Fleur l'estomac noué, la moue disgracieuse entre les pavés crasseux, elle supplie un peu, clame que ce n'est pas grave, que l'alcool coule toujours à flot ; dans les veines, entre les cœurs, un peu partout pour faire partir la douleur. Que ce n'est pas sa faute si la vodka malabar leur file tous le cafard, s'il n'y a bien qu'elle pour s'extasier devant l'inapproprié. Une bouteille d'eau entière plus tard, ça dégrise déjà, ça tambourine sous le crâne, ça laisse le malaise constant, les émotions changeantes. Elle a un peu honte Fleur, la tête qui se baisse entre ses mains, plaquer les mèches en sueurs d'avoir déjà trop dansé pour la soirée. Tirer sur la petite robe à paillettes, elle qui voulait juste faire la fête. Ça n'a pas duré longtemps, elle a tout avalé comme si elle rêvait d'exister, la bière et le rhum peut-être, les mélanges disgracieux proposés sans révérence. Les bras trop fins resserrent la petite veste, regard noir face à Barnabé qui vient s'enquérir de sa santé.
Ça va, elle ne va pas en crever.
Elle a vu pire,
mais elle a certainement vu mieux également.La fatigue alourdit les paupières ; maintenant qu'elle commence à décuver, Fleur regrette que la soirée se soit finie si tôt pour elle.
Elle demande son paquet de cigarette, on le lui refuse dans une grimace de pitié.
Alors elle attend Fleur,
elle attend qu'on vienne la sauver,
l'empêcher de s'alourdir contre le mur béton et s'endormir dans une migraine persistante.

C'est long, elle baille et quand un milicien vient la chercher, l'ours met quelques secondes à comprendre que la liberté est maintenant à portée de main. Récupérer son petit sac à main un peu brusquement, soupirer de soulagement quand rien ne manque.
C'est vrai Fleur, elle n'aurait pas dû s'exhiber ainsi dans les rues de la capitale, lever haut la bouteille en verre et pester contre la misère. Fleur parfois, elle ne sait plus ce qu'elle dit et aux vues des regards compatissants qu'on lui lance, ça ne devait pas être bien beau.
Elle sait déjà qui l'attend au côté de Barnabé avec qui elle a réussi à papoter quelques minutes avant de vomir ses tripes dans le petit seau prévu à cet usage une demi-heure plus tôt. Il n'y a bien que Wren pour s'enticher des vieilles tâches qui ne partent pas, venir soupirer que c'est terminé. Qu'on va pouvoir rentrer.

Iel l'attend et un peu honteuse, l'agent à les mains qui se tordent contre la bandoulière du sac, l'alcool qui lui alourdit encore les jambes, tangue un peu sur ses talons hauts. C'est brumeux, encore un peu. Comme une enfant prise sur le fait elle hésite à s'arrêter là, ne pas franchir les derniers pas. Faire la sourde oreille et n'en faire qu'à sa tête. Finalement on la lâche et Fleur ne peut s'empêcher de venir s'étaler au cou de l'autre dans une étreinte brusque, le visage contre la veste froissé, comme d'habitude mais c'est comme ça qu'elle préfère Wren. Un peu froissé.e mais toujours sur ses pieds. Pas comme elle qui peine avec la gravité. "Wreeen je suis désolée j'ai donné ton numéro sans réfléchir !" Elle s'accroche, ne tient pas à s'écarter ; dans une lamentation digne des films peut-être, elle secoue la tête contre le tissu. "C'est HORRIBLE." Elle ne sait pas trop de quoi elle parle Fleur. De cette soirée ? Du poste de la Milice ? De sa propre personne ?

Elle se redresse finalement, accepte de relâcher l'étreinte sans oser croiser le regard. "Ok on peut y aller... " D"une voix un peu misérable. Le lit de Wren, c'est douillet et ça rallonge les nuits, ça lui va.

Fleur s'accroche à la chair, bouée éphémère. La honte cinglante entre les côtes, les yeux qui se baissent un peu sur la robe de soirée trop courte, les vieux talons usés, les détritus sur le pavé ; ça pourrait être elle si elle négligeait d'exister. Mais Fleur ne pleurera pas, le museau se redresse dans une dernière once de fierté alcoolisée, ne veut pas paraître plus faible encore aux yeux de Wren, pas quand iel vient la chercher sans rien demander, pas quand le regard ne juge pas trop. pas quand on lui tend la main sans dédain, Wren un  peu comme un pilier alors Fleur se laisse guider ; tout ira bien peut-être. Certainement.

Une légère grimace, la tête se secoue, Fleur ne sait pas si elle est d'accord avec tout ça.  "... tu penses ?" Alcool tristesse, l'ours pousse un soupir épuisé. Peut-être que Jude l'aurait laissé là à dessaouler, c'est vrai, elle ne lui en aurait pas voulu, elle-même ne serait pas venu pour sauver ses propres fesses. Un regard pétillant soudain, la tristesse s'engloutit aussi vite que le Gin.  "T'es un peu la meilleure personne sur cette île Wren !" Et probablement du monde entier, mais Fleur ne peut pas savoir, elle n'a probablement pas encore croisé tout ce que l'univers a à offrir. D'une main elle attrape le coude de son ami.e, se colle à sa veste comme une princesse en détresse. Marcher droit, ça devient presque facile, Fleur ne voit pas le temps passer, les mètres avalés. Ca aurait pu être pire oui, la tête se hoche dans un commun accord. Il y a toujours pire, Fleur aurait pu mourir toute seule dans le caniveau, Wren ne serait alors probablement pas venu la chercher.

La porte s'ouvre, Fleur se détache du sauveur du moment, traine des pieds jusqu'à s'affaler dans un fauteuil confortable, ne faisant pas attention au bazar habituel. C'est presque comme à la maison et chez Wren ça sent toujours bon ; le tabac froid et le papier neuf. Fleur étend les jambes devant elle, ferme les yeux quelques secondes, marmonne entre ses lèvres pour confirmer qu'elle a entendu, qu'elle boira le verre d'eau pour lui faire plaisir. Les yeux toujours clos, elle pourrait presque s'endormir, se force pourtant à ouvrir la bouche pour une question qui lui traverse alors l'esprit embrumé, presque embêté.  "Est-ce que tu penses que je vais vivre longtemps ?" Car Fleur, elle préférerait ne pas mourir trop vieille, profiter un peu et puis s'arrêter sur le bas côté, flâner et regarder les autres continuer. Les rides et les mains qui tremblent, ça l'embête un peu, elle a déjà l'impression d'être vieille sous la migraine qui lui perce les tempes, déjà l'impression d'avoir les doigts qui tremblent quand parfois, elle cherche son paquet de cigarette.

La tête tourne, les pensées flous. Accepter d'une main faiblement levée le verre d'eau qu'on lui temps, renifler le liquide transparent comme si par bonheur, elle y retrouvait les senteurs vodka tant attendu.
Déception, Fleur lève un oeil ennuyé sur son ami.e avant de le détourner, tout avaler pour lui faire plaisir dans un soupir épuisé.
Au fond Fleur, est-ce qu'elle veut vraiment décuver.
Au fond Fleur, ça l'ennuierait de passer  plus de temps sobre qu'alcoolisée,
mais elle veut bien lui faire plaisir, s'hydrater de toute l'eau qu'on lui présentera. Faire bonne figure et croiser les doigts dans le dos ; s'armer de faux-semblants, bailler dans le vent.

Elle lae remarque à peine qui s'assoit en face, nargue d'une fumée envoûtante et de cendres plus harmonieuses que n'importe quelles courbes. Elle se souvient à peine de sa question Fleur, hoche la tête un peu trop vite, à lui en donner le tourni.
C'est vrai, elle ne sait pas si elle préfère l'honnêteté ou les mensonges bien ordonnés. Ca ne mérite aucune réponse alors même qu'elle pense avoir oublié sa propre question, les sourcils légèrement froncés. A deux doigts de loucher.

Ah oui, sa propre mort. "J'ai pas trop de soucis à m'faire alors non ?" La conscience, c'était pas trop son truc.
L'inconscience, ça sonne bien mieux aux oreilles comme une berceuse désaccordée, un rythmé rapiécé. Le nez se fronce, Fleur grogne comme un ours et tâte les poches de sa petite robe trop courte à la recherche de son propre paquet de clopes avant de se rendre compte que des poches, elle n'en a pas.
Misérable, Fleur s'immobilise, perfectionne son regard de chiot abattu, lorgne sur la cigarette aux lèvres de Wren sans rien dire de la jalousie qui la ronge.

"J'ai pas peur de crever, j'ai peur de pas crever. C'est horrible, imagine si je reste comme ça jusqu'à la fin des temps et que j'peux pas me réincarner ?" Comme ça, à moisir sur le fauteuil de Wren sans alcool ni cigarette. le regard se perd une nouvelle fois dans le fond de son verre presque vide, une grimace sur le visage épuisé, blasé. "J'ai vu dans un vieux livre qu'il existe des gros blocs de glace quelque part dans l'monde. On peut marcher dessus, c'est comme une île avec des trous au milieu pour tremper les pieds dans l'eau. Ya des ours là-bas, ça a l'air bien." Elle espère juste que dans leurs piscines, il n'y a pas beaucoup de poissons. "Mais la glace ça fond, et si je meurs trop tard et que tout à déjà fondu ? Je vais couler non ?!" Elle écorche certains mots sous l'alcool, relève le regard, un peu paniqué. Ca avait l'air joli sur les dessins, juste du blanc comme un martini à la noix de coco.

Entre les relans coktails et les cils qui papillonnent de fatigue, Fleur a des questions plein la caboche, des idées aux milles saveurs sans pour autant n'avoir de sens. Une enfant qui questionnerait pourquoi pourquoi pourquoi, oui Wren, pourquoi ? Les jambes s'allongent dans l'espace exiguë, l'ours presque prettent a piquer un somme mais la tête pleine a craquer de choses inexpliquées demande réponse et n'en fini pas d'attendre, repousse les bras de Morphée pour s'attarder. Wren a l'air de s'en foutre, Fleur les sourcils froncés sous un factice mécontentement car elle sait bien au fond, qu'elle fait probablement chier tout le monde. Que la dalmatien rêverait peut-être d'être partout ailleurs sauf ici mais Fleur s'accroche, Fleur rampe comme un cafard et se colle à l'espoir des autres pour y planter son désespoir, son ennui, ses mièvreries comme une passoire.  
Fleur, elle dégouline sur le plancher des autres sans nettoyer derrière, s'attarde encore jusqu'à ce qu'on la vire.
Wren ne l'a pas encore viré d'ici ni même de sa vie alors Fleur restera encore un peu, encore un petit peu. Un baillement vient lui décrocher la mâchoire

"Alors c'est une bonne chose non ?" Un air naïf, contente de bientôt, un jour crever Fleur, elle préfère boycotter l'immortalité, se contenter de picoler. Wren a réponse tout et dans son ensommeillement alcoolisé la brune secoue la tête comme si elle etait d'accord car comme t pourrait-il en être autrement. Elle a bien fait de passer ici Fleur, frapper a la porte et venir poser ses questions existentielles, oubliant qu'elle n'a jusque là rien fait d'autre que s'ecrouler et se faire trainer par Barnabé. Mais Barnabé, elle l'aime bien et lui a depuis longtemps pardonné les grimaces exagérées.

Les réponses de l'autre lui font plaisir, la fleur dans un dernier élan s'en va se trainer au bord du fauteuil, tendre un bras, une main pour venir la poser sur celle de Wren qui ne tiendrait pas la clope (aussi tenté sout-elle). La serrer et regarder dans un petit air de chiot abattu. "Oh Wren tu sais pas nager ? Mais c'est horrible !" Elle n'a pas retenu grand chose d'autre, se demande déjà si elle pourrait lae porter sur son dos de gros ours tout du long, si ce n'est pas ça l'éternité, nager sans s'arrêter. "Je te servirai de radeau j'te le promet !" Réellement investi, Fleur vient porter sa main libre a son coeur dans une promesse cruciale. Wren, iel pourra utiliser son corps comme un flotteur et naviguer d'île. C'est un beau rêve et elle veut qu'iel le réalise.

Elle se penche rapidement par dessus son fauteuil, dans une position qui frôle la chute, le torse au dessus du vide pour venir planter un baiser sur le dos de la main de son ami.e.
Wren, c'est encore mieux que les princes et princesses.

Fleur laisserait volontier des ronronnements s'envoler si elle le pouvait, les yeux à moitié clos sous la caresse tendre entre les mèches poisseuse de soda. Wren, c'est un peu tout ; l'autorité, le silence, les bras croisés, le chuchotement amusé. Les caresses dans les cheveux et les canapés partagés quand les paupières restent closes et que Fleur n'a plus la force, pas même pour dire merci. Un petit rire rauque résonne en entendant le doux surnom. Oui Fleur est une fleur, c'est hilarant quand elle y pense (alors elle arrête de penser, ça lui donne le hoquet). Préfère sourire paresseusement des lèvres contre la paume, les yeux plissés d'amusement de voir son ami.e se laisser ainsi aller même si demain, elle aura probablement oublié.

Elle a l'impression d'avoir mille chose à dire mais de ne pas s'en souvenir Fleur, les cils qui papillonnent sous le sommeil, un bâillement sans même lever la main, la tête qui repose contre le canapé, puis les bras de Wren. Elle ne la même pas vu se lever. Un grognement un peu animal (un peu d'ivrogne mais elle n'ose même pas y penser). "J'ai pas sommeil tu sais." Mais c'est juste un murmure, une faible protestation dont les mots à moitié machés ne veulent probablement plus rien dire du tout.
Encore un bâillement et elle s'accroche instinctivement à la grande silhouette qui n'a rien perdu des muscles qu'on façonne en enfer. S'accrocher et se laisser aller ; bercer.

Les draps frais contre la peau, Fleur proteste encore un peu, comme un enfant à qui l'on aurait oublié de raconter l'histoire. Elle a oublié les radeaux, les réincarnations et toute la conversation. Les yeux clos, une main s'accroche encore à la chemise du dalmatien. "Si tu fais des cauchemars tu peux dormir avec moi." D'un ton faible un peu suppliant, presque endormi.
Ca serait bête qu'iel dorme seul.e Wren.
Personne ne devrait avoir à dormir seul.
Mais elle n'attend pas de réponse Fleur, accueille les bras de morphée presque comme le cocktail du soir, avec délectation.