Caractère


Dans un bocal, à tourner en rond, emprisonné par les histoires que l'on te raconte, par les superstitions. Apeuré, facilement, par les conséquences de tes propres actes, parce que le destin se joue souvent de ceux qui essayent de l'éviter ; et toi, tu le sais,
fatalement,
on échappe pas à ce qui nous a été destiné.

Enfermé, tes pensées pour compagnie agréable, plutôt que de  se risquer au monde, aux choses qui fâchent, aux choses qui font mal. La peur de ressentir quelque chose, d'avoir le coeur qui bat, de souffrir. La peur d'être un peu trop humain parfois, de perdre le contrôle.

Contrôler, avoir la main mise sur soi-même, se comprendre, se connaître. L'importance d'être en paix, avec soi-même, avec les autres. L'envie de sourire sans cesse pour faire comprendre que les choses vont bien, qu'elles iront toujours bien.

Face voilée, innocence jouée, l'impression que le monde risque de s'écrouler, qu'à tout moment, les failles vont se creuser. Faire comme si tu ne le voyais pas, aveugle pour le plaisir des autres, le dos un peu courbé pour leur faire plaisir, oui oui pour qu'ils te laissent en paix.

Docile, si on puisse dire, à l'écoute, qui profite des faiblesses, qui se sert des mots pour séduire. Habile, certainement, facile parfois, pour faire plaisir, parce que c'est plus simple comme ça, parce qu'il ne faut pas en dire beaucoup, parce que les autres parlent souvent trop. Apprendre à écouter, pour s'en servir, comme un couteau, comme une menace, savoir. C'est comme ça que les choses fonctionnent,
à être le plus fort,
à être au-dessus,
à faire comme si.

Echapper à ses responsabilités, comme un enfant, se débarrasser du poids alourdissant sur tes épaules, un peu frivole, à jouer de ta langue pour amuser, pour te cacher,
jamais vraiment toi ; tu crois, tu t'es perdu dans les regards que l'on t'adresse, proie faussement facile, l'idiot du village, celui de qui on s'amuse.

Et toi,
toi,
toi,
quand est-ce que c'est toi que tu regardes ? quand est-ce que c'est toi qui existe ?
Les mots acerbes, pour les traiter d'idiot, seul, seul pour ne pas trop se dévoiler, pour ne pas trop se montrer ; la vie facile, qu'ils disent, sans savoir, sans comprendre, sans chercher ; moi, moi, moi parce qu'ils n'ont que ça à la bouche,
eux,
eux,
eux,
que tu réprouves, que tu détestes,
que tu condamnes,
comme si tu avais le droit,
parce que dans ton monde, le tien, tout t'es permis, plein pouvoir,
comme un roi,
sans couronne,
qui glisse.

Entre rêve et réalité,
un peu perdu,
un peu toi,
un peu eux,
un peu


Détails physiques

Sous les baisers donnés, une barbe de trois jours qui souvent oublie d'être rasée, un mètre quatre-vingt qui te fait courber le dos un peu plus quand tes mains calleuses doivent récupérer les feuilles vertes que tu aimes infuser avec de l'eau bouillante à t'en bruler la langue si fort que tu ne sens plus le goût même des pâtisseries que pourtant tu apprécies énormément mais c'est comme ça dis-tu, tu n'as pas le temps pour ces bêtises, les ridules au coin des yeux quand tu souris, le teint bronzé par le sang qui coule dans tes veines, par le soleil qui ne cesse de cogner sur ta peau parfois brûlée. Rien de bien alarmant, un homme comme on voit tant d'autres, à l'air fatigué, sur le point de pleurer.

Dans le jardin de nos peines là,
de nos cris à la dérive

 
La boue jusqu'aux genoux,
pour faire plaisir,
pour courir,
pour rire.

Le poids sur tes épaules, tu ploies, tête la première dans la boue,
sali,
abimé.
Le poids d'un nom, celui de ta famille, de ton nom qu'ils croient important, qui ne veut rien dire vraiment, parce que ça coule dans tes veines, parce que tu ne peux pas t'en détacher. Parce qu'il va falloir en être la fierté, la joie, qu'il soit luisant.

Tu es noble, c'est ce que disait souvent ton père dans un mensonge éhonté, dans la boisson, dans ses rêves. L'argent dilapidé dans rien, le vide, l'inquiétude, la misère. Argent en fumée, effacé, dont vous n'avez jamais vu la couleur. Rarement partagé, souvent sa décision, de le garder, t'étais qu'un gamin, tu n'avais pas le choix. Un grand chef qui vous écrasait de ses sottises.

L'envie de se défaire,
de cet homme,
de cette emprise,
de ses doigts de fer,
et ton nom,
qui résonne,
sans cesse ;
celui que tu dois porter, celui dont tu dois être fier.
octave sans exister.


La douleur dans tes bras juvéniles, le soleil à t'en tatouer la nuque, le soleil, là-haut,
astre jalousé,
brillant,
malaisant,
épuisant.
Le soleil que tu détestes parce que c'est plus simple que de l'apprécier, que de lui chercher des excuses, que de te dire qu'il a probablement ses raison, parce qu'il n'est que douleur, parce qu'il n'est que brulure, parce qu'il n'en pas (des excuses). Soleil, soleil, qui tourne, qui brûle,
qui te hurle dessus,
soleil au-dessus de ta nuque,
et ton père qui hurle, qui tape,
fort,
coup de soleil.

Le temps qui va vite, comme une envie de rébellion, rapidement tue, vite étouffée, emprisonnée, parce que le temps va vite et tu en manquais. Tu n'y pouvais rien,
la fuit était impossible,
tu resterais bloqué.

La mort aurait été une délivrance,
tu le pensais,
être heureux,
quand sans vie, sans coeur, quand blanc, rigide, il ne serait plus là.
Fantôme qui t'emprisonne,
c'est toi à la tête de la famille,
ce n'est que toi, parce qu'il n'y a que toi,
parce qu'il y a l'argent laissé,
les dettes offertes,
les larmes de ta mère,
et ton nom,
qui continue de résonner,
toujours,
encore,
sans cesse,
octave, fais quelque chose.

et octave aimerait disparaître,
octave,
octave,
octave, qui a souhaité la mort, qui s'est condamné,
qui s'est maudit,
qui prie,
sans cesse,
pour celui qu'il a enterré,
pour retrouver les coups donnés,
pour l'amour de ne subir sans avoir à rien dire.

octave disparu, enterré,
octave sous le soleil qui frappe, fort,
pour lui rappeler,
rien qu'un peu,
que tout est de sa faute,
comme toujours,
n'est-ce pas,
octave ?