Ft. Lily memories of glass on laisse aller les souvenirs d'hiver
Le souffle un peu court et les muscles tendus, Caspian enchaîne les foulées sur le tapis de course, concentré sur sa respiration et son rock dans les oreilles, fredonnant de temps en temps les paroles endiablées sans même s’en rendre compte. Si le fennec considère qu’il n’y aura jamais rien de mieux que mille foulées en plein air, le temps a parfois toutes ses raisons d’exploser, déverser sa peine sur la grande ville de Lunapolis. Iris noires hypnotisées par la pluie qui s’écrasent sur les fenêtres, se félicitant d’avoir eu l’idée de se terrer ici loin des odeurs de chiens mouillés. La cadence ralentie, Caspian souffle avant d’arrêter totalement la machine, se redresser dans un sourire fier qui n’appartient qu’à lui. Les membres craquent alors que les bras s’étirent vers le ciel, un regard dans la salle pour observer quelques miliciens s’en aller, d’autres arriver. Des va-et-vient parfaitement habituels pour le complexe sportif où quelques groupes discutent et rient ici et là tandis que d’autres entretiennent en silence leur musculature ou s'entraînent à combattre sur les tapis prévus à cet effet.
Le blond range ses écouteurs, aperçoit à quelques mètres de là une natte sombre qu’il a appris à connaître durant ses années à l’Académie. Lily. La bouche se crispe une seconde, le milicien hésite, les doigts qui tapotent furieusement la pauvre machine à ses côtés. Se décidant rapidement, il vient à sa rencontre d’un air nonchalant, les doigts crochetés à son survêtement de sport noir. Il se racle la gorge.
“Salut Lily, quoi de neuf ?”
En matière d’approche, il a décidément fait mieux, se maudit une seconde mais avec elle, il n’a probablement jamais su faire. Un mystère dans son océan bien délimité, une énigme givrée qu’il a toujours peiné à résoudre. Lily, il avait du mal à la comprendre, jusqu’à cet éclat une semaine plus tôt, jusqu’à ce que la glace explose et laisse entrevoir le reste. Un peu, rien qu’un peu. Mais Caspian toujours solaire, un sourire amical aux lèvres comme il sait si bien le faire pour mettre à l’aise. Peut-être voudra-t-elle parler aujourd’hui oui, peut-être voudra-t-elle s’expliquer. Caspian, il a millier d’épaules à donner, proposer les mouchoirs sur lesquels s’effondrer.
Je ferme les yeux. Les sons. Le rythme de ma respiration. Fichues réunions. Pas eu le temps d’aller chercher mes écouteurs. Tant pis. « Ne montre rien ». Evidemment. Le visage fermé, pour éviter que quelqu’un ne vienne me parler. Une grande inspiration. La musique que la salle passe et les discussions des autres miliciens devront suffire. Il faut juste que je les fasse passer à l’arrière-plan. Le pilote automatique.
Tellement de gens. Je commence à m’orienter vers les tapis de course, mais en voyant le nombre de personnes qu'il y a déjà, je me tourne vers les appareils de musculation. Etirements. Puis direction la presse. Toujours commencer par ses points forts. Montrer qui est la cheffe, dans un monde masculin. Je règle la machine, m’installe, laisse ma tresse dépasser de l’assise pour éviter un inconfort ou un faux mouvement. Mes yeux arrêtent de voir le monde autour de moi. Seulement les mouvements et les couleurs. Les lumières. Enfin en mesure d’oublier mon environnement, je commence à compter les répétitions. 1… 2… 5… 10… et... Sursaut. Je manque de perdre le contrôle de la presse, mais me reprend. Attention, pas d'émotions.
Je tourne la tête en entendant sa voix. Oh non. Je crois mourir de honte. Pas lui, pas maintenant. Pas après m’être montrée si faible. Il a perdu tout respect pour moi, c’est sûr. J’ai été tout sauf forte. J’ai montré des émotions. Et s’il en avait parlé à d’autres ? Combien de personnes dans cette pièce ont perdu tout respect pour moi ? Je ne peux pas me permettre de décevoir la famille. Arrête de partir en vrille, Lily. Quoi qu’il arrive, tu peux le gérer. Je me dégage précautionneusement de la presse et regarde la tête blonde.
« Bonjour, Matkovic. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? »
Je me lève. Des regards se tournent vers nous. Trop d’hostilité. Je débloque un genou, passe mon poids sur une jambe. Plus décontracté. Tu ne veux pas te battre. Juste t’assurer de ne pas perdre le respect des autres. Agis en conséquence. Je le regarde. Le visage neutre. Ne pas fermer le dialogue. Ne pas céder.
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Caspian Matkovic
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Mar 23 Aoû - 9:34
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Les membres un peu crispés, Caspian le petit sourire engageant aux lèvres pour minimiser les chaos, s’affranchir des désastres. Lily trop farouche, trop loin pour lui, le fennec a presque le réflexe de lever les mains en signe de paix. Presque. Mais quand petit prince veut petit prince prend et le voilà qui souffle brièvement toute sa tension pour venir s'accouder à la machine d'à côté, en apparence sûr de lui.
Éclats de souvenirs, Lily les mèches toujours impeccablement tressées, le dos droit la tête droite. Fragment de rage et Lily éclate, Caspian les yeux ronds comme des billes. Cette femme, il ne l’avait jamais vu ainsi, l’émotion vibrante de tous les pores ; la voix plus rauque que d’habitude. Il se souvient Caspian, se force à sourire un peu plus jusqu’à s’oublier lui-même. Curiosité malsaine ou syndrome du héros, il n’a aucune envie de s'appesantir sur ses propres motivations, s’imaginant un instant une chevelure verte à la place de l’ébène, un air railleur pour contrer la froideur. Non avec Alysse, tout serait décidément bien plus simple.
Les regards se tournent vers eux, le milicien a l’habitude. Les commérages sur les Matkovic, il en a vu passer des milliers. Le sourire ne flanche pas malgré l’envie de rayer son propre nom, d’ordonner que l’on ne l’appelle plus comme ça. Matkovic ça sonne mal, ça sonne comme un caillou dans la mare, un bourdonnement rageux, une folie qui perdure.
“Rien, je voulais juste voir comment tu allais. Bien apparement.” Toujours aussi froide et protocolaire, une vraie machine de guerre. Il observe une seconde les alentours, s’assure que tout le monde est retourné à ses activités avant de se pencher encore, murmurer presque pour eux-seuls.
“Tu sais que si jamais tu veux parler de la dernière fois… et bien je suis là.”
Mince, ça sonnait mieux dans sa tête, Caspian grimace un peu avant de se reprendre. Il ne peut pas s’en empêcher, aider les gens qui ne semble pas le vouloir. S’investir de missions qui ne le regardent pas. Mais il pense à Alysse et au visage semblable en face de lui. Peut-être n’est-il pas si étranger après tout. Il finit par hausser les épaules, peu certain que ses efforts portent leurs fruits.
“Mais si tu préfères faire comme s’il ne s’était rien passé et bien vas-y, retourne à ta petite vie parfaite et bien rangée.”
Il se rapproche. Trop près. Je fais un pas en arrière. J’essaie du moins, mais je suis toujours collée à la machine. Je sens mes nerfs à vif. Mes muscles se tendre, presque malgré moi. Il me met mal à l’aise, le fennec, à envahir mon espace. Impossible de me détendre. Le visage neutre se crispe. De quoi se souvient-il ? Si l’intimidation était physique, il n’y aurait aucun problème. Je pourrais le mettre à terre. Maman m’a entraînée pour ça. Mais je peux sentir c’est plus que ça. Il sait quelque chose. Je n'arrive pas à comprendre ses intentions. Il faut que j'en apprenne plus.
« Je ne vois aucune raison qui pourrait faire que j’aille mal. »
Garder l’avantage. C’est bien. Ne pas montrer la souffrance. Le doute. Ceux qu’il inflige, en venant raviver le souvenir d’un moment d’égarement. Ceux infligés par d’autres. Je cligne des yeux, juste un peu trop longtemps. L’image d’une petite fille. Son regard terrifié. Ses traits comme un mélange des nôtres et des siens. Impossible de m’en débarrasser, depuis ce jour-là. Elle me hante. M’empêche de me concentrer. D’enfuir mes émotions. Je la vois derrière mes paupières. Comme un rappel. Un appel à l’aide. Mon instinct me dit de la protéger à tout prix. Mais je ne suis pas sûre de savoir qui j’ai en face de moi.
Lorsque la scène se dissipe, c’est pour laisser la place à une vision tout aussi empreinte d’angoisse. Il s’approche encore. Ma respiration se fait difficile. Vraiment trop près. Il se penche pour me parler, comme en confidence. J’entends ce qu’il dit, mais c’est comme si j’étais sous l’eau. Les mots prennent plus longtemps que d'habitude à atteindre mon cerveau. Des étoiles dansent devant mes yeux. Je sens le sang quitter mon visage. Moi qui maîtrise parfaitement ma transformation (Maman s’en est assuré à de nombreuses reprises), je sens mon pelage canin grossir les rangs de ma chevelure. Pas très discret, avec la tresse qui garde les cheveux loin de mon visage. Ma poitrine se serre. Douloureuse. Impossible de parler. De trouver la réponse idéale. Pour la première fois, je reste interdite, sans que le silence soit la meilleure option stratégique.
Puis les mots fusent. Me sortent de ma torpeur. Parfaite et bien rangée, hein ? Le sang me monte au visage. A la tête. Mes yeux lancent des éclairs. Je fais un pas vers lui, pour lui dire le fond de ma pensée. L’espace d’un instant, je ne suis plus ce que Maman veut, et ça fait un bien fou. Juste un instant. Puis c’est le retour à la normale. Je me raisonne. Lily Seth ne fait pas de scènes. Je ne peux pas ruiner toutes ces années de travail. Je vacille une seconde, mon corps encaissant les changements d'humeur rapide. Puis me discipline. Le regard dur. Le seul à trahir la moindre émotion. Je siffle entre mes dents.
« Suis-moi »
Je me dirige vers la sortie, sans pour autant l’emprunter. Du regard, je cherche un espace à l’écart. A l’abri des regards. Pas le temps de vérifier s’il me suit. Ma séance est ruinée, de toute façon. S’il se défile, j’aurai juste à partir, comme si de rien n’était. Le plan parfait pour sauver la face. Le plus important.
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Caspian Matkovic
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Jeu 25 Aoû - 9:33
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Caspian trop curieux, l’envie d’aider qui colle à la peau, fichu syndrome de héros. Les yeux fuient, les muscles se crispent, Lily mal à l’aise et le milicien s’en veut un peu, oublie parfois que le monde ne tourne pas autour de lui. Qu’il ne suffit parfois pas d’un grand sourire et d’une tape sur l’épaule pour tout réparer, rafistoler les cœurs, garantir les honneurs. La déception creuse ses sillons dans la chair ; Lily trop fière une nouvelle fois, il s’en doutait un peu finalement.
“Non effectivement il n’y en a aucune.” Un peu sec un peu tranché, Caspian n’aime pas les mains tendues rejetées.
La brune le dos toujours trop droit, pas un genoux ne plie, pas un cheveux ne dépasse de son épaisse tresse. Ca lui rappelle ses piètres tentatives pour plaire à son père, toujours garder la tête haute, l’épée haut levée pour une âme de guerrier.
Caspian un peu gêné de ne pas apporter réponses à ses questions, grand sourire un peu crispé pour ne pas le montrer. S’apprête volontiers à tourner le dos, rebrousser chemin et oublier toute cette histoire mais les paroles qui suivent le font pousser un soupir de soulagement. Les muscles se décrispent, la tête hoche avec presque trop d’enthousiasme.
Ses pas emboîtent l’allure rapide de la milicienne, porte lui aussi le regard aux alentours afin de trouver un endroit calme car il ne doute pas que c’est ce qu’elle cherche ; de quoi se dissimuler à la curiosité de la Milice. Repérant l’endroit parfait, il la rattrape rapidement pour venir lui tapoter l’épaule, pointer du doigt le lieu adéquat, le tatamis isolé du fond de la pièce, les combattants précédents venant de s’éclipser après une tape dans le dos.
“Si tu cherches un endroit pour discuter, ça me paraît bien.” Et si madame préfère rester droite, les bancs sur le côté de l’endroit indiqué sont également vides de monde. Sans attendre de réponse, Caspian finit par traverser la salle, s’asseoir lourdement en tailleur sur le tatamis. Il relève son regard obsidien dans l’expectation, la curiosité, l’envie d’aider.
Je vois le visage du fennec changer à chaque seconde. Montrer ses émotions. Un sourire ici, qui se dissipe après une déception, un soupir de soulagement là. Malgré mon entraînement, qui m’a appris les avantages de ne pas montrer mes émotions, je ne peux m’empêcher d’être un peu jalouse. De me demander ce que cela fait, de laisser quelqu’un comprendre ce que l’on vit. C’est peut-être pour cela que j’accepte de lui parler d’égale à égal, alors que tout me hurle de lui extorquer ce qu’il sait et de partir. A moins que ce ne soit l’incertitude de gagner un match face à lui.
Je tente de reprendre ma respiration. De montrer un visage et une posture neutres. De me calmer. Après tout, je n’ai rien fait d’illégal ou de répréhensible. Perdre son sang-froid, c’est humiliant, mais ça ne me coûtera pas mon poste. Seulement ma réputation. Je sursaute au contact de sa main. Je dois être sacrément distraite, ou lui particulièrement silencieux, pour que cela m’ait surprise. Dans tous les cas, je hoche la tête puis le suis vers les tatamis, isolés du reste des miliciens dont les oreilles, sans doute, traînent. Je m’agenouille face à lui, les jambes sous les cuisses. Une posture défensive. Ne pas montrer de relâchement. Il pourrait prendre l’avantage.
Mes certitudes vacillent un peu en rejouant la conversation dans ma tête. Je ne suis pas sûre de l’avoir non plus, l’avantage. A vrai dire, je ne saurais pas dire si Caspian est un maître de la manipulation, ou s’il ne joue carrément pas et se montre sincère. Mais personne n’est si gentil sans raison. C’est suspect. Une seule façon d’en avoir le cœur net. Je prends une grande inspiration, ferme les yeux et :
« Bon. Rentrons dans le vif du sujet. A qui en as-tu parlé ? »
Au moins, nous serons fixés. A moins qu’il ne décide de mentir. Mais ça fait partie du jeu. Je redresse le dos, m’ancre sur mes propres jambes. La sécurité d’une posture connue. Cela calme aussi mon âme de berger. L’ordre et la discipline par-dessus tout. J’ouvre à nouveau les yeux, prête à scruter les signes d’un mensonge, ou au contraire, de la sincérité. J’attends le piège. Le chantage, peut-être. Les mains tendues, ce n’est jamais gratuit.
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Caspian Matkovic
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Dim 4 Sep - 11:12
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Lily toujours sur la défensive, le corps tendu comme le fil d’une funambule. Caspian un peu peiné de l’avoir dérangé mais ce n’est plus l’heure d’hésiter, rebrousser chemin et prétendre s’être trompé. Prenant sur lui pour paraitre aussi serein que possible, les longues jambes se plient, assis en tailleur sur le tatami. Les doigts nerveusement sur sa cuisse avant qu’il ne s’en rende compte, ne stop son geste pour ramener les pauvres membres devant lui.
Inspiration, expiration. La nervosité presque palpable de la brune lui donnerait presque envie de prendre lui aussi la fuite mais le milicien s’oblige à sourire paisiblement comme il sait si bien le faire. Le fennec hausse un sourcil de surprise, un peu étonné par ce début de conversation.
« Comment ça ? » La bouche se crispe, il se rend compte de ce que doit bien penser Lily pour envisager ce cas de figure et explose une seconde. « A personne évidemment !! » Un regard navré autour de lui, il reprend sur un ton plus bas. Ca l'embête un peu, que l'on puisse le penser manipulateur, à l'affut de la moindre faiblesse pour s'engouffrer dans les brèches, comme son idiot de petit frère. Chercher le chaos, s'amuser des peines et des soupires blessés. Caspian un peu trop solaire, un peu trop chevalier servant. Lancer des rumeurs, il n'y avait pas pensé.
« Enfin je veux dire… tu n’avais pas l’air d’aller bien l’autre jour… et je connais Alysse mais ça tu le sais déjà… » Il baragouine, s’emmêle les pinceaux. Alysse, il ne voulait même pas la citer, se maudit lui-même en pensées avant de souffler, reprendre où il en était, un peu plus serein. « Je voulais juste savoir si tu voulais en parler. Et pas pour noter la moindre faiblesse, comme tu as l’air de vouloir le penser. »
Oui, un coup d’œil au corps crispé de la jeune femme et le blond soupire à nouveau. Ce n’était pas gagné.
Je vois Caspian un peu agité. Nerveux, peut-être. Parfait. Non, pas parfait. Je sens un léger pincement au cœur. Mais si c’est ce qu’il faut pour me protéger… Je relève la tête légèrement, comme pour redresser un corps déjà aussi tendu que possible. Le sourire qu’il affiche malgré tout me déstabilise, même si j’essaie de ne rien en montrer. Pourquoi se montrer aussi amical s’il a l’intention de me piéger ? Le doute s’installe peu à peu, mais je le fais disparaître d’un geste de la main mental. Pas le moment d’écouter son cœur. Il se trompe toujours de toute façon, que ce soit pour les collègues ou pour les sœurs. Ne pense pas à ça maintenant. Pas de place pour Lys non plus. Pas alors qu’il faut gagner le combat.
Je sursaute un peu à entendre le fennec hausser le ton. Je ne l’avais jamais vu s’emporter, pas même un peu. Nerveux, agacé, oui. Mais jamais au point de s’énerver ou de se départir de son sourire plus de quelques minutes. Je jette moi aussi un regard alentours, mais personne ne semble nous prêter attention. Je remarque quelques regards curieux, mais aucun ne semble vouloir se risquer à tenter le diable et écouter la conversation. Les Matkovic ont une réputation, et j’aime à penser que moi aussi. J’imagine que ça sert, lorsque l’on a des secrets à garder.
« Et pourquoi non ? Ça aurait pu t’être utile. Obtenir une mission qui te ferait particulièrement envie, ou un poste particulier. »
Alors même que les mots sortent de ma bouche, je me rends compte que ce n’est pas vraiment le genre de la maison. Ou plutôt, bien le genre de la maison avec laquelle il essaie de prendre ses distances. Même moi je n’ai pas pu passer à côté du tumulte familial du fennec, d’autant plus depuis que le petit frère a fait son apparition à l’Académie. Faire l’inverse de ce qu’on lui dit par esprit de contradiction, aller contre ce que ses parents lui ont inculqué. C’est bien un ami d’Alysse. La voilà justement. Quoi, Alysse ? Qu’est-ce qu’elle a à voir avec tout ça ?Un air satisfait. Supérieur. Peut-être un peu protecteur, malgré tout ce qu’il s’est passé.
« Je me demandais si tu allais la mentionner ou juste faire comme si tu ne la connaissais pas. Ne fais pas cette tête, je ne vais pas te mordre juste pour avoir dit son nom. J’ai plus de self-control que ça. »
Quoique ce n’est pas l’envie qui manque. Mensonge. Même pas. Ce n’est pas de la colère qui m’envahit lorsque je pense à Alysse, mais de la tristesse. De l’inquiétude, aussi. Mais je n’en veux pas à Alysse. C’est vrai qu’elle m’a abandonnée. Mais qui pourrait la blâmer ? Elle a toujours eu une mauvaise relation avec Maman, et ce n’est pas de sa faute. C’est l’artiste de la famille. Elle avait besoin de liberté. D’indépendance. J’avais besoin d’ordre, quitte à en souffrir. Je suis fière de mon parcours, et de mes résultats. Mais je m’égare. Je ne dois pas me laisser aller à la complexité de mes émotions vis-à-vis d’Alysse dans un moment pareil.
« Cela n’existe pas, quelqu’un qui est gentil juste pour être gentil. Sans compter que j’ai passé 26 ans de ma vie à ne pas parler de mes émotions, alors je pense qu’il n’y a aucun besoin urgent. Les émotions ne me permettent pas de mieux faire mon travail. Donc, elles ne servent à rien. »
Voilà. Aucun mensonge. Pas vraiment. Le fait que vivre de cette façon ne me rend pas heureuse n’est pas pertinent pour la conversation, et me ferait perdre l’avantage. Le doute s’enfonce un peu plus cependant, sans que je ne puisse l’arrêter… Il a vraiment l’air nerveux… Sincère ?
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Caspian Matkovic
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Mer 7 Sep - 17:49
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Les sourires de façades mille fois exécutés, lèvres tirées à l’extrême dans une horrible parodie mièvre. Caspian s’en veut un peu, Caspian a l’estomac noué de ce qu’il ne peut contrôler, de ces discussions qu’il n’aime pas avoir mais se force pour le bien des autres jusqu’à s’oublier un peu. S’il l’avait pu, le blond aurait maladroitement les oreilles plaquées sur le crâne, le menton baissé pour contempler le sol inégal. Mais loin de se laisser aller, il gonfle le torse, désireux de ne pas être vu comme ça. Désireux de ne pas se laisser avoir par le ton froid de la brune.
« C’est ce que tu penses de tous les miliciens ? Qu’on est tous pourri jusqu’à la moelle ? Tu l’aurais fait toi ? »
Un peu de dédain dans le ton, un peu de sarcasme alors même qu’il s’en veut déjà. Ce n’est pas une bonne manière d’engager ce genre de conversation, de chercher des solutions. L’idée qu’on l’imagine capable de ce genre de chose le répugne mais après tout, ne tient-il pas son nom des grands Matkovic ? N’a-t-il pas déjà le sang souillé de toutes les magouilles imaginables ? Ca l’énerve ; Lily, il ne la comprend pas.
Bouche tordue en demi-excuse il le sait, il n’aurait pas dû prononcer le nom d’Alysse, la ramener sur plateau. « Je ne sais pas, je n’ose pas trop prononcer ton nom en face d’elle alors je me disais que le contraire devait être valable aussi… » Paume levée en guise de piètre excuse. Il n’y a pas plus différent que les jumelles, le jour et la nuit. Si en d’autres situations il s’en serait amusé, le milicien ne connait malheureusement pas tous les détails de la relation, se demande si c’est bien son rôle de s’y immiscer. Soupire de frustration, le corps se laisser aller en arrière, rattraper par les paumes plaquées contre le tatami, les bras tendues au possible.
« Bordel tu me fais penser à mon frère. Vous êtes quoi tous les deux, des putains de robots ?! » La colère une seconde plus tard maitriser par un sourire encore une fois désolé. « Si ça t’embête tant que ça la gentillesse gratuite, tu n’as qu’à faire comme si j’attendais quelque chose en retour… je sais pas genre… un sourire ? » Œillade pleine d’espoir tel un chiot battu, oui pourquoi pas après tout, lui qui au contraire ne comprend pas la méchanceté gratuite. « Les émotions ne permettent pas de mieux faire ton travail tu as tort, ça te fait simplement passer pour une femme froide et hautaine et ça, ça n’a jamais permis d’être un meilleur milicien. » Il en est persuadé mais qu’il le sait, leurs avis divergent également.
Un air de dégoût sur le visage et dans les mots de l’adversaire, parti aussi vite qu’il est arrivé. C’est vrai qu’il ne m’a jamais donné aucune raison d’avoir des doutes sur sa sincérité, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il ne me planterait pas un couteau dans le dos s’il en avait l’occasion, ou si la situation l’exigeait. Ce n’est pas comme si nous étions amis.
« Pas tous les miliciens. Tout le monde. C’est naturel, d’avoir des ambitions et de rechercher la façon la plus efficace de les atteindre. C’est comme ça que le monde fonctionne. Et pour répondre à ta question, non, je ne l’aurais pas fait. Je ne mêle pas le personnel et le professionnel. Surtout lorsqu’il s’agit des affaires personnelles des autres. »
Comme s’il y avait du personnel à ne pas mélanger au professionnel. Un clignement d’yeux un peu prononcé, pour chasser ces pensées. C’est mieux comme ça. Pas d’amis, pas de problèmes, plus de temps pour le travail. Juste Maman de temps en temps. Mais surtout ma chambre de caserne, et mes livres.
Je réagis un peu tard aux mots qui viennent de franchir mes lèvres. Je n’avais pas l’intention de sous-entendre que le fennec se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Mais après tout, n’est-ce pas la seule réponse logique ? Alors au lieu de présenter des excuses, ce que j’avais l’intention de faire, je lui lance un regard appuyé. Voilà. C’est un tempérament de gagnante ça. Avec un peu de chance il n’aura pas remarqué l’hésitation.
Un petit pincement au cœur. Evidemment qu’elle ne veut pas entendre parler de moi. Cela ne devrait plus me surprendre. Têtue comme une mule celle-là, comme toujours. Et comme toujours une légère fissure dans le masque, une grimace de ma part, d’entendre à quel point elle me déteste. Un moment de relâchement dans la perfection apparente, sous le poids de l’histoire familiale.
« Et tous les frères et sœurs se ressemblent tellement, pas vrai ? » Dis-je, en détournant le regard, le coin des yeux se relevant comme pour sourire, mais pas les lèvres. Juste un instant. Peut-être légèrement amusée, habituée à la tristesse sourde qui s’est installée de nombreuses années auparavant. Puis le masque se remet en place. Toujours aussi rigide. Mais toujours un peu plus craquelé. Je me force à croiser son regard. « Alysse me hait. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est un fait indéniable. Cela ne veut pas dire que c’est réciproque. »
Je ne peux m’empêcher de me sentir légèrement excédée par la posture désinvolte du collègue en face de moi. Franchement, on dirait un adolescent devant la télévision. « Ton frère est un milicien très compétent, je ne vois pas où est le problème. C’est tout ce que j’attends d’un partenaire sur le terrain. » Un peu brut, parfois. Un peu moqueur. Mais compétent. « Avoir des styles différents ne veut pas dire que l’un a tort et l’autre raison. » Après tout, Caspian est lui aussi plus que compétent dans son travail. Simplement, d’une manière différente.
« Est-ce que ça veut dire que tu me laisseras tranquille si je te fais un sourire ? » Une pointe d’agacement dans la voix, mais pas d’agressivité. Toujours tout contrôler. Sans attendre sa réponse, je lui offre mon plus beau sourire. Cette fois, les lèvres répondent dans une chorégraphie parfaitement étudiée, mais les yeux ne suivent pas. Le regard est même plus froid, encore, comme pour compenser.
« Peut-être que j’ai l’air froide et hautaine. Peut-être même que cela décourage les interactions avec d’autres personnes. Mais cela ne m’empêche pas d’intervenir. De faire mon travail correctement. Laisser libre court à ses émotions c’est risquer de trop s’attacher aux personnes avec qui l’on est en contact, ou de prendre les choses trop à cœur. Ne pas prendre mes émotions en compte, cela me permet de ne pas m’emporter… la plupart du temps. »
Je ne peux m’empêcher de rougir de honte et de détourner à nouveau le regard. Pas un comportement de cheffe de meute, ça. J’essaie de sauver la face. Le regard toujours aussi insensible, le visage rougit, mais impassible. Oui, c’est sûr, je ne peux pas être fière de ce qu’il s’est passé l’autre jour. J’aimerais bien comprendre pourquoi mes nerfs ont lâché de cette façon, d’ailleurs. Une question pour un autre jour, peut-être.
