Astréos panse ses plaies.
Panse ses plaies parce qu'il s'est fait salement amoché.
Panse ses plaies parce que faire l'idiot dans la Fosse ne lui aura pas permis de gagner, cette fois-ci. Ça arrive, il faut bien qu'il en perde un ou deux, de combats. Qu'on le jette des rails pour qu'il les conquiert de nouveau avec plus de hargne, le majeur en l'air et les dents découvertes derrière un rictus fier.

Astréos panse ses plaies, les plus superficielles d'abord. Le bleu sur sa pommette qui saigne un peu, sa lèvre ouverte et son nez qu'il ne sent plus vraiment.
Il peut se vanter d'avoir au moins au tant amoché son opposant, mais il n'aura pas gagné, cette fois.
Il enrage un peu, c'est rare. Il est plus désinvolte d'habitude, se retire de l'arène après une pirouette, des clins d'œil envoyés à la foule, les pattes boitillantes et l'estomac retourné.
Mais aujourd'hui, ça l'énerve, parce qu'il s'entraîne bien plus dur, qu'il a commencé à le faire pour de vrai.
Il continuera de dire que la Fosse n'est qu'un jeu, que la Fosse n'est qu'une énième scène sur la quelle il vient se pavaner, les ailes déployées et le bec grand ouvert. Mais au fond, ça l'emmerde suffisamment pour qu'Astréos se soit isolé.

Dans le reflet de son vieux téléphone, Astréos examine sa joue, les faibles soins qu'il se prodigue. Il sent que son bras souffre bien plus que son visage, son ventre aussi - partout, en fait, maintenant qu'il y pense, qu'il fait l'inventaire et qu'il passe sa main sur son corps pour chercher les endroits qui le lancent.

Grimace sur le visage, Astréos balance son téléphone au sol en soufflant.
Ce que ça l'emmerde.
Ce que ça l'emmerde, et ça l'emmerde de se rendre compte que ça l'emmerde.
Ça l'emmerde tellement qu'il n'a pas été regardé les autres combats, comme s'il en avait eu assez de la Fosse pour ce soir.

Du coin de l'oeil, il remarque, un peu plus loin, une tête qu'il n'a jamais vu par ici, ou alors n'a-t-il jamais fait attention - cette dernière option est d'ailleurs bien probable, vu le peu d'intérêt qu'Astréos porte habituelle au monde et à ce qui l'habite.
Il devine qu'elle aussi, elle a du passer un sale moment sur le terrain.
Pas étonnant, elle n'a pas vraiment le gabarit d'un combattant de la Fosse, mais encore une fois, Astréos est mal placé pour juger, lui qui est loin des gros bras qui viennent se battre ici.

Astréos attrape sa trousse de soin, si tant est qu'on puisse appeler ainsi le maigre sac contenant à peine ce qu'il faut pour se soigner, et se dirige vers la jeune femme, un large sourire aux lèvres, récupère au passage son téléphone qu'il fait tourner entre ses doigts.

Wow, t'as une sale gueule, je sais pas qui t'a refait le portrait mais il y a pas été de main morte. T'as besoin d'un truc ? Je peux sûrement pas te rendre ta splendeur d'il y a une heure, mais je peux mettre un petit pansement.

Petite gamine vachement en colère, petite gamine dérangée par la présence d'Astréos.
Gamine, c'est un bien grand mot, parce qu'Astréos doute qu'elle soit vraiment bien plus jeune que lui. Mais à son air bougon, à ses sourcils bien froncés, ses yeux bien noirs, pour signifier qu'elle veut qu'on lui foute la paix, cassez-vous putain vous me les brisez, Astréos devine que, si, c'est une gamine ; il n'y a qu'une gosse pour bouder comme ça.

Astréos, pourtant, sourit, comme à peine dérangé, à peine effleuré que la jeune fille l'envoie paître comme un moins que rien - il ne s'attendait pas à une autre réaction, après tout, et il doutait fortement, vu la moue sur le visage, qu'elle allait lui ouvrir grand les bras et l'inviter à la soigner.
De toute manière, Astréos ne pouvait prétendre être un bon infirmier. Il avait fini à l'hôpital plus d'une fois à force de délaisser ses plaies, alors il ne se faisait pas suffisamment confiance pour s'occuper des blessures de quelqu'un d'autre, et de toute manière, ce n'était pas son problème, au final, et il devrait plutôt balayer devant sa porte et s'occuper de son nez dégoulinant d'hémoglobine.

Oh, c'est franchement pas cool ça. Tu dis même pas bonjour ? La jeunesse d'aujourd'hui, décidément.

Astréos fouille sa trousse et en sort un désinfectant, qu'il agite pour vérifier qu'il en reste suffisamment pour qu'ils puissent s'asperger tous les deux ; vu les blessures, ils devraient même se baigner dedans, le petit pulvérisateur ne suffira certainement pas.

J'osais pas proposer, mais vu que t'insistes.

Astréos jette le pulvérisateur sur la demoiselle et s'assoit sur le banc sans même demander l'autorisation - si ça ne lui plaît pas, elle n'aura qu'à le pousser, mais lui, il ne bougera pas de lui-même.

Tu sais quoi, j'admire tes ambitions, mais faut croire que la Fosse c'est pas pour toi. Je dis pas que tu pues sa mère, mais à en voir le sang, t'as pas du bien te débrouiller, là-dedans.

Sourire qui dévoile les dents, sourire insolent, parce que c'est pas permis de dire des trucs pareils alors qu'il vient de prendre la râclée du siècle, parce que c'est franchement pas cool, Astréos, de venir la faire chier parce que t'es un peu rogne, parce que tu digères mal que ton travail paie pas, parce que tu digères mal que t'es imparfait, que t'es naze et que tu t'es fait refaire le portrait, et bien.

Si tu veux, je peux te donner plein de conseils. Je connais plein de trucs sur les types qui viennent se battre ici, d'habitude, c'est toujours plus ou moins les mêmes. Enfin, encore une fois, je suis pas du tout en train de dire que t'es pas forte et que t'as besoin de moi, vu ta carrure, je suis sûre que t'as plein de trucs à m'apprendre même.

Astréos attrape le bras de la jeune fille, un large sourire aux lèvres, et désigne le bras un peu fin.
Sourire qui dévoile les dents, sourire insolent, putain de connard, Astréos.
Le jeune homme fouille de nouveau sa trousse et en sort un rouleau. Il est fin, bientôt au bout de sa vie, mais il devrait suffire à faire un pansement convenable sur la tempe ensanglantée de la féroce combattante, et il l'observe, les sourcils haussés, fait tourner le rouleau entre ses mains.

Moi c'est Astréos. Toi c'est Hercules, non ?

Sourire qui dévoile les dents, sourire insolent, tu devrais penser à aller te faire voir, Astréos.

Comme une bulle qu'on éclate, la colère d'Astréos disparaît aussi vite qu'elle était apparu.
Il en oublie presque sa défaite cuisante et la rage qui en avait découlé ; il en oublie presque qu'une minute auparavant, il jurait sur tout ce qu'il avait qu'il mettrait tellement la misère au type qu'il avait rétamé qu'il s'en souviendrait pendant longtemps, et qu'Astréos s'en délectera pendant longtemps ; il en oublie qu'une minute auparavant, pour une fois, il avait envie de rester complètement seul, de s'enfermer et de casser un truc.
Ça n'est plus parce qu'il y a quelqu'un dont la fureur est plus intense, et aussi cruel cela puisse-t-il être, ça lui plaît, et il ne va pas s'en cacher, ça le fait rire.

Comme le beau temps après la pluie, le sourire d'Astréos est large, comme si ses blessures n'existaient pas, comme si étendre ses lèvres n'empiraient pas l'état de la coupure qui traverse jusque dans la muqueuse de sa bouche, comme si le goût métallique du sang ne lui faisait pas tourner la tête, comme s'il ne venait pas de perdre son nez.

J'ai affaire à une star, donc ? Qui l'eut crû... Si j'avais su que t'étais aussi prisée...

T'es un peu mauvais, Astréos, mais c'est pas méchant, il peut le jurer, il pense pas à mal. Il devine que son interlocutrice n'est pas de cet avis, que son sang bouillonne bien parce qu'Astréos n'a pas l'air franchement accompagné des meilleures attention, mais c'est promis, il pense pas à mal.
Juste à rire un peu, peut-être faire rire, qui sait.

Malgré tout, la jeune fille observe le spray, et lui aussi la regarde, parce qu'il se demande c'est quoi, cet air ahuri qui passe un instant dans les yeux assassins qui se cachent derrière les mèches bleues.
La féroce combattante, pourtant, reprend bien vite ses esprits, comme si elle venait de se souvenir qu'elle devait être en colère, qu'elle devait le rester. Les yeux noirs quittent la bouteille pour regarder de nouveau Astréos, et celui-ci passe la main sur la naissance de sa barbe en pinçant les lèvres, pour éviter de pouffer un peu trop fort.
Moi c'est pas ma came, scande-t-elle haut et fort, et pourtant la voilà dans ce trou à rat, avec des types dont c'est la came - comment on en arrive là ?

Oh j'en doute pas une seconde, t'inquiètes pas. Si t'es là c'est bien parce que t'as horreur de ça. J'avoue, j'adore ça, perso. C'est parce qu'on t'a pas encore bien frappé, je t'assure que c'est que du bonheur.

Astréos lève les yeux au ciel et se penche un peu en avant pour appuyer ses coudes sur ses genoux - il se demande, du coup, comment il en est arrivé là, lui aussi, lui qui n'y avait jamais vraiment pensé, lui qui ne s'était jamais vraiment arrêté pour y réfléchir et se demander s'il aime bien qu'on lui tombe dessus.
D'une oreille distraite, il écoute la petite gamine se foutre gentiment de sa gueule et il souffle légèrement du nez, le sourire jusqu'aux oreilles. Astréos se redresse un peu, tourne la tête et acquiesce comme si ça lui paraissait évident, ce qu'elle disait, les yeux ronds comme pour lui dire, franchement, comment t'as pas deviné qu'il fallait leur arracher les yeux parce que ça fait mal ?

Bah, ouais. Je sais pas si on t'a déjà arraché un oeil, mais c'est affreux. Ça m'est arrivé, j'ai un oeil de verre depuis, celui-ci. Je te propose mon aide pour que t'évites de finir comme ça, t'as vu. Y en a qui les arrachent avec les dents, j'ai eu de la chance que ça m'arrive pas mais brrr, ça fait froid dans le dos...

De son index ensanglanté, Astréos désigne un de ses yeux, les lèvres pincés, la tête qui s'agite lentement de haut en bas.
La fameuse Maxine sourit un instant, et s'il est un peu surpris au début, Astréos finit par sourire de nouveau, lui aussi. Parce qu'il est bien content de l'avoir déridé, ne serait-ce qu'un petit peu - il s'amuse déjà, en soit, mais il s'amuse toujours plus lorsque les autres participent un peu.
Il tend la main pour attraper la sienne, tout aussi dégueulasse et peu présentable, pourtant il l'attrape et l'agite, marquant ainsi le début de leur accord.

Mais sinon, je peux vraiment t'apprendre des trucs. Je sais pas si t'as pour projet de revenir te battre ici de temps en temps, mais je peux t'aider. T'auras qu'à me signer un autographe, je le vendrai et je me ferai des couilles en or.

Astréos récupère sa trousse de soins, cherche les morceaux de compresse un peu miséreux qu'il lui reste et attrape la bouteille pour y pulvériser du désinfectant . Il ne peut s'empêcher de rire franchement en écoutant Maxine - pourtant c'est promis, là non plus il ne se moque pas, parce qu'Astréos aussi pensait que les blessures se pansaient seules et qu'elles disparaissaient sans qu'on n'y prête une quelconque attention. Il s'était trompé.

Oh t'es pas cool, hein, je suis vachement enchanté, moi. Astréos pouffe à nouveau, tend la compresse à son associée. Tu peux toujours essayer de laisser ça se soigner tout seul, ouais. Pas sûr que tu sois toujours en vie, ceci dit, si tu chopes une sacrée merde. Tu fous ça sur une compresse, et tu nettoies. C'est le minimum, mais au moins on évitera de devoir te couper les pattes parce que t'auras laissé ça s'infecter. Qu'est-ce que tu viens foutre ici, d'ailleurs, si t'aimes pas la bagarre