L'amour, ce n'avait jamais été ton fort, Auxence. Il y avait des gens nuls en maths, d'autres nuls en dessin, et toi c'était dans les relations amoureuses que tu étais lamentable. Tu ne comprenais même pas pourquoi ça foirait à chaque fois. Tu étais juste toi-même et… Ça ne plaisait pas tout le temps. Basil, ton meilleur pote, plaisantait souvent en disant que les gens fuyaient à cause de ton horrible sens du style. Quand on y réfléchissait, il y avait peut-être un peu de cela. Tu présentais mal comme mec. Certes, tu étais solaire, mais… Tes vêtements piquaient les yeux, tes cheveux étaient fâchés avec le peigne et tu ne savais pas te tenir correctement. Tu étais un pote rigolo, un coup d'un soir appréciable, mais pas un gendre parfait. Rien que pour t'emmener au restaurant, il ne fallait pas avoir peur du jugement des autres convives du restaurant. Puis tu vivais dans un studio à Brise-Cœur, tu n'avais pas un emploi très fameux et tes relations familiales n'étaient pas au beau fixe… Clairement, tu pouvais comprendre pourquoi on avait dû mal à te présenter à sa daronne. Parce que si elle s'arrêtait à la première impression, c'en était fini pour toi.

De toute façon, tu avais 24 ans, tu avais encore le temps de trouver la perle rare, non ? En attendant, tu t'étais inscrit sur Pinder pour t'amuser, et surtout pour soutenir ta pote Thaïs qui venait de larguer sa copine. Ça vous avait amusé une ou deux soirées, de créer votre profil et de swiper à droite ou à gauche en fonction de ce que l'application vous proposait. La jeune fille avait sélectionné avec soin des photos de toi, pour que tu sois bien mis en valeur, et t'avait empêché de mettre un cliché où tu faisais la grimace. Dommage, à tes yeux c'était l'image qui te correspondait le plus. On voyait moins ton extravagance, sur le profil que Thaïs t'avait fait. Franchement, tu avais presque peur que tes dates se barrent juste en t'apercevant, vu comme elle t'avait dépeint. La belette voulait sûrement bien faire en augmentant tes chances d'avoir des matchs, mais si c'était pour que tes rendez-vous tombent à l'eau, ce n'était qu'une perte de temps au final.

D'ailleurs, la jeune fille avait aussi swipé quelques profils pour toi. Ça t'avait un peu fait rouspéter mais… Elle avait bon goût, surtout quand tu vis le profil d'un certain Kian avec qui elle t'avait fait matcher. À vrai dire, tu ne l'aurais pas validé sans elle, vu qu'il cherchait une relation sérieuse. Tu ne savais pas si tu avais les épaules pour cela, tu n'avais pas envie de le décevoir. Puis il avait clairement l'air trop bien pour toi, même si Thaïs ne voulait pas que tu formules ce genre de choses à voix haute devant elle. Toujours est-il qu'elle s'était encore plus fortement impliqué dans l'affaire quand elle a vu que tu discutais un peu avec le petit poisson. C'est elle qui te conseilla quoi lui écrire, le bar pour le rendez-vous… Et c'est surtout elle qui t'avait habillé pour l'occasion.

Parce que oui, vu que Thaïs habitait vers le Renard rouge, elle avait tenu à ce que tu passes chez elle avant le rendez-vous pour te briefer. Comme si on devait se briefer avant un date, franchement, c'était le meilleur moyen pour tout faire rater. Tu prônais le naturel, toi. Tu ne voulais pas tromper l'autre sur la marchandise. Mais la jeune journaliste n'était pas de cet avis, vu qu'elle te fit changer l'intégralité de ta tenue avant d'aller au bar. Sauf les chaussures, parce qu'elle n'en avait pas à ta taille. C'était pour cela que tu attendais actuellement Kian, assis à une table, habillé d'une belle chemise à fleurs et d'un pantalon noir très classe, ce qui n'allait pas du tout avec tes baskets fluo. Heureusement que les fringues de Thaïs étaient plutôt unisexes, même si le décolleté de ta chemise était bien trop plongeant pour que tu sois à l'aise. En fait, tu avais presque l'impression d'être sapé comme son "presque jumeau". C'était fou quand même, qu'ils aiment tous les chemises de lesbiennes dans cette famille.

Tu attendais donc, en espérant que Kian ne t'avait pas posé un lapin. Tu ne voulais pas avoir mis ces fringues pour rien, tu avais presque l'impression d'être déguisé. Mais quand tu vis le jeune homme arriver, tu te dis que tu n'étais pas celui qui portait la pire des tenues, alors qu'un sourire te mangeait soudainement tout le visage. Tu ne devais pas rire, ça serait malvenu, mais ça se voyait que tu te retenais. Le pauvre, il avait l'air si mal à l'aise mais… C'était hyper cocasse, comme situation.

- C'est moi, oui. Et je vois ça, pour la livraison. Je… Tu veux ma veste ?

Ça te semblait léger pour la saison de juste porter un body. Puis le jeune homme pourrait un peu se cacher dedans comme cela, s'il le voulait.

- Enfin, t'as l'air plus grand et carré que moi donc je ne suis pas sûr qu'elle t'ira.

Tu avais déjà vu sur les photos qu'il avait l'air musclé, mais son petit haut rendait cela encore plus visible. Tu fouillas quand même dans ton sac à dos, posé au pied de ta chaise, pour trouver ta veste et ne pas trop observer ses épaules de nageur. Tu espérais qu'en te penchant comme cela, le décolleté de ta chemise ne rendait pas tout ton torse visible jusqu'au nombril. Tu sortis donc du sac un sweat à capuche multicolore, qui tranchait totalement avec ta tenue actuelle. Ça, Thaïs ne te l'avait pas pris vu qu'il était déjà dans ton sac avant que tu ne passes chez elle.

Heureusement pour le mec qui avait sifflé ton date, tu étais trop surpris par la tenue de Kian et trop concentré sur le fait de ne pas rire pour l’entendre. Tu n’aurais pas laissé passer cela, sinon. Enfin, c’était peut-être mieux comme ça. Autant ne pas t’embrouiller avec quelqu'un qui faisait peut-être deux fois ta taille et ton poids lors de ton premier rendez-vous. Tu étais un peu comme les petits chiens agressifs, qui s’attaquaient à plus gros qu’eux et qui repartaient ensuite en courant, la queue entre les jambes, en se rendant compte qu’ils ne faisaient pas le poids. Se ridiculiser devant Kian lors de votre première rencontre, même pour défendre son honneur, aurait été une très mauvaise idée. Tu voyais aux rougissements d’embarras du poisson que c’était humiliant de passer pour un clown au premier date, alors autant que vous ne soyez pas deux dans cette situation. Il fallait que tu réussisses à contrôler ton rire et que t’essayes de le mettre assez à l’aise pour qu’il en oublie sa tenue, si tu voulais que tout se passe bien.

C’est pour cela que tu lui sortis ta veste, même si tu étais presque sûr qu’il serait un peu serré dedans. Si cela pouvait réduire un peu sa gêne, il fallait tenter. Par contre tu ne t’attendais pas à ce que son torse se dévoile encore plus quand il enfila ton gros pull. Ça ne dura que quelques secondes, mais ton regard fut attiré par l’éclat d’un bijou… Tu rougis, avant de te forcer à remonter ton regard plus haut, sur son visage. Putain Auxence, c’est dans les yeux qu’il fallait regarder l’autre pour un premier date. Et il ne fallait pas non plus se demander s’il avait d’autres piercings cachés sous ses vêtements, c’était trop personnel comme question, tu ne le connaissais même pas depuis dix minutes. Tu décidas de taire cette interrogation, même si elle te restait en tête. Elle allait sûrement resurgir plus tard, quand tu allais parler avant de réfléchir. Ça t’arrivait souvent de faire des bourdes comme cela.

- T’inquiètes, l’important c’est pas comme tu es habillé, mais comme tu est toi. Des vêtements, ça peut se changer mais pas une personnalité. Enfin, tu vois quoi… Et, pour être tout à fait honnête, moi aussi je m’habille pas comme ça d’habitude.

Thaïs t’aurait sûrement tiré les oreilles si elle savait que tu avais laissé échapper cette information si tôt dans le date. À quoi cela servait qu’elle se casse le cul à te faire une jolie tenue si c’était pour que tu avoues presque minute une que ce n’était pas ton style habituel ? Mais tu ne pouvais pas t’en empêcher, tu te sentais mal à l’aise dans cette chemise qui en montrait trop et dans ce pantalon trop serré pour toi. Puis si Kian t’apercevait debout, il se rendrait vite compte que tes chaussures n’allaient pas du tout avec.

- T’en fais pas pour ça, je te jure. Je vois bien que t’as pas fait exprès de me faire attendre. Puis… T’es hyper courageux d’être venu ! Y’en a plein qui aurait fait demi-tour à cause du problème de livraison. Je trouve ça admirable.

L’idée saugrenue te traversa l’esprit que toi, tu serais peut-être plus à l’aise dans la tenue de Kian que dans celle créée pour toi par Thaïs. Au moins, celle de Kian était fun. Tu aurais joué à fond la carte du clown blagueur avec ce genre de fringues. Alors que la tenue de Thaïs… Tu étais trop élégant dedans, c’était trop à l’opposé de ta personnalité. Le pantalon manquait de couleur à ton goût, le simple fait de porter une chemise était trop formel pour toi, même si elle découvrait trop ton torse… D’ailleurs, tu essayas de tirer un peu sur cette dernière pour te couvrir un peu, alors que Kian te complimentait et que le rouge te montait aux joues. Tu n’étais pas si gêné habituellement, mais le fait de ne pas te sentir vraiment toi dans ces vêtements te donnait presque l’impression de mentir. Le poisson trouvait beau un mec qu’il ne reverrait jamais dans une tenue aussi classe, il allait être déçu au second rendez-vous, si vous décidiez d’en avoir un deuxième un jour, bien sûr.

- Merci, t’es très beau aussi. Enfin, ta tenue te met pas en valeur mais on voit que sans tu serais très beau.

Tu deviens écarlate en te rendant compte de la bêtise que tu venais de dire.

- Enfin non ! Pas sans mais avec d’autres vêtements, tu vois ? Enfin t’as pas besoin de vêtements pour être beau…

Est-ce que c’était de pire en pire ? Oui. Tu devrais vraiment apprendre à te taire des fois, Auxence. Tu te levas brusquement de ta chaise, avant de continuer à t’enfoncer en parlant à Kian.

- Je vais aller nous chercher des boissons au bar, j’ai pas encore commandé. Tu veux quoi ?

Tu fuis vers le comptoir dès que Kian te dit ce qu’il voulait boire. Il fallait que tu souffles un peu, tu espérais que la conversation allait reprendre sur de bonnes bases une fois que tu serais revenu avec les boissons.

Tu ne savais pas si la curiosité de ton homologue concernant ton style habituel était une bonne chose. Serait-il déçu en te voyant habillé de motifs et de couleurs criardes, dans des tenues pas toujours assorties et pas toujours en bon état ? Tu préférais vivre à fond, te fichant de si tu trouais tes fringues. Ce n’était que des vêtements, tu pouvais souvent réparer ça grossièrement avec du fil et une aiguille. Puis c’était pareil pour les taches, tu te fichais totalement de leurs présences sur tes habits, tu n’allais pas arrêter de vivre parce que tu avais foutu de la sauce tomate ou de l’huile pour graisser les chaînes de vélo sur ton t-shirt. Si les gens s’arrêtaient à une tache plutôt qu’à ta personnalité, tant pis pour eux, tu n’avais pas besoin d’eux dans ta vie. Si une imperfection sur un vêtement les dérangeait, que diraient-ils de toutes celles sur ta peau, hein ? Tes cicatrices ne partaient pas en machine à laver, tu n’étais pas une poupée de porcelaine qu’on pouvait garder impeccable en la mettant sous une cloche de verre. Tu te tachais, tu te cassais, tu vivais quoi.

Enfin, tu vivais tellement là que tu étais rouge écrevisse, devant le beau Kian. Et il était tout aussi rouge que toi. Vous vous complimentiez tour à tour, vous gênant l’un l’autre à chaque phrase… Tu avais l’impression d’être de retour au collège, quand tu draguais ton premier crush. Pourtant, tu le connaissais à peine ce poisson. Mais ses yeux bleus avaient fait chavirer ton cœur… À moins que ce soit ce que sa drôle de tenue laissait entrevoir qui fit griller tes derniers neurones fonctionnels, tu ne savais pas trop. Tu savais juste que la sirène en face de toi t’avais envoûté, sans même avoir besoin de chanter pour cela. En même temps, vu l’estime de toi que tu avais, Auxence, le simple fait qu’un gars solaire comme Kian t’accorde de l’attention, ça faisait battre ton cœur. Il avait même trop envie de te rencontrer pour décaler votre rendez-vous pour un simple souci de vêtements ! Cette révélation te toucha au plus haut point, c’est peut-être pour cela que tu t’enfonças tout seul quand tu lui répondis qu’il était beau aussi. Monsieur catastrophe, voilà comment on devrait t’appeler, vu la tournure que prenait votre discussion. Mais Kian évita le naufrage, en lançant une plaisanterie légèrement tendancieuse.

- Euh… Je… C’est pas très conventionnel, en effet. Surtout dans un bar. On t’aurait sûrement arrêté pour excès de beauté sur la voie publique, si tu n’avais rien porté du tout.

Tes joues étaient écarlates, mais tu t’étais rattrapé avec cette pick-up line, n’est-ce pas ? Malgré ton embarras, tu voulais faire rire le joli poisson. Tu ne voulais pas juste être une midinette rougissant pendant tout le rencard. Enfin, une fois qu’il te fit part de ce qu’il voulait boire, tu t’enfuis à toutes jambes pour aller commander vos verres. Tu avais besoin d’une pause pour respirer et reprendre une couleur un peu plus normale. Mais en t’échappant si vite de la table pour rejoindre le comptoir, tu bousculas sans faire exprès un grand gaillard qui transportait des pintes de bière, vers le coin où il buvait avec ses amis. Merde. Tu avais dû naître sous une échelle devant un chat noir pour avoir une poisse pareille. Heureusement pour toi, le monsieur ne se fâcha pas, il n’y avait pas eu de casse et il avait l’air d’avoir l’alcool trop joyeux pour t’en vouloir. Mais par contre, ta chemise était recouverte de bière. La jolie chemise de Thaïs. La belette allait te tuer. Et en plus, tu allais puer le houblon et l’alcool pour tout le reste de ton date. Génial. Qu’est-ce que tu avais fait dans une autre vie pour mériter cela dans celle-ci, franchement ? Tu étais une vraie catastrophe.

C’était dans un bien piteux état que tu retournas à ta table, Auxence, les mains chargées de cocktails mais surtout la chemise imbibée de bière. Tu sentais le tissu mouillé coller sur ta peau et tu détestais cela. Tu avais presque envie d’enlever le vêtement, mais tes affaires étant chez Thaïs, tu n’avais rien pour te changer sous la main. Au moins, tu avais de la chance que la chemise ne devienne pas transparente, tu aurais eu envie de mourir foudroyé sur place, sinon. Mais Kian fut adorable, quand il te vit débarquer recouvert d’alcool. Il vint récupérer les verres de tes mains pour les poser sur la table, sans accident. Tu n’eus même pas le temps de t’asseoir que le jeune homme se saisit d’une serviette en papier pour éponger ton haut. Tu étais clairement plus surpris que gêné par son geste, tu n’avais jamais rechigné à être tactile, Auxence. Mais tu avais imaginé que votre premier contact aurait été plus romantique. Des mains qui s’effleurent, par exemple… Tu espérais que Kian ne se souviendrait pas de toi uniquement pour ta maladresse, après ce premier rencard.

- T’inquiètes, c’est que de l’alcool, ça va sécher. T’es pas obligé de me rendre le pull…

Mais le poisson fut plus rapide que toi, alors tu acceptas de reprendre ton sweat. Il n’allait vraiment pas avec ton pantalon, mais au moins, il cachait la tache. Vous deviez former un étrange duo aux yeux des autres tables, vu vos accoutrements. Au moins, Kian n’avait pas l’air de passer un trop mauvais moment. Il souriait… Enfin, c’était peut-être un sourire de façade. Tu avais peur que le jeune homme soit trop poli pour te dire que tu lui faisais de la peine et qu’il voulait écourter le rendez-vous. Ce qui te rassura, autant que ça te gêna, c’est quand il commença à rigoler de ton regard glissant sur son torse. Certes, tu rougis jusqu'aux oreilles, mais s’il faisait ce genre de blagues, c’est qu’il était à l’aise, non ?

- Désolé, c’est compliqué pour mon regard de ne pas être attiré par une beauté comme toi. Enfin, tes yeux sont très beaux aussi, hein. Mais ce n’est pas ce que ton haut met le plus en valeur.

On entendait à ta voix que tu n’étais pas très sûr de ta réplique mais que tu essayais de ne pas laisser Kian te faire tourner en bourrique. Mais ton date savait garder une longueur d’avance sur toi, l’information qu’il te délivra sur ses piercings en était la preuve. Il savait comment totalement te déboussoler. Tu jouas avec la paille de ton verre pour essayer de reprendre contenance, avant de lancer à Kian.

- Deux dans la même zone ou il y en a un ailleurs à découvrir ? Parce que tu sais, je suis un aventurier moi, les mystères me font pas peur.

Tout comme les phrases de drague nulles ne t’effrayaient pas non plus, Auxence. Kian venait d’en avoir la preuve.

- Blague à part, ça fait pas mal de se faire percer là ? Et ça s’accroche pas tout le temps dans tes t-shirts ? Je manque presque de m’arracher les oreilles tous les jours en hiver, avec mes bonnets et mes écharpes.

Parce que niveau piercing, tu étais resté dans le basique. Tes oreilles étaient bien ornées, mais tu n’avais jamais osé te faire percer à d’autres endroits. Tu avais envisagé une fois de rajouter un bijou sur ton arcade sourcilière, mais tu y avais renoncé en voyant que la grande majorité des copines de Thaïs avait un piercing ici. C’était un peu comme le sourcil fendu, c’était réservé à une catégorie de personnes dont tu ne faisais pas partie. Remarque, tu portais bien l’une de leur chemise actuellement.

Kian avait l’air de te trouver beau, autant que toi tu le trouvais attirant. Il n’avait pas l’air dérangé par les cicatrices sur ta figure et tes indomptables cheveux. La tenue que Thaïs t’avait forcé à porter avait-elle vraiment fait un effet bœuf sur le petit poisson ou appréciait-il la personne que tu étais sous ces vêtements ? Tu portais même ton pull coloré actuellement et ça n’avait pas l’air de le déranger. Tu voyais dans son regard une étincelle d’intérêt à ton égard, et tu voulais tout faire pour continuer à la faire briller. Chacun de ses sourires faisait chavirer ton cœur, tu étais face à un petit soleil et tu avais du mal à résister à son éclat. Tu pensais que les rougeurs ornant tes joues étaient à leur paroxysme, mais Kian te prouva le contraire en te dévoilant son deuxième bijou. Il était en parfaite symétrie avec le premier, et comme quand tu avais vu l’autre piercing, tu te forças à remonter tes yeux bleus vers son visage.

- J’y compte bien, ne t’en fais pas !

Comme d’habitude, tes paroles précédaient tes pensées. Tu ne te rendis compte de ton manque de délicatesse qu’une fois que les mots franchirent tes lèvres, alors tu te rattrapas en balbutiant.

- Si t’es d’accord bien sûr et… Peut-être pas au premier rendez-vous, tu voulais un truc sérieux alors je dois être sérieux. Enfin, si tu veux au premier rendez-vous, ça fait pas de toi quelqu’un de pas sérieux, c’est pas ce que j’ai dit. Je… Oublie ce que je viens de dire.

Tu te sentais idiot, Auxence, de perdre tes moyens devant ton date. Tu espérais qu’il n’était pas sapio, parce que vu les boulettes que tu faisais toutes les deux phrases, tu ne brillais pas par ton intelligence. Enfin, ça se voyait à ton profil Pinder que tu n’étais pas une lumière. S’il avait matché avec toi, il devait s’y attendre.

- Ta mammec’ ?

Tu ne savais absolument pas ce qu’était une “mammec”. Tes sourcils s’étaient même froncés quand tu avais entendu ce mot, signe que tu faisais travailler tes méninges pour trouver le sens de ce mot. Ça te disait vaguement un truc, mais tu ne pouvais le relier à rien. Tu hésitas quelques secondes, à faire semblant de comprendre pour ne pas passer pour une andouille… Mais ce n’était pas respectueux pour Kian. Tu ne devais pas lui mentir sur la marchandise, si tu voulais un autre rendez-vous avec lui. C’est sa main caressant tes oreilles qui te sortit soudainement de tes réflexions. Elles devaient être aussi rouges que tes joues. Tu t’en fichais finalement, de si c’était le choix de tes bijoux ou pas qui faisait que tu t’accrochais tout le temps. Tout ce que tu voulais c’était que cette main reste contre ta peau. Tu viens donc la rattraper quand elle commença à se retirer, par réflexe. Tu ne savais pas quoi lui dire, ton corps avait encore agi sans l’aval de ton cerveau, et tu tenais maintenant sa main dans la tienne.

- Je… Tu peux me toucher. Autant que tu veux. Je suis tactile, donc ça ne me gêne pas du tout. Et si jamais y’a un truc qui me plaît pas, je te le dis. Ça te va ?

De toute façon, Auxence, tu étais tellement friand de contact que tu n’allais certainement pas repousser Kian. À chaque fois que tes prunelles croisaient les siennes, tu te sentais emporté par une vague de tendresse. Toujours est-il que tu te forças quand même à lâcher sa main, pour garder entre vous une distance qui te semblait plus convenable pour un premier rendez-vous. Tel un caméléon, tu pris une gorgée de ton propre cocktail quand il en fit de même, pour ne pas avoir l’air trop bizarre. Puis avec ce mignon petit poisson en face de toi, tu oubliais ton verre. Il captait toute ton attention, même ta boisson, pourtant beaucoup trop chère pour ce que c’était, passait à la trappe à cause de sa simple présence.

- Je porte des tenues plutôt confortables, en vrai. J’ai pas mal de t-shirts amples aussi. J’aime bien associer les motifs et les couleurs, aussi. Tu vois, la chemise à fleurs que ma pote Thaïs m’a prêtée, celle que je porte là. Bah je la trouve un peu simple…

Alors que pourtant, le tissu était recouvert de fleurs colorées. Si quelque chose d’aussi chatoyant te semblait sobre, Auxence, on pouvait vraiment s’interroger sur ce que tu portais d’habitude. Tu aimais les contrastes de couleurs, les motifs uniques… Tu voulais porter des teintes aussi vives que celles que tu arborais sous ta forme d’anima.

- Et toi, tu mets juste des t-shirts amples et des maillots de bain dans la vie de tous les jours ? Elle ressemblait à quoi la tenue que tu avais préparée pour notre rendez-vous ?