Hôtel Beauregard • • • Mai 2099À cette heure, le bar de l'hôtel était chargé de la tension qui précédait l'effervescence. La lumière tamisée couplée au jazz qui faisait vibrer les basses à travers la moquette procuraient à Narcissa une sensation bien étrange qu'elle n'était pas certaine de savoir apprécier. L'espace était suffisamment grand et haut sous plafond pour pouvoir s'isoler malgré la vingtaine de personnes qui occupaient déjà les lieux lorsqu'elle passa la grande porte en bois qui séparait le couloir de l'hôtel dans lequel elle avait réservé une suite, quelques heures plus tôt.
Le besoin de s'échapper du stress de Lunapolis l'avait poussée, sur un coup de tête, à prendre ses affaires et quitter ses responsabilités, le temps d'un week-end. Et puisqu'il n'y avait rien au monde qui aurait pu la convaincre de se tourner vers la solitude, Narcissa, plutôt que de faire demi-tour, avait préféré mitrailler de textos la seule à comprendre que ses maux n'étaient pas que des caprices - qu'elle n'était pas qu'une gamine privilégiée capricieuse et bornée.
Les effluves de sel mêlées à celles de savon se firent sentir, entre deux bouffées d'ambre et de cire qui brûle, et Narcissa fit volte-face. Sa moue se transforma en sourire radieux à l'approche de la rascasse.
« Bonsoir ma beauté. » Narcissa se leva de son siège et ouvrit les bras pour accueillir Carmine et la serrer dans ses bras dans une étreinte étrangement serrée pour une personne de son gabarit.
« Merci d'être venue, tu imagines pas à quel point j'avais besoin de changer d'air. » Les paroles fusèrent et Narcissa ne fit aucun effort pour dissimuler la grimace qui faisait surface chaque fois qu'elle pensait à son affreuse agente.
« Cette semaine était ho-rrible. » Et sa mère, puis sa soeur aînée qui s'y étaient mises avait fini par l'achever. Dans un soupir dramatique, elle se laissa tomber sur la chaise haute du bar, le talon aiguille bien ancré sur le sol.
« Pardon, je suis terriblement impolie. » Elle fit glisser la carte sur le comptoir, en direction de Carmine.
« Qu'est-ce que tu bois ? » L'absence de verre sur le bar indiqua que Narcissa n'en avait pas complètement oublié ses bonnes manières, préférant attendre sa compagnie avant de demander à se faire servir.
« Ça va, toi ? On est bientôt en juin, on se verra plus pendant si longtemps...» Elle esquisse tout de même un sourire, sincèrement excitée pour les olympiades de l'été qui s'annoncent et pour lesquelles Carmine travaille d'arrache-pied toute l'année.
« Ohalala, mais comment je vais faire pour survivre sans toi ? »