Rien de mieux pour trouver de nouveaux prospects dans les marchés, notamment celui de Lunapolis, très grand grâce à sa forte densité de la population. La fleuriste s’organise une balade par là-bas, accompagné d’un joli panier de fleurs une fois par trimestre. Cependant, il lui arrive d’y assister lorsqu’elle se retrouve dans le capital pour des raisons majoritairement professionnelles que personnelles. Aujourd’hui en ce doux mois de mars, la créatrice d’ensemble fleuri s’aventure pour trouver ses futurs clients. Elle discute auprès de certains marchands pour prendre des nouvelles et conserver le contact. Technique de rappel en marketing, passer de temps en temps, montre que nous sommes toujours présents, et l’image de l’Atelier Primevère reste dans un coin de leur cerveau. Ainsi ils n’hésiteront pas à les contacter s’ils ont besoin d’un fleuriste et surtout une créatrice. Pas tous les fleuristes font des créations autre que de simples bouquets, c’est l’avantage concurrentiel de sa boutique. Qu’importe l’œuvre demandé ou l’évènement, le but est de toujours aller au-delà de simples bouquets de fleurs.

Vêtue d’une veste en fausse fourrure couleur pêche saumon, d’un haut bustier blanc, un pantalon à patte d’éléphant noire et de bottine avec dix centimètres de talons, sous ses lunettes de soleil sur la tête, la jeune femme s’est assimilé un style vestimentaire très urbain. C’est en allant dans des villes comme Lunapolis ou Babel, que la belle peut tester et s’exprimer autrement que les tenus de sport qu’elle aime tant, les vêtements professionnels et les tenus doux qu’on a tendance à porter à Régalia car nature et fraicheur. Avec ses talons, l’éléphant mesure désormais 1m95. Sa tête est bien au-dessus de certaines personnes. Des personnes de grande taille, il y en a plein, surtout dans les grandes villes, mais les grandes femmes attirent toujours l’œil. De la surprise, de l’admiration, de l’attirance ou encore l’envie de les confronter pour les dominer ou se faire dominer par ces dernières, beaucoup de personnes ont leur pensé et envie face aux personnes de grande taille. Généralement, les observateurs passent leur chemin ou viennent directement discuter. Les animas restent tout de même bienveillant.

Néanmoins, Terra l’a ressenti. Elle se sent suivi, par cet homme de grande taille, légèrement plus petit qu’elle. Elle passe d’un chemin à un autre, essais de se fondre dans la foule en se penchant légèrement vers l’avant pour baisser en taille. Rien à faire, il ne la lâche pas ! Un stalker ? Elle n’a pas le temps de bien l’observer, mais ce qui est sûre c’est qu’elle est bien la cible de cette personne. Enfin, elle entend son nom. Cette voix… ne lui dit rien du tout. Un client qu’elle a oublié depuis bien longtemps ? Non impossible, elle se retourne rapidement afin d’observer qui a bien pu l’appeler. Il la regarde, son regard croise le sien, non elle en est sûre c’est bien lui… Elle observe rapidement autour d’elle, non personne n'a l’air de vouloir une conversation avec elle. La personne qui la suivait est bien cet être à la chevelure blanche sous ses lunettes de soleil rondes.

Il n’a pas l’air d’être là pour ses fleurs, forcément, c’est quelqu’un qu’elle a connu dans son passé, sinon, il l’aurait appelé Mademoiselle Hortensia. Son passé elle souhaite l’oublier, que ce soit quand elle se rebellait ou quand elle était encore sous l’influence de sa famille, battue, incomprise et soumise. Elle hésite, doit-elle lui parler ?

« Je suis dé-désolée. V-vous vous êtes trompées…de personnes… Je ne pense pas vous connaitre… »

Pour le moment cet échange de regard est bien trop long. Elle commence à soupirer, lui tourner le dos jusqu’à ce qu’une personne qui parcourait rapidement la foule la bouscule. Etant sur un seul pied puisque madame souhaitait tourner le dos vers son interlocuteur, elle perd l’équilibre et s’apprête à lui tomber dessus.

Finalement de peu la belle se rattrape, l’inconnu de nouveau face à elle. Il est vraiment persistant, ça en devient agaçant. Mais jamais elle ne doit s’énerver sur le marché de Lunapolis, c’est là qu’elle a certains contact et prospect. Elle a une notoriété à gérer dû à sa boutique. Pourquoi il la reconnait et non elle. S’il est si important que ça elle s’en souviendrait. Vient-il d’un passé qu’elle a préféré oublier ? Elle ne sait quoi penser. La fleuriste ne dit rien et l’observe simplement d’un air dubitatif. Il ne lâche rien et il a bien fait. Le nom lui rappelle quelques flashbacks. Un jeune garçon, mêmes cheveux, mêmes yeux, dans une maison qu’elle a reniée aujourd’hui. L’un de ses seuls amis qui ne la jugeait pas pour avoir été un éléphant. Elle a toujours essayé de lui cacher le malheur qu’elle subissait. Il lui faisait oublier sa famille, sa situation. Elle souhaitait être comme lui, pouvoir voler et se libérer ses racines.

Le panier tombe au sol, perturbée par tous ses souvenirs, une larme coule au long de la joue de la jeune femme. Elle s’essuie et lui sourit.

« Apo… »

Dit-elle avec une voix plus aigüe, comme si l’éléphanteau en elle s’est ressurgit afin de s’exprimer. Elle qui ne l’a plus revu depuis qu’elle a changé de maison. Elle a tout coupé afin de vivre une nouvelle vie qu’elle arrive à gérer aujourd’hui. Que faire ? Partir et tout oublier ? Elle qui a réussi à aller de l’avant, retrouver quelqu’un de son passé ne serait-ce pas un frein ? Pourtant, les Hortensia, elle les revoit. Non, elle souhaite le connaitre, elle espère qu’il sera aussi intelligent et juste. Elle ne souhaite qu’une chose, le prendre par les bras, sa main s’approche, puis retombe. Non, il n’est pas tactile, loin de là.

« C’est… donc toi… qui me stalk au marché… ? Depuis ce matin ? Ravie… te de revoir… Je crois ? Mais, inutile de me suivre ainsi… »

Elle détourne légèrement le regard, sa posture un peu penchée afin de ne pas le dépasser. Elle qui a toujours respectée son ainé, elle ne veut paraître imposante. Elle ne sait quoi vraiment lui dire, mais il n’a pas l’air de le savoir, elle ne souhaite pas en dire trop qu’elle a changé de maison. À moins qu’il l’a simplement retiré de sa vie quand il l’a su et le regrette aujourd’hui ? Elle n’en sait rien.

« Toujours dans notre vieille maison ? »

Entendre la douce voix de son ami perdu depuis fort longtemps. L’écouter lui fait rappeler ces moments en tête à tête, à discuter de plusieurs choses de la vie. Questionner leur maison, pourquoi les gens agissaient ainsi et surtout dès sa jeunesse, Terra savait étonnement faire preuve d’une grande sagesse. Elle se souvient de lui avoir parlé de ses premières bagarres à l’école primaire. Quand elle avait décidé d’honorer sa famille car ils se moquaient des animas de rongeur et de terrier. Cependant elle n’a jamais évoqué les conséquences reçues et le cauchemar qui s’est suivi. Elle se couvrait souvent afin de cacher ce qu’elle subissait, puis Apollo lui faisait oublier la réalité qu’elle côtoyait à cette époque. Elle espérait et lui envie aujourd’hui cette capacité à voler. Elle qui est clouée au sol sous ses 4 tonnes de chair.

Un simple léger rire est une réponse à la sienne. Il est donc la personne qui la suivait depuis ce beau matin, voilà de quoi la rassurer, la fleuriste était prête à s’éloigner de la place et mettre quelques coups sur la personne qui osait l’importuner. Mais là, ce stalker n’est qu’un ami d’enfance qu’elle porte encore aujourd’hui dans son cœur. Il n’a pas l’air d’avoir trop changé d’ailleurs, simplement grandi. Toujours un air sur de soi, un peu arrogant et d’une fierté. Un érudit, au-dessus des autres mais qui a un bon fond, quand on cherche bien dans son âme virevoltante.

Évidement, il est resté dans la maison du Souffle et des Cendres. Cette maison est parfaite pour les érudits comme lui, l’éléphant ne comprend vraiment pas pourquoi les experts en fleurs, sont restés dans cette maison. Un fleuriste peut être accepté partout, alors pourquoi les érudits alors que d’autres plus festifs sont bien plus intéressant.

La jeune femme pose inconsciemment sa main sur ses hanches, là où ses cicatrices se trouvent, celle-ci non couvertes par le bustier blanc. La maison est synonyme de cauchemar pour cette victime.

« La maison de la Lune et du Sang est loin d’être parfaite, mais pou un pachyderme qui est considéré de puissant et intimidant pour certains, je m’y trouve parfaitement. Je suis un peu le bouc émissaire de la famille donc j’avais meilleur temps de suivre la maison de ma tante et comme aujourd’hui, j’ai fait mon propre business. »

Elle inspire un grand coup, pendant un instant, ses yeux rayonnent son âme, et cible son vieil ami droit dans les yeux.

« Si j’y restais, je crois que notre maison porterait la couleur des Roses et Ombres pendant quelques temps. »

En aucun cas, la jeune femme a précisé de qui le sang coulerait, cela peut autant être le sien que celui de sa famille. Elle a gardé la tête haute pendant tout ce temps, il est hors de question, qu’elle se fasse anéantir.

« Les Hortensias ne méritaient pas la sagesse de mon anima. Et toi, j’ai eu echo que tu es scientifique ? As-tu fait de belles découvertes ? »

Terra est curieuse, curieuse de connaitre ce que ce bel homme a vécu. Elle s’empresse même de lui demander concernant ses relations, familles, amies, amour ? Des sujets qu’on ne se pose pas lors de l’enfance qui sont aujourd’hui importants, une fois adulte.

Apollo a toujours été un être intelligent. Elle le sait, il fera des découvertes incroyable, remettra en question plusieurs résultat afin de démontrer que certaines croyances sont fausses ou stupides. Cependant il est toujours aussi attaché à sa maison. Terra le sait, le ressent, elle a l’impression qu’il accepte sa décision car rien ne peut changer désormais. Mais s’il avait la possibilité, le choix, il ferait tout pour qu’elle revienne. Même si elle en avait la possibilité, l’éléphant refuserait. Jamais la maison l’a aidé à aller mieux, de quitter sa famille, des personnes savaient et voyaient la situation dans laquelle elle était.

« Peut-être, mais je punie ceux qui n’agissent pas, j’aurais donc quitté la maison. C’est à eux de savoir garder les meilleurs. Au moins tu y es encore. »

Elle respire un grand coup puis sourit.

« Que recherches tu en tant que scientifique ces temps-ci ? De mon côté… J’ai ouvert il y a un peu plus de deux ans l’atelier primevère à Régalia. J’aime toujours les fleurs, j’ai donc continué dans ma voie en tant que fleuriste. Qui sait, à un prochain évènement je ferai sans doute partie de ceux qui viendront décorer le laboratoire. »

Terra aimerait discuter davantage, mais elle est présente pour bosser et Apollo aussi a bien des choses à faire. Elle lui passe une main gentiment sur l’épaule, le regard droit dans les yeux, d’un air dominant mais à la fois apaisant. Elle souhaite lui prouver qu’elle est bien là où elle se trouve aujourd’hui. D’une petite voix, elle lui dit à bientôt. Elle le sait, elle l’a revu, son cœur bat fortement. Il est loin d’avoir changé. Dans le futur elle recommencera encore à avoir des discussions et débat très sage avec lui, elle en est sûre.