elles sont si discrètes.

Car c’est bien à cause de cela que le ton d’Ephraïm s’adapte, une différence qui n’échappe pas à ses oreilles et guide ses yeux, appâté par le geste, vers les siens, alors qu’il ne voudrait que les fuir. La brise, comme elle aussi à l’écoute de cette gêne silencieuse, fait tomber sa frange comme un voile devant son visage, donne une excuse à sa main pour se mettre entre eux, recoiffant d’un geste lent ses cheveux lisses. “Oui.” répond-t-il simplement, sans trop savoir si ses mots ont une quelconque utilité dans cette interaction. Le contrôle lui a glissé des mains, par simple familiarité échappée, mais il ne peut que remercier silencieusement le jeune homme de diriger le flot de la conversation, même si c’est vers lui: il le préfère à un silence gênant, si loin de ceux qu’il affectionne tant. “Oh, j’ai commencé lorsque j’étais encore à l’académie.” Ça n’aide pas à le rajeunir, mais le vautour ne se gêne pas de son âge; ses belles années ont été si tumultueuses qu’il ne peut souhaiter pour rien au monde d’y retourner. “Mais je ne pratique qu’une fois par semaine.” L'humilité ne peut bien sûr jamais être très loin. “Le reste du temps j’alterne entre course et nage, pour décompresser.”

Bien malgré lui, sa voix se fait presque murmure, à peine plus forte que le vent. Il aurait envie, presque, de ramener ses genoux contre son torse, mais se contente de se laisser fondre un peu plus sur la table, les mains toujours liées mais les coudes ouverts. “Sans ça, je ne sais pas ce que je ferais.” Un soufflement de nez, à peine, réussit enfin à s’échapper, plein d’auto-dérision. C’est pourtant la vérité, rien que la vérité; jamais il ne se sent plus en paix qu’exténué, les embruns euphoriques laissé par la vague d'endorphine persistant bien après que les muscles endoloris aient été soulagés par l’eau fraîche. Mais ça, il ne s’imagine pas le partager, sourit simplement face à l’optimisme renouvelé du noiraud venant quémander son attention. “Ma fois, je suis impatient de le découvrir.” Cela ne fait pas de sens de cacher des émotions d’ores et déjà trahies, bien que son ton placide détonne avec les mots. “Et ce ne sera pas de refus, votre expertise me sera sans doute précieuse.” Après tout, comment pourrait-il lui venir en aide en retour s’il s’ouvrait la tête sur les rochers dès la première excursion ? Autant laisser les experts le guider.

Le vautour se surprend à tenter de conjurer son prochain jour de congé. Mais, impartial, le temps refuse de se plier à ce caprice, bien qu’il ait réussit à tromper sa vigilance.

Le jardin avait beau être agréable à cette époque de l’année, il y avait des façons plus amusantes pour un jeune homme de passer son jour de congé que de discuter avec un supérieur. “Je ne voudrais pas m’éterniser.” Déjà, il commence à se relever, rassemblant les quelques pétales ayant profité de leurs conversations pour tacheté son uniforme, l’un ou l’autre perdu dans sa chevelure sombre. “Je vous laisse mes coordonnées pour que l’on puisse organiser cela, si ça vous convient ?” Son téléphone personnel, bien sûr, pas celui par lequel il peut être joint à son bureau; sans le savoir, Ephraïm venait de se faire une place dans le groupe très sélectif de son répertoire, un honneur qui en disait plus long sur la taille restreinte de son cercle que sur la qualité de celui-ci.

Il reste une chose qui, pourtant, le garde sous l’ombre de l’arbre. Une chose qui demande grand soin pour être exprimée correctement et qui ne peut être précipitée. “Vous avez fait preuve d’une grande maîtrise de vous, aujourd’hui.” La moindre syllabe est soigneusement articulée et si le ton reste monocorde, les mots, peut-être, réussiront à transmettre cette indulgence qui lui fait trop souvent défaut. “Même si vous n’avez pas pu garder votre calme, vous avez été capable de le retrouver.” Il lui offre un sourire d’encouragement pour se faire pardonner de faire remonter ce qui avait transpiré un peu plus tôt. “C’est un très bon début, vous devriez vous accorder plus de mérite.”

Il est si facile de se torturer sur ses lacunes. Ça, il ne le sait que trop bien.

“Passez le bonjour à votre père.” Andréa lui offre à nouveau sa main sans craindre une seconde que sa poigne ne se fasse à nouveau dévastatrice. “Et… Merci.” Pour l’hospitalité, voudrait-il ajouter, mais ce ne serait qu’une demi vérité. Derrière son sourire pincé, l’incertitude de son regard intime la vraie raison derrière sa gratitude.

Merci de me laisser repartir d’ici le cœur un peu plus léger.  

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Lun 3 Juil - 21:33
La gêne ne lui a pas échappée. Dans les yeux qui se sont détournés, les mèches qui sont retombées, les rougeurs qui se sont esquissées. Il y a une faille, dans ce mur de glace, un défaut, dans le masque de porcelaine. Un prédateur s'y serait glissé. Appâté par l'idée d'une plaie à lécher, d'une chair à déchirer, d'un coeur à arracher.

Mais Ephraïm veille à ne pas s'y engouffrer. Que cet instant spontané, cet éclat de sincérité, ne soient pas associés à la vulnérabilité. Qu'Andréa n'ait pas à se réfugier, qu'il ne se sente pas attaqué. Cette faille, il la contemple et lui sourit, car Ephraïm en a plein, il suffit de voir avec quelle facilité il éclate. Les fragments de son être éparpillés aux 4 vents, les émotions l'explosent.

Comme cette première fois où son frère a quitté la maison : la tête d' Ephraïm a heurté le mur, sa tempe s'est crevée, le sang a coulé, ça a inondé ses yeux, dégouliné jusqu'à ses lèvres. L'enfant a agi par impulsion. Il avait eu si mal de le voir partir ! Si mal qu'il avait voulu sortir cette douleur. Et ce n'avait été que le premier événement parmi tant d'autres.

Alors Ephraïm veille à être doux et paisible, à être attentif, car il sait que son corps parle avant lui.

_ La course ? La nage !

Répète Ephraïm. Il s'est presque levé, sous l'émotion. Le visage éclairé d'un grand sourire, il raconte, Je vais courir tous les jours et j'allais souvent à la plage avec mon frère, mais il s'interrompt d'un effort, il sent l'enthousiasme galoper dans ses veines. Ses lèvres se serrent mais n'effacent pas la joie simple et ses mains qui s'étreignent.

Comme deux inconnus, l'un sur la rive et l'autre sur un navire, se saluent de la main. C'est le plaisir de partager une passion, un moment, de voir qu'il n'est pas seul à aimer le mouvement. C'est le meilleur moyen d'évacuer toute cette pression qui écrase sans cesse ses propres chairs. L'impression que son corps est trop petit pour tout contenir, Ephraïm il a toujours envie de déborder.

Mais il s'efforce de suivre les règles de bonne conduite, le respect, l'honneur, la bienveillance. La douceur, il l'a un peu laissée de coté, ça, c'est Uriel qui la maîtrisait.

_ Vous… Vous ne sauriez pas ?

S'étonne Ephraïm en clignant des paupières.

_ Si… Si vous voulez on pourra en parler ensemble. J'ai pas mal d'autres loisirs à coté !

Grâce à son frère. Uriel lui a appris à aimer l'instant. Des moments plus calmes, comme s'occuper du jardin, compter les étoiles, déblayer l'entrée du temple. Le ménage devenait une partie de rire, les frères se défiant à celui qui passerait le plus vite la serpillère, improvisant combats à l'épée avec les balais. Il y avait d'autres choses. Les dessins hideux où Ilya n'était plus qu'un simple trait de crayon ou un bonhomme bâton, les sudoku qu'il n'avait pas la patience de finir, la préparation de smoothies, le bricolage durant lequel son gros scotch gris servait à réparer les fuites, les semelles qui se défont, de sparadraps improvisés ou de quoi coller ses clefs à la porte pour ne pas les oublier.

Tant de choses à vivre et partager.

Parce qu'il suffit parfois d'un rien pour que tout s'arrête. Qu'une pichenette pour que le monde s'écroule. Alors chaque moment, Ephraïm les vit. Investi dans son travail et tous les autres moments de libre, quitte à parfois oublier qu'il faut dormir : et l'équin arrive parfois à somnoler, debout et les bras croisés, jusqu'à ce que sa tête retombe contre son torse. Il ne connaît que trop bien ce piège : s'il reste quelques minutes sans stimulations, le sommeil l'emporte.

Andréa se redresse et, par réflexe, Ephraïm l'imite. Le voyant réunir les pétales éparpillées dans ses cheveux et sur ses cuisses, le jeune homme tend la main pour les récupérer. Il s'amusera à les jeter en l'air quand Andréa sera parti. Pour tournoyer dessous, les bras écartés.

_ Bien sûr !

Ephraïm sort fièrement son téléphone de la poche arrière de son jean. L'appareil est de petite taille. La coque épaisse, en plastique, prévue pour endurer bien des impacts - et au vu des imperfections sur sa surface, le téléphone n'a pas toujours réussi à suivre les cascades et les galopades du jeune homme. L'écran, pourtant, n'est pas fissuré. Le clavier est usé par les années, à force d'être frotté par les doigts couverts de corne. L'objet est loin d'être tactile, l'écran n'affiche aucune couleur, qu'une succession de pixels noirs sur un fond vert kaki.

Uriel le lui a offert il y a plus de 10 ans maintenant. Il lui fallait un téléphone qu'il pouvait emmener partout. Il fallait qu'il aitune batterie conséquente, qu'il supporte quelques chutes voire de finir à l'eau. Ephraïm n'arrive à l'utiliser que pour envoyer des messages, passer un appel, ou jouer. Enfin, jouer. Le seul jeu qui lui reste est celui de guider un trait en pixel jusqu'à d'autres pixels, et chaque nourriture assimilée fait croître le reptile virtuel. Lorsqu'il atteint une taille conséquente, Ephraïm ressent toujours ce malaise intérieur qui le pousse à couper sa partie. Lui et sa phobie des serpents.

_ Normalement, je réponds rapidement, mais c'est vrai qu'au Mont Hurleur, le réseau ne passe pas toujours… Au pire des cas, je peux mettre 3 à 4 jours pour répondre. Si vous avez déjà des dates en tête, peut-être qu'on peut se les envoyer par sms, et se confirmer l'une d'entre elles dans la semaine. Ca vous convient ?

Ephraïm redresse la tête. Et les mots de son supérieur le laissent sidéré quelques secondes. Il ne sait pas vraiment ce qui lui arrive. Ca fait comme du gros sel frotté sur son cœur irrité. La sensation est viscérale, douloureuse, alors qu'au même instant, la chaleur inonde ses entrailles, monte jusqu'à ses joues. Il rougit, jusqu'en haut des oreilles, se mord la lèvre en baissant la tête, il observe les pétales immaculés au sein de sa paume et les fait tourner du bout de l'index. Jusqu'à les laisser retomber au sol. Contempler leurs voltiges malicieuses, elles dansent, tournoient, s'élancent en cabrioles élégantes, jusqu'à se jeter dans les bras de la terre. Certains d'entre eux disparaissent déjà dans l'étreinte d'un sol meuble, riche de vie. Ephraïm aime ces odeurs d'humus, d'humidité et de sève mêlées.

_ … Merci beaucoup. Vos mots m'encouragent. J… J'arriverai à faire mieux.

Ses sourcils se froncent, alors qu'il garde ses yeux fixés sur l'un des pétales qui vient de s'immobiliser.

Car aujourd'hui, Ephraïm avait été déçu de lui. Il avait eu honte. Comme à chaque fois qu'il s'énervait. Il criait, il cassait, ça explosait, puis venaient les silences gênés, les gestes craintifs, les regards qui se détournaient. La fuite ou le rejet, les reproches ou la distance. Mais ce n'était pas ce qu'Andréa retenait.

Lui, ce qu'il met en avant, c'est qu'il a réussi à retrouver son calme.

L'émotion lui fait serrer les mâchoires, son regard se durcit alors qu'il frotte ses mains pour les débarrasser des pétales. Ses prunelles d'un bleu sombre sont un orage grondant - qui se noient d'eau en cet instant. Il frotte ses paupières du dos de la main, bien qu'il n'y ait pas de larmes encore à effacer, il fait en sorte de les écraser contre son poing.

_ Merci encore. C'est vrai que… Que je ne m'en étais pas rendu compte… C'est un progrès.

Il se complimente à son tour, ou tout du moins, constate l'essentiel. Et se l'entendre dire, avec sa voix rauque, cette boule dans la gorge, c'est l'effet d'une claque, d'une embrassade, ça monte de son ventre, ça s'épanouit dans sa cage thoracique, son coeur part en morceaux et s'éparpille, les fragments qui voltigent, viennent taper jusqu'au bout de ses doigts.

L'orage éclate. D'un sourire qui franchit soudain ses lèvres : rictus dévoilant les dents. D' un gamin qui est prêt à bouffer le monde à pleines dents. Les poings serrés, les muscles contractés, s'éveille la fougue animale, celle d'un gosse prêt à renverser le monde et à défoncer les murs. Car Ephraïm ce qu'il cherche, ce n'est pas la perfection, ce n'est pas le bout du chemin, c'est le voyage, c'est franchir les étapes, c'est se voir avancer.

Et c'est galvanisant.

C'est bon, de voir le chemin parcouru et qui lui reste à faire.

_ La prochaine fois… Je sortirai peut-être plus tôt de la chambre. Avant de disjoncter.

Quand la main s'offre à la sienne, Ephraïm s'en saisit. Avec force. La pression revient, mais différente : il ne l'écrase pas mais le retient, quelques longues secondes, ses yeux plantés dans les siens. Son visage est redevenu grave. Ses yeux sont redevenus bleus. Il ne reste de la tempête qu'un pansement sur ses doigts.

_ De rien. Je suis heureux de vous avoir rencontré aujourd'hui, et ça a fait plaisir à Uriel. Même s'il ne le montre pas. Merci d'être passé le voir, pour les fraises… Et pour ce que vous venez de me dire.

Ephraïm hoche gravement la tête.

_ Je n'oublierai pas… votre bonté. Ca fait plaisir de… De voir qu'on n'est pas seuls. Et si j'ai pu vous rendre un peu ça…

Il hausse les épaules dans une moue bourrue.

_ Ca me fait plaisir aussi.

Il repose sa main libre sur leurs mains entremêlées. Dans un geste maladroit, témoignant de sa reconnaissance, jusqu'à le relâcher et se reculer d'un pas.

_ La prochaine fois, on se retrouve au Mont Hurleur alors ? Prenez soin de vous, rentrez bien ! Et n'hésitez pas à revenir, vous serez toujours le bienvenu ici !

Après tout, la Milice, n'était elle pas une grande famille ? Ephraïm raccompagne Andréa et lorsque le grand homme s'éloigne, Ephraïm le salue encore de la main, jusqu'à ce qu'il lui tourne le dos pour reprendre sa route.

Le soir même, assis à même le sol, adossé au lit de son frère, Ephraïm a les coudes reposés sur ses genoux.

_ Andréa a l'air d'être un super bon capitaine. Tu imagines, tu aurais pu être son collègue… Être capitaine toi aussi.

Ephraïm écoute le soupir des machines, les glougloutements des diverses poches suspendues, la vie en suspens, l'avis en suspens. Il ne sait pas, Ephraïm, que son frère aurait assumé ce rôle sans le désirer. Qu'il aurait enfilé ce masque, un de plus, derrière son sourire, qu'être Capitaine, était loin d'être un rêve.

Il ne sait pas que cet accident a peut-être empêché le pire. Qu'Uriel finisse sa vie dans un rôle qui ne lui plaisait pas.

Les yeux levés vers le plafond, Ephraïm glisse entre ses lèvres une des fraises achetées par Andréa.

_ Je crois qu'il m'a donné envie de l'être. D'être un peu plus comme lui.

Avoue Ephraïm, et sa tête bascule vers le visage inerte d'Uriel, qu'il observe longuement. Jusqu'à ce que la vision devienne insupportable, alors, ses prunelles reviennent sur le mur, parcourir les photos. Dont celle où les 2 frères posaient fièrement devant un mur d'escalade, Uriel portant Ephraïm sur ses épaules.

_ … Comment est-ce qu'il était avec toi, à ton époque ? Est-ce qu'il était autant… autant… Je sais pas… Il a l'air peu expressif, mais comme s'il voulait rien montrer ? Et il a l'air de travailler énormément.

Comme Uriel. Il dissimulait tout derrière un sourire, ce sempiternel et doux sourire, cette sérénité impassible. Ephraïm le sentait parfois. L'envie d'éclater ces murs qui l'étouffaient. Mais malgré ses tentatives, ses colères et ses cris, Uriel restait toujours. Imperturbable. Jusqu'à ce que le masque ne se fende. Un fragment, des larmes aux yeux, la voix qui tremble, puis le calme revenait, étouffant.

Est-ce qu'Andréa étouffait, lui aussi ? Cachant tout, d'un détournement de regard, en élevant la main vers ses lèvres, en laissant ses mèches retomber devant ses yeux. En s'occupant des pétales, plutôt qu'affronter ses prunelles incisives. Pudeur ? Timidité ? Quelque chose de plus écrasant encore ? Est-ce qu'il manquait d'air, lui aussi ?

Ephraïm, il a dans ses veines cette rage de liberté, cette rage d'exister. De briser les chaines qui le retiennent, les siennes et celles des autres. Comme il a parfois l'envie d'arracher tous ces tuyaux et ces fils, de balancer les machines par la fenêtre, d'embarquer son frère et plonger dans la mer, ne plus revenir.

Pas pour mourir, non. Mais pour s'échapper, de cette fichue chambre fermée, de toutes ces cages dans lesquelles les gens s'emprisonnent, Ephraïm ne supporte pas tout ce qui l'étrangle.

_ Faut croire que j'ai finalement trouvé un nouveau partenaire d'escalade. Et qu'il a peut-être besoin d'un coup de pouce, lui aussi. Ca fait vantard, je sais…

Il adresse une œillade à son frère puis se redresse.

_ Mais je sais pas…

Ephraïm fait quelques pas.

_ Je sens qu'il y a quelque chose. Qu'il a besoin peut-être… de s'échapper lui aussi.

S'échapper.
Ephraïm Kurusu
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