Métier : plantfluenceur + ouvrier à l'usine de traitement des eaux
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Date d'inscription : 01/07/2023
Dim 20 Aoû - 20:42
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Marek Romejko
Marek Romejko
Maison de la Lune et du Sang
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Dim 20 Aoû - 21:00
Le pendu.
@aes
I. Le pendu
L’âme est lasse. Le corps retranché épouse à moitié la rambarde sur laquelle il est penché. Marek, il préfère s’oublier. Marek, il aimerait simplement exister, n’avoir à rien dire. Marek, il n’aimerait plus exister, n’avoir plus d’air à recracher. Les poumons sont faibles et il regarde encore la populace s’enlacer, courir, se sourire, vivre : au troisième étage, il est peut-être en train de les jalouser, coincé entre sa seule compagnie, quelques plantes trop silencieuses avec lesquelles discuter. Pourtant, quand il râle, quand il énumère ses pensées, il n’y a personne qui ne peut lui répondre, qui ne peut le rassurer, qui ne peut énumérer la vérité. Marek il pousse avec sa vérité. Que je suis un bon à rien. Que j’ai probablement tout gâché. Que mes choix sont mauvais. Que je suis libre. Que je ne fais qu’exister. Que j’ai oublié de vivre. Que je vais peut-être regretter. Que peut-être pas. Qu’en fait, j’en sais foutrement rien. Que je devrai m'en foutre. Que personne ne viendra me sauver. Et la voisine. La voisine d’à côté elle va encore râler. Elle va encore dire qu’il y a trop de plantes, elle va appeler le propriétaire parce que les feuilles dépassent à côté. Le propriétaire, il est gentil, il soutient, il est présent. Mais il m’a jamais rapporté le meuble que j’avais demandé quand j’ai emménagé… Pourtant, Marek il ne se plaint pas, parce qu’il y a trop de choses à cacher dans la salle de bain, faudrait pas qu’il le dénonce à la milice. Alors Marek, il ne dit rien. Il ne fait rien. Il se contente d’attendre, de pousser calmement. Un peu morbide, il a les paupières tombantes comme son poignet. Il fume, il fume. Appelez les pompiers. Pourtant Marek, il ne croit pas aux sauveteurs, il sait que personne ne viendra le sauver. Parceque tout le monde s’en fou. Marek, il est seul, il est seul depuis une éternité : drôle de princesse désabusée. Marek, il n’a plus d’espoir. Marek, il attend que son âme change de destination. Il attend la fin de sa saison. Peut-être que l’automne sera plus glorieuse, il attend d’arrêter de croiser dans chaque ruelle les âmes qui lui rappellent que sa vie est à chier, qu’il est incapable d’aimer alors que les doigts fusionnent jusqu’aux poignets. Marek les amourettes, ça le fait fuir, ça lui donnerait presque envie de vomir tellement que ça le fait flipper. Dire je t’aime à une femme ou à un homme ça lui semble sorcier. Parce que je veux plus regretter. Marek, il n’aime pas dire quelque chose qui finit par changer, Marek, il ne veut rien promettre si ce n’est qu’il restera perché à son troisième étage à se faire chier, parce qu’il y est pendu, obligé de regarder le monde s’émouvoir comme terrible torture.
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Dim 19 Nov - 23:40
Hey, look at you, you didn't die Made it, another 365 Some days this year were really bad But you are here and we are glad
Marek, il continue d’avancer, de placer les lourds bidons, de tout empiler. Les muscles sont fragiles, mais il ne le remarque plus, il s’est habitué à la douleur, elle est presque neutralisée. Gestes habituels, il est habilité à reproduire les mêmes mouvements toute la journée, à s’agenouiller devant le patronat pour ne pas se faire virer. Marek, pourtant, aurait bien aimé des fois faire autre chose de ses dix doigts, mais il n’a pas la force de faire autre chose que ça. Alors il continue, fait les allers retour, charge les chariots. C’est lourd. Pourtant, il fait l’idiot, il fait le sourd.
Plus que quelques minutes. Bientôt l’heure de la fin de la journée qui sonnera, il sera l’heure de se tirer. Marek, il ne fait pas d’heures supplémentaires. Et puis quoi encore ? Il a toute une forêt à gérer à l’autre bout de l’univers, dans son appartement où les feuilles recouvrent maladroitement les misères. Il suffirait de virer chacune des plantes pour le mettre face à la réalité, mais il préfère se laisser crouler sous les nappes de végétation. C’est mieux que de lutter. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire, il n’y a pas de solution à son calvaire. L’ursidé hiberne sur sa position : bon à rien, il se cache dans sa misère.
Pourtant, les muscles se mettent à lâcher subitement. Le bidon roule doucement pour heurter le mur d’à côté. Marek, lui n’arrive plus à bouger, la douleur est venue l’assaillir si bien qu’il se met à râler. Ça résonne. C’est brutal, soudain. Du moins, il a l’impression, mais l’ours n’a jamais fait bien attention à sa santé, à fuir les médecins, les docteurs, à ne jamais se soigner. La douleur le prend entre ses bras comme une mère, pour le contraindre et l’écraser. Sur le sol glacé, il a l’impression de ne plus pouvoir se mouvoir dans ses mouvements. Dès qu’il tente un mouvement, ses membres restent bloqués. C’est probablement la première fois qu’il n’aime pas cette position à rester allongé alors que plusieurs âmes remarquent que Marek s’est écroulé. La statue s’est enfin effondrée, les fêlures dans les ruines de son corps se sont totalement brisées. Il a mal, il est un peu secoué. L'impression d'être assommé. Il déteste ça, que de rester statique quand il ne l’a pas décidé. Marek ne peut même plus se recroqueviller, il attend le retour de Joe. Il va probablement se faire engueuler.
Quelques secondes plutôt, Marek allait bientôt rentrer. Ses plantes l'attendaient déjà. D’une certaine façon, la soirée était jouée, il allait s’affaler dans son canap’ en mangeant un plat réchauffé tout préparé. Immangeable. Il pense à la façon dont cela se serait passé si rien n’était arrivé, s’il n’était pas cloué au sol sans avoir la possibilité de bouger. Il aurait pris la navette pour rentrer, se serait affalé dans ses vieux fauteuils jaunes en plastique peu confortables et un peu sales, les écouteurs dans les oreilles pour tenter d’échapper au silence permanent, pour s’éviter les fausses bonnes idées, pour s’éviter les doutes et les milles pensées. Marek, il est obligé de rester, comme un déchet à croupir contre le sol. Il ne peut plus s’enfuir. Il doit faire face à ses responsabilités.
