Le printemps. Le soleil. Les couvertures sur l'herbe fraichement arrosée, les pétales de cerisier, les rires. Rires, qui ne sont pas pour toi. Pic-nics, qui ne sont pas partagés avec toi. Amitiés, que tu ne possède pas. On est en 2097. Ca va faire trois ans très bientôt, maintenant, que l'amitié, tu ne connais plus. Tu te sens glisser hors de l'humanité, renier ta maison a été bien plus que tu ne l'aurais jamais pensé à l'époque. Faire connaissance n'est plus possible, marcher dans la rue sans une foule de regard noirs n'est pas possible. Tu leur rend bien, mais la fleur énervée a ses pétales de douceur aussi. La fleur est au final un bouquet d'innombrables facettes. Facettes, qui ne demandent qu'à briller, à être reconnues. C'est en quête d'apaiser ce manque, d'attention, d'amour, d'amitié, de conversations simples et bienveillantes, que tu t'es retrouvée ici. On est au printemps, il doit y avoir beaucoup de gens sous les cerisiers, en ce moment. Gens, qui ne sont, tu l'espères, pas tous accompagnés. Tu aurais trop peur d'aborder tout un groupe de personnes, ou même un groupe de deux. Si c'était un couple, malaise, je serais clairement de trop. Si c'était des amis, on sait jamais.. je risque de les emmerder. Alors te voilà, en train de balayer du regard les gens venus passer un bon moment. Seulement, les faits sont là. Tu es la seule, à être toute seule.
Un soupire, une mèche de cheveux factices derrière l'oreille, tu abandonnes, et t'assois dans l'herbe. Tu fermes les yeux. Le soleil est chaud contre ta peau. C'est agréable. Au moins, lui veut bien te donner un peu de chaleur. Tu te laisses tomber dans l'herbe, appréciant ce partage d'amitié de l'astre. Sauf que comme toujours, peu à peu tu tombes dans des pensées sombres. Dans des souvenirs macabres. Images qui te resteront à jamais en tête, qui t'aimeront plus que n'importe qui ne le pourra jamais, alors que tu les détestes. Alors tu rouvres les yeux, tu ne veux pas voir de sang aujourd'hui. En périphérie, tu vois une forme. Tu ne te gênes pas pour regarder, et quelle ne fut pas ta surprise de voir une jolie dame, seule, assise non loin de toi et ton petit panier typique toujours fermé. Entre le panier, la perruque et les lentilles, ça te coûtait un petit peu de sortir incognito aujourd'hui, mais ça le valait bien tant qu'on ne te reconnaissait pas.
De tes yeux bleus et de tes cheveux noirs, tu étais méconnaissable. Tu tentas alors ton coup, après tout, qu'avais-tu à perdre ?
❝ ━ Vous aussi, on vous a posé un anima ? ❞
Soit elle t'ignorera, soit elle sera étonnée qu'il te soit arrivée la même chose qu'elle et t'invitera à la rejoindre, soit elle éprouvera de la compassion et te rejoindra d'elle-même. Du moins, c'était ton pari de la journée.
L’air était frais, le ciel dénué de nuages. Le soleil brillait si fort que ses rayons suffisaient à réchauffer les animas posés dans le parc, malgré la fraîcheur du temps. On en voyait de toutes les sortes, d’ailleurs – entre ceux qui s’amusaient sous forme animale, ceux qui s’étaient affalés pour profiter du beau temps, les familles sorties avec leurs enfants, les amis qui n’y étaient que pour passer un peu de temps ensemble. L’endroit était bondé, comme toujours par de si belles journées. Pourtant, malgré les nombreux animas présents en ce lieu, Aubépine Delacroix était de sortie, elle aussi.
Pour profiter du beau temps, d’un moment en toute quiétude où elle n’avait pas besoin de réfléchir à ses responsabilités.
Car ces dernières années, Haklyone sait que celles-ci s’empilent sur son dos. Entre ses devoirs de Milicienne et son entente avec les Chanteloup – le poids de son fardeau ne faisait que s’alourdir avec le temps. On lui en demandait toujours plus, sans vraiment se soucier qu’un jour, elle finirait par s’affaisser sous une charge pareille. Mais Aube, toujours aussi déterminée, travaillait fort pour la porter seule. Et les fissures faisant leur apparition sur ce masque impassible qu’elle portait, elle les réparait en s’échappant, les jours où elle peut prendre du repos. En partant vagabonder là où il fait beau, là où les couleurs sont vives, là où les responsabilités peuvent être laissées loin derrière elle.
Et c’était très bien comme ça.
Alors, Aubépine s’était parée d’une belle robe d’été et d’un châle, qu’elle portait sur ses épaules pour se réchauffer un peu. Elle avait quitté son modeste appartement au centre-ville de Lunapolis afin de se rendre au Parc des cerisiers, où elle aimait bien couler ces jours de repos assise à l’ombre de l’un des grands arbres en fleurs.
Le zèbre avait pu profiter d’une petite heure de quiétude, entre le moment où elle s’était assise au parc et celui où une voix qu’elle ne reconnaissait pas s’était adressée à elle.
Les yeux s’écarquillent – qui avait bien pu lui parler ? Elle vérifie à sa gauche, mais ne trouve personne. Tourne la tête vers la droite, et voilà qu’une jeune femme apparaissait dans son champ de vision. Avait-elle vraiment baissé sa garde au point où elle n’avait pas remarqué la présence de celle-ci ? C’était fort probable. Dans tous les cas, Aube l’avait observée un instant, en clignant des yeux à quelques reprises.
« Ah, non non… Je n’attends personne. »
Ce n’est pas dans ses habitudes de sourire, mais la demoiselle ne peut s’empêcher d’adresser un petit sourire quelque peu embarrassé à la nouvelle.
« … Et vous ? »
La question est toute innocente, un effort pour continuer la conversation. Ça n’avait pas été son but, en venant ici… Mais ça ne pouvait pas faire de tort que de rencontrer des gens, non ?
Elle était plutôt mignonne, il fallait bien se l'avouer. Avec son châle et sa petite robe, elle était dans le thème, elle se fondait dans la masse. Tu aurais bien aimée, te fondre dans la masse sans avoir à porter tout un attirail de spectacle. Pouvoir ne pas mettre de lentilles, ni de perruques. Pouvoir t'habiller comme tu veux et t'affirmer sans que le regards assassins des passants ne s'abattent sur toi. Mais en faisant les choix que tu as fait, tu le savais. Ce ne serait plus jamais possible. Alors te voilà, devant une femme naturellement belle, alors que toi tu avais tout d'une mascarade. Si c'est ce qu'il en coûte, pour pouvoir avoir des amis.. Tant pis. Tu savais que ce serait jamais une amitié sincère. Tu savais, que si jamais qui que ce soit découvrait qu'une amitié était basée sur le mensonge, que pas même le prénom était réel, on t'enverrait bouler comme la peste. Mais tu ne pouvais pas te risquer à dévoiler ton identité. Tu allais devoir faire au travail comme dans la vie. Pour avoir des amis, il allait falloir se cacher comme une détective.
Elle te regarde, après avoir vérifié du mauvais côté qui avait bien pu lui adresser la parole, et semble étonnée. J'espère ne pas la déranger.. Ce serait mal tomber. Mais après un court silence sûrement dû à la surprise, elle te répond à la négative. Tiens.. Une ouverture. Sans hésitation, tu prends ton petit panier et te rapproche d'elle, te positionnant en tailleur à sa gauche, il y avait plus d'ombre.
❝ ━ Moi ? Et bien maintenant moi non plus. Mais ce n'est pas plus mal, ça me permet de partager avec vous ! ❞
Un sourire aux lèvres, j'espère que ça ne se ressent pas, que j'ai si besoin de parler, juste, de parler ; tu ouvres ton panier et en sort un cupcake.
❝ ━ C'est moi qui les ai fait, vous aimez le chocolat ? ❞
Espérant que la réponse soit positive, tu le poses sur la jambe de la jeune fille. Tu n'oses plus la regarder dans les yeux. Tu prie pour paraitre naturelle, mais tu le sens en toi, que tu ne sais pas comment t'y prendre, que tu ne sais quoi dire. Les yeux tourné vers le ciel, tu vois les pétales de cerisiers tomber. Un sourire.
❝ ━ Vous êtes donc simplement venue profiter de la vue ? Vous avez raison, en ce temps, c'est vraiment beau. ❞
Tu n'oses toujours pas la regarder, tu cherches désespérément comment meubler et paraitre douce, amicale, drôle même, histoire qu'elle ne parte pas, histoire qu'elle s'intéresse à toi, au lieu de te détester.
❝ ━ Moi, c'est, Sainte, et toi ? ❞
Hésitation, car tu y avais réfléchi si jamais tu devait donner un prénom à quelqu'un, dans ce genre de situations, tu en avais même trouvée plusieurs, mais rien ne t'étais venue, en cet instant. Le regards fuyants mais qui essaye de paraitre normal, tu espères, comme si tu ne faisait jamais qu'espérer, qu'elle ne te trouve pas bizarre.
C’était étrange, pour Aube, que quelqu’un tente de l’approcher ainsi. Qu’une personne ait volontairement mis les pieds dans sa bulle, se soit installée près d’elle comme ça. Depuis quelques années maintenant, ces braves gens se faisaient bien rares – l’aura glaciale qu’elle dégageait suffisait souvent à éloigner les autres. Pourtant, voilà qu’on s’était senti à l’aise de lui parler, de lui sourire, de lui offrir un cupcake en le posant sur sa jambe avant même d’entendre sa réponse. Tout ça avait eu pour effet de dérouter l’anima zébrée, qui ne savait plus trop comment réagir face aux agissements de la nouvelle venue.
Pourtant, la jeune femme n’en fit rien. Au contraire, malgré la confusion qui régnait actuellement dans ses pensées et qui était visible dans son regard, elle réfléchissait. Pesait le pour et le contre, se demandait si elle ne ferait pas mieux de simplement lui dire qu’elle préférerait qu’on la laisse tranquille. Car elle l’aime bien, sa solitude. Mais cette dernière avait commencé à lui peser sur le cœur depuis quelques temps.
« Oui… J’aime bien le chocolat. »
La voix était peu assurée, plus discrète qu’elle ne l’est normalement. Après tout, dans une situation aussi peu familière, comment pouvait-elle bien réagir ? Aubépine n’en savait rien, franchement. Il y avait bien longtemps depuis la dernière fois où elle s’était retrouvée face à une personne normale, face à quelqu’un qui lui parlait comme on parle à un égal et non pas en la prenant de haut. Une part d’elle aimait bien ce changement… Alors, elle décida que ce n’était pas plus mal, au fond, qu’elle laisse la jeune femme aux cheveux sombres s’installer près d’elle. Le zèbre croque à pleines dents dans la pâtisserie, ne peut s’empêcher de sourire. Quel délice !
« Oui. Les cerisiers en fleurs sont magnifiques. C’est le meilleur moment de l’année pour profiter du parc… Il fait beau et frais, et quand le soleil ne se cache pas derrière les nuages, le temps est parfait, je trouve. »
Elle essuie quelques miettes lui ayant collé au visage, avant d’observer la jeune femme d’un air curieux. Elle vient de lui dévoiler son nom. Sainte. Ça la fait sourire.
« C’est un joli nom. »
Elle hoche la tête, comme pour appuyer ses dires. Comme pour confirmer que c’est bien ce qu’elle croyait, qu’elle approuvait de cette information.
« Mon nom, c’est Aubépine. Mais tu peux m’appeler Aube. »
La nervosité de la jeune femme était plutôt visible – le regard fuyant, cette manie qu’elle avait de meubler le silence dès qu’il s’installait un peu trop longtemps entre elles. Ç’avait fait arquer un sourcil à la Milicienne, qui n’en fit pas de remarque cependant – elle comprenait. Ce n’était pas facile d’approcher les autres. On a cette impression qu’on dérange, qu’on leur fout un malaise. Qu’on s’incruste dans quelque chose qu’on ne devrait pas. Alors, Aube lui sourit d’un air rassurant.
« Tu m’as l’air bien sympathique… Si tu veux bien rester un moment, ça me ferait plaisir qu’on discute un peu. »
Un soupir de soulagement. Au moins, elle devrait aimer mes cupcakes. Si tu voyais la confusion dans son regard, elle ne te rejetait pas pour autant. Alors tu prenais cela comme de la timidité, de la surprise, qui ne voulait pas dire " Casse toi sale traitresse! " comme tu le voyais dans nombre de regards quand tu avais le malheur de ne pas faire l'effort de te transformer en une autre. Cela faisait un moment déjà d'ailleurs, que tu n'avais même plus essayer. Tu en avais peur d'être toi-même, à cause des autres. Mais elle ne te renvoyait pas cette impression, elle. Tu te sentais plus ou moins à l'aise. Plus, car tu avais enfin un peu de compagnie, si légère soit-elle, moins, car tu avais toujours cette petite peur de l'embêter, ou qu'elle ne te rejette soudainement. Mais tu allais faire en sorte que ça se passe bien, si elle le voulait bien.
Un sourire sur son visage, en fit naitre un d'autant plus grand sur le tiens. Victoire, elle aimait les cupcakes. Elle commenta sur le temps et sur les pétales de cerisiers qui s'écrasaient autour de vous, réponse à ta question légèrement maladroite de tout à l'heure dans un espoir de rendre le moment agréable avec de la petite conversation. Mais ça avait l'air de marcher, elle semblait plus à l'aise. Alors c'était tout gagné pour toi pour l'instant. Elle complimente le nom, trouvé à l'arrache, cette fois non pas qu'un peu mais de manière très maladroite. Mais elle n'a pas l'air de le trouver bizarre, tu prends donc le compliment avec un grand sourire, avant d'enfoncer les dents dans une pâtisserie. Mmh.. C'est vrai qu'ils sont bons.. Elle se présente, retourne le tutoiement, et c'est maintenant à ton tour d'être vraiment plus détendue. Le plus dur était passé, la glace était brisée, laissant libre court à une conversation sincère et bienveillante comme tu le recherchais.
❝ ━ Aubépine c'est aussi très joli ! Et puis, Aube, c'est comme le petit matin. Ca rend ton prénom poétique aussi. ❞
Et comme si elle avait sentie ton inquiétude, elle dit les mots. Ceux qui scellent votre après midi, ou du moins une heure ou deux de celle-ci, puisqu'elle aussi, cherche compagnie. Ou tout du moins, apprécie la tienne. Un sourire aux lèvres, des miettes qui tombent des mains jusqu'aux genoux, tu lui réponds joyeusement,
❝ ━ Ma foi je ne peux que retourner le compliment, et accepter l'invitation avec plaisir ! ❞
Tu cachais d'ailleurs plus que deux cupcakes dans ton petit panier. L'ouvrant de nouveau, tu en sors du jus d'orange frais, de nouveau fait par tes soins. Tu ne savais pas faire grand chose, en terme d'ingrédients, de cuisine, mais tu aimais bien faire quelque pâtisseries, et du jus. Tes chers alliés dans cette vie de paria de la société te laissait gracieusement leur cuisine quand tu en avais envie, et tu te demandais souvent comment tu allais bien pouvoir les remercier, à la longue. Car autant la solitude guette toujours, autant tu le pense comme si tu en serais déjà morte sans eux.
Mais l'heure n'est pas à ces pensées là, et tu voulais en savoir plus sur la jolie jeune femme à tes côtés. Alors histoire de faire bonne connaissance, tu poses les questions qui te semblent les plus nécessaires, les plus adaptées. Et puis, celles qui font qu'on connait mieux les gens, tout simplement. Espérant qu'elle ne fasse pas partie de la horde d'habitant qui te méprisent au plus haut point, au passage.
❝ ━ Parle moi de toi, je suis curieuse ! Promis, je répondrais à tes questions aussi évidemment. ❞
Un raclement de gorge presque théâtrale, et te voilà lancée.
❝ ━ Dis-moi, que fais-tu dans la vie ? Quels sont tes plus gros hobbies ? Tu te sens seule, en ce moment ? Est-ce que tu es heureuse ? Que voudrais-tu changer si tu pouvais changer n'importe quoi à ta vie ? Quelqu'un t'attends, chez toi ? Ah et d'ailleurs, qu'est-ce que tu es une fois animale ? ❞
Un bombardement de question que tu n'avais toi-même pas pressentis, puisqu'après les deux premières tout était sorti tout seul. Tu espérais maintenant qu'elle n'avait pas pris peur, simplement.
Ç’a le mérite d’arracher un demi-sourire quelque peu amer à l’anima zébrée, rapidement remplacé par un sourire plus normal, un peu plus solaire.
Son nom n’a rien de poétique.
Son nom représente seulement ce qu’elle était aux yeux de ses géniteurs. Une épine, plantée dans le pied puis dans le cœur. Une épine qui a finit par s’arracher à la chair d’une famille terriblement violente et contrôlante, en laissant derrière elle d’horribles séquelles. Réputation tachée de rouge, insoluble, impossible à retirer malgré le scandale qui s’est éteint depuis plusieurs années, maintenant.
Son nom, elle ne l’aime pas.
Mais elle refuse de le changer, car elle espère que ses exploits arriveront un jour aux oreilles des Delacroix et qu’ils en deviendront rouges de colère. De jalousie.
Une grande inspiration, et Aube chasse ces pensées de sa conscience. Pose plutôt les mirettes couleur péridot sur la jeune femme assise à ses côtés, alors qu’elle accepte avec enthousiasme l’invitation à rester un moment. Petit sourire se dessine sur le visage de la Milicienne, alors qu’elle l’observe sortir de son panier du jus d’orange.
Ses mots ont comme l’effet d’une détonation dans l’esprit de la jeune femme.
Parle-moi de toi.
Billes vertes et bien rondes, brillent de confusion et d’incompréhension. Parler d’elle ? Franchement. Que pouvait-elle bien répondre à ça ? Il n’y avait plus rien d’intéressant à dire – ce qu’elle avait déjà dit, eh bien, c’était ce tout ce qu’il y avait qui serait susceptible de l’être. Et malgré le barrage de questions que lui lance Sainte, Aubépine ne sait pas trop par quoi commencer, ni quoi dire, ni quoi passer sous silence.
Elle hésite bien trop, car la dernière fois qu’elle s’est ouverte à ce point à quelqu’un, qu’elle avait partagé tant de ces petites choses… C’était avec son ex. Caspian avait été le seul qui avait eu le privilège de l’entendre discuter sa vie d’avant, de ses intérêts, de ses rêves. De ses états d’âme, de ses sentiments. Personne d’autre n’avait eu la chance de connaître la vraie Aube, car personne d’autre ne lui avait donné de son temps. À vrai dire, Sainte était la première personne qui semblait réellement s’intéresser à elle depuis qu’elle s’était séparée de lui, et ç’avait le mérite de la rendre toute chose malgré son hésitation apparente.
« C’en fait beaucoup, des questions. »
Elle répond avec un petit rire quelque peu embarrassé, hésitant. Qu’avait-elle à perdre, de toute façon ? Elle n’avait plus rien. Si sa potentielle amie prenait peur et refusait de la revoir suite à tout ça… Eh bien, elle n’aurait rien de plus. Alors la blonde réfléchit un instant, avant d’oser un petit sourire.
« Alors, que dire ?
Je suis Milicienne. Je n’ai pas vraiment de hobbies puisque je travaille beaucoup… Mais j’aime bien la lecture, surtout quand je visite cet endroit, particulièrement.
Concernant la solitude, je ne peux pas dire que je me sens vraiment seule… C’est bien d’être accompagnée, par contre. Je suis pas nécessairement heureuse, mais je ne suis pas non plus triste, et je ne changerais pas grand-chose à ma vie. »
Réponses en rafales, Aube n’a pratiquement pas le temps de réfléchir et pourtant, avant de répondre à ses dernières questions, elle marque une pause. Fixe un point vide devant elle, soupire un peu.
« Sinon… Personne ne m’attends, à la maison. Je suis seule. Je vis seule. De toute façon, avec mon travail… Je ne serais pas souvent là. Celui ou celle qui m’attendrait… Iel attendrait longtemps. »
Sourire un peu triste, moment de silence qui se termine lorsqu’elle réussit enfin à se tirer de sa transe. Elle se retourne vers sa nouvelle amie, à qui elle sourit doucement.
« Et pour ta dernière question, je suis un zèbre. Rien d’exceptionnel, à mon avis, mais c’est comme ça. »
Non, elle n’est rien d’exceptionnel. Elle en dirait peut-être le contraire si elle avait été élevée normalement, si les supérieurs de l’Académie de la Milice n’avaient pas martelé dans le crâne des élèves qu’une proie ne peut être aussi efficace sur le terrain qu’un prédateur, si on ne lui avait pas fait croire toutes ces années qu’elle ne valait pas plus que rien. Elle en dirait peut-être le contraire si elle avait eu une âme différente, plus puissante, plus… Appréciée, en quelque sorte.
Mais ça, elle ferait passer sous silence. Ça ne valait pas la peine d’être partagé. Alors elle sourit comme si rien de tout cela lui avait traversé l’esprit.
« Et toi ? J’ose te retourner les mêmes questions, si tu le veux bien. »