Au pavillon trente-deux de l’allée de embruns, dans la pénombre zébré d’un unique rayon lunaire, sur les draps défaits embaumant l’odeur de l'adoucissant, une femme en cloque (Tatiana) caresse distraitement les mèches blondes de celui qui sera le père (Clayton). Ça s'est décidé sans son accord. L’enfant (Suzanne ou Merlin) est la promesse d’une éternité qu’aucun grief ne pourra lui arracher.
Merlin aura des iris opalescentes. Suzanne mimera la tendresse des moues naïves. Merlin connaîtra par cœur l’architecture de ce qu’il y a de plus beau. Suzanne ronronnera au milieu des plaids. Merlin lézardera paresseusement le long des plages d’Opale. Suzanne plaira au milieu des conversations et au bras de quelques un.e.s. Melin illuminera les pièces d'expressions radieuses. Suzanne se débattra sans fin avec les épis d’une tignasse de blé. Merlin réclamera qu’on passe les vacances à la maison. Suzanne s’offusquera de tout ce qui voudra échapper à sa compréhension. Merlin attachera lundi avec mardi sur ses marinières. Suzanne complexera de sa mâchoire marquée. Merlin s’acharnera dans toutes ses activités pour mériter les éloges. Suzanne haussera le ton sans devenir belliqueuse. Merlin fera bonne figure sur les photos de classe même rongé d'angoisse. Suzanne transformera en rituels tout ce qui sépare l’école du chemin du retour. Merlin lèvera un nez aquilin des pages de ses manuels. Suzanne n’acceptera pas les compromis sur sa liberté. Merlin éternuera du premier flocon au dernier frima. Suzanne sourira fréquemment pour exhiber sa dentition parfaite. Merlin compartimentera l’effort pour en finir plus vite. Suzanne s’autorisera toutes les improvisations qui rendent la vie plus humaine. Merlin ou Suzanne (l’enfant) sera le portrait craché de son père. Et leur mère, ainsi, n’en sera jamais vraiment séparée.
Dans la ville portuaire d’Ithloreas, attablée au faste et demandé Lamp’Roy où il faut réserver longtemps à l’avance en haute saison, Tatiana (en cloque) observe interdite le repas encore intact de Clayon (le père). Avant d’enfiler sa veste avec un dernier regard d’excuse, il a dit. Tu sais que j’ai raison. Tu ne comprends pas. C’est ton rêve ce genre de famille, pas le mien. La famille parfaite dans ta petite maison parfaite. Tu y joueras seule.
Les pieds s’évadent loin d’elle sans que Tatiana (en cloque) ne cherche seulement à le retenir. Dans le plus parfait des restaurants, avec le plus parfait des menus et le plus parfait des panoramas, Tatiana joue à la dinette seule.
