Maxine pas de velours sur le lino, capuche sombre rabattue sur les mèches colorées pour un semblant de méchanceté. Le jean élimé des mauvais (bons) jours, l’humeur envieuse des jolies choses. A dérober, s’imprégner, délaisser tout au fond des poches pour un avenir radieux. Ils n’en ont pas besoin qu’elle se dit. Les riches, ils n’ont pas besoin de tout ça. Faufilée par l’entrée de service alors qu’on ne la remarquait pas (on ne la remarque jamais, quand elle ne veut pas). Les lumières s’éteignent une à une, adieu joli monde adieu belle musique. Maxine siffle d’un air entêtant ce qu’elle entendait plus tôt, c’était à peu près beau. La montre brillante du concierge au fond d’une poche, le sourire carnassier éclaté sur les lippes.
Maxine commence sa tournée,
de joyeux larcins pour bien commencer.

Sifflement admiratif devant la salle de spectacle. Maxine le nez qui se lève, impressionnée par la hauteur du plafond, par les gradins, par tout tout tout. Elle se sent toute petite, insignifiante. Gonfle le torse pour paraître plus géante. Maxine tout en délicatesse, se prend les pieds dans un câble de la sono, maudit silencieusement les âmes quand des pas résonnent un peu plus loin. Moue anxieuse, la pie se faufile dans les ombres.
Comme un cauchemar, elle l’espère.

Je vous ai vu je vous ai vu. Grimace. Il l’a vu. Et ça l’a fait chier. Maxine réfléchi à mille à l’heure, préférant jouer la carte de l’innocence. Lever les mains en l’air et prétexter les larmes. Parfois, ça marche. Devant les idiots, ça marche.
Un pas hors des ombres.

« Désolée M’sieur… j’me suis perdue… » Reniflement de peur factice (est-ce qu’il ne parait pas un peu dédaigneux ?). « J’voulais juste voir un peu les salles. On m’a jamais invitée à l’opéra. » C’est vrai, elle s’y invite toute seule. La tête se baisse dans une lueur de fausse excuse, un peu fébrile.
Bouhouhouu.

Maxine les mains nouées de fausse anxiété, l’art de tirer les langues invisibles, museler l’adversité. Gros matou à ses pieds, ça lui fait penser à Désiré, aux moustaches qui frétillent et aux grosses pattes duveteuses.
Le regard baissé dans une parade biaisée, la pie sautille sur un pied, puis sur l’autre, la moue boudeuse.

« J’savais pas que ça allait fermer… »

Dans la fausse pénombre, on joue le jeu, s’égare un instant dans les ombres pour falsifier les sourires. Maxine se dit qu’elle ne joue pas si mal la comédie. Regard navré, peut-être la prendra-t-il en pitié ?

« Oh oui évidemment je vais sortir ! » Elle secoue la tête comme une pêcheresse. « Mais je le préfère de nuit vous savez. C’est différent. » Pour une fois, elle le pense vraiment. Elle aime bien la nuit Maxine, ça dissimule les soucis, chappe de ténèbres sur les ennuis, les comédies.
« J’vous suis monsieur. »

Un sourire de convenance, la tête qui se penche dans l’attente et puis attrape la main qu’on lui tend, non sans avoir entraperçu la belle montre scintillante au poignet.
Maxine, si elle pouvait elle se lécherait les babines.

Ca sert les doigts une seconde pour se laisser trainer hors de l’ombre. Ça lâche l’instant d’après, la moue innocente alors que les pieds s’agitent calmement vers la sortir pour suivre ce grand inconnu.
Maxine, elle a une nouvelle montre dans sa poche. L’habilité des petits larcins et des yeux qui ne regardent pas, elle sait faire elle le sait. Elle la cachera sous son lit cette nouvelle montre, l’observera peut-être les soirs d’insomnie pour écouter les tic et les tac, juste avant de s’en séparer pour quelques billets car au fond, il faut bien manger.

Maxine le corps qui tangue à gauche et à droite, dans l’expectation, l’attente des mâchoires qui se refermeront sur ses petites mains bariolées de modestes larcins, d’ambition pleine de chagrin. Le sourire qui veut s’étendre jusqu’à l’infini mais Maxine, Maxine a les moues désolées des bons jours à usurper les sentiments, se prétendre torrent de pleurs et culpabilité navrante dans les bras des plus grands. Un doigt qui s’envole au coin de l’œil comme pour essuyer les larmes de dépits.

« Vous avez raison. »
Les vieux comme lui pensent toujours avoir raison. Et Maxine s’orne intérieurement d’une grimace de dégout. La pie, elle n’aime dire ni bonjour ni merci ni au revoir ni,
vous avez raison.
Ça lui brûle la gorge comme une vodka de trop, fait remonter le cauchemar de ceux qui ont toujours tord.
Ça se termine dans le hall, la montre en poche, le sourire hypocrite des petites filles aux mèches colorées (celles qui vont encore bien sagement à l’école, diplôme en poche et encore un peu d’amour propre).

La question la surprend. Une seconde d’hésitation avant de vaillamment hausser les épaules, comme si elle ne comprenait pas trop. « J’habite pas bien loin vous savez. Ma maman va probablement venir me chercher. »
Pour la ramener jusque dans sa tombe. Les orphelins, ça attend les bras ballants qu’on vienne les trainer dans les tourments. Ça lui colle à la peau comme une vieille habitude.
Maman maman maman.
Faudra qu’elle passe sur la tombe.

Elle ne se sent plus très à l’aise Maxine, devant les questions qui insistent, les regards qui se posent sur elle. Les gros chats trop malins. Les mains trouvent réconfort dans les poches de son sweat trop grand pour elle, la tête qui se redresse en direction de l’entrée.

« Vous inquiétez pas j’vais vous laisser maintenant. J’voudrais pas vous ennuyer vous avez l’air occupé… et puis j’vois pas trop de quoi on pourrait discuter. Vous regardez les dessins-animés vous ? »

Recoin des lèvres qui se relève subtilement. Maxine, elle se marre intérieurement, amorce un pas en direction de la sortie, priant pour qu’il ne la retienne pas.

Maxine les yeux plissés en fausseté parsemée, les doigts noueux du voleur qui sait (qui sent) les ennuis arriver jusque sous son nez. Le sourire baroudeur en coin, ne pas se laisser faire dans les sournoises manières car ce soir, Maxine n'est-elle pas parfaite dans ses mines soucieuses de jeunes filles parfaite parfaite parfaite ? Elle a les doigts qui la démangent, tout au fond de sa poche entre le métal froid des larcins et les rêves d'éclipse. S'évader sans tout remuer. Pourtant, il ne la lâche pas des yeux et tout  d'un coup, la pie se sent toute petite, n'a plus aucune envie de s'appesantir sur les dessin-animés.

"Hm c'est vrai que j'vous pensais trop vieux pour les trucs comme ça..."

Le nez pique vers le ciel, constater l'arche bien symétrique du hall de l'opéra. Rien qu'ici, c'est déjà beau. Rien qu'ici, ça la fait un peu chier de devoir l'avouer.

"On peut en parler... mais j'y connais pas grand chose en architecture. C'est juste.. bien droit et ça fait le taff." Car l'essentiel n'est-il pas de tout faire tenir au-dessus de sa tête ? In Extremis, elle se souvient de ses piètres excuses, s'en va baragouiner quelques mots de plus. "Et puis c'est joli évidemment. Vraiment... joli. De nuit surtout." Elle papillonne des cils, espérant endormir les doutes.

Froncement de sourcils alors que les épaules viennent se hausser dans l'ébauche d'une parfaite victime. Maxine, elle a le mensonge incrusté dans la peau comme d'autre s'en ferait un manteau.

"Bof, j'en porte même pas vous voyez ?" Rien à ses lobes, rien à ses poignets, tout dans sa poche fermement gardée. "Pourquoi on parle de ça déjà ?"

Oui, pourquoi, pourquoi s'acharner sur les détails déjà oubliés.

Maxine nonchalante, les mains dans les poches, prêt du larcin entre les doigts trop habiles. L'homme pose trop de questions, Maxine n'a pas forcément les réponses, les épaules haussées dans une moue incertaine. Les représentations oui, elle n'en a vu aucune, se demande bien à quoi ça peut ressembler, le soir sous la lumière des projecteurs. Des cantatrices et des orchestres probablement ; malgré elle, elle trouve ça fascinant.

La suite la fait tiquer. Un budget ? La pie a donc l'air si délaissé, la gueule d'oisillon traînant sur le bas-côté ? Elle n'a pas la face crasseuse des mendiants Maxine, ni même la main tendue pour réclamer quelques pièces, le sourire amère. Non, qui peut bien dire si le budget, elle l'a ou elle ne l'a pas, alors la mâchoire se crispe, elle croise les bras sous sa maigre poitrine.

"J'aime pas trop vos insinuations monsieur... vous êtes qui déjà ?" Elle hésite soudain, est-ce qu'elle fait bien de fanfaronner comme ça ? Garder le dos bien droit ? A voir la tenue de l'autre, c'est peut-être bien un riche des environs sorti dernier d'une représentation tardive.

Finalement, la menace ne fait plus aucun doute et la pie n'ose plus replonger les mains dans ses poches pour palper le luxueux bijou. Méfiante, elle recule d'un pas ; ça pue le félin. Méfiante, elle sautille sur un pied, puis sur l'autre, fronce les sourcils. "Hm pas si attentif que ça apparemment." Sinon, elle n'aurait jamais pu dérober l'objet dans un premier temps. Il le sait, elle le sait. Ça la fait un peu flipper. "On peut faire comme si on s'était jamais croisé si vous voulez... on part chacun de notre côté, ça me parait bien."
Et beaucoup moins dangereux pour elle. Ose un sourire innocent, au cas où ça marcherait encore.