haklyone
You do not have a soul. You are a soul, you have a body.
Pardon si j'ai gâché la fête. ┼ Ephraïm



 

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Pardon si j'ai gâché la fête. ┼ Ephraïm
Invité
Invité
Anonymous
Ven 7 Avr - 23:14
— pas à ta placeL'herbivore & Le carnivore
Ce n’est qu’une banale histoire.
Une banale rencontre.
Entre un herbivore.
Et un carnivore.
Des chemins qui se croisent. Des destins qui s’entremêlent. Le genre de rencontres qui restent gravées malgré leur banalité. Et la banalité pour toi, c’est un conflit. Des regards qui s’entrechoquent. Avec violence. Des voix qui s’élèvent. Qui se rentre dedans avec impatience. Celles qui se finissent dans la violence. Dans des éclats bruyants et révoltés. Alors cette rencontre est d’une banalité certaine et pourtant. Au coin de la ruelle qui mène à ton habitat délabré. Posté immobile. Dans la noirceur de la pénombre. Il y a un uniforme. Symbole de la force de la justice. Paraît-il.

Et cet uniforme te donne la nausée. Parce que tu ne les connais que trop bien. Tu admirais chacun d’entre eux. Jusqu’à ce que la réalité retombe par un beau jour de printemps. Ce ne sont pas les senteurs des fleurs qui t’ont ramenées sur terre. Ce sont les visages. Les corps recouverts de ce même uniforme qu’il porte à présent.
Alors que tu t’avances.
Encore un pas.
Puis un autre.
T’arrêtant à sa hauteur.

Il serait difficile de faire comme s’il n’était pas là.
Qu’est-ce qu’il branle près de chez toi de toute manière.
Qu’est-ce qu’il cherche.
Il n’y a que deux types de milicien dans le coin. Les justiciers qui sont trop jeunes pour connaître la vérité. Ou qui pensent pouvoir être différents. Et les connards qui sont déjà blindés de mensonges. Qui connaissent parfaitement les secrets de ces ruelles. Les pires. La pire espèce de l’être humain. Et tu te demandes. Non, tu ne te demandes pas Kaien. Tu réagis seulement.

“Qu’est-ce qu’un connard dans ton genre fous là ? T’viens casser les couilles à qui ? Y’a rien à voir dans l’coin et personne qui a b’soin d’toi alors dégage vite fait.” et encore tu te comportes poliment compte tenu de la situation. Le questionnant avant de lui décrocher un crochet du droit. Le menaçant avant de lui coller ton genou dans l’estomac.
Cela attendra sa réponse.
Que tu as hâte d’entendre.

made by MISS AMAZING.
Invité
Revenir en haut Aller en bas
Ephraïm Kurusu
Maison de la Lune et du Sang
Ephraïm Kurusu
Feat : Pardon si j'ai gâché la fête. ┼ Ephraïm Fc23041744fc3a287acec3a8d6c0d4be
Âme : Pur Sang Arabe
Métier : Milicien
Double compte : Jayson Wymer
Lenss : 464
Messages : 139
Date d'inscription : 26/03/2023
Lun 24 Avr - 21:30
Est-ce ici, qu’il est tombé ?

Les ombres sont partout. Les silhouettes glissent, dans son dos, sans s’arrêter, lorsqu’il se retourne, elles disparaissent. Il laisse ses yeux parcourir les dalles, les murs, au fond de cette ruelle, il n’y a aucun échappatoire.

Les odeurs l’agressent de toutes parts. L’urine aigre mêlée de bile amère, la fumée âcre de la cigarette mélangée aux fragrances entêtantes d’autres produits, l’alcool et d’autres mixtures étranges, tout ça, ça lui monte à la tête. Il inspire, mais l’air est si lourd qu’il a l’impression d’étouffer. Ses lèvres s’entrouvrent, pour laisser l’air entrer, et les saveurs ignobles imprègnent ses papilles.

Les murs se resserrent, la ruelle est plus étroite, et même lui se sent oppressé. Il n’arrête pourtant pas d’avancer. Ignorant les regards qui le traquent, bien qu’un pas parfois, le suive sur quelques mètres - Ephraïm se contente d’un regard en arrière et de serrer le poing.

Qu’est-ce qu’il fout là, le Milicien ?

La réponse pèse sur ses épaules. La veste de son frère est bien trop grande, trop lourde, elle arrive jusqu’en bas de ses fesses, et ses manches recouvrent totalement ses mains. Il a été obligé de les retrousser, pour découvrir ses avant-bras. Cette veste est épaisse, elle a tout pour le protéger du froid.

Mais ce n’est pas pour se défendre qu’il l’a enfilée.

Ce n’est pas pour se porter chance, ce n’est pas même vraiment, pour lui rendre hommage. Et à dire vrai, si son frère en avait été capable, il aurait tout fait pour la lui arracher.

Car ce qu’il veut, Ephraïm, c’est attirer les prédateurs hors de leur cachette. Ce qu’il veut, c’est servir d’appât. Ce qu’il veut, c’est comprendre, ce qui lui est arrivé. Et punir les coupables.

Comme si se venger allait le ramener. Comme si les tabasser, ça allait soulager ce putain de poids qu’il porte tous les jours sur les épaules, cette pierre qui pèse dans ses entrailles, cette douleur qu’il a, à chaque fois qu’il Le voit.

A chaque fois qu’il Le voit, allongé sur son lit, son corps atrophié, son visage inerte, entouré de machines. Sa grande main, immobile entre ses doigts, et son pouls qui persiste, l’impossible d’un coeur qui ne cesse de battre, inaltérable, inarrêtable. D’une vie qui n’existe qu’aux onomatopées froides de l’électrocardiogramme, il n’y a plus de mots, il n’y a plus de gestes, plus de sourire, son frère n’est plus là pour poser une main sur son épaule. Pour le freiner. Le raisonner.

Pour lui rappeler que sa vie est précieuse, qu’elle ne doit pas être gaspillée.

Qu’est-ce qu’il fout là, Ephraïm ?

Il y a tant de choses qu’il sait. Il sait qu’iels ont été plusieurs à acculer son frère. A le tabasser. Il sait que sa tête a rencontré le trottoir puis le pavé, qu’il a eu l’arcade brisée, la pommette enfoncée, les dents cassées, le nez explosé, les lèvres n’étaient que des lambeaux ensanglantés. Sans parler du reste, l’épaule déboîtée, les côtes foulées, Ephraïm n’a pas réussi à lire plus, il n’a pas réussi, à regarder les photos, il sait juste, qu’il l’a trouvé à l’hôpital, branché de partout, son grand-frère, contre lequel il avait râlé la veille, parce qu’il n’était pas là pour l’emmener au bord de la mer. Parce qu’il lui avait dit, “pas ce soir, mais demain, promis”, un demain qu’il attend toujours, qui ne viendra jamais.

Qu’est-ce que tu fais là, petit frère ?

Il cherche. Des réponses, la violence, des solutions. Il Le cherche, comme s’il pouvait intervenir, avant que les coups ne s’abattent, comme s’il pouvait y faire quelque chose, des années plus tard.

Les odeurs deviennent insoutenables. A moins que ce ne soit, le bordel dans sa propre tête, son estomac se révulse, il sent dans sa gorge, des remontées acides. Des pierres dans le foie, ses muscles sont tendus, et la pression écrase ses tempes. Ses mâchoires sont si serrées qu’il se rend seulement compte qu’il grince des dents. C’est la douleur vive qui traverse le coin de sa joue, qui le pousse à relâcher ses mâchoires.

Il y a beaucoup de choses qu’il ne sait pas. Qu’est-ce que son frère faisait là, pour qui, pour quoi. Il n’était pas en patrouille, il n’était pas armé, son argent avait été dilapidé. Etait-ce seulement pour une poignée de lenss qu’on l’avait massacré ? Son frère était si bon qu’il le leur aurait donné si iels le lui avaient demandé.

Car son frère, était si différent de lui. Grand, ses longs cheveux, souvent laissés libres. Peu expressif, son expression la plus courante, était peut-être celle de ce sourire poli qui apaisait ses traits sévères. De sa main qui se glissait dans ses cheveux, avec toute la tendresse d’un père. Son frère donnait tout ce qu’il avait, son frère n’avait décidément pas son sale caractère. Au point où Ephraïm se demandait, s’était-il même défendu ?

Son frère qui s’inquiétait toujours pour lui, pour ses comportements impulsifs voire destructeurs, son frère, avait-il été prêt à se battre, avait-il fait face à ses agresseurs.ses ? Savait-il, que contrairement à tout ce que Ephraïm disait, savait-il, qu’il était son modèle, savait-il, qu’il allait manquer à tant de monde, qu’il était, comme un phare pour nombre d’entre elleux, qu’il laissait à sa place, un trône vide, une place qu’Ephraïm, ne pourrait et ne voudrait jamais prendre ? Une absence, que sa carcasse sans âme ne comblerait jamais.

Son frère, est-ce qu’il a senti, les pas s’approcher ?

La sensation est fugace, c’est un mouvement perçu, du coin de l’oeil. Les poils qui s’hérissent et déjà, un pied glisse vers l’arrière, Ephraïm fait naturellement face à la personne qui s’approche.

Bien campé sur ses jambes, le jeune homme extirpe ses poings de ses poches et laisse retomber ses bras, de chaque côté de son corps. Il faut aller contre le réflexe de serrer, il relâche ses doigts, il les étend. Pour plus facilement saisir l’autre, s’il essaye de le toucher, pour le pousser, avant de le frapper. Son souffle s’est ralenti, son coeur pulse puissamment dans sa cage thoracique, et il dresse fièrement la tête.

Ses cheveux bruns sont sévèrement attachés en un chignon complexe, emprisonné d’un écrin en acier, entouré d’un ruban violet. Deux mèches farouches s’échappent, longent son visage, aux traits particulièrement sévères. Les sourcils froncés plissent naturellement ses yeux en amande, les pupilles d’un bleu sombre, obscur, ne reflètent pas même les éclats lointains des lampadaires. Au fond de sa pupille, miroite peut-être, le reflet blanchâtre, d’une lumière mourante, à plusieurs pas de là.

Il est petit, bien plus petit que lui. Un leurre. La taille idéale, pour frapper les chevilles ou les genoux, d’un coup bien placé, il se dit qu’il peut le mettre à terre, si l’autre, est lourd ou menaçant. Les avant bras découverts dévoilent une musculature fine et nerveuse, un tas d’os et de nerfs, nourris de veines épaisses. Les mâchoires finement dessinées, des lèvres pincées, un nez dont l'arête a déjà été enfoncé.

La veste, trop grande, sur un débardeur noir, un jean dessine ses jambes solides, une chainette pend à sa taille. Les bottes sont militaires, la pointe et le talon sont renforcés d’une fine plaque métallique, et à sa ceinture, est accrochée un couteau pour l’instant rangé dans sa gaine.

Il y a tant de choses qu’il a appris au Mont Hurleur. Et beaucoup d’entre elles sont inutiles à Lunapolis. Sauf l’une d’entre elles : se méfier, de celleux qui survivent.

Si l’homme s’approche, Ephraïm ne bronche pas. Il sait qu’il a moins de portée que le grand dadais ; s’il réduit de lui-même la distance, il ne sera que plus facile à toucher. Instinctivement, Ephraïm consolide ses appuis et un soupir s’échappe de ses narines frémissantes, le pur sang se retient de piaffer d’impatience, une mise en garde viscérale, l’un de ses talons râcle légèrement le sol. Laissant le métal, gratter la pierre.

_ Quoi ? Cette rue t’appartient ? T’as la même odeur que les murs tu me diras. Je me contente de passer, je ne fais chier personne, c’est toi qui viens me parler, t’as vraiment rien d’autres à faire ?

Ephraïm lève les yeux pour observer autour d’eux. Il espère que le type est tout seul ; s’il est accompagné, cela risque d’être plus… Problématique. Le mur dans son dos lui coupe toute retraite, mais il ne va pas reculer. Il redresse les yeux pour le dévisager.

_ Mon frère a été tabassé dans le coin y’a 8 ans. Par une bande de lâches, qui n’ont rien trouvé de mieux que se mettre à plusieurs pour lui fracasser la gueule. Je cherche qui a fait ça. Sûrement pas toi : déjà t’as le courage de venir tout seul,  puis t’aurais sûrement été trop jeune.

Ephraïm soupire et passe une main dans ses cheveux, écartant l’une des mèches de son visage pour la glisser derrière son oreille.

_  Maintenant que j’ai répondu à tes questions, tu vas me foutre la paix ou tu vas encore me coller au train ?




Ephraïm Kurusu
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Jeu 27 Avr - 14:07
— pas à ta placeL'herbivore & Le carnivore
On remarque les gestes.
Lorsque l’on a l’habitude de se battre, on sait voir les réflexes. Les mouvements même infimes. Pour se mettre en garde. Pour se préparer à parer. On reconnait tout cela au moindre placement d’orteil. A la moindre inclinaison du pied. Au moindre frémissement de la peau. Et les années sont déjà passées sur toi, Kaien. Assez pour que tu remarques sans même y songer. Il se tient prêt. Il n’est pas simplement inconscient. Non. Il a conscience d’avoir mis les pieds dans un nid de cafards.
L’incompréhension semble pointer son nez alors que, malgré toi, tu finis par le voir. Sa veste est trop grande. Depuis quand les miliciens sont aussi mal fringués. Franchement s’ils commencent à avoir l’air aussi stupide, ils ne vont pas aller loin. Les hypothèses pourraient faire leur chemin. Comme une veste volée. Mais pourquoi faire et puis il a pas franchement la tête de l’emploi. Ni même celle d’un meurtrier affichant son trophée. Un cadeau peut être, mais honnêtement c’est de mauvais goût dans le coin. Qu’est-ce que c’est. Si tu avais le temps de t’y pencher, tu pourrais peut être comprendre, mais l’homme parle. Encore. Et encore. Tu étais prêt à te faire dire d’aller te faire foutre sans rien de plus. Au moins, tu aurais eu une bonne raison de l’éclater sans même lui laisser de répit. Mais le problème c’est qu’il déballe vraiment ses raisons.

Jusqu’à émousser ton agressivité.
Un air blasé venant s’accrocher à tes traits.

Tu ne savais pas qu’il existait des gens aussi obéissants. Sûrement parce que tu ne connais que ces rues crades. Et les autres cafards qui s’y pavanent. Il n’y a qu’une seule personne qui ne mérite pas de poser les pieds sur ces pavés dégueulasses. La seule pour qui tu foutrais le feu à ce quartier s’il te le demandait. Si c’était pour l’en libérer.
Mais là n’est pas la question ce soir.
Bien que tu sois assez perplexe maintenant. Pour laisser tes pensées vagabonder. Tu pourrais, tu pourrais même passer à côté sans répondre. Rentrer chez toi et tout oublier. Parce qu’il vient de te couper dans ton élan. Avec une telle facilité. Simplement parce qu’il fait preuve de franchise. C’est presque amusant.
D’ailleurs, tu laisses un rire cynique t’échapper.
Finissant par tiquer quelque chose, peut être.

“ Ok, j’avoue que j’m’y attendais pas à celle-là ! D’jà, j’habite là donc c’mon chemin ? Ouais j’sais c’est fou, y a vraiment des connards qui vivent dans l’coin, c’est incroyable !” le sarcasme dégueule de tes mots, mais vraiment. Tu es entre l’amusement et un profond sentiment lasse et désabusé. “ Donc quelque part… on pourrait presque dire que c’te rue m’appartient, non ? J’veux dire en partie ! ”

Soupirant longuement, tu viens sortir un paquet de clope de la poche de ta veste en jean. éclairant la pénombre en silence. Visiblement intéressé en vérité. “ Cette veste… c’est celle d’ton frangin ?” est-ce sa franchise qui te donne envie de lui donner des réponses. Bien que cette histoire, tu devrais t’en foutre. Maintenant qu’il a brisé ta colère, tu devrais simplement rentrer en lui disant de bouger de là. Tu ne comprends pas pourquoi tu veux te pencher sur son histoire.
Uniquement parce que tu refuses d’accepter que tu sais aussi être sympa.
Même si c’est un milicien, cette histoire elle te dit quelque chose. C’est aussi pour cela, que tu réagis, Kaien. Tu en as entendu parler. Et tu admets avoir trouvé cela dégueulasse qu’ils lui soient tombés dessus à plusieurs. “ C’est sûrement pas moi, non. Mais c’pas en zonant ici que t’vas trouver quelque chose. T’es con ou quoi ? En prime en portant cette veste. T’veux t’faire tabasser comme lui ? J’sais pas si t’es inconscient ou juste demeuré, mais les miliciens c’pas les mieux vu dans l’coin ! ‘Fin, ça m’regarde pas, alors bouge juste que j’puisse passer et rentrer chez moi putain ! ”

Pourquoi tu ne tombes toujours que sur des gens qui épuise ta patience.
Mais qui laissent entrevoir leur bon fond à tel point que tu te retrouves incapable de leur taper dessus comme tu le voudrais.
C’est agaçant.
“ T'devrais aller voir près de l'fosse, j'sais pas, va fouiner près des parieurs pour les ragots et autres conneries, tu trouveras sûrement quelque chose. 'Fin démerde-toi, mais vire du paysage. ”

Incapable de partir sans l'aiguiller, tu finis par t'avancer pour lui passer à côté.
Tu ne veux pas te retrouver mêlé à ça.
Parce que tu l'aiderais, tu le sais déjà.

made by MISS AMAZING.
Invité
Revenir en haut Aller en bas
Ephraïm Kurusu
Maison de la Lune et du Sang
Ephraïm Kurusu
Feat : Pardon si j'ai gâché la fête. ┼ Ephraïm Fc23041744fc3a287acec3a8d6c0d4be
Âme : Pur Sang Arabe
Métier : Milicien
Double compte : Jayson Wymer
Lenss : 464
Messages : 139
Date d'inscription : 26/03/2023
Mer 24 Mai - 14:42
Un flair affûté comme celui du dingo peut percevoir de nombreuses odeurs, sur la veste que le jeune homme garde sur les épaules.

L'odeur de l'humidité, de la terre mouillée, de la rosée sur les feuilles imprégnées de sève, la forêt, les cascades. La fragrance bestiale de l'animal, l'équidé qui imprègne de son parfum musqué le tissu, il a sûrement couru.

Mais ce qui l'emporte sur tout le reste, c'est cette odeur. Cette odeur, qu'on sent dans les hôpitaux, qu'on sent chez les malades, l'odeur de la souffrance, du désinfectant, des plaies suant sous les bandages, la colle des pansements, les sérums et médicaments.

C'est entêtant, c'est inquiétant, comme une trainée de sang sur les pavés, comme un sourire de travers sur un visage éclaté, comme la lueur qui se reflète froidement au sein d'un regard vitreux.

Quelque chose, un équilibre entre 2 mondes, un temps en suspens, une odeur, de vie et de mort.

Et Ephraïm porte ce poids sur les épaules, il retrouve dans ce vêtement, l'étreinte et le soutien de son frère. Et pourtant, son absence, il la ressent pire que jamais, il n'y a plus sa chaleur pour l'entourer, il n'y a plus sa main pour le freiner.

L'intervention du jeune homme l'arrache de ses pensées, le coupe de ses émotions, de cette peine si forte qu'elle en noie sa raison. Et Ephraïm, il se sent soudain très con, assez pour en rougir, pour baisser la tête et la réfugier entre ses épaules.

_ … Je pensais pas que c’était devant chez toi, désolé.

C’est sûr que ça change de sa belle maison près des temples. Du jardin où poussent les fraises, de l’érable aux feuilles rouges, de l’herbe verte, du rocher qu’il escalade, sur lequel il s’assoit pour regarder les étoiles. Ici, quand il lève la tête, il ne voit que les lumières des lampadaires.

Alors Ephraïm se dégage d’un pas, il reste dos au mur et face à l’homme, mais ne gêne plus sa route. Sa corpulence fait qu’il ne prend pas beaucoup de place, de toute façon.

_ Ouais. C’est la sienne.

Avoue Ephraïm. Sa voix a changé. Amour, tristesse et nostalgie, Ephraïm, il refuse de parler au passé. Mais le présent, convient-il vraiment pour parler d’une personne qui n’est plus vraiment là ?

Le ton agressif l’invite à détourner la tête, à serrer les mâchoires, Ephraïm reçoit, sans répondre, malgré les poings serrés au fond de ses poches. Parce que le garçon n’a pas tellement tord, et qu’il prend conscience qu’il est vraiment tout seul, qu’il s’est mis dans la gueule du loup, qu’il a agi, comme souvent, sans réfléchir.

Il n’a pas réfléchi.

Quand encore une fois, il l’a vu dans son lit, qu’il l’a vu figé, inerte, qu’il l’a trouvé immobile. Quand il l’a vu, blafard et famélique, les traits émaciés, les escarres que ses parents s’efforcent de nettoyer, quand il a entendu les soupirs du matelas empli d’air et les sons artificiels des machines.

Quand Ephraïm a massé longuement ses mains, ses pieds, avec la pommade, en espérant que ça lui ferait un peu de bien, quand Ephraïm a juste senti les muscles atrophiés, les tendons saillants, la raideur et la lourdeur des membres morts depuis des années, qu’il a touché ses bras, ces bras qui le soulevaient il y a de cela quelques années.

Quand tout ça, tout ça, ça lui a pris à la gorge, l’obscurité pesante de la chambre, le silence ponctué de « bips » et de cliquetis, tous les fils branchés de partout, de quoi l’hydrater, de quoi le nourrir, de quoi le vider, son frère, son frère s'est arrêté, mais les machines n'arrêtent jamais, cette prison, ces fils, ces bruits, ce vide, tout ça, tout ça, Ephraïm, il n’a pas supporté, il a pris la veste, il a couru, il a couru jusqu’ici.

Et maintenant, il se sent comme démuni, il réalise qu’il a fait tout ce chemin pour rien, que c’est trop tard, que c’est trop tard et qu’il ne peut rien faire. Il n’a rien pu faire.

Ses yeux sont baissés, ses lèvres trahissent la grimace qu’il retient, ce doigt qu’on enfonce dans la plaie.

_ … J’suis con je sais.

Lâche Ephraïm. D’une voix tremblante. De colère et d’impuissance.

_ Je sais, j’ai pas réfléchi, j’ai…

Les mots s’étranglent dans sa gorge. Il ne dit pas ce qu’il voit, ce à quoi il pense, mais ça monte, ça monte dans sa cage thoracique, cette boule familière, qui déchire ses viscères. La grimace est plus franche, c’est de la douleur, dans les traits tirés.

De la douleur et le regard perdu, d’un gamin qui erre dans les rues, sans trop savoir où aller.

Les paroles du jeune homme l’invitent à retirer la veste. Ephraïm l’enlève, dans un geste lent, par peur d’abîmer le peu qu’il lui reste. Dévoilant ses épaules osseuses, ses bras secs et nerveux, des bras nus, le torse recouvert d’un seul débardeur.

La veste est pliée avec minutie, Ephraïm la garde à son bras et la serre contre son ventre.

Penaud.

_ J’aurais pas dû… C’est juste que… j’sais pas… J’sais pas trop ce qu’il m’a pris. Ca fait 8 ans maintenant, 8 ans, je devrais passer à autre chose.

Mais il ne peut pas. Il en est incapable.

Il ne peut pas, quand il le voit tous les jours, quand il marche sur ses pas. Quand il a été son modèle, son ami, son frère, la personne qui l’a aidé à sortir de ces abysses dans lesquelles il s’enfonçait. Il ne peut pas l’abandonner,  mais il ne sait pas comment remonter son frère à la surface, comment l’arracher de l’inconscience. Il a tout essayé. Et continue encore de s’acharner.

Et l’indice donné par le garçon lui fait redresser la tête. Cette main, il la saisit.

Car ses yeux ne se baissent plus : ils sont levés. Dans les siens. Le souffle s’est retenu, les muscles se sont tendus.

_ La fosse, hm ?

Ses sourcils se sont froncés. Ses prunelles vives se braquent en direction d’une ruelle plus loin, où s’attardent quelques silhouettes. Ephraïm plie encore une fois la veste et cette fois, la range dans le sac à dos qu’il garde sur son épaule.

_ Je vais aller voir ça.

Le sac revient sur son épaule et Ephraïm hésite une seconde, avant de tendre la main à l’inconnu.

_ Merci pour ton aide. C’est… c’est sympa.

La voix est de nouveau assurée. Ferme, dans ses intonations. Si l’homme accepte de lui serrer la main, Ephraïm la serre – sans douceur, sans violence, l’étreinte est mesurée, appuyée, pour témoigner de sa reconnaissance. Les yeux dans les yeux, accompagnée d’un geste de la tête, avant qu’Ephraïm ne s’écarte et ne s’éloigne.

_  Bonne soirée.

Les mains dans les poches, la démarche chaloupée, malgré sa petite taille, ses guiboles paraissent bien grandes, c’est probablement dû à ses épaules solides et ses énormes chaussures, sa taille fine et sa musculature sèche, nerveuse, osseuse.

Ephraïm se dit que peut-être, c’est un traquenard, peut-être, c’est un piège, mais Ephraïm est prêt à saisir toutes les pistes qui lui sont données. Toutes les mains qui s’offrent. Il avance, sans vraiment savoir où aller, le but, c'est avancer. Avancer. Ne jamais s’arrêter.

Ne. Jamais. S’arrêter.

Ephraïm Kurusu
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut Page 1 sur 1
Sauter vers:
nos partenaires